Chapitre 2
Je me réveille avec un horrible mal de crâne qui m'empêche de réfléchir de façon claire et cohérente. Mes bras tremblent et mes doigts collent étrangement. Je fais face à une situation extrêmement étrange.
Mes yeux s'ouvrent péniblement, tandis que j'inspecte ce qui m'entoure avec le plus grand soin. La seule chose que je parviens à y trouver sont des murs verdâtres et gluants qui m'entourent de toutes part tel d'immenses monstres. J'aperçois également d'innombrables barreaux de fer donnant sur un couloir sombre.
Il me faut un petit moment avant que je ne comprenne totalement ce qui se passe. De la moisissure a poussée sur le sol granuleux, me faisant reculer. Un léger rayon de lumière éclaire cette scène macabre depuis une ouverture dans um des murs. Je fronce le nez, dégoûtée par le parfum de décomposition qui flotte dans la pièce.
Je finis par le rendre à l'évidence malgré mon mal de tête strident: je me trouve dans des geôles !
Tout autour de moi est sombre et triste, plongé dans un grand silence. L'ouverture à travers laquelle passent les éclats dorés du soleil est bien trop étroite pour que mon corps puisse s'y faufiler.
En plus de cela, elle est également bloquée par le même genre de barreaux de fer que l'avant de la cellule. Comme si quiconque pourrait s'échapper par là
!
Je me retourne vers le couloir qui passe juste à côté de ma prison. Une fois levée, je m'avance vers celui-ci et me colle aux barreaux pour pouvoir apercevoir de façon plus correcte l'endroit sale dans lequel j'ai été enfermée. Un croassement familier attire soudainement mon attention. Je me retourne aussi rapidement que ma condition physique affaiblie me le permet, vers la minuscule ouverture par laquelle passe un filet d'air froid. Cet élément ne me fait absolument rien grâce à mon pouvoir de la glace qui m'immunise. Pourtant, la température aurait provoqué d'immenses frissons chez bien d'autres créatures.
La première chose que je parviens à voir est la forme fine de Sally. Elle se tient derrière les minuscules barreaux qui bloquent le passage de l'ouverture menant à l'extérieur. Elle tente désespérément de se faufiler entre ceux-ci sans lâcher l'affaire.
Finalement, elle y parvient et vole jusqu'à moi, avant de plaquer son petit corps contre le mien. Pour moi, elle est comme une amie, comme une présence humaine indéniable. Rien n'égale sa fidélité sans limites, dont elle a encore une fois prouvé l'ampleur aujourd'hui. Elle m'apporte quotidiennement un soutien immense. Je lui en serais éternellement reconnaissante !
Après tout, je lui dois bien ça ! Elle est la seule qui a toujours été là pour moi, et elle m'a permis de surmonter toutes les épreuves qui se sont, jour après jour, présentées à moi. Ses roucoulements rassurants m'ont permis de tenir lorsque j'avais simplement envie d'éclater en larmes.
Ma colombe se pose ensuite sur mon épaule gauche en toute légèreté. Ses mouvements sont dotés d'une élégance qu'aucun autre être humain ne pourrait jamais égaler. Elle ressemble à une danseuse étoile.
Je m'avance de nouveau vers le couloir de l'autre côté des immenses barreaux et observe l'espace vide, le front posé contre le fer glacial. Sally observe le sol gluant qui se trouve sous mes pieds, évitant de s'y poser. Elle pourrait passer à travers cette barrière immense sans le moindre problème, mais cela ne résoudrait absolument rien. Toute cette réflexion finit par me donner une idée.
Après une longue hésitation, je décide d'exécuter mon plan et plaque les paumes sales contre le fer. Je regarde mon amie et lui fais signe de s'éloigner.
— Fais attention Sally.
Elle m'écoute immédiatement et prend son envol pour aller se poser tout au fond de la prison dégoûtante et humide.
Je commence à appeler progressivement mes pouvoirs qui se réveillent aussitôt pour se réunir dans mes mains. Et c'est exactement là que je souhaite les avoir !
Les barreaux commencent peu à peu à geler. Une fine couche de glace les envahit progressivement. J'augmente la quantité de pouvoir envoyé pour tenter de les faire céder au plus vite. Me faire surprendre par les ennemis qui me retiennent prisonnière lors de mon d'évasion est vraiment la dernière chose que je souhaite !
La surface métallique ne lâche pas pour autant son rôle de barrière qu'elle remplit avec excellence. Cette structure entière résiste avec une force incroyable et surprenante à mes pouvoirs surnaturels qui n'avaient encore jamais été vaincus. Je tente tous sortes de sortilèges, frustrée de ne rien réussir. Une rage m'aveugle, tandis qu'une colère noire s'empare de moi et de mon être entier. J'empoigne de plus en plus fortement la surface métallique et lisse afin de poursuivre ma tentative.
Sally vient de nouveau se poser sur mon épaule qu'elle avait quittée il y a à peine quelques secondes, comme pour me calmer. Je sais qu'elle a peur que je finisse par perdre complètement le contrôle et, à vrai dire, je redoute également pas mal cette possibilité. Jamais, encore jamais, m'étais-je retrouvée face à une situation aussi critique !
La sueur perle sur mon front et mes bras me font terriblement mal suite à cet effort qui semble m'avoir complètement vidée de mon énergie.
Cet épuisement si soudain m'est complètement inconnu et de terribles frissons me parcourent le dos, tandis que j'étire légèrement mes membres raidis par mon sommeil sur le sol dur.
Combien de temps ai-je été inconsciente ? Combien de temps est-ce que je suis restée là, incapable de me réveiller? Je ne sais pas si j'ai vraiment envie de trouver les réelles réponses à ces questions, donc je me contente de me concentrer sur des idées rationnelles qui ont le don de me rassurer. L'évasion, la liberté, l'entre-aide.
Soudainement, une nouvelle vague de douleur fait son apparition dans ma tête, me faisant pousser un cri à glacer le sang. Je tombe à genoux, serrant ma tête entre mes mains pour tenter d'arrêter ce calvaire horrible. Je décide de cogner ma tête contre la surface granuleuse du sol en pleine décomposition pour compenser mon mal par un autre qui est purement physique. Et le mental est essentiel à la survie, pas le physique. C'est ce dont je me suis toujours convaincue.
Mon esprit s'évade face à cet événement inattendu. Il me ramène vers une époque pas si lointaine, avant tout ceci, avant de me retrouver prisonnière de cet endroit obscur et sale. Vers l'instant lors duquel je me baladais encore au milieu de cette immense et lumineuse forêt qui est ma maison. J'y ai déjà cueilli de nombreux champignons et baies plus rares les unes que les autres. Je les connais tous sur le bout des doigts !
Heureuse, j'explore souvent les environs de cette forêt pour me sentir plus vivante. Je vais un peu partout, encore et toujours accompagnée de ma chère Sally.
Bien cachée dans ma cape bleu nuit, je m'aventure souvent au marché du village avoisinant la forêt. Cela me rappelle sans cesse que je suis mortelle et que j'ai besoin de ce contact pour pouvoir survivre. Cet endroit se trouve à quelques heures de marche de chez moi. Ce n'est pas bien long comparé aux nombreuses excursions que j'ai pu vivre pour m'échapper de mon village natal calciné.
Grâce à mon pouvoir de guérison, qui me permet de me régénérer instantanément, je n'ai jamais vraiment connu la sensation de douleur. Cela m'a également beaucoup aidé à tenir plus longtemps lors de mes voyages. Mes muscles me portaient donc bien plus loin que je ne l'avais prévu initialement.
Je suis plus résistante que le commun des créatures, mais bien moins puissante que les loups-garous. C'est pour cela que je les fuis.
Dans ce monde, rien ni personne ne peut être plus fort qu'eux car ils sont les seuls à maîtriser la métamorphose. Certains mages disaient qu'ils avaient été bénis par des dieux. Bien sûr, je n'ai jamais cru à ces bêtises. Parfois, je prie pour qu'ils soient exterminés, qu'au cours de leurs guerres incessantes ils s'achèvent entre eux.
Je reviens finalement vers le village et le marché qui sont censés être les points d'encrage de ma réflexion, chassant les pensées négatives par la même occasion. Je me rappelle parfaitement des marchands et de leurs voix rauques et fatiguées. Ils criaient sans cesse des phrases de publicité absurdes qui s'envolent au rythme du vent. Ils savaient bien que cela ne servait à rien, mais continuaient malgré tout à le faire. Sûrement plus par habitude qu'autre chose. Ils créeraient ainsi cette ambiance tellement particulière que je venais justement chercher là-bas. Personne n'y faisait attention à moi. Pendant quelques instants, je me sentais normale, comme si je faisais partie de quelque chose.
Les multitudes d'odeurs différentes, provenant d'épices et de saveurs venues de ces terres lointaines, envahissent peu à peu mes poumons. Je sens encore le vent me caresser la peau glaciale, tandis que les douces brises me réchauffent lentement le cœur. C'étaient ces moments comme cela qui me faisaient tenir bon.
Bien trop de souvenirs me reviennent à chaque fois que pense à cet endroit, tandis que j'imagine avec soin le goût que chaque marchandise qui se présentait à moi aurait en bouche.
Mes pieds semblaient toujours flotter au dessus du sol pavé avec une légèreté déconcertante, pendant que je contemplais lentement les vivres délicieux et les soies magnifiques qui s'étalaient sur les stands.
Je me sentais bien, entourée de la foule qui s'agitait sans cesse comme une vague déchaînée. Cela m'as très souvent donné l'impression d'être invisible, même si je sais bien que ce n'était qu'une idée absurde. Tous ces loups-garous semblaient vivaient en paix, ne se souciant que du jour présent. La guerre ne les inquiétait guère.
Malgré ma différence, je parvenais parfaitement à me fondre entre les couleurs maussades des étoffes brunes et noires des paysans et commerçants. À mon plus grand bonheur, ils s'amusaient quotidiennement à raconter rumeurs du village et du royaume. Ils étaient mes journaux ambulants.
Afin d'échapper à leur odorat incroyable, j'avais dû imbiber ma cape d'une odeur de loup-garou afin d'écarter les soupçons des habitants qui me démasqueraient sans la moindre difficulté. Ceux-ci seraient prêts à me dénoncer sans aucun scrupule pour la moindre petite récompense insignifiante. Il faut dire que certains vivaient dans la pauvreté et la misère. Leur Alpha suprême n'en avait pas grand chose à faire. Les temps les plus insouciants avaient disparus.
Lors de mes balades, l'odeur particulière de la cannelle, flottant toujours dans chacune des pièces de ma cabane, m'attirait toujours par ses tons doux et épicés qui me plaisent tant.
J'avais comme habitude d'en voler au même titre que les vêtements. Dès qu'un boulanger détournait le regard, j'emportais sous ma cape des pains. Personne ne soupçonnait une jeune fille perdue. Seul quelques regards curieux y avaient eu le courage de aventurer de temps en temps en ma direction pour contempler mon apparence sombre. Toutefois, les quelques fois qu'on m'avait poursuivie, j'avais réussi à leur échapper grâce à mes talents d'escalade. Grimper dans les arbres a du bon !
Mon père adorait faire des gâteaux. C'est peut-être pour cela que j'apprécie tant le parfum de la cannelle. Quant à ma mère, elle avait le don de savoir exactement ce qu'il me fallait à chaque instant possible et imaginable. On a passées tant de temps ensemble. Elle à jardiner et moi à regarder ses légers et élégants mouvements. Elle était une mage verte et adorait faire pousser des fleurs de toutes les couleurs. Grace à son pouvoir de guérison, dont j'ai hérité, elle était le médecin de la communauté. Moi, j'étais censé être son successeur, mais le destin en avait décidé autrement.
Au marché je retrouvais un semblant de communauté et, même si ces souvenirs me font mal, il faut que je me rappelle de ces instants de mon passé pour n'en oublier aucun détail.
Bon, tout cela n'a plus d'importance maintenant. Je ne verrai peut-être plus jamais toutes ces étendues libres car je suis enfermée ici, dans cet endroit dégoûtant, et cela pour encore un petit moment à ce que je vois.
Est-ce que je reverrai un jour, ne ce reste qu'un seul, ces beaux souvenirs de mes propres yeux ? J'en doute. Pourtant, je me dis que ma situation n'est peut-être pas aussi dramatique que je le pense.
Il ne veulent sûrement seulement m'interroger sur mes pouvoirs, puis, il me relâcheront gentiment tout en s'excusant du désagrément. Je baisse la tête et éclate de rire.
Normalement, une mage comme moi devrait déjà avoir été exécutée depuis longtemps. Je suis convaincue que c'est également le sort qui m'attend de l'autre côté de ces barreaux. Les loups n'ont aucune pitié !
Quelques larmes cristallines perlent de mes yeux, tandis que Sally tente de me rassurer en lovant sa petite tête contre mon bras. En temps normal, je l'aurais caressé mais je n'en ai simplement plus la force. C'était comme si on venait d'extraire toute ma puissance de mon organisme.
Soudain, un bruit de pas me fait sursauter, tandis que j'efface les larmes qui coulent le long de mes joues glacées. Pas question de montrer ma faiblesse à un potentiel ennemi !
Je fronce les sourcils lorsque l'inconnu claque claquement brutalement une porte, contractant tous mes muscles sous la tension latente qui règne dans l'espace entier.
Une voix masculine froide et grave vient à ma rencontre. Je frissonne face à son timbre sombre dont émane une puissance incroyable.
— Alors enfin réveillée ?
Il n'y a rien d'aimable dans sa réplique dont les mots semblent flotter dans l'air glacial. Les rayons du soleil tournent au rouge sang, assombrissant la scène qui se déroule devant moi.
Une silhouette sort de l'ombre, imposante et tout aussi terrifiante. Il me sourit à pleines dents.
Je ne suis pas prête pour ce qu'il va me faire endurer...
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