Tristan s'approche de moi avec un sourire sadique sur le visage. Cela se voit bien qu'il a l'habitude de ce genre de situations. Ses fins doigts dessinent de nombreux ronds dans l'air, me signalant qu'il s'apprête à commencer son travail. Je cache au mieux ma souffrance. La douleur de mes côtes, dû à ma chute, se réveille peu à peu. Auparavant, elle était cachée par l'adrénaline. Je suis en position de faiblesse, blessée et désespérée.

Toutefois, quelque chose se réveille en moi lorsque nos regards glacials se croisent à nouveau. Une lueur de courage, de puissance, anime mon esprit. Je serre les poings et tente de me relever, surprenant le jeune homme.

Il ne m'achèvera pas ! J'inspire profondément et serre les dents face à la douleur de mes muscles et mes os. Je n'aurais plus peur d'eux ! Qui avait décidé que les loups seraient supérieurs aux mages ?

Tristan semble avoir du mal à croire ce m'arrive. Il secoue plusieurs fois la tête, perdu face à mon élan de courage.

Je lui adresse un petit rictus, tout en sentant mes ongles s'enfoncer dans la chair de mes paumes. Une chaleur se propage dans mon organisme, réanimant légèrement les pouvoirs que je croyais avoir perdue.

Le tortionnaire serre les poings, comme pour se contenir. Je sens mes pouvoirs me revenir l'espace d'un instant, ce qui a un goût absolument exceptionnel. J'inspire l'air à pleins poumons, sentant ma puissance se propager un peu partout dans mes veines. Le sang semble se diffuser dans des parties de mon corps qu'il n'avait encore jamais exploré jusque-là. C'est comme si une quantité astronomique d'adrénaline était soudainement injectée dans mon frêle organisme, faisant naître une suite d'innombrables frissons.

Nos regards s'emmêlent, remplis d'adversité et de rage. Une louve est censé se soumettre, elle doit servir son Alpha. Mais je ne suis ni une louve, ni une soumise !

L'homme en face de moi écarquille grandement les yeux face à cet afflux de puissance qui s'empare de mon organisme. Mon pouvoir et mon aura ne cessent de s'amplifier grâce au courage que j'ai su retrouver en lui faisant face. Cela me permet d'émettre un petit rire de contentement, tout en encrant bien mes appuis dans le sol.

L'Alpha, qui n'a cessé de nous observer, hausse un sourcil d'un air suspicieux. Tristan se retourne vers lui, brisant le contact qui s'est établi entre nous plus tôt. Mon organisme entier est plongé dans une grande confusion. N'était-ce pas un affrontement qu'ils voulaient ?

- Jack, il y a un problème avec elle non ? prononce-t-il en se moquant.

Mon coeur s'arrête. Un vide immense s'installe au plus profond de mon être meurtri. Je baisse la tête, me rendant à l'évidence. Il a des bras extrêmement musclés et un esprit aussi tordu qu'entraîné. Jamais je ne pourrais le vaincre dans mon état ! Mon regard observe mes jambes squelettiques et ma peau sanglante.

Dans ma tête, j'avais été dans une posture de guerrière, prête à en découdre avec mes assaillants. Mais, en réalité, cela n'avait été qu'une illusion créé par mon esprit. Je laisse mes bras tomber le long de mon corps.

Tristan me regarde de nouveau dans les yeux, et je vois une vague de dégoût passer dans son regard obscur. Cela me montre bien que ce qui m'attend ne va pas être de toute douceur !
Je tente de reculer, mais ne tarde pas à me rappeler du mur contre lequel je me trouve collée. La surface granuleuse et visqueuse me fait grimacer.

Le tortionnaire sort une de ses griffes de loup-garou, bien plus aiguisés que celles que j'ai pu apercevoir auparavant. Mon corps se vide de courage, tandis que j'ai du mal à avaler ma salive. Mon cœur s'emballe lorsque l'Alpha, nommé Jack, me sourit. Il se tient derrière mon bourreau, spectateur de ce qui va m'arriver.

Dans une dernière tentative désespérée, je me lance en direction de l'Alpha suprême, cherchant à lui arracher les yeux. Un cri de rage sort de ma bouche, mais Tristan m'attrape aussitôt par le bras. Il me tire en arrière et mes jambes flanchent. Je m'écrase par terre, prise au piège. Mon regard cherche un échappatoire, mais n'en trouve aucun. Si seulement j'avais été en bon état ! J'aurais sans aucun problème pu les battre à l'aide de mes pouvoirs !

Tristan se met à genoux, baisse la tête et fait une petite entaille dans ma jambe étendue. Cette minuscule plaie me brûle immédiatement avec une insistance cauchemardesque. Je rétracte ma jambe, la ramenant contre ma poitrine. Du sang coule le long de ma peau, avant de couler sur la pierre rugueuse du sol.

Je me mords la langue pour résister au mieux à l'envie de crier. Je ne leur donnerai pas cette satisfaction! Un goût de sang se répand peu à peu dans ma bouche, accompagnant le fin filet rouge qui coule le long de mon membre blessé.

Mon pouvoir s'est évaporé aussi rapidement qu'il m'était revenu, me faisant souffrir d'avantage. Je grimace lorsqu'il commence à entailler mon dos. Je sens les gouttes de sang perler sur ma peau, la recouvrant peu à peu, ce qui me fait trembler de frustration. Peut-être bien que je tremble de peur, je ne le sais plus.

Je tente de gesticuler pour m'échapper de l'emprise de mon agresseur, mais il trouve toujours un nouveau moyen de me garder au sol. Épuisée, je me bats pourtant comme une lionne !

J'aurais pu me guérir si facilement dans mon état normal ! Combien de temps ne m'avaient ils pas surveillés pour pouvoir connaître toutes mes faiblesses ? Et moi, pendant combien de temps est-ce que je leur ai fourni des indices au sujet de mon espèce ? Ceci pourrait mettre tous les mages en danger ! Bien que je n'en ai pas encore croisé au cours de mon existence, j'aime croire que je ne suis pas la seule à détenir de tels pouvoirs.

Je me sens mal. Une sensation de nausée me fait revenir à la cruelle réalité de la torture. Des larmes ont commencés à envahir mes joues rosées sans que je ne m'en aperçoive.

- Tu n'as pas l'air bien coriace aujourd'hui. Ma nouvelle prisonnière ne te plaît pas mon cher bêta ?

Tristan grogne légèrement en réponse aux paroles provoquantes de son Alpha, tout en me faisant face. Quelque chose a changé dans ses yeux. La lueur meurtrière semble s'en être retiré, ce dont je suis heureuse. Le changement d'humeur du bourreau me rassure légèrement. Peut-être bien qu'il y a encore un peu d'humanité dans son âme corrompue !

Je secoue la tête, consciente de mon erreur. Il ne faut pas que je sois indulgente envers lui ! C'est exactement ce qu'ils attendent de moi ! Je ne parviens plus à distinguer ce qui est réel et ce que je m'imagine. Peut-être que ce que je viens de voir n'a jamais existé ! Peut-être que qu'il est tout simplement un bon acteur qui sait paraître plus doux qu'il ne l'est vraiment.

J'avale ma salive devenue pâteuse, tout en tentant de contenir les tremblements de mon corps fragilisé. Il m'a fait cela, je ne peux pas l'oublier ! Mon regard se durcit à nouveau, le dévisageant comme si j'allais lui cracher dessus. Il ne mérite pas mieux !

Voyant que sa ruse ne fonctionne pas, il enfonce profondément son ongle dans ma cheville, la rendant inutilisable. Je crie et me débat de toutes mes forces, j'implore les noms de ceux qui m'ont quittés. Est-ce vraiment comme cela que je dois finir ? Puis, je me souviens de la souffrance que ma famille a endurée. Ils ont été brûlés vif par les Alphas. Tout le village l'a été ! Mes sanglots liés à la douleur physique s'emmêlent à ceux de ma souffrance morale.

- N'est ce pas mieux de faire souffrir lentement cette petite coriace ? articule Tristan.

Sa voix est grave et une pointe de dégoût l'enveloppe.

Je m'étale par terre comme un misérable bout de chair, tenant ma cheville abîmée entre mes mains dont la chair a été ouverte par le sol dur. Mon tortionnaire dessine encore quelques blessures circulaires sur mon dos déjà bien ravagé par l'Alpha suprême. Je le haïs ! Je le maudis !

J'aurais dû régénérer, mais le champ anti-magie de la cellule m'en empêche. Hors d'haleine, je rassemble mes dernières forces afin de tenir le coup. Mes muscles sont peu à peu tétanisés, m'immobilisant presque totalement.

- Maintenant que tu es un peu moins concentrée à faire la tête de mule, je peux peut-être enfin t'expliquer ce que j'attends de toi. me dit l'Alpha qui s'avance vers nous.

Tristan essuie les gouttelettes d'hémoglobine qui ornent son visage, avant de se relever et de se placer aux côtés de son supérieur. Mon sang recouvre ses mains. Il m'adresse un regard désolé.

Je serre les poings, resistant à l'envie de lui sauter dessus et de lui arracher les yeux. Comment ose-t-il me dévisager de la sorte après ce qu'il m'a fait ? Je ne suis pas faible, je n'ai pas besoin de sa pitié !

Mes sentiments ne sont plus du tout en cohérence avec la réalité qui m'entoure. Un tourbillon de frustration et de rage m'entoure. La personne la plus bienveillante du royaume pourrait s'approcher de moi, je la verrais quand même tel un ennemi.

L'Alpha se racle la gorge, me sortant de ma petite bulle. Ce qu'il s'apprête à me dire est loin de me plaire.

— Vas te faire... murmure-je en crachant par terre.

Je ne veux rien avoir à faire avec ces créatures cruelles et dégoûtantes !