Partie 1
J'attendais patiemment, adossé à ce muret en observant au loin. Je n'avais pas la moindre idée de l'identité de cette personne qui m'avait donné rendez-vous ici. Ça aurait pu être un psychopathe ou un tueur en série qu'en cet instant je ne pouvais pas le savoir. J'avais beau avoir une certaine notoriété, la routine m'ennuyait horriblement et le fait d'avoir une clientèle redondante rendait ce travail, cette passion beaucoup moins jouissive et amusante. La seule piste qui m'hypothétisait son identité était ce morceau de parchemin qui m'était parvenu quelques jours plus tôt.
" Enchanté Monseigneur Kim Taehyung, je suis un membre de la joyeuse troupe et je suis de passage dans votre village pour écrire une pièce.
Votre réputation n'est plus à faire, n'est-ce pas ? Alors, je compte sur vous pour innover avec moi. Pour nous aider à sortir de ce cul-de-sac.
Alors rendez-vous dans trois jours à la frontière de ce village, au coucher du soleil.
Nous serons à cheval et des bérets vous permettront de nous reconnaître.
- J.J "
C'était pour cette raison que j'étais contre ce morceau de pierre à attendre un jeune inconnu, ou un vieillard, que savais-je, j'attendais ce fameux double "J".
Il n'y avait pas tant d'autres informations sur ce papier que j'avais lu en boucle pour être sûr qu'il s'agissait bien d'un message écrit à mon intention.
Le soleil se couchait tranquillement face à moi, laissant son âme sœur la Lune veiller sur ses trésors le temps de son repos.
Il n'y avait pas de doute sur la date, j'avais compté chaque jour et chaque nuit pour m'en assurer.
Alors pourquoi est-ce que la nuit poursuivait sa route sans que l'écho de sabots ne parvienne à mon oreille sensible ?
Avait-il eu un accident ?
Y avait-il eu un malentendu ?
Tant de questions sans réponses tournèrent en boucle dans mon esprit, et alors que j'allais remballer mes quelques affaires, un homme m'apostropha.
— Monseigneur ! Attendez, excusez-moi pour le retard, s'exclama une voix masculine d'un timbre si particulier.
D'un timbre que je n'aurais su décrire même avec toute la volonté du monde.
J'étais un adepte des histoires d'amour dans lesquelles les coups de foudre figuraient régulièrement au premier plan. Plus qu'un adepte, j'étais un professionnel même, puisque j'étais l'un des premiers à les inventer. Mon expertise était irrévocable et ma réputation n'était plus à faire. Or, je ne parvenais pas à décrire quelque chose d'aussi banal qu'une voix. Elle résonnait étrangement en moi, sans que je ne puisse en déceler quoi que ce soit de concret.
— Bonsoir, j'espère que vous avez fait bon voyage. Je suppose que vous devez être fatigués, laissez-moi vous accompagner chez moi, messieurs, leur adressai-je en reprenant mes esprits. J'oubliais, j'ai apporté quelques fruits ainsi que de l'eau pour vos montures en espérant que cela sera suffisant.
Il y avait en effet quelques seaux d'eau et un sac de pommes posés à mes côtés. L'un des hommes, le propriétaire de la voix si spéciale, descendit de son cheval et s'approcha des vivres. Il passa devant moi, laissant son parfum sur son sillage. Il n'avait pas l'odeur d'un homme qui venait de parcourir des kilomètres ce qui semblait être le cas au vu de l'état des chevaux. Au contraire, cela semblait sentir le propre. Mais leurs vêtements usés et plein de boue allaient à l'encontre de chacune de mes hypothèses, se contredisant les unes et les autres.
— Je peux ? prononça l'homme au béret.
— Bien évidemment, ceci est pour vous... je laissais ma phrase en suspens en me rendant compte qu'il ne m'avait toujours pas donné son nom. Comment puis-je m'adresser à vous ?
— Excusez-moi, mais où sont donc passées mes bonnes manières. Jeon Jungkook, me dit-il rapidement.
"Jeon Jungkook" j'avais donc enfin un nom à poser sur ce visage angélique. Rien d'autre. Je posais ma main sur son homologue qu'il me tendait afin de parfaire ces présentations bancales. Sa peau était d'une douceur qui ne m'avait jamais été permis d'effleurer.
Il y avait tant de choses qui se contredisaient chez cet étrange jeune homme mais tous mes doutes s'envolèrent lorsque je le vis récupérer ces vivres avec difficulté pour les emmener vers son précédent emplacement. Comme il y avait des pommes en trop, il en distribua une demie à chacune des personnes qui l'accompagnait et garda la dernière dans le creux de sa main.
Je me mis à l'écart pour leur laisser un tant soit peu d'intimité mais je vis que Jungkook trottinait vers moi.
— Tenez, vous devez avoir faim aussi, non ? Monseigneur, observa-t-il en séparant son fruit en deux.
Il tint son fruit en l'air dans ma direction bien quelques secondes avant que je ne sorte de mon instant de torpeur.
— Mais non voyons, je les ai apportés pour vous. Vous avez fait un long voyage. Mangez donc.
— Je saurais me satisfaire d'une demi-pomme, prenez l'autre moitié, cela apaisera quelque peu ma conscience, je ne voudrais pas profiter de votre hospitalité.
— Si cela peut vous faire plaisir, j'accepte avec joie.
C'était ainsi que cette soirée ne pouvait pas mieux se passer. Du moins je le supposais.
Pendant que les chevaux mangeaient de leur côté, mes clients formaient un cercle en me faisant une place. Je me joignis à eux et les discussions s'enchaînèrent jusqu'à ce que nous tombions tous de fatigue. Par chance je n'habitais pas très loin et Jungkook insista pour que je monte avec lui afin de m'épargner des efforts inutiles.
Je grimpais alors à l'arrière de mon benjamin et encerclais sa taille de mes bras, souhaitant m'épargner une chute inutile. Notre proximité et nos tailles similaires permirent à mon odorat de s'abreuver de cette odeur singulière lorsque mon nez se retrouva dans les cheveux du cavalier.
J'eus un peu de mal à me repérer dans la pénombre, n'osant point avouer que je ne connaissais pas si bien ces quartiers-ci, surtout à une heure si tardive.
Heureusement pour nous, nous arrivâmes à bon port entiers.
Jungkook me sortit de ma torpeur en m'intimant de descendre avant lui, ce que je fis, timidement. Par la suite, je me dirigeais vers l'entrée de mon appartement en leur désignant l'endroit où ils pourraient laisser reposer leurs chevaux au préalable.
Je vivais seul depuis plusieurs années désormais. Je ne savais pas ce que devenaient mes parents, nous étant quittés en mauvais termes je ne tenais pas à réapparaître dans leur vie.
J'insérai ma clef dans la serrure et entendis derrière moi les plaintes de mes nouveaux colocataires. Je leur montrais leur endroit pour dormir et m'excusais pour le manque de place. Puis je m'éclipsai dans ma chambre sans oublier de leur demander de se mettre à leur aise. Que le travail pouvait attendre.
Après avoir pris une bonne douche, je me rendis compte que je n'avais pas sommeil. J'avais beau me tourner encore et encore dans mes draps, je ne parvenais pas à trouver les bras de Morphée. Il m'arrivait souvent de faire des insomnies comme cela, alors je ne forçais pas le processus d'endormissement. Et puis, j'avais souvent des élans créatifs dans ces moments-là, alors j'en profitais.
Je descendis à la cuisine avec quelques feuilles ainsi que de l'encre et une plume. Bien que j'aie lourdement insisté sur le fait que Jungkook et le reste de sa troupe puissent se reposer autant que nécessaire, il n'y avait aucune interdiction pour que je mette d'ores-et-déjà les choses au clair, tout de suite.
J'inscrivis comme si ma destinée entière en dépendait, toutes les idées qui me traversaient l'esprit, sur ces morceaux de papier. Je noircissais ces pages à l'encre de mon cerveau, y déversais le flot d'émotions qui m'avait animé lorsque son odeur m'était parvenue, lorsque son regard s'était ancré dans le mien, lorsque sa peau m'avait effleuré. Là, si proche de moi, quand nous étions littéralement collés l'un à l'autre, sur son attelage.
Était-ce ce que l'on appelait un coup de foudre ?
Avais-je finalement succombé au pouvoir de l'amour ?
Étais-je tombé pour un homme ?
Irrémédiablement ?
Inexorablement ?
Inexplicablement ?
Mon cœur l'avait choisi lui et le reste de mon corps suivait ces sentiers tout tracés.
Mon cœur n'était pas fait de pierre tout compte fait.
Une heure puis deux passèrent, je continuais à écrire sans jamais m'arrêter, et à vider les bouteilles, inlassablement.
— Vous ne dormez pas, Monseigneur ?
Je sursautai au contact d'une main sur mon épaule. Vivement, comme s'il y avait une urgence vitale, je cachais ces feuilles sous mon coude. L'alcool avait complètement brouillé mes réflexes ce qui laissait le loisir à quiconque le voulait de lire.
— Qu'écrivez-vous à une heure si tardive ? me questionna Jungkook en retenant à peine un léger gloussement.
— Avez-vous bu, monsieur Jeon ? renvoyai-je en ignorant son interrogation.
— Ne sommes-nous pas quitte sur ce point-là, Monseigneur ? Qu'est-ce que ce bruit que j'entends jaillir de votre poitrine ?
— Ecoutez-bien et dites-moi ce que vous pensez que c'est.
— J'entends les battements irréguliers de votre cœur. Il blêmit lorsqu'il approcha sa tête de ma poitrine pour confirmer ses dires. Êtes-vous souffrant, Monseigneur ?
— Il ne bat ainsi qu'en votre proximité. Il me prend une envie irrésistible de vous vénérer tout entier, lorsque votre odeur me parvient. Il me prend une envie irrévocable de vous appartenir et de vous protéger lorsque votre voix me parvient. Je ne saurais l'expliquer plus clairement. Vous m'êtes aussi nocif qu'indispensable, Monsieur Jeon.
— Êtes-vous en train de me dire que vous... m'aimez, Monseigneur ? osa-t-il d'une petite voix.
Si peu sûr de ses propos, de sa voix ensorcelante. Pris d'une pulsion soudaine, je ne pus m'empêcher de jouer avec lui. De m'aventurer sur ce terrain glissant, dans les bras de ce presqu'inconnu. L'alcool me privant de mes filtres et de mon bon sens, je déclarai, un léger sourire habillant mon visage
— Laissez mes lèvres confirmer vos paroles, je vous en conjure, je meurs d'envie d'en connaître la moindre saveur.
Timide, mon invité hocha faiblement de la tête. Alors sans plus de suspens, je laissais mes lèvres succomber à leur désir et rejoindre leur jumelle.
Elles s'engagèrent dans une danse endiablée quoique d'abord légère. Il n'y avait de mot pour exprimer l'explosion de sentiments qui naissait sur nos palais respectifs.
Instinctivement, ma main se leva pour se placer derrière la nuque de mon benjamin tandis que la sienne se posa dans le creux de mes reins.
Ce baiser, cette connexion animique, dura tant que l'air ne nous manquait pas. Je suppliai nos cerveaux pour qu'ils n'en réclament pas car je savais au fond de moi, que, dès l'instant même où nous nous séparerions, la magie cesserait d'opérer et tout redeviendrait comme s'il ne s'était rien passé.
Comme nous ne pouvions éviter l'inévitable, nous dûmes nous séparer afin de reremplir nos poumons. Les joues de mon cadet étaient rouge pivoine causée par l'alcool précédemment ingurgité ainsi qu'une possibilité de timidité et dans le peu de lucidité que je parvenais à déchiffrer dans ses pupilles, une culpabilité infinie s'y lisait.
Il s'enfuit sans un mot vers sa chambre, me laissant pantelant au milieu de ma cuisine. Mes deux doigts se posèrent sur mes lippes comme pour me prouver que je ne venais pas de rêver ce contact si nécessiteux, et retournais à mon tour dans mes appartements espérant férocement que cette infamie que j'avais aperçu dans son regard n'était que le fruit de mon imagination.
***
Je me levais avec un mal de tête mais j'avais envie de dire que c'était quelque chose d'assez fréquent, de routinier. J'étais quelqu'un qui pouvait facilement vivre des insomnies, une défense naturelle de mon corps pour ne pas laisser fuir l'essence créative. Je n'entendais personne vivre dans ma maison et me demandais si ce qu'il s'était passé la veille n'était pas un rêve. Être un artiste signifiait être constamment dans un monde parallèle, qui peut nous poursuivre jusque dans le monde onirique.
Inconsciemment je me touchais le bout des lèvres avec mes deux doigts en repensant à cette divine sensation. Le souvenir de ce contact me semblait bien trop réel pour que ce ne soit qu'un rêve.
Maudis ou bénis, je ne savais plus vers quel côté la balance devait pencher à ce moment-là. J'imaginais souvent un monde dans lequel les tabous de la réalité n'existeraient pas. Dans lequel, homme comme femme, tout le monde serait égal et aurait accès au travail sans dépendre de quiconque. Dans lequel, le cœur aurait son mot à dire sur la personne à aimer, qu'importait son genre puisqu'un organe n'avait pas de sexe. Dans lequel, la hiérarchisation des gens n'aurait plus aucune importance, la descendance n'aurait plus la main là-dessus, l'héritage n'en serait rien car il se construirait sur la valeur et les capacités de chacun. Je rêvais simplement d'un monde meilleur, d'un monde de paix, d'un monde sans peine, d'un monde sans guerre.
A la suite de cette profonde et banale réflexion, je repoussais la couverture qui couvrait encore mes jambes et descendis à la cuisine me préparer un café. Une douce odeur déjà planait dans l'air me confirmant que je n'étais définitivement pas seul chez moi.
Jeon Jungkook était dans ma cuisine.
Première constatation.
Il n'était vêtu que d'un caleçon.
Seconde constatation.
Et était en train de se préparer un café. Avec mes outils.
Troisième et dernière constatation.
Heureusement que le chambranle de la porte était là pour me rattraper ou bien je me serais échoué au sol.
Serais-je toujours émergé dans un rêve ?
J'avais dû produire un son de surprise puisque l'homme se retourna vivement face à moi.
— Oh, Monseigneur, je ne vous avais pas entendu arriver. Vous allez bien, vous êtes bien pâle, me salua-t-il en ayant de légères rougeurs sur les joues.
— Euhhhh... oui. Tout va très bien, ne vous en faites pas, Monsieur. Avez-vous passé une bonne nuit ?
— Oui, merci beaucoup pour votre hospitalité. Je vais tâcher de trouver un endroit où coucher avec mes compagnons rapidement. Je- je suis désolé de me présenter à vous dans cette tenue. Je m'en vais de ce pas pour enfiler quelque chose de plus... décent. Ah, et j'oubliais, il reste encore du café. N'hésitez pas.
Le café n'était accessible qu'aux personnes avec un minimum de ressources. Comment connaissait-il l'existence même de cette boisson. Tout semblait me faire voir qu'il n'était pas ce qu'il prétendait être. Mais je ne parvenais pas à mettre le doigt sur qui il était réellement. Ou bien, je ne le voulais pas...
— Monsieur... votr- je n'eus pas le temps de conclure ma phrase qu'il avait déjà disparu dans le couloir en direction de sa couche.
Si je n'avais pas tant eu besoin de m'abreuver de cette boisson dont je ne pouvais me passer, je l'aurais suivi afin de lui rendre sa tasse bouillante. Je haussais nonchalamment des épaules tout en riant intérieurement de l'absurdité de la situation. Je paraissais si détaché de l'extérieur alors que j'avais, quelques minutes plus tôt, espéré qu'il se passe quelque chose. Que Jungkook tente quelque chose qui confirmerait la réciprocité de mes sentiments, mais au lieu de cela, il avait fui.
Je posais le contenant dans le lavabo avant de me laver les mains et de remonter dans mes appartements, me préparer. J'avais décidé de descendre au coin de la rue pour acheter une baguette de pain à partager au petit déjeuner avec ces inconnus qui n'avaient pas, même une seconde durant, hésité à m'inclure dans leur groupe d'amis. C'était là, ma manière de les remercier de me faire confiance.
C'était bien la seule spécialité française qui me manquait quand j'avais décidé de tout quitter. Mais heureusement pour moi, à quelques pas de mon appartement véronnois, se trouvait une boulangerie tenue par une famille française, comme moi, qui avait apporté leur savoir-faire jusqu'en Italie, pour mon plus grand plaisir.
Lorsque je revins, chacune des 7 personnes que j'avais ramené chez moi s'était apprêtée. J'avais eu le temps de faire connaissance avec eux, la veille, mais ce n'était pas folichon puisque je demeurais dans l'incapacité de les nommer un à un.
Dans ce groupe, la première chose qui m'avait frappé était la présence d'une femme dans leur groupe. Lalisa Monobal. Apparemment ils l'avaient croisé au détour d'un chemin et son histoire leur avait pas mal plu. Il n'y avait que de profondes raisons liées au recrutement de chacun.
Ils étaient tous entassés dans mon petit salon, à jouer à divers jeux qu'ils avaient trouvés dans mes placards, probablement.
— Mon jeu préféré est et restera toujours les échecs, déclarai-je en pénétrant dans la pièce. C'est tellement passionnant et il y a tellement de coups possibles qu'aucune partie ne peut se ressembler.
De l'agitation se fit entendre dans la pièce à vivre. De l'empressement. Comme s'ils se délectaient d'avance du pain frais que je tenais entre mes mains.
Tous se dirigèrent vers moi, en ayant presque de la salive au bord des lèvres. Ils savaient cependant se tenir à une distance convenable, pendus à mes lèvres, attendant que je dis quelque chose, que j'amorce une quelconque chose.
— Et si nous continuions notre discussion d'hier soir autour d'une baguette de pain afin de nous remplir l'estomac ? proposai-je par la suite. Je suis affamé.
— Bonne idée, Monseigneur, répondit aussitôt un homme plutôt baraqué, Kim Namjoon. Mais il avait une attitude toute douce qui contrastait avec ce physique un peu effrayant.
J'allais à la cuisine chercher de quoi rendre ces tartines meilleures. J'étais de ceux qui possédaient une quantité hallucinante de produits. Beurre, confitures, fruits, il y en avait pour tous les goûts.
J'avais laissé tout cela sur la table à manger comme un genre de buffet et nous nous installâmes en rond dans la pièce à vivre, chacun se levant pour préparer sa tartine.
On me laissa y aller en premier, avant qu'il ne laisse Lisa, la petite princesse du groupe, et puis les six garçons allèrent s'approvisionner sans qu'il y ait un réel ordre.
Quand ils revinrent à leur place, muni de leur petit déjeuner, je remarquai l'absence de l'un d'eux. Voyant que tout le monde était occupé à la discussion pour ne serait-ce que relever ce détail, je m'en allais moi-même voir ce qu'il se passait.
Appuyé contre le chambranle de la porte (comme plus tôt dans la matinée) j'observais mon cadet qui se trouvait dos à moi (comme plus tôt dans la matinée) hélas, pour mon plus grand malheur, il était, cette fois-ci, vêtu.
Je l'observais en me demandant s'il sentait mon regard dans son dos. Si c'était le cas, il ne sentirait que la malice de mes traits, la moquerie dans mon sourire, la tendresse dans mon regard.
J'étais tiraillé entre l'envie de capturer chaque détail de son acharnement et celle de lui venir en aide. Il n'y avait là, pas une once de doute dans mon cœur, il m'était impensable de le laisser galérer.
Je fis quelque pas dans sa direction et lui pris ses ustensiles et sa tartine des mains. Il me regarda avec un de ces regards perdus qui donnait envie à quiconque de se mettre à genoux pour lui offrir un monde meilleur.
Il y avait tant d'innocence et de naïveté dans ses pupilles que je n'avais qu'une envie, l'emmener dans ma poche jusqu'à atteindre une terre dénuée de toutes traces d'animosité.
— N'avez-vous donc jamais mangé de tartines grillées ?
— Non, Monseigneur, je n'ai jamais eu l'occasion d'en goûter.
Ses yeux avaient perdu un peu de leur éclat à la prononciation de cette phrase. Me mentait-il ?
Probablement.
— Les miennes seront alors les meilleures que vous mangerez de toute votre vie, alors. Installez vous avec vos compagnons, j'arrive.
— Bien.
Il partit silencieusement en direction du salon, et j'entendis de légères conversations, des voix confuses desquelles un plaisir immense transparaissait. Je le suivis peu de temps après.
— Et voilà, le petit déjeuner est servi, mon prince, plaisantai-je.
Je posais devant lui une assiette avec trois tartines, chacune vêtue d'un habillage différent, pour que Jungkook puisse se saisir de toutes ces saveurs.
Tous se turent à ces mots comme si j'avais annoncé que je souhaitais tuer la famille royale. Pourquoi dramatisaient-ils tellement la chose ? A croire que Jungkook était un prétendant au trône.
Même Jimin assis juste à côté de Jungkook perdit son sourire, je le vis presque blêmir alors que j'étais persuadé que ce n'était pas son genre.
Avais-je dit quelque chose de si grave ?
Attendez, un prétendant au trône ?
Cela ferait concorder bien des choses que j'avais pu relever. Il s'agirait d'une réponse unique à plusieurs de mes interrogations.
Mais par quel coup du hasard cela aurait-il pu se passer ainsi. Que je cache un héritier de la Couronne sous mon toit. Autant me dire que j'étais l'Héritier en question pendant qu'on y était.
— Auriez-vous vu un fantôme, chers amis, reprenons le cours des choses, je vous prie, paniquais-je.
Avais-je dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?
Comme rassurés, chacun prit un temps pour expirer profondément. Ensuite, les discussions reprirent de plus belle avec encore plus d'entrain. Il n'y avait plus aucune trace de ma précédente gaffe.
Après ce petit déjeuner, j'allais chercher les quelques notes de la veille ainsi que leur croquis. J'avais beau avoir ingéré de l'alcool à ce moment-là, mon esprit vif se souvenait de chaque détail de la soirée précédente. Tous les détails, même ceux que j'aurais préféré oublier.
— Bon, eh bien. Je n'arrivais pas à trouver le sommeil hier soir, alors j'ai préféré optimiser mon temps pour avancer sur le projet, expliquais-je en étalant une dizaine de feuilles au milieu du cercle que nous formions. Il y a certes du texte tels que des dialogues et des descriptions de lieu, mais pour mieux illustrer ces dernières j'ai pris l'initiative d'en griffonner l'image afin que vous puissiez vous les imaginer plus précisément.
Je n'aimais pas particulièrement rester dans la même pièce que tout le monde lorsque ces mêmes personnes passaient au peigne fin, mon travail. Je n'aimais pas cela. Alors je fuyais le jugement que je pourrais ressentir. Même en repensant aux raisons pour lesquelles je m'étais isolé, j'avais pris mon indépendance, je ne supportais pas le poids des critiques aussi bien que je le pensais et je préférais m'en protéger lorsque la moindre occasion se présentait.
— Monseigneur...
Le silence fut brisé en même temps que mon brouhaha intérieur s'interrompit. Si bon nombre de personnes trouvait que penser en permanence était une qualité à avoir, si ce n'était un don des cieux. En réalité, je le vivais comme un calvaire, un boulet à mon pied, comme le treizième travail d'Hercule.
— Quelque chose ne vous convient-il pas ? Voulez-vous me demander des modifications ?
— Non, pas du tout. Enfin pas exactement. Il s'agit là de précisions. Je voudrais savoir, avez-vous pensé à quelqu'un en griffonnant ces mots ? Cet amour-là qui existe entre Roméo et Juliette semble aussi fort que leur relation est proscrite. Mais ne dit-on pas que ce sentiment est tellement puissant qu'il surpasse tout ? Que ce soient les lois ou les mœurs ?
— Oui, dis-je simplement avant de compléter ma réponse. Oui j'ai pensé à quelqu'un en inscrivant ces mots.
Et ce quelqu'un n'est nul autre que toi, Jeon Jungkook.
— Puis-je me permettre de vous demander de me décrire ce sentiment qui les lie autant qu'il vous lie avec cette personne qui semble hanter votre esprit ?
— Me demandez-vous de vous parler d'amour ?
— Oui, vous êtes un professionnel en la matière, n'est-ce pas ? C'est bien pour cette raison que je suis venu vous trouver, non ?
— Evidemment, mais pour être honnête, je suis moi-même incapable de le définir correctement.
— Alors ne soyez-pas correct, Monseigneur. Exposez-moi le fond de votre pensée sans la tisser au préalable.
— Eh bien, en mon sens, il en existe plusieurs types. L'amour immédiat que je suis actuellement en train de vivre, celui qui vous crie au premier contact que c'est le bon. L'amour passionnel qui embrase les concernés à un point qui en devient presque toxique puisque l'un ne peut vivre sans la proximité de l'autre. Mais il y a aussi l'amour déséquilibré, quand l'investissement n'est pas égal à un point où lorsque l'être aimé s'en va, vous vous trouvez désorienté, le centre de gravité parti en emmenant votre monde avec. L'amour réciproque est beau, Jungkook, mais avant de le trouver il va falloir en faire du chemin. Parce qu'on ne peut savoir si c'est le bon que si la fin décide de pointer le bout de son nez. L'amour réciproque sur le long terme est aussi beau qu'il est rare et celui-ci se vit d'une manière différente d'un individu à un autre. Je n'ai effleuré que la surface de ce vaste sujet car vous êtes jeune encore Jungkook, vous allez avoir le temps d'en découvrir des choses. Souvenez-vous, il n'y a qu'en tombant que vous pourrez apprendre, que vous pourrez vous relever en étant plus fort.
— Mmmh, je vois. Merci beaucoup, Monseigneur... fit-il simplement. Si vous le permettez, je vais me retirer pour méditer vos mots. Merci encore.
D'un mouvement gracieux du talon, il s'en alla, rétablissant le silence de la pièce et le capharnaüm dans mon cerveau...
***
Je me baladais dans les rues de Vérone, mon carnet à la main, mon stylo à l'autre. Je prenais le temps d'examiner les décors pour être capable de les reproduire chez moi. Je souhaitais qu'ils soient le plus fidèle possible à cette ville qui m'avait accueilli. Pour qu'à tout jamais je rende honneur à son titre de "ville de l'amour".
Je rentrais les idées plein la tête, les croquis plein les mains. J'avais hâte d'en finir avec cela, pour enfin taire ces sentiments qui n'avaient pas leur place dans la société d'aujourd'hui. Je n'avais qu'à leur écrire puis leur apprendre la pièce, récupérer mon dû et disparaître dans le brouillard, non ?
Avec une motivation que je ne me connaissais pas, je passais le reste de l'après-midi à peaufiner les détails, intimement persuadé que quoique je décide de leur produire, ils l'accepteraient. Cela s'était toujours passé ainsi, je ne leur avais demandé leur avis que pour la forme, j'avais conscience de mon talent, ce n'était en aucun cas de l'égocentrisme.
Un prétendant au trône. Un héritier royal. Un prince.
Ces mots ne cessèrent de résonner dans ma boîte crânienne.
Non mais c'était ridicule voyons.
— Bon, eh bien si nous commencions ? Avez-vous le scénario en tête ? demandai-je afin de rompre ce léger vacarme que mes compagnons faisaient dans mon salon.
Alors que tout le monde hochait de la tête à mes mots, je poursuivis.
— Bien je viens de me promener dans les rues de Vérone, j'y ai trouvé quelques éléments de décors. Je ne localise pas forcément la pièce ici, mais il y a fort de la matière pour encadrer ce projet. Vous suivez ?
Je poursuivis après avoir reçu de chacun un hochement de tête comme affirmation.
— Bien, j'avais pensé que ce serait davantage un spectacle pour les oreilles qu'un spectacle pour les yeux. Il y aura bien entendu du budget dans les costumes et décors mais ce ne sera aucunement notre priorité. Au contraire, dans les jours qui suivront nous nous attarderons davantage sur les dialogues ainsi que sur les échanges en général.
J'obtins d'eux un second accord. J'avais quasiment carte blanche sur ce projet. Il fallait maintenant que je réfléchisse à comment je pourrais opposer ces deux familles de manière visible sur un espace si restreint.
Puis, j'eus l'idée de créer des badges à l'effigie de leur famille. Ainsi pour les Montaigu, il y aurait une chaîne de montagne en guise de signe de reconnaissance et pour les Capulet une bâche, à l'image de celles que portaient les femmes qui souhaitaient se rendre d'un lieu à un autre en toute discrétion.
***
Pendant les jours qui suivirent, j'appris à faire davantage connaissance avec chacun de mes invités. Pour possiblement rester au plus loin du plus jeune afin de me préserver des palpitations de mon cœur. Je ne saurais dire si de son côté, il en était de même. S'il cherchait délibérément à m'éviter pour me simplifier la tâche, ou s'il ressentait la même chose pour moi.
Je passais le plus clair de mon temps avec Jimin. Je ne m'étais pas trompé sur lui, mon instinct m'avait dicté que c'était un être indépendant qui n'avait pas peur de s'exprimer.
Mais alors, pourquoi avait-il ainsi blêmi ?
Nous étions proches l'un de l'autre puisqu'aucun de nous ne répondait aux critères de la société. Il s'était lui aussi dirigé dans une voie artistique, il avait simplement décidé de suivre son cœur. Il n'avait pas accepté le sort que ses parents lui avaient imposé. Non. Il avait décidé de s'écouter lui. Et depuis il s'en sortait très bien dans son rôle du troubadour.
Il m'avait confié que chaque membre de sa troupe avait sur son corps un tatouage plus ou moins discret. Je ne savais pas d'où il me sortait ces informations car je n'avais jamais entendu parler de tatouages. C'était un concept étrange qui ne me laissait cependant pas indifférent, l'idée d'avoir une œuvre d'art imprimée de façon indélébile sur mon épiderme ne me déplaisait pas.
Jimin avait choisi d'encrer sur sa peau les différentes faces de la lune dans le dos. Elles prenaient la place qu'il fallait pour ne pas passer inaperçues mais la finesse des traits montrait un travail d'orfèvre.
Jimin avait des tendances à sortir des codes. Il n'était pas le genre de personnes à envier les autres. Au contraire, les autres se retournaient à son passage sur son style singulier qui faisait son charme. Il n'avait aucun mal à ramener des demoiselles dans sa couche, m'avait-il aussi confié, hilare.
Il était tout le contraire de son ami Jungkook. Contre mon gré, il revenait toujours à la charge que sa personne soit proche ou non de la mienne. Celui-ci s'avérait plus renfermé, moins confiant. Il n'avait aucune envie de se faire remarquer et se fondait alors dans la masse.
C'était les deux personnes dont le portrait que j'avais dressé était le plus précis. Namjoon m'inspirait toujours un léger sentiment de peur, tout comme Seokjin, et Yoongi, il restait dans son coin. Quant à Hoseok, il était un véritable rayon de soleil qui sortait dès qu'il le pouvait et rendait service lorsque l'occasion se présentait à lui.
Et enfin, Lalisa. Elle était la plus jeune après Jungkook, et à mon avis en tant qu'unique femme, elle était couvée par tous les hommes. Tout comme son aîné, Hoseok et elle se complétaient et se ressemblaient.
***
J'avais fait en sorte que les préparatifs aillent très vite jusqu'au début des répétitions. Et c'était chose faite puisqu'à peine une semaine après mes repérages, nous étions fin prêts à nous glisser dans la peau de nos personnages pour parfaire au maximum ce spectacle que nous jouerions devant des dizaines voire des centaines d'inconnus.
De plus, Jungkook et ses compagnons avaient trouvé avec une sombre technique sortie de je ne savais où, un logement suffisamment grand pour eux sept dans une habitation pas bien loin de la mienne. A l'aveugle, je dirais qu'elle se trouvait à environ huit cent mètres de chez moi.
Alors nous ne nous voyions pas tous les jours et c'était presque tant mieux. Si ce n'était Jimin qui venait me voir presque chaque jour comme s'il ne pouvait dorénavant plus se passer de ma présence.
— Bien, Jimin, nous sommes fin prêts à démarrer ces répétitions. J'espère que vous connaissez tous vos textes par cœur, affirmais-je d'un ton sûr de moi lorsqu'il passa me voir pour la première fois.
— Ou-i-i, enfin non, enfin. Presque.
— Presque ? Mais tu m'avais annoncé que vous les connaissiez tous sur le bout des doigts, m'aurais-tu menti ?
— Non, bien sûr que non. Jamais je ne te mentirai. C'est juste que Jungkook a attrapé froid.
— Je t'avais prévenu de l'averse qui tomberait hier. Et tu m'avais assuré qu'aucun de vous ne sortirait de la maison de la nuit.
— Oui, bon, personne ne l'avait vu passer par la porte arrière. Il a sûrement été dans une de ces tavernes pour boire jusqu'à étanchéité et est rentré à pas d'heure. La seule chose qui est importante est qu'il est actuellement hors services alors nous devrons nous passer de lui le temps qu'il se remette sur pied.
— Combien de temps ?
— L'affaire d'une journée ou deux, je te promets que tout ira bien, Tae.
J'étais un peu agacé par ce changement de programme mais il fallait bien que je fasse avec. Je n'allais tout de même pas le laisser répéter avec nous alors qu'il ne tient pas debout.
— Bon, alors j'espère que votre petit protégé apprend vite. Quant à nous, nous n'avons pas de temps à perdre, maugréai-je, plus inquiet qu'agacé.
***
Le lendemain, l'équipe m'attendit presqu'au complet à six heures tapantes en bas de chez moi. Je n'étais pas parvenu à trouver le sommeil la veille, bien plus préoccupé par le froid qu'avait attrapé Jungkook que je ne souhaitais me l'avouer.
En vain, j'avais tourné en boucle dans mon lit, en vain. J'avais alors abandonné cette recherche des bras de Morphée. Je m'étais levé, même si je n'avais aucun élan créatif qui me parcourait les veines.
Je m'étais rapidement vêtu pour ne pas attraper froid et sortis de chez moi.
A l'extérieur, les rues étaient désertes. Chacun préférait rester chez soi à la lueur des bougies. J'en avais profité pour me faufiler dans les avenues vides d'âmes pour me poser dans une clairière loin du désordre des hommes.
Je m'étais installé à même l'herbe et avait posé ma bière à mes côtés. Je sentais les minuscules gouttes qui s'étaient formées sur le gazon, se coller à mes vêtements, les humidifiant sans peine.
Quand l'averse était devenue plus forte, je m'étais empressé de rentrer et attendre l'heure de rendez-vous. Sans jamais trouver le sommeil. Sans jamais trouver la paix.
Et c'était ainsi que je me retrouvais à devoir prendre du café par intraveineuse pour espérer tenir toute la journée, ou au moins, le temps de la répétition.
***
Au bout d'un certain temps, il n'y avait plus rien à faire. J'avais pris la place de Jungkook pour permettre au reste de la troupe de pouvoir retenir en prévisualisant les différentes scènes au plus vite.
Je n'avais pas d'autres choix que d'interpréter ce personnage puisqu'il occupait cette place centrale dans l'histoire mais je lui en voulais tellement...
Je lui en voulais tellement de ne pas savoir prendre soin de lui.
Je lui en voulais tellement de s'immiscer ainsi dans mes pensées.
Je lui en voulais tellement de ne pas vouloir me laisser en paix.
Mais je m'en voulais à moi, d'être tombé amoureux de la seule personne que je ne saurais jamais aimer.
Parce qu'en mon fort intérieur, je savais que nous n'étions pas compatibles.
Que l'inatteignable nous séparait.
Que l'intangible nous éloignait.
Que l'impossible nous guettait.
Quand l'imprévisible nous réunirait, au fond de moi, j'en restais persuadé.
***
Sans que je ne puisse me concerter avec mon cerveau, mes jambes me conduisirent ailleurs après les répétitions. Elles me menèrent à ce logement si évident, là où je savais que ma place était. L'endroit qui abritait en son sein, le porteur de tous mes secrets.
Je m'étais laissé porter ici, contre mon gré. Là, auprès de ma belle muse. Pour toujours et à jamais, dans la santé et dans la maladie. J'avais besoin d'être auprès de lui.
Alors que mes yeux étaient restés accrochés à mes pieds, je n'osais pas lever le regard.
— Monseigneur Taehyung, que faites-vous donc ici ?
Sa voix de velours me parvint aux oreilles, je pensais la rêver aux premiers abords.
— Jungkook... n'êtes-vous donc pas souffrant ?
— Je ne faisais que prendre l'air. Vous savez, histoire de confirmer les bienfaits que l'air frais a sur le corps.
— Jungkook, je ne vois pas vos mains trembler et ne retrouve pas cette nuance de rouge sur vos joues. Pourquoi est-ce que votre voix ne porte-t-elle en son centre, ces tremblements si déterminants de la souffrance ?
Les doutes m'emparaient, là, à l'instant, rien ne me retenait de monter le rejoindre. Voir si mes prières aux cieux avaient été exaucées.
— Partez, je reviendrai demain. Je vous le promets. Remplacez-moi donc par mon amie Lisa, l'alchimie entre vous deux est si tangible.
Lisa ? Je demeurais sûr et certain que je n'avais rien fait avec cette demoiselle. Quand bien même elle était d'un charme sans égal, elle ne m'intéressait pas. Comment pouvions-nous voir une autre pierre précieuse lorsque le diamant le plus brut se montrait à nous ?
Ce n'était décemment pas possible...
— Êtes-vous réellement souffrant, Monsieur Jungkook. J'ai le sentiment que vous nous avez menés en bateau. Qu'en fait, malgré vos enfantillages, vous allez très bien. Pourquoi ?
— Je vais être honnête avec vous...
Je n'étais pas préparé à ce que ces mots sortent de ses lèvres pécheuses, ni à ce qu'il s'interrompe en plein dans ton élan. Je n'aurais jamais été préparé à cela. Comment ?
Comment l'être lorsque mon organe vital se tord d'impatience dans ma poitrine ?
Comment l'être lorsque mille et unes de mes créations se battaient dans mon cerveau, s'auto persuadant que ce serait son scénario qui se réaliserait ?
Comment l'être lorsque je me retrouvais face à lui, tout simplement...
— Attendez, s'il vous plaît Monsieur Jungkook, permettez-moi de monter vous rejoindre. Je vous en conjure.
Chaque seconde passée loin de vous me consume à petits feux...
— Non. Vous ne pouvez pas, je ne vous le permets pas, Monseigneur... je suis navré mais vous ne pouvez pas monter. Pas depuis que j'ai compris que vous vous êtes pris de passion pour moi.
Un coup en plein dans la poitrine...
— Que souhaitiez-vous me dire alors ? Je vous écoute, lui répondis-je la voix en vrac.
— De ne plus rien tenter, Monseigneur. Je pense qu'il ne nous restera pas tant de répétitions que cela avant de la jouer devant autrui. Alors tout se passera ainsi, nous répétons tranquillement et quand ce sera fait, nous partirons vers un ailleurs plus prometteur.
Un deuxième coup en plein dans la poitrine...
— J'ai énormément d'affection pour vous, Monseigneur Taehyung, mais je dois préserver mon cœur avant qu'il ne tombe en vrac comme le vôtre. Parce que dans tous les cas, je m'en irai. Et nous ne nous reverrions jamais.
— Bien, bonne nuit Jungkook. Nous nous reverrons demain, me résignai-je en tournant des talons pour rentrer chez moi.
Je savais qu'il ne connaissait rien à l'amour, mais s'il le savait réciproque, pourquoi s'en privait-il ?
Je ne pouvais pas supporter cela.
J'entendais mon cœur pulser de désapprobation dans ma poitrine.
Hurler au désespoir avec une envie de s'éteindre.
Pourquoi cela fait-il si mal de se faire rejeter ?
Mais savoir qu'il avait préféré blesser mon âme pour préserver la sienne me faisait encore plus de mal...
Pourquoi ne s'autorise-t-il pas l'accès au bonheur avec moi ?
Cette dernière phrase qu'il avait prononcé dans un souffle tourna en boucle dans ma tête et ses échos se répercutaient dans mon cœur, toujours à l'agonie.
Parce que dans tous les cas, je m'en irai. Et nous ne nous reverrions jamais.
Alors notre histoire s'achèverait ainsi ? Par son départ sans tenter quoi que ce soit d'autre ?
Je ne pouvais pas l'accepter.
Je ne voulais pas l'accepter...
Jungkook, je vous en supplie, sortez de ma tête.
Sortez de mon cœur.
Je m'endormis cette nuit, le cœur en miette, mais en contrepartie, j'avais une détermination de fer. Je souhaitais de tout mon cœur, le dépêtrer de ses préjugés, lui montrer la beauté du monde...
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