Chapitre 4
Tant de jours se sont écoulés depuis que j'ai été enfermée ici, que j'ai cessé de les compter. Tant de souffrance anime mon corps, que j'ai arrêté de la ressentir. Tant de faim me torture que mon estomac semble se consumer lui-même, poussant par la même occasion des sortes de cris horriblement bruyants que je tente d'ignorer. Tout ceci est absolument insupportable !
Ma peau devient de plus en plus chaude, et reprend lentement une couleur naturelle et légèrement bronzée. Normalement, c'est tout à fait l'inverse qui se produit lorsqu'on est emprisonné comme je le suis à présent. Mais puisque ma magie de glace est aspirée par la barrière anti-magie, je retrouve ma peau d'origine, celle que je possédais avant l'incendie.
Fatiguée, je n'ai même plus le courage de bailler, tant mon corps semble vidé de ses forces que je croyais inépuisables.
Plus aucun sortilège ne sort de mes paumes abîmées par l'humidité et le froid. Mes conditions de vie horriblement douloureuses rongent peu à peu ma chair, provoquant une sensation de désespoir que je n'ai encore jamais connue auparavant.
Dans la forêt, j'étais libre, heureuse et en position de force. Tout le contraire de maintenant.
Quelqu'un franchit le pallier de la porte. Sûrement le garde qui vient pour me jetter de nouveau un morceau de pain, comme il le fait chaque matin. Dans cette cage, je me sens un tel misérable pigeon dont on a attaché les ailes. Mais, à ma grande surprise, ce sont des pas plus lourds et imposants qui se dirigent vers moi. Je ne prends même pas la peine de lever la tête, sachant pertinemment que c'est l'Alpha suprême qui se tient de l'autre côté des barreaux. Je l'avoue, je ai plus la force nécessaire pour me révolter.
Je maudis intérieurement cette exécrable créature, ainsi que le jour malheureux de sa naissance. Si seulement il aurait pu mourir avant ce jour ! Tant de vies innocentes auraient pu être épargnées ! Sa soif de guerre a emporté avec elle tant d'âmes innocentes...
Mon regard continue à fixer froidement le sol qui est devenu mon lit, ainsi que ma table et mes toilettes. Oui je le sais, ce n'est pas très glamour, mais il faut dire ce qui est.
Mon indifférence me vaut un immense coup dans le ventre. Je me perds dans une crise de toux qui me fait aussitôt rougir. Ce geste est provoqué par la même force invisible et invincible qui avait empoignée Sally il y a quelques jours. Sans doute le pouvoir de ce monstre qui se tient en face de moi. Mes poings se serrent, tandis que je tente de cacher au mieux mon désarroi. Se pourrait-il qu'il possède de la magie lui-même ?
Je grimace légèrement face à la douleur qui semble percer mon crâne de partout, mais ne lève pas les yeux pour autant. Dans ces situations il ne vaut mieux pas être têtue. Pourtant, je ne parviens pas à m'en empêcher.
J'entends la porte en fer s'ouvrir et des pas s'approcher.
Une gifle, cette fois des mains propres de l'Alpha, me fait tourner la tête. Je sens qu'on attrape ma longue chevelure, autrefois douce et soyeuse, devenue crasseuse et envahie de noeuds coriaces. Ceux-ci empêchent quiconque de passer sa main dedans sans que celle-ci n'y soit piégée. On tire ma tête en arrière d'un coup brusque. Ma nuque craque et je frissonne.
— Tu es ici depuis déjà bien trop longtemps. Je pense qu'il est à moi de te calmer une bonne fois pour toutes ! crie-t-il dans mon oreille.
Je me mords ma lèvre inférieure jusqu'au sang, ce qui me fait légèrement oublier la douleur qui tire sur mon crâne. J'ai la désagréable impression que mes cheveux me sont arrachés un à un par cet être maléfique qui ne cherche qu'à me faire souffrir depuis mon arrivée ici ! Arrivée que j'aurais préférée éviter par ailleurs.
Il cherche à me briser, à me corrompre. Il a mon futur entre ses mains, il le tisse de mon désespoir et de ma peur. Car oui, j'ai peur, je suis terrifiée par cette situation et cet individu, bien que je ne veuille pas l'admettre. Il faut se rendre à l'évidence: il détient ma liberté. Toutefois, je n'attendrais pas qu'il me l'offre, je la reconquerrai dès que j'en aurai l'occasion !
Mes mèches sont à nouveau tirées vers le haut, me donnant l'impression qu'on décolle la peau de mon crâne. Mon dos me fait mal et ma posture m'oblige de lui faire face malgré moi. Lorsque mes yeux rencontrent son visage, ils aperçoivent l'horrible sourire qui a envahi ses lèvres.
— On veut faire la rebelle face à l'Alpha suprême du royaume ?
Je le vois grincer des dents face à mon expression insensible. Je maintiens cette dernière tant bien que mal sur mon visage creusé. Pourtant, mon âme est déformée par l'horreur de ses paroles et de ses gestes. Je ne suis pas dupe, je sais bien qu'il le ressent. Les loups repèrent nos émotions à travers notre odeur corporelle. Et la sueur perlant de mon front lui fait part de tout ce que mon masque glacial souhaite cacher.
Sa mâchoire se crispe, ce qui n'est pas bon signe. Je prie mon bon sens de revenir au galop, mais aujourd'hui je pense bien qu'une mule a pris possession de mon être entier. J'aimerais tant résister, me monter digne de mes pouvoirs, mais une partie de moi me dit d'arrêter ce calvaire et de lui obéir sans contester.
C'est alors que je plisse les yeux, apercevant des blessures dans son cou. Elles sont fraîches et n'ont quasiment pas été soignées. Je croyais que les loups se régénéraient, mais appartement cette faculté est réservée aux mages comme moi-même. Perdue dans mes pensées, je ne vois pas que l'ennemi perd sa patience.
Sans dire un mot, il me jette un peu plus loin dans la pièce sans le moindre effort, m'ouvrant la peau comme on l'aurait fait avec un vulgaire chiffon. Quelques-uns de mes cheveux restent accrochés à ses puissants doigts. Propulsée contre le mur, j'émets un cri de douleur. J'entoure mon corps de mes bras, formant un cocon protecteur. Pas question qu'il me torture une fois de plus !
J'analyse son corps, sa posture, et tente d'en trouver les faiblesses. Tout le monde en possède, même un alpha suprême. J'inspire longuement, tout en observant ses plaies. Il s'est battu avec un semblable. Les griffures sont profondes. Soit il est venu ici pour évacuer sa frustration, soit il se fiche totalement d'une éventuelle infection. Les deux options me semblent tout à fait plausibles, bien que j'espère que la vérité penche plutôt vers la seconde. Je ne souhaite pas être réduite en mousse simplement car monsieur est en colère !
— Tristan ! Je pense que je vais avoir besoin de ton expertise pour cette petite ! dit-il soudainement.
Surprise, j'attends une réponse de la part de ce prénommé Tristan. J'entends des pas lents, mais décidés s'avancer vers nous. Mon corps entier tremble. Expertise ? Il réfère sûrement à de la torture ! J'ai extrêmement peur. Trop peur pour pouvoir dire quoi que ce soit. J'ai beau avoir un bon raisonnement, cela ne pourra pas me protéger de ce qui se prépare.
L'Alpha m'adresse un sourire narquois. Ce n'est pas que je n'ai pas voulu lui répondre, c'est juste que ma gorge asséchée en était incapable. Mais ça, je ne l'avouerai jamais. De plus, c'est ce côté têtu qui m'attire tous ces ennuis.
Une fine silhouette avec des muscles tout en longueur s'avance vers nous. Sa carrure est moins imposante que celle de l'Alpha, mais pas pour autant moins effrayante. Son regard noir, quand à lui, me fait sursauter. Dans ces joyaux sombres danse une lueur folle qui me donne aussitôt des frissons. Ses cheveux bruns frisés scintillent sous les rayons de soleil discrets, qui entrent dans la pièce à travers la petite ouverture dans le mur.
L'Alpha doit bien faire une tête de moins que lui, si ce n'est plus. Le corps athlétique et élancé du nouveau venu attire instantanément mon regard. Une expression glaciale recouvre son visage peu remarquable. Sa peau métisse est recouvertes de cicatrices blanches. Il ne semble pas ressentir d'émotions, comme si on lui avait arraché le cœur.
Mes membres se mettent à trembler, ma respiration se bloque et mon cœur s'emballe. Tout ceci n'a rien de bon ! Je me prépare mentalement à vivre les plus longues minutes, ou heures, de mon existence. J'ai toujours eu comme habitude de penser au pire, de préparer mon organisme à un choc. Mais maintenant que cet instant est arrivé, je ne suis pas sûre que cela suffise.
- À toi de jouer Tristan. poursuit l'Alpha sans ciller.
Le sourire malsain persiste sur son visage, tandis que je pense le voir m'adresser un clin d'œil. Ébahie, je ferme les yeux pour oublier son existence. Il aime me voir souffrir, il se délecte de la souffrance des autres. Je ne peux m'empêcher de serrer mes bras encore plus fortement contre mon corps. Le dégoût m'envahit toute entière, tandis que je supplie tous les dieux dont on m'a un jour parlé de m'épargner.
Malheureusement, mon tortionnaire ne cesse de s'approcher. J'ouvre les yeux dont les larmes manquent de dévaler. Collée contre le mur, je n'ai nulle part où aller. J'ai joué mes dernières cartouches, il ne me reste plus rien à présent.
Son nom est Tristan et, si mes interprétations sont exactes, il est bel et bien celui qui va me torturer...
Voili voilou mes petits! 😊
Alors ce Tristan vous en pensez quoi?
Et qu'est ce qui s'annonce pour notre petite Erinn ?
À bientôt! ❤️
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro