Je me dépêchai de manger, et suivis Hélèna en cours d'anglais. Le cours se déroula à merveille, sauf les dernières minutes, quand je pensais au cours suivant et surtout à la personne avec qui j'y serais. La cloche sonna, un peu trop tôt selon moi, et je regagnai la salle de biologie.

David était déjà installé quand j'arrivai. Je m'avançai maladroitement jusqu'à sa table avant de tirer bruyamment la chaise pour m'asseoir à ses côtés.

__ Bonjour, lançai-je timidement.

__ Ne te sens pas obligée de me parler, répliqua-t-il sans même me lancer un regard.

__ Je sais, mais j'en ai envie, insistai-je.

__ Pas moi Jenny !

__ David, tu veux bien arrêter de me sauter à la gorge et m'écouter un peu ?

Le professeur de biologie, me posa une question.

__ Comment les neurones communiquent-ils entre eux ?

Je le dévisageai bêtement, ne sachant pas quoi répondre.

__ Euh... bredouillai-je.

__ Je vous ai posé une question, mademoiselle Clins, s'impatienta-t-elle.

__ Par des synapses, me souffla David.

__ Par des synapses, répondis-je d'une voix mal assurée.

__ Très bien ! A vous monsieur Fontaine où sont regroupés les corps cellulaires ?

__ Merci, soufflai-je à mon tour à David.

__ Je ne voulais pas que tu te tapes la honte devant toute la classe, comme monsieur le bel Apollon n'est pas là pour t'aider, répliqua David.

__ Pourquoi te montres-tu odieux comme ça avec moi ?

__ Parce que toi tu ne l'es pas peut être ? riposta-t-il en croisant enfin mon regard.

__ Je ne me permettrais jamais de te dire le quart de ce que tu me balances depuis hier. Tu n'arrêtes pas de me blesser !

__ Oh, je suis désolé d'avoir blessé la chère Jenny, mais de moi on s'en fout !

__ Je ne m'en fous pas, c'est pour ça que j'essaye de discuter avec toi, mais tu me repousses sans cesse, lançai-je exaspérée par ses propos.

__ Je n'ai pas besoin d'une hypocrite dans ma vie, et encore moins comme amie, s'emporta-t-il en détachant chaque syllabe d'une voix tremblante de rage.

__ David, je t'en prie, écoute-moi, sanglotai-je.

__ Et ne recommence pas à pleurer, assume tes choix, gronda David.

Je me levai brutalement en me dirigeant vers la porte. Je prononçai quelques mots d'excuses au professeur, sans même la regarder et je filai vers les dortoirs. La tête dans l'oreiller, allongée sur mon lit, je me mis une fois de plus à pleurer. Je voulais que Nick soit là, mais je ne voulais pas qu'il me voie dans cet état. Je me précipitai dans la salle de bain pour me rincer le visage à l'eau froide, tout en respirant profondément. Je me regardai dans le miroir et rien à mon avis ne laisser supposer que je venais de pleurer. Je m'assis sur le lit, et appelai NICK.

Bien sûr il se matérialisa dans la seconde qui suivit.

__ Que se passe-t-il ? demanda-t-il immédiatement.

__ Rien, j'avais juste envie de te voir.

__ Qu'a-t-il fait encore ?

__ Comment ça ? Qui ? demandai-je en jouant les ignorantes.

__ Ne me prends pas pour un idiot Jenny, que t'a encore dit David ?

__ Je ne comprends pas ? Tu nous as espionnés ? questionnai-je ahurie.

__ Non Jenny, mais ton expression en dit long. Alors, j'attends qu'a-t-il encore fait ?

__ Rien, il est malheureux c'est tout.

__ Je te promets que je vais m'occuper de lui en personne, répliqua-t-il sur un ton menaçant.

__ Non Nick, tu n'arrangerais pas les choses, au contraire ! Comment crois-tu que je réagirais face à ça ?

__ Il faut qu'il comprenne que je suis avec toi et quand il s'attaque à toi et bien il s'attaque à moi aussi Jenny, répliqua-t-il en s'asseyant sur le lit.

__ S'il te plaît, m'inquiétai-je, laisse-le tranquille.

__ Je crois que Hélèna avait raison, reprit-il.

__ Hélèna ? Sur quoi ?

__ Je pense que tu aimes David, lança calmement Nick en m'attirant à ses cotés sur le lit.

__ Quoi ? Comment tu... tu m'as dit que tu n'avais pas écouté, bafouillai-je.

__ Effectivement, mais les premières paroles je les ai entendues, et je pense qu'elle a raison.

__ NON, hurlai-je, tu ne vas pas t'y mettre toi aussi. J'adore David, du moins je l'adorais, mais ça s'arrête-là. Comment peux-tu croire que...

__ Chut, m'interrompit-il en mettant un doigt sur ma bouche. Je ne t'en veux pas mon ange, mais je pense que tu devrais réfléchir un peu à ce que tu souhaites réellement.

__ À ce que je... non, c'est toi que je veux, je n'ai pas à réfléchir, protestai-je en sentant une douleur aiguë me déchirer les côtes.

__ Jure-moi que tu ne me quitteras pas ! implorai-je.

__ Je te le promets, tant que c'est ce que tu souhaites Jenny.

La douleur s'apaisa un peu, mais je savais que seul son contact pourrait l'apaiser pour de bon. Je le pris dans mes bras, et jouai avec ses cheveux pour calmer ma tension.

__ Tu te rends malade pour un monstre.

__ Comment ça ?

__ Jenny, ton pouls bat aussi vite que si tu avais couru deux marathons, et j'ai bien vu qu'il y a quelques instants tu avais mal.

__ Ce qui m'a fait mal, c'est l'idée, que tu t'en ailles, l'idée que tu m'abandonnes. Je n'étais qu'une coquille vide avant de te rencontrer et grâce à toi je suis heureuse. Si tu pars autant m'enterrer tout de suite, car je n'y survivrai pas, expliquai-je sincèrement.

__ Je n'ai nullement l'intention de partir si c'est pour te faire souffrir, mais si tu sors avec David, tu pourrais avoir une vie de couple normale et si tu le veux, on restera ami.

Je déglutis, les larmes aux yeux.

__ Tu... es en train de me quitter ?

__ Non ma puce, calme-toi, tu es trop émotive.

__ Qu'entends-tu par rester amis si tu n'es pas en train de me quitter ?

__ Jenny je pense que c'est ce qu'il y a de mieux pour toi, pas pour moi, affirma Nick.

__ Moi, je vais te dire ce qui est mieux pour moi, car personne d'autre que moi ne peut le savoir. Je veux faire ma vie avec toi, je sais que notre vie ensemble reposera sur de nombreux sacrifices, et que c'est dangereux, mais j'ai décidé depuis le premier jour où je t'ai vu, que c'est toi l'homme ou le vampire ou le sorcier, comme tu voudras, de ma vie. Que serai-je sans toi ? Tu es la seule chose qui m'aide à vivre.

__ Tu vivais bien avant que je n'entache ta vie, grommela-t-il les yeux fixés vers le sol.

__ Non Nick, non, je ne vivais pas, je survivais seulement. Depuis que je t'ai rencontré, tu as illuminé ma vie. Ne te rends-tu pas compte de ce que je peux ressentir quand je te vois, quand tu me touches, ou quand tu m'embrasses ? expliquai-je en sentant les poils de mes bras se hérisser rien qu'en y pensant.

__ Si, mais... commença Nick.

__ Mais rien du tout, Nick ! Je t'aime et si David ne veut plus faire partie de ma vie en tant qu'ami, et bien tant-pis, je m'en remettrai. Mais si je te perdais toi, je sais que je ne pourrais pas me relever. À tes côtés, je pourrai surmonter toutes les épreuves de la vie, mais sans toi, je ne suis plus rien. Je me sens en sécurité avec toi !

__ Tu ne devrais pas, grommela-t-il à nouveau en fronçant les sourcils.

__ Je te le répète, je me fiche de ce que tu es, je t'aime et c'est comme ça, insistai-je

__ Encore une fois, tu ne devrais pas.

__ JE NE DEVRAIS PAS QUOI ? m'emportai-je en me levant brusquement du lit. Je t'aime et il est trop tard pour changer quoi que ce soit, et de toute façon c'est de ta faute.

__ Quoi ? lança-t-il surpris

__ Tes sens sont surdéveloppés, donc la première fois que tu m'as vue, tu as dû m'entendre arriver non ? demandai-je sur un ton hautain.

__ Oui et... ? demanda Nick en fronçant les sourcils.

__ Eh bien, si tu ne voulais pas que je m'accroche à toi, tu n'avais qu'à te cacher, ou te rendre invisible, ou je ne sais quoi, car je te le répète, il est trop tard et je ne peux pas faire comme si de rien n'était, grommelai-je.

__ J'étais curieux de te voir, car ton odeur était portée par le vent, et... 

Il tressaillit.

__ Et quoi ? demandai-je aussitôt.

__ Et je n'ai pas été déçu, le premier regard a suffi à me séduire, avoua-t-il en souriant.

Je lui souris en retour flattée par ses paroles.

__ Mais, reprit-il sèchement, comme tu l'as constaté, j'ai essayé de t'éloigner de moi en te faisant peur avec les changements de temps, avec les mots et même en face à face mais ça n'a rien changé, tu es têtue.

__ Je ne suis pas têtue, je suis éprise de toi, Nick.

__ Comme si ça changeait quelque chose, lança celui-ci en haussant les épaules.

__ Oui, ça change tout, je suis irrévocablement amoureuse de toi. Tu donnes un sens à ma vie Nick.

__ Et tu crois que tu m'es indifférente ? demanda-t-il en soulevant un sourcil.

__ Effectivement je ne pense pas que tu tiennes vraiment à moi, sinon, tu essaierais d'être gentil avec moi au lieu de m'annoncer à chaque fois, que toi et moi ce n'est pas possible !

__ Mais c'est la vérité, notre relation est un danger Jenny !

__ Peut-être pour toi mais pas pour moi.

J'ouvris la fenêtre et pris une longue inspiration. Et c'est à ce moment précis que j'aperçus Benji dans la forêt. Il était assis sur un rocher, concentré sur quelque chose qui se passait au niveau de l'autre bâtiment. Il se retourna et je lui fis un signe de la main pour le saluer. Il me répondit par un sourire. Puis, je lui fis un nouveau signe pour lui dire de nous rejoindre dans la chambre. Il me dévisagea perplexe, se leva et disparut.

__ Il est parti ! murmurai-je à Nick.

__ Non, il arrive.

Quelques secondes après, Benji était là. Il s'approcha de moi et me fit la bise.

__ Bonjour Jenny, comment ça va ?

__ Bien, répondis-je.

__ Je ne pensais pas que tu étais du genre teigneuse, répliqua-t-il en riant.

__ Comment ça ?

__ Je n'écoutais pas votre conversation, mais des bribes m'arrivaient quand même lorsque tu hurlais.

__ Je suis désolée.

__ Oh ! Tu n'as pas à l'être, mon frère est difficile, et je comprends parfaitement que tu l'engueules, au contraire je te félicite.

Je souris, gênée par ses révélations.

__ Il pense que... commença Benji.

__ Ça suffit ! l'interrompit Nick.

__ Tu n'es pas vraiment en position de négocier, riposta Benji en fronçant les sourcils.

__ Ah oui, tu crois ça ?

Nick, se leva, le visage grave. Prise de panique je m'interposai entre les deux, mais Benji riait.

__ On s'amuse Jenny, ne t'inquiète pas, je ne lui ferai pas de mal, du moins s'il reste tranquille, précisa Benji en fixant son frère.

J'acquiesçai, sans pour autant être rassurée.

__ Qu'est-ce que tu disais avant que Nick t'interrompe ? demandai-je à Benji.

__ Rien, lâcha Nick sèchement, et il va rentrer à la maison tout de suite.

__ Eh oh frangin, on se calme ! Je suis le plus vieux, donc c'est moi qui donne les ordres.

__ Je ne jouerai pas sur ce terrain-là, si j'étais toi, répliqua Nick d'une voix menaçante.

__ Oh ça va Nick, assieds-toi, ou je te jette un sort, répondit Benji, sans rire cette fois-ci.

__ Tu n'oserais pas, menaça Nick en dévisageant son frère.

__ Ah oui ? Tu crois ?

Benji leva l'index en direction de Nick.

__ Ça suffit ! intervins-je. Nick, je souhaite parler à Benji, s'il te plaît.

__ Très bien, je m'en vais, répliqua-t-il furieux.

__ Non, Nick, attends !

__ Onerariam lança-t-il avant de disparaître.

__ Ne t'inquiète pas, il tient tellement à toi que dès que je quitterai cette chambre, il reviendra.

Surprise par son ton cordial, j'approuvai en souriant.

__ Assieds-toi, lança-t-il en me faisant un signe en direction du lit. J'obtempérai, et il s'assit également.

Il marmonna Alvus, et un petit tabouret, semblable à ceux que Nick avait fait apparaître dans la forêt, se matérialisa sous la fenêtre.

__ Je me sens plus à l'aise là-dessus, lança Benji en se levant du lit pour rejoindre le tabouret.

Il fixait le lit d'Hélèna. Je me retournai, voulant savoir ce qui avait attiré son attention mais ne vis rien.

__ Qu'y a-t-il ? demandai-je hésitante.

__ Oh rien, c'est le lit d'Hélèna ?

__ Oui, tu la connais ?

__ Pas vraiment, je l'ai observé depuis quelques jours avec son petit ami.

__ Oui Ted, l'informai-je.

__ En effet. Elle est vraiment belle, soupira-t-il.

__ Oui, affirmai-je en ne sachant trop quoi dire.

Puis il se redressa, me regarda dans les yeux et me demanda :

__ Alors, de quoi voulais-tu me parler ?

__ Pourquoi, Nick est-il aussi réticent à notre relation ?

__ Eh bien, tu sais ce qu'il est ? demanda Benji.

Je hochai la tête.

__ Et tu sais aussi, qu'il peut te tuer par accident n'importe quand ? demanda-t-il à nouveau.

__ Oui, affirmai-je.

__ Alors mets-toi à sa place. Si c'était toi qui étais vampire, aurais-tu mis la vie d'un innocent en danger ?

__ La question n'est pas là. Il sait que je l'aime, que je le veux et que je suis consciente des risques que j'encours, précisai-je.

__ Personnellement, j'ai confiance en mon frère. C'est pourquoi je refuse de temps en temps de l'accompagner quand il vient te voir, car je sais que plus il s'exercera seul et plus il prendra confiance en lui, et pourra alors venir te voir autant de fois qu'il le souhaitera sans que je sois là.

__ Et tu lui en parles de tout ça Benji ?

__ Oui, mais il refuse de m'écouter ! Le décès de ma mère à cause de leur père et la mort de Nelly par son propre frère, l'a atteint au plus profond, répliqua-t-il.

__ Nelly ? questionnai-je.

__ L'amie de ta copine Hélèna, répondit Benji.

__ Ah ! Oui, je vois, Nick m'en a parlé.

__ Donc tu comprends un peu son point de vue maintenant ?

__ Oui, mais si j'en ai décidé ainsi ? Il ne m'a pas forcée, je souhaite que nous soyons ensemble, répondis-je à Benji sur un ton de reproche.

__ Je te comprends parfaitement, acquiesça-il.

Je décidai de changer de sujet, en lui demandant ce qui pourrait faire plaisir à Nick, pour son anniversaire samedi.

__ Ah oui, j'avais oublié que tu serais des nôtres samedi ! Cela me donnera du boulot en plus mais ne t'inquiète pas ça ne me dérange pas, tant que cela reste exceptionnel, affirma-t-il.

__ Je ne comprends pas ? Comment ça plus de boulot ? demandai-je, en ramenant mes cheveux sur le côté.

__ Eh bien, samedi je ne devrai pas garder l'œil sur un seul vampire mais sur six vampires excités, répondit-il avec un sourire.

__ Pourquoi excités ? interrogeai-je perplexe.

Il pouffa, ce qui me fit penser à Nick.

__ On n'a pas vingt ans tous les jours ! C'est vrai même pour un vampire Jenny.

J'éclatai de rire aussi, consciente de ma bêtise.

__ Et pour répondre à ta question, ta seule présence suffira, reprit-il.

« Qu'est-ce qu'ils avaient tous à me dire ça ? » songeai-je.

__ Nick m'a dit que c'est toi qui l'as élevé, nourri, éduqué, alors que tu n'avais que neuf ans, c'est vrai ? demandai-je afin de changer de sujet.

__ Effectivement, Taylor, le père de Nick... commença-t-il.

Soudain, je me rendis compte, que Benji n'avait pas le même père que Nick, ce qui me surprit car la ressemblance avec son frère était troublante, hormis la couleur de cheveux.

__ Ça va ? me demanda Benji.

__ Oui, excuse-moi, je venais juste de me rappeler que Nick et toi n'aviez pas le même père alors que votre ressemblance est frappante.

Il sourit, fit quelques mouvements dans l'air en prononçant Ipsum matrem, et tout à coup, une photo encadrée apparut.

__ C'est notre mère, précisa-t-il en me la donnant.

« La femme était d'une beauté extraordinaire. Ce n'était pas sa nature de vampire qui jouait sur le physique de Nick, sa beauté est naturelle », songeai-je. Elle avait de longs cheveux blond cuivré, de la même couleur que ceux de Benji, et des yeux noisette extrêmement clairs, également comme ceux de Benji. Et son visage angélique ressemblait comme deux gouttes d'eau à ceux de Benji et Nick.

Je lui rendis la photo, qu'il fit disparaître aussitôt en prononçant lepidus, et je lui demandai, si tous ses autres frères et sœur ressemblaient à Naima, sa mère ?

__ Non, Nick et moi sommes les seuls à ressembler à notre mère à ce point, Dean aussi a un petit air, mais c'est beaucoup moins flagrant que chez Nick et moi. En revanche, Rébecca a les mêmes cheveux qu'elle.

__ Très bien, lançai-je et as-tu une photo du père de Nick ?

__ Oui, une seconde.

Il fit à nouveau de petits gestes dans l'air en prononçant Ipsum Taylor, et deux autres photos apparurent, mais cette fois-ci sans cadre.

Sur la première photo en noir et blanc se trouvait un mignon petit garçon, assis sur les genoux d'une femme brune. Cette femme, me précisa Benji, s'appelait Gabrielle ; c'était la mère de Taylor, le petit garçon assis sur ses genoux. Il avait le visage poupin et grassouillet, un magnifique sourire, de belles joues que j'imaginais roses ainsi que des cheveux et des yeux d'un noir de jais, identiques à ceux de Nick.

Sur la deuxième photo en couleur cette fois ci, se trouvaient, un homme et une femme en chignon, que j'identifiai comme étant Naima. L'homme avait beaucoup changé, sa peau était blafarde, son visage creusé et il avait perdu ses petites pommettes roses. Son regard était cependant plus expressif, il exprimait de la joie, semble-t-il. Et c'est seulement à ce moment que je me rendis compte que la femme sur la photo était enceinte. Elle aussi rayonnait, mais avait des cernes profondes sous les yeux et paraissait fatiguée. Je passai instinctivement le doigt sur le ventre de Naima.

__ C'est la photo la plus récente que l'on ait de notre mère, ajouta Benji.

__ Ils sont magnifiques, autant l'un que l'autre.

__ Oui, c'est vrai.

Je lui rendis la photo qu'il fit disparaître à nouveau avec la formule Lepidus.

__ Et tu vois souvent Taylor ? demandai-je.

__ Pas vraiment, il vient nous voir une fois par an à peu près, il ne se remet pas de la mort de maman.

__ Je comprends, et je t'ai interrompu tout à l'heure quand tu me parlais de la manière dont tu t'y es pris pour élever six enfants alors que tu n'avais que neuf ans.

__ En effet, je n'avais que neuf ans et j'ai été élevé par ma tante Mégane jusqu'à cet âge. Ma mère m'a rejeté au départ, car mon père était avec elle juste pour profiter de ses pouvoirs. Quand elle est tombée enceinte, il est parti. Elle m'a confié à sa sœur, qui m'a élevé avec amour jusqu'à ce que Taylor, le père de Nick, vienne me chercher à Bellepierre.

Il fixait un point imaginaire au-dessus de mon épaule et son regard se voila, tant il était concentré sur son histoire.

« Taylor a discuté avec ma tante, qui avait le don de lire dans les pensées.

Elle a su exactement ce qui c'était passé, elle a pleuré et a déclaré à mon beau-père, qu'elle allait s'occuper des six autres bébés. Mais Taylor, a refusé, car il souhaitait respecter les dernières volontés de sa défunte femme, afin qu'ils grandissent ensemble dans la forêt. Au départ je n'ai pas trop compris ce qui se passait, car elle répondait aux pensées de Taylor, donc je ne saisissais que la moitié de la conversation. Ensuite elle m'a appelé, et m'a grondé car elle savait que j'étais en train d'écouter à la porte.

__ Viens ici Benji, m'a-t-elle lancé, j'ai une bonne et une très mauvaise nouvelles à t'annoncer. La mauvaise c'est que Naima, ta mère est décédée ce matin.

J'ai fixé ma tante bêtement en essayant de trouver le sens de ces paroles. Des larmes ont roulé sur mon visage, et Taylor s'est approché, s'est baissé à ma hauteur, et m'a murmuré :

__ Excuse-moi Benji, j'espère que toi et tes frères pourrez un jour me pardonner. J'aimais profondément ta mère et c'était un accident. Elle m'a confié avant de mourir, qu'elle était désolée, qu'elle t'aimait sincèrement et qu'elle regrettait de ne pas t'avoir plus connu.

Les paroles avaient du mal, à se fixer dans mon cerveau, et la phrase qui m'avait le plus interloqué c'était : « toi et tes frères pourrez un jour me pardonner ».

__ Je n'ai pas de frères, ai-je clamé à cet homme.

Ma tante s'est éclairci la gorge en s'accroupissant également.

__ Avant de mourir, ta mère a donné naissance à six bébés et le père c'est Taylor.

__ J'ai six frères ? ai-je demandé incrédule. Ayant toujours voulu un frère, la perspective d'en avoir six me paraissait tellement folle que je n'en croyais pas mes oreilles.

__ Pour être exacts, tu as cinq frères et une sœur, acheva Taylor.

__ Et... ils ne sont pas totalement comme toi, mon chéri, ils ont je pense hérité du don de ta mère en magie, mais le monsieur que tu vois ici est un ... vampire, a bredouillé ma tante.

__ Mais les vampires ça n'existe pas tata.

__ Si mon chéri, et c'est toi qui devras t'occuper d'eux, les nourrir, sachant qu'ils n'auront pas le même régime alimentaire que toi, il leur faudra du sang.

__ Du sang ? ai-je répliqué dégoûté.

__ Oui, on s'est mis d'accord avec ton beau-père, et il pense que si tu leur donnes du sang animal, ça devrait aller pendant un temps, jusqu'à qu'ils soient plus grand. Mais je te rassure, je viendrais te voir souvent pour t'aider Benji.

__ C'est moi qui vais devoir m'occuper de TOUS mes frères et de ma sœur ? ai-je demandé incrédule à ma tante.

__ Benji, tu es un sorcier remarquable, à toi de mettre tes nombreux talents au profit de tes frères. Ce monsieur, a-t-elle ajouté en désignant Taylor, va t'emmener dans la forêt, où se trouve une petite grotte. C'est là que tu vas vivre avec tes frères.

J'ai acquiescé, ma tante m'a prise dans ses bras et m'a expliqué à quel point elle était fière de moi.

L'homme en noir, m'a pris la main, et je n'ai pu m'empêcher de demander à ma tante :

__ Comment je ferai pour leur donner du sang ?

__ Tu chasseras du gibier pour le sang, mais n'oublie pas qu'ils ne sont qu'à moitié vampire, tu devras donc leur donner aussi du lait et plus tard de quoi manger Benji ».

__J'ai embrassé ma tante, et suis parti avec Taylor. Six jours plus tard, ma tante a succombé au chagrin, de la disparition de sa sœur.

Je me retrouvai donc seul, avec cinq frères et une sœur à élever.

Dans les films, les petits bébés pleurent tout le temps, mais pas mes frères, ils étaient calmes, et s'excitaient seulement quand je leur donnais leur biberon, car ils en voulaient toujours plus.

Quand ils ont eu trois ans, je les ai entraînés sans relâche à développer leurs dons de sorcier, pour qu'ils puissent essayer de se débrouiller un peu seuls. Brad a été le premier à être indépendant, mais il voulait sans arrêt me mordre, j'ai dû recourir à des sortilèges de répulsion contre mes propres frères et sœur. À quatre ans ils étaient tous indépendants, allaient chasser seuls dans la forêt, mais par précaution je les accompagnais toujours.

Je faisais apparaître beaucoup de livres pour leur apprendre à lire et à écrire, puis je me suis désigné professeur des écoles à seulement treize ans. Je leur fis des cours, matin et soir, avec des livres et des documents que je volais à l'école du village. Et puis voilà, l'histoire, ils ont grandi avec moi, donc n'ont plus eu envie de s'abreuver de mon sang, et quand ils ont eu six ans j'ai pu retirer le sortilège de répulsion. Ils sont tous très intelligents, même s'ils ne sont pas partis à l'école à proprement parler.

__ Je suis sûre que tu étais un très bon professeur Benji.

__ Je pense oui, en tout cas j'ai fait ce que j'ai pu.

__ C'était vraiment courageux à toi d'avoir fait tout ça pour tes frères, m'exclamai-je admirative.

__ En effet, mais je ne l'ai jamais regretté. On s'adore, même si on se dispute parfois et je vais y aller car Nick s'impatiente dehors.

Je me levai brusquement, l'histoire de Benji m'avait tellement captivée que j'avais fini par oublier Nick. Je regardai par la fenêtre et effectivement il était là. Il faisait les cents pas, les mains dans les poches en fixant le sol.

__ Il est en colère ? demandai-je penaude à Benji.

__ Oui, mais dès qu'il sera près de toi ce sera oublié, fais-moi confiance.

__ Je te remercie de m'avoir confié tout ça, c'était vraiment... instructif, hésitai-je.

Il pouffa, pris son tabouret et disparut, remplacé par Nick qui se précipita sur moi. Je reculai par instinct.

Il s'arrêta et me dévisagea, avant de sourire.

__ Tu as peur ? demanda-t-il sur un ton moqueur.

__ Non, mais tu avais l'air en colère dehors.

__ Oh, Jenny, certes tu m'as contrarié mais je ne pourrai jamais être en colère après toi mon amour.

Je lui souris.

__ Ton frère est plus gentil que toi, il m'a raconté beaucoup plus de choses que toi et il me comprend au moins ! repris-je en résistant à l'envie de lui tirer la langue comme une gamine.

__ Je sais que je ne vaux pas le quart de Benji, répondit Nick, en riant.

Prise de remord, je le serrai dans mes bras.

__ Tu es formidable.

__ Non mais je suis sérieux ! Benji m'a tout appris, m'a élevé, éduqué et je n'ose imaginer ce que je serais devenu sans lui. Même s'il me tape souvent sur le système dit-il en riant.

Je souris, ravie, qu'il n'ait pas mal pris ma remarque.

__ Je peux avoir un baiser ? demandai-je honteuse, en lui lançant un regard d'ange.

Il m'embrassa langoureusement pendant quelques secondes.

__ Tu m'as manqué Jenny.

__ Toi aussi.

__ Malheureusement, je vais déjà devoir te laisser, soupira Nick en desserrant son étreinte.

__ Non, pourquoi ? m'inquiétai-je.

__ Il est l'heure d'aller manger, les autres vont bientôt arriver.

Surprise, je regardai l'horloge accrochée dans ma chambre, et m'aperçus qu'effectivement il était déjà midi.

__ Bon appétit Jenny, et à tout à l'heure en chimie.

Il m'embrassa sur le front avant de disparaître à nouveau. Je regagnai la cafétéria, Hélèna écarquilla les yeux, quand elle me vit sortir du dortoir.

__ Tu n'es pas allée en biologie ? me demanda-t-elle aussitôt.

__ Si, mais David, m'a bouleversé alors je suis partie du cours.

__ Quoi ? Je vais aller le voir immédiatement. Où il est ce crétin de... s'emporta-t-elle.

__ Nana, Nana, écoute-moi ! J'ai décidé de l'ignorer, à partir de maintenant je n'essayerai plus d'arranger les choses avec lui.

__ Tu as raison, il ne mérite même pas ton amitié, beugla-t-elle en fourrant ses mains dans ses poches.

__ Tout à fait, alors on va manger ?

Elle me sourit et me suivit dans la file de la cafétéria. Par chance, elle n'était pas très longue. La pizza qui nous fut servie était excellente.

Après le repas, je me rendis dans la chambre pour récupérer mon sac de cours et me changer pour mon cours de sport. Cependant je ne pus résister à l'envie d'appeler, Nick.

Il se matérialisa dans la seconde qui suivit, comme à son habitude.

__ Je voulais juste te voir avant d'aller en cours.

Il s'approcha et caressa mes cheveux, avant de me prendre dans ses bras.

__ À tout à l'heure Nick.

__ À tout à l'heure Jenny, défoule-toi bien en sport et écrase ce macho de David pour moi.

Je me figeai brusquement. J'avais complètement oublié que j'avais sport avec lui.

__ Ça va ? me demanda Nick inquiet.

__ Oui, à tout à l'heure.

Je me précipitai vers la porte, mais Nick me saisit le poignet.

__ Jenny, je peux venir avec toi si tu veux ? proposa-t-il en haussant un sourcil.

__ Non, je dois réussir à l'affronter toute seule, et je t'en prie ne nous observe pas.

__ Je te le promets. Appelle-moi si ça ne va pas mon amour.

__ Très bien.

Je filai à nouveau en accélérant le pas, afin de ne pas arriver en retard. Arrivée au gymnase, les filles étaient déjà à leur place sur le terrain. Je m'empressai de les rejoindre.

Je ne pus m'empêcher de jeter un œil à David. Il me fixait et je détournai volontairement le regard.

A la pause, notre équipe perdait. Les garçons n'étaient pas très brillants aujourd'hui.

J'allai rejoindre le vestiaire pour boire un peu d'eau quand David, m'interpella.

__ Jenny.

__ Tiens donc, tu me parles maintenant ? Si c'est encore pour me balancer tes reproches à deux balles, tu peux t'en aller tout de suite, grommelai-je, bien décidée à lui tenir tête.

__ Jenny, excuse-moi, je n'aurais pas dû réagir ainsi, répondit-il.

__ C'est bien beau les excuses, mais ça ne répare pas tout, grondai-je.

__ Je sais, j'ai été un... commença David.

__ Crétin, imbécile, macho ? Oui et c'est peu de le dire, ajoutai-je.

Il baissa la tête.

__ Accepteras-tu un jour de me pardonner Jenny ?

__ Tu m'as vraiment blessée, tu étais un ami irremplaçable pour moi, je t'ai supplié, je me suis excusée, j'ai pleuré, j'ai hurlé et toi tu es resté de glace, au contraire tu rajoutais du sel sur mes blessures, signalai-je.

__ Pardonne-moi, je ferai ce que tu voudras pour me racheter, implora David

__ Le match reprend, lança le professeur.

__ À cause de toi je n'ai pas pu boire avant de reprendre le match, grommelai-je en lui souriant.

Il me sourit en retour et me tendit sa bouteille d'eau.

Je bus deux bonnes gorgées, et lui rendis sa bouteille, en le remerciant.

J'avais l'impression, que ces derniers jours n'avait pas existé, le voir sourire à nouveau me faisait du bien.

__ Merci Jenny !

Il me serra dans ses bras et Hélèna me lança un clin d'œil.

__ J'ai dit en place ! hurla monsieur Tècher.

Un intense bonheur me submergea, tout était enfin comme avant. À la deuxième partie du match, notre équipe écrasa l'équipe adverse.

Je récupérai mon sac tandis que David m'attendait à l'entrée du gymnase.

__ Tu as quoi comme cours maintenant ? me demanda-t-il, toujours penaud.

__ Chimie, répondis-je.

__ Très bien, je t'accompagne.

__ Si tu veux, lui lançai-je en prenant la direction de ma salle de cours.

Nous arrivâmes devant la salle de chimie.

__ Salut Jenny, à tout à l'heure et encore désolé.

J'allais franchir le seuil de la porte, lorsque quelque chose, me saisit la main. Même si je savais que c'était Nick, je sursautai. Je me dirigeai vers une table du fond et Nick s'installa à côté de moi. Je sentis sa main sur ma cuisse ce simple contact me fit rougir.

__ Nick, murmurai-je, tu ne voudrais pas lancer ce sort qui empêche de nous voir et de nous entendre ?

__ Attends qu'il ait fait l'appel d'abord, me chuchota-t-il en pouffant.

Quelques secondes plus tard Nick murmura Adversus vox, et il apparut à côté de moi, j'étais ravie de le voir enfin.

__ On peut parler maintenant ? demandai-je.

__ Oui, tu peux, ils ne se rendront compte de rien, affirma Nick radieux. J'ai vu que tu t'es réconciliée avec David.

__ Oui, je suis désolée.

__ Pourquoi Jenny ? Si ça te rend heureuse qu'il fasse partie de ta vie, je suis heureux qu'il existe.

__ Oui mais j'avais promis que... commençai-je.

__ Arrête ma puce, j'étais heureux de te voir sourire tout à l'heure, ce sourire m'a tant manqué.

Je lui retournai son sourire.

__ Tu viendras à nouveau en cours de chimie avec moi demain ? demandai-je en clignant bêtement des cils pour qu'il accepte.

__ Chérie, ça aurait été avec plaisir, mais je préfère que tu te concentres sur tes cours. Si je suis là, je te déstabiliserai, acheva-t-il.

__ Je te promets que je ne parlerai pas du tout et que j'écouterai le cours, j'ai juste besoin de sentir ta présence, auprès de moi.

Il acquiesça en réprimant un sourire, et pour lui montrer que j'en étais capable, je suivis le cours jusqu'au bout, en lui jetant de temps à autres des coups d'œil pour vérifier qu'il était toujours là.

Ce qui fut étrange, c'était que depuis mon arrivée dans cette école, j'eus vraiment l'impression que toute ma vie s'était réduite à lui. Certes avant notre rencontre, ma vie n'avait rien de très réjouissant, pour ne pas dire qu'elle était nulle, mais cela restait tout de même étrange.

Il me dévisagea perplexe, et je me rendis compte que j'étais en train de le fixer depuis quelques minutes.

La cloche sonna, et je me précipitai pour ranger mes affaires.

__ Tu es pressée ? me demanda-t-il.

__ Oui pressée d'être seule avec toi, répondis-je en souriant.

Il fronça les sourcils et mit fin aux sortilèges sans rien ajouter.

À l'entrée de la salle commune, toujours invisible, il murmura :

__ Appelle-moi quand tu seras seule.

__ À tout à l'heure !

Je sentis ses lèvres sur ma joue, et je frissonnai.

Malheureusement, les filles étaient bien décidées à rester dans la chambre pour la soirée et la salle commune était pleine. Difficile de faire venir Nick maintenant. Un coup d'œil à la pendule de la salle commune m'apprit qu'il était dix-neuf heures. Les filles allaient donc bientôt dîner. Même si mon estomac criait famine, je préférais ne rien manger et passer un petit moment en sa compagnie avant de me coucher.

A dix-neuf heures quinze, Hélèna, Diana et Sarah quittèrent la chambre pour rejoindre la cafétéria. Je m'empressai de regagner la chambre et je verrouillai la porte en l'appelant.

Mais il ne se passa rien. Je réitérai et prononçai son prénom, mais toujours personne. Il ne m'avait pourtant jamais fait attendre. « À moins que mes modestes capacités en chimie, l'aient persuadé de me quitter car je n'étais pas assez intelligente », songeai-je.

Mais quelques secondes après cette réflexion, il se matérialisa.

__ Pourquoi arrives-tu seulement maintenant ? déclarai-je sur la défensive. J'ai cru que... non rien, laisse tomber.

__ Excuse-moi, il y a eu des complications à la maison, et j'ai dû aider, répondit-il.

Cela n'avait donc rien à voir avec moi, pensai-je soulagée.

__ Et que s'est-il passé ? demandai-je.

__ Eh bien, deux touristes se sont aventurés dans la forêt, et se sont mis à tirer sur tout ce qui bougeait. Gilles s'est énervé, l'un des touristes, l'a insulté mais Benji, Brad et moi sommes intervenus à temps et on a pu éviter le massacre, raconta-t-il.

Je mis quelques secondes à me rappeler comment on avale sa salive.

__ Je vois que tu as peur et tu as raison, avec nous c'est ce qui t'attend chaque jour, affirma Nick.

__ Je ne veux pas revenir sur ce sujet, c'était différent le touriste l'a insulté, répondis-je.

__ Oui, mais la moindre parole mal dite déclenche des crises chez Gilles. C'est à mon avis celui que je devrai avoir le plus à l'œil samedi, pour l'anniversaire, reprit-il.

__ Tu veux dire qu'il pourrait... mais les mots me manquèrent.

__ Non je ne pense pas. Il a beaucoup d'estime pour moi, et par respect il ne te touchera pas, du moins il n'essayera pas volontairement, acheva Nick.

__ Rassurant, bronchai-je en déglutissant bruyamment.

__ Eh oui c'est ça de côtoyer des vampires, plaisanta-t-il.

Il me jaugea du regard, et sourit, ravi de l'effet produit par ses révélations.

__ Au fait, je ne pourrai pas t'accompagner demain en cours car Rébecca, Brad, Taylor, Gilles et moi allons chasser et je ne sais pas à quelle heure nous allons rentrer.

__ Ah ! soupirai-je, déçue.

__ Tu n'as pas mangé ? demanda-t-il en regardant l'horloge de la chambre.

__ Non, parce que je tenais absolument à te voir ce soir et les filles n'ont pas quitté la chambre avant l'heure du dîner.

__ Je vois, mais tu ne devrais pas te priver pour moi Jenny. Calidum prandium prononça-t-il en agitant son index. Une pizza bien chaude apparut et il me la tendit.

__ Merci Nick.

__ De rien mon amour, répondit-il.

__ Nick, tu n'es qu'à moitié vampire non ?

__ Oui, confirma celui-ci d'un air soupçonneux.

__ Donc tu dois pouvoir manger des plats comme moi ? interrogeai-je en enfournant une grosse bouchée de pizza.

__ En effet.

__ Mais ça ne te suffit pas ? Il faut vraiment que tu boives du sang ? grimaçai-je.

__ C'est disons, comme si tu avais à manger mais pas d'eau, tu finirais par mourir de déshydratation, et bien nous c'est à peu près pareil, le sang remplace l'eau et fait donc partie de nos besoins vitaux. Et pour être plus précis, notre corps est composé exclusivement de venin, du moins en grande partie, et pour vivre, il faut qu'on ait du sang qui coule dans nos veines. Nous le prenons donc chez nos victimes. Leur sang nous maintient en vie, mais le venin le dissout rapidement. Voilà pourquoi nous devons chasser régulièrement.

__ Mais si vous ne chassez pas que ce passera-t-il ? insistai-je.

__ On meurt, lança-t-il tranquillement.

__ Ah d'accord, donc vous vous nourrissez de plats comme nous et de sang ? résumai-je.

__ Tout à fait seul Benji est l'exception.

__ Ça ne lui arrive jamais d'avoir peur de dormir avec six vampires autour de lui ?

__ C'est notre frère, Jenny ! Nous ne pourrons jamais lui faire de mal, et de toute façon il est tellement doué en sorcellerie que ça ne m'étonnerait pas, qu'il jette un sort anti-intrusion dans sa chambre quand il se couche, ricana-t-il.

Je fronçai les sourcils.

__ Oui, acheva Nick, comme cela si quelqu'un pénètre dans sa chambre, il est averti et peut donc se préparer à combattre ou à nous jeter un sortilège de répulsion pour que nous arrêtions. Mais je te rassure, ça n'est jamais arrivé, renchérit Nick.

__ Faux, déclarai-je.

__ Comment ça ? demanda-t-il en me dévisageant perplexe.

__ Benji m'a dit que quand vous étiez petits vous vouliez sans arrêt le mordre pour vous abreuver de son sang, expliquai-je.

_ Je vois qu'il est parti dans les détails, mais quand je disais que ça n'est jamais arrivé, je parlais bien évidemment en âge mûr, tu comprends ? Qui n'a pas fait de « bêtises » quand il était petit ? se moqua-t-il.

__ Moi, j'ai toujours était sage, affirmai-je avec un sourire en coin.

__ Non, toi tu n'es pas comme tout le monde, tu étais peut être sage quand tu étais petite mais tu fais des bêtises colossales à présent, murmura-t-il en réprimant un sourire.

__ Comment ça ? Quelle bêtise colossale ?

__ Être avec moi devrait être un exemple suffisamment parlant.

__ Pff, tu dis des âneries, soufflai-je.

Il éclata de rire et je ne pus que l'imiter.

__ Je vais te laisser te préparer pour le coucher Jenny.

__ Ce n'est pas nécessaire, répliquai-je.

__ Oh que si, il est l'heure pour les jeunes filles raisonnables de se coucher ma belle.

Je secouai la tête de droite à gauche, comme une enfant.

__ Les filles de ma chambre ne sont même pas encore là ! protestai-je.

__ Hum, disons qu'elles seront là dans trente secondes, déclara-t-il en fixant la porte.

J'écarquillai les yeux.

__ Je n'ai même pas eu le temps de profiter de toi !

__ Tu as huit cents ans pour ça mon amour.

__ Très drôle ! Tu es peut-être quasi-immortel mais pas moi, ripostai-je.

__ Ça vaut mieux.

Il m'embrassa en douceur avant de disparaître.

Je m'empressai de déverrouiller la porte et me dirigeai vers la salle de bain. Nick avait raison, quelques secondes plus tard, elles étaient là.

Je me brossai les dents et me démêlai les cheveux, tout en réfléchissant à ce que j'allais porter le jour suivant. Mes affaires prêtes pour le matin, je finis par me coucher.