chapitre 6
L'haleine brûlante de l'Alpha me caresse le cou au fur et à mesure que celui-ci s'approche de moi. Il pince les lèvres, s'apprêtant à m'annoncer ses plans diaboliques. Un rire s'échappe de sa bouche face à ma réplique remplie de désespoir. Sa barbe noire a été taillée avec soin, lui donnant un air encore plus diabolique.
Son éternel sourire sadique ne quitte pas une seule seconde son visage dont la beauté surhumaine attirerait la sympathie de chacun. Je me demande si c'est peut-être grâce à cela qu'il est là où il est à présent. Peut-être bien. Malheureusement, les gens font plus facilement confiance à ceux qui ont une belle apparence.
Je ne me mouvois pas, ayant bien trop mal partout pour pouvoir protester face à ses manœuvres des plus déconcertantes. Je croyais qu'il allait me blesser encore plus après ma réponse des plus irrespectueuses. Pourtant, cela semble plus l'amuser qu'autre chose.
Je décide de l'écouter, abattue par les différents événements horrifiants qui viennent tout juste de se produire. Une seule chose me vient à l'esprit: j'ai échouée. Plus personne n'est là pour m'aider à présent. Pas que quiconque l'ait un jour été.
La seule chose que j'avais à faire était m'éloigner de mes ennemis, chose dont j'ai fait l'exact contraire. Ils étaient la seule chose à laquelle je devais faire attention dans la forêt. Je pose mon front contre le sol granuleux et froid, trop épuisée pour pouvoir faire face à Jack. Cela me met dans un état qui m'était encore inconnu jusque-là. L'option de la soumission commence à se frayer un chemin dans mon esprit. Ce serait le plus facile. Il me donnerait une vie confortable et aisée en échange de mes services. Je secoue la tête pour effacer cette possibilité.
— On est bien silencieuse d'un seul coup ? s'amuse l'homme qui se penche par dessus mon corps immobile.
Seul ma respiration saccadée lui montre que je suis encore bel et bien en vie. Ne pas pouvoir suivre mes propres envies et désirs me fait tellement mal ! J'ai toujours été prisonnière de ce monde cruel et haineux mais jamais, non encore jamais, j'avais réalisée à quel point je pouvais être faible. Je me crois souvent invincible mais, après tout, sans mes pouvoirs je ne suis absolument rien. Rien d'autre qu'un misérable bout de chair dont on peut facilement faire ce que l'on désire. Les loups-garous me dépassent de loin, ils me dominent de toute leur hauteur. Cela me dégoûte.
Tristan m'observe du coin de l'oeil. Je sens son regard sur moi, utilisant le peu d'énergie de perception qu'il me reste. Cela me permet de voir ce qui m'entoure sans pour autant ouvrir les yeux. Puis, l'image devient noire. J'ai épuisée mes dernières ressources. Dans cet état, je ne survivrai pas longtemps ! J'analyse mes options, mais réalise que je n'en ai plus réellement.
La haine est la seule émotion qui parcourt encore mon esprit. Si cet Alpha suprême n'avait pas choisi d'envahir ces terres, nos terres, alors je n'aurai jamais dû subir tout cela ! Ma famille aurait pu rester en vie, ainsi que tous les autres habitants de mon village natal ! Ces pensées réveillent quelque chose au plus profond de moi. Je serre les dents, luttant contre une soudaine envie d'arracher les membres de Jack. Peut-être que je ne vaux pas mieux que lui, peut-être que j'ai été créé pour l'épauler et pour tuer !
Une marée de flammes se dessine devant les yeux, me plongeant dans une transe dont j'avais cru m'échapper il y a fort longtemps de cela. Des cris s'élèvent au loin, me faisant trembler comme je l'ai fait à l'époque. Ma respiration se coupe à plusieurs reprises, me faisant part de la présence de la fumée qui m'encercle. Lors du drame, j'avais eu envie de donner des coups dans la caisse en bois qui m'entourait. Je voulais m'échapper loin de là-bas, ne sachant pas que j'allais être la seule survivante de ce drame. Pourtant, je restais immobile, pétrifiée par la peur qui se frayait un chemin à travers mes veines gonflées. Je m'étais soumise à mes peurs, comme je l'ai fait cette fois-ci.
Je tente inlassablement de me convaincre que tout ceci était un crime de guerre, que l'ennemi avait été forcé d'incendier mon village natal pour ne pas perdre de terrain. Que les vies de mes proches n'avaient pas été prises pour rien. Mais les rires amusés des soldats loup-garou me glace encore et toujours le sang. Tout cela n'avait été qu'un jeu pour eux, ils n'avaient jamais considéré les mages comme des êtres digne de vie.
De nouveaux cris au secours me font grimacer. Le sang est éclaboussé partout et les sanglots percent mes tympans. J'aurais pu les sauver avec mes pouvoirs, j'aurais pu aider.
Mais changer le passé ne servirait à rien. Un autre Alpha suprême aurait fini par nous envahir. Les mages avaient toujours été seuls contre le monde.
Soudain, une souffle parcourt mon visage bronzé. Tout s'évapore aussitôt, le crépitement du bois brûlant s'évanouit en l'espace de quelques secondes, comme si cela n'avait jamais existé. Pourtant, je sais que ceci ne sont pas des illusions, mais des souvenirs. Des images de mon passé, ancrées dans mon esprit à tout jamais.
Le sang de ma plaie colle à mes vêtements devenus inutilisables, séchant un peu plus au fil des secondes. Le liquide fait gratter ma peau, mais je ne me mouvois pas. Les heures semblent durer des journées entières dans cette prison, et l'ennui me rattrape chaque jour un peu plus.
Tout à coup, l'Alpha brise le silence.
— Comme tu dois sûrement déjà le savoir, nous sommes en guerre contre la meute du royaume garillien. Malheureusement, le conflit dure déjà depuis bien trop longtemps et nous perdons trop d'hommes sur le front.
Je frisonne. Sorti de la bouche de quelqu'un d'autre, cela aurait pu tenir de la compassion. Toutefois, venant de Jack, je ne peux y voir qu'un esprit calculateur.
En y repensant, j'avais effectivement vu quelques hommes et femmes partir du village avoisinant la forêt dans laquelle je m'étais installée. Ceux-ci partaient au champ de bataille sous les acclamations de la famille qu'ils laissaient derrière eux. Pourtant, ils savaient tous qu'ils ne reviendraient pas de cette expédition meurtrière. Une nouvelle guerre, de nouveaux villages brûlés et, surtout, des milliers de décès. Cet homme n'arrêterait jamais sa boucherie infernale.
Je serre les poings, tout en lui adressant un regard noir. Une horrible grimace, qui fait sûrement peur à voir de l'extérieur, me tord peu à peu le visage. Il me dégoûte au plus haut point !
— Toutefois, nous avons appelé tous les jeunes valides. Où étais-tu lors des convoquations ? dit-il sur un ton menaçant.
Je garde le silence.
Face à mon stoïcisme, non voulu qui plus est, son masque se fissure. Il perd patience et m'attrape de nouveau les cheveux, se faisant un malin plaisir à me torturer encore un peu plus.
Il ne me laisse plus le temps de répondre, continuant sa tirade qui prend une tournure des plus agressives.
— Peu importe de toute façon ! Tu es ici maintenant, et tu resteras ici jusqu'à ce que tu décides enfin de collaborer avec nous pour détruire la meute ennemi !
Son timbre de voix grave crée des échos dans la cellule entière. Ne comprend-il donc pas que je suis juste incapable de lui répondre à cause de mon état deplorable ? S'il m'apportait au moins de quoi me nourrir correctement, je pourrais peut-être l'aider. Pas que ce serait de mon plein gré. Piller des villages n'est pas particulièrement dans mes ambitions. Dans mon état actuel je ne trouve même pas la force de jeter le moindre sort !
— Tu brûleras des maisons, attaquera et tuera des personnes innocentes pour faire céder l'ennemi ! En échange, tu auras tout le confort dont tu as toujours rêvé. C'est un marché.
Mon coeur s'arrête. Moi ? Faire la même chose qu'ils ont fait subir à ma famille juste pour mon propre intérêt ? Je reste immobile, bien trop choquée par cette révélation. Il pense que faire un marché est l'équivalent de forcer quelqu'un à faire quelque chose. Les rumeurs n'avaient pas exagérées à son sujet. Cela me fait sourire. Au moins, certains marchands avaient encore le courage de s'opposer au tyran du royaume.
— Ton esprit serait-il tellement tordu qu'une telle idée te fait sourire ? Ou est-ce simplement la fatigue ?
Il croise les bras, gardant quelques-unes de mes mèches coincées entre ses doigts bronzés. Je grimace face à ses assumptions. Si je leur suis tellement précieuse et utile ils n'ont qu'à me traiter d'une meilleure manière. Comme ça, j'aurais peut-être la force d'ouvrir la bouche afin de lui dire de toutes les façons possibles et imaginables que je n'accepterai jamais son "marché".
Le regard de l'Alpha se perd dans le vide, imaginant les pires horreurs qu'il peut faire subir à ceux qui habitent les terres ennemies. Une lueur dangereuse s'allume au plus profond de ses yeux, me faisant frissonner. Il veut se servir de mes capacités devenues rares pour vaincre une autre meute. Celles mages n'avaient jamais été destinés à devenir des armes !
— Je te laisse y réfléchir ma douce. est la dernière chose qu'il dit, tout en passant délicatement sa main sur ma joue qui lui est exposée.
Son toucher me donne envie de vomir. Puis, il sort de ma cellule à reculons, comme s'il voulait me voir aussi longtemps que possible.
Tristan, quant à lui, continue à me fixer. J'expire longuement. De quoi ont-ils peur ? Je ne parviens plus à bouger, ni à utiliser mes pouvoirs. Je ne suis pas une menace pour eux.
Le bourreau m'adresse un hochement de tête, avant d'enfin disparaître à la poursuite de son supérieur. Je cligne des yeux, surprise. Je me demande si tout ce que je vois autour de lui n'est pas juste une illusion de ma propre imagination.
Je laisse finalement tomber ma tête contre le sol glacé, tentant désespérément de ne faire plus qu'un avec celui-ci. J'aurais aimé disparaître dans la matière grise pour oublier mes souffrances et échapper à mes tortionnaires. Un dernier soupir s'échappe de ma bouche, avant que mon organisme vidé d'énergie ne m'emporte dans un lourd sommeil.
Même avec mes pouvoirs à leur capacité maximale, cela m'aurait pris un certain temps de me remettre...
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