• CHAPITRE VIII •
05 mai 1971, France, Paris
Ce jour était un jour vraiment spécial pour moi. Je recevais la visite de ma grande sœur. Elle revenait de Londres où elle avait fait des études en médecine. Elle m'avait énormément manqué...
Nous comptions fêter sa réussite et nos retrouvailles à l'appartement, Marie, elle et moi. J'avais acheté trois plats de fête chez un des meilleurs restaurateurs de la ville et du Lafon Rochet de 1945*. Tout cela m'avait coûté une petite fortune mais que ne pouvais-je pas faire pour celle qui était non seulement ma sœur mais aussi ma meilleure amie ?
Ainsi, nous savourions le vin et riions des péripéties d'Eve, ma sœur, en Angleterre en attendant la livraison des plats commandés.
C'est alors que le téléphone sonna. Le concierge me prévenait de l'arrivé de ma commande. J'étais donc descendu pour aller récupérer la nourriture. Environ cinq minutes plus tard, j'étais déjà de retour dans l'appartement, les bras chargés.
Je jure que j'aurai préféré ne jamais avoir eu à assister à une telle scène...
Marie était debout, regardant la rue en dessous par la baie vitrée du salon, un verre de ce qui me semblait être du jus de fruits dans la main, faisant tournoyer le contenu. Je l'interrogeais mais elle ne répondait pas. Je me rendis alors dans la salle à manger où j'avais laissé Eve, quelques minutes plus tôt. Mais, à la vue d'une Eve convulsant au sol, je déposai précipitamment le repas sur la grande table à manger et pris son visage entre mes mains.
« Eve ! Eve ! Marie, bon sang, que s'est-il passé ! »
Marie s'approcha doucement et me répondit d'une voix calme.
« - Oh, ceci ? C'est juste que je lui ai servi un cocktail fait maison, mais je crois qu'un de mes ingrédients secrets passe mal...
- Marie, non, non !
- Au fait, mon cœur, tu as dix secondes pour la sauver avant qu'il ne soit trop tard.
- Marie, je n'ai pas le temps de jouer !
- Si tu trouve le mot, je te donne l'antidote. Il commence par un C. »
J'avais l'impression de devenir fou. L'impression que l'inquiétude et la rage étaient en train de me serrer le cou.
« - Cerise, chocolat ?
- Non.
- Chanvre, cire de bougie, cannabis, cocaïne ?
- Voyons, fait des efforts mon amour.
- Marie, bon dieu, elle va mourir ! »
C'est alors qu'Eve, entre mes mains, lentement, arrêta de convulser et laissa le poids de sa tête retomber entièrement sur ces dernières. Ce fut le seul cadeau qu'elle me donna : son visage inerte et ses tendres paupières à demi fermées.
« Oups. »
Je me levai alors d'un bond, la tête entre mes mains, les yeux complètement humides.
« - Marie... Marie... Mais pourquoi !
- Tu me demande pourquoi ?... Vraiment ! Tu crois que je n'ai pas vu comment tu l'avais enlacé à son arrivée ? Comment tu la regardais !
- Mais... c'était ma sœur !
- Même si elle était ta mère j'aurai agit de la même façon ! »
Un moment de silence s'installa entre nous. Nous nous regardions droit dans les yeux. Puis, comme si j'avais eu une révélation, je repris.
« - Je n'en peux plus. Marie, je... Je n'y arriverai pas.
- Que dis-tu là ? Bien-sûr que si. Tu ne peux pas me trahir. »
Je me contentai de secouer la tête en guise de réponse et me dirigeai vers la sortie avant qu'elle ne m'arrête en se jetant sur mon torse, les bras écartés.
« Non, tu ne peux pas me faire ça. Tu ne peux pas m'abandonner. Je t'aime, tu comprends ! »
J'étais dans tous mes états. Je ne la supportais plus. Je l'avais écarté de mon passage. Mais, avant que je n'ai le temps d'ouvrir la porte, elle se précipita sur moi de nouveau, un couteau de cuisine à la main, et entailla le côté intérieur de mon poignet gauche. Elle me poussa ensuite contre un mur. Sans réfléchir, me sentant complètement abattu, je me laissais glisser le long de celui-ci, finissant par m'asseoir au sol. Elle vint prendre place près de moi. Elle m'observa une bonne minute avant de s'entailler elle-même le poignet au même endroit. Doucement, elle approcha ensuite son poignet blessé du mien et laissa couler quelques goûtes de son sang sur ma blessure.
« Maybe for others, love's just a fairy tale.
Maybe for others, love's just a fail.
Maybe for others, love's such a hell.
But, for us, love's womb-to-tomb... » **
Je m'assoupis en peu de temps au son de sa voix mêlé à celui des gouttes de notre sang tombant en rythme sur le plancher.
À mon réveil, le corps de ma sœur n'était plus là. Marie non-plus.
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* : designe le « Château Lafon Rochet ». Marque de vin bordelais. L'année 1945 fut l'une des meilleures pour cette région puisqu'elle réfère à l'un des apogées du bon goût. Le Lafon Rochet 1945 aux raisins rouges fait partie des meilleurs vins français.
** : chanson en anglais.
Peut-être que pour les autres, l'amour n'est qu'un conte de fées.
Peut-être que pour les autres, l'amour n'est qu'une erreur.
Peut-être que pour les autres, l'amour est tel un enfer.
Mais, pour nous, l'amour est de la naissance à la mort.
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