Ce matin, même routine : toilette, petit déjeuner et cours. Mais là ! Surprise, les cours de la matinée furent annulés, en raison d'une réunion des professeurs. Les élèves accueillirent la nouvelle avec des exclamations de joie. Certains regagnèrent les dortoirs, et d'autres allèrent à la salle commune. Hélèna était occupée avec Ted, et je ne désirais pas les déranger. Je filai donc dans ma chambre, prête à me recoucher. En m'asseyant sur mon lit, je fixai la forêt, sans rien y voir de particulier, et là je me rendis compte que j'avais quatre heures de libre devant moi. Me levant brusquement, je me précipitai vers la chaise où se trouvait mon sweater à capuche, étant donné les changements de temps intempestifs, mieux valait être bien couverte, pensai-je.

Je regagnai la salle commune et fis un petit signe à Hélèna en direction de la forêt. Elle approuva, et je me dis que Ted y était sûrement pour quelque chose, car d'ordinaire jamais elle ne m'aurait laissée partir sans réticences, à moins qu'elle ait revu son point de vue, après avoir entendu les révélations que je lui avais faites ? Mais pas de temps à perdre, je me mis à trottiner vers la forêt.

Moins d'une heure de marche plus tard, je l'aperçus. Mon cœur battait la chamade, il n'était pas à l'étang, mais se tenait appuyé dos à un arbre, le regard fixé sur le sol. J'avançais doucement en vraie poltronne et allai à sa rencontre. Lorsque je ne fus plus qu'à quelques mètres de lui, il se redressa et me tourna le dos, prêt à s'enfuir à nouveau.

__ NON ! criai-je.

Il se retourna et le rouge aux joues, par le cran dont je faisais preuve, je lui murmurai de rester.

Nous restâmes quelques secondes à nous dévisager sans parler, puis pour la première fois, il ouvrit la bouche.

__ Je t'avais dit de ne plus revenir ici, me sermonna-t-il de sa voix angélique.

__ Pardon ? bafouillai-je, tu ne m'as jamais adressé la parole, comment m'aurait-tu dis de ne plus revenir ?

Il s'avança vers moi mais en gardant toujours ses distances, me regarda dans les yeux, mon cœur tambourinant de plus en plus fort, il ajouta :

__ Le mot sous ton oreiller.

__ Quoi ? C'était toi ? Comment tu...

__ Peu importe comment ! Ne reviens plus ici, c'est dangereux, me répondit-il d'une voix autoritaire.

__ Et pourquoi toi tu aurais le droit de venir ici et pas moi ? répliquai-je vexée.

__ Parce que je ne suis pas comme toi, me lança-t-il, avant de me tourner le dos.

__ ATTENDS, ATTENDS, s'il te plaît, hurlai-je au bord des larmes.

Il s'arrêta sans se retourner.

__ Comment t'appelles-tu ? demandai-je d'une voix tremblante.

__ Nick Wall, me répondit-il avant de continuer son chemin.

__ Moi c'est Jenny, Jenny Clins, lui criai-je désemparée.

__ Je le sais, me répondit-il avant de disparaître à nouveau à travers les arbres.

Comment pouvait-il connaître mon nom ? Et que voulait-il dire, par "je ne suis pas comme toi " ? Je ne devais pas être assez bien pour lui, c'était la seule explication. Triste et déçue, je repris la route vers la salle commune. Elle était pleine. Ma tristesse dû se lire sur mon visage, car à peine avais-je franchi la salle, qu'Hélèna, lâcha Ted, et accourut vers moi, les yeux ronds.

__ Qu'est-ce qu'il y a ? me demanda-t-elle tout en m'examinant du regard, pour voir si je n'avais rien.

__ C'est lui !

Elle comprit tout de suite qu'il s'agissait du bel Adonis de la forêt.

__ Va dans la chambre, je te rejoins de suite.

__ Non, non ça va, ce n'est pas la peine ! 

Mais elle avait déjà filé. Cinq minutes plus tard, elle m'avait rejointe dans la chambre.

__ Hélèna, ne t'inquiète pas pour moi, va rejoindre Ted et...

__ Il n'en est pas question, objecta-t-elle. Ted peut très bien se passer un peu de moi !

__ Alors, tu comptes me dire ce qu'il y a où je dois deviner ? reprit-elle.

__ Très bien, je l'ai revu tout à l'heure, commençai-je.

__ Oh ! Mais c'est génial, alors pourquoi tu fais la tête ? marmonna-t-elle en fronçant les sourcils.

__ Si tu me laisser finir, tu saurais pourquoi, raillai-je.

Avec un sourire et un geste de la main, elle fit mine de fermer sa bouche à clé.

__ Alors comme je te disais avant que tu ne m'interrompes, je suis allée dans la forêt, et il était là.

__ À l'étang ? me coupa-t-elle, oh ! Excuse-moi, vas-y je t'écoute.

__ Alors il était là, non pas à l'étang, mais adossé à un arbre. Il m'a dit qu'il s'appelle Nick Wall et que je ne devais plus aller dans la forêt, qu'il n'était pas comme moi et que je devais rentrer. À mon avis je ne lui plais pas.

__ Ne dis pas ça ! Mais par contre il est d'accord avec moi, pour que tu n'ailles plus dans la forêt. A mon avis, il a juste peur pour toi, à cause de toutes ces rumeurs, chuchota-t-elle.

__ Mais non ! Et d'ailleurs pourquoi lui aurait-il le droit d'y aller et pas moi ?

En baissant la voix, je lui confiai, que je n'avais jamais ressenti ces sentiments pour personne.

__ Laisse-lui un peu de temps et tu verras, il changera d'avis, sinon j'irais dans la forêt et je lui botterais les fesses, plaisanta-t-elle.

Je fis mine de lui rendre son sourire.

__ Aller, rigole et oublie-le un peu ! Viens-on va aller manger !

__ Non, Hélèna, c'est gentil, mais je vais me reposer un peu, d'accord ?

__ D'accord, mais si ça ne va pas, tu m'appelles, ok ? répliqua-t-elle.

__ Oui, je te le promets.

Dès qu'elle fut partie, je m'écroulai en pleurs, en tapant du poing mon oreiller, qui pourtant ne m'avait rien fait. Soudain, quelque chose effleura mes cheveux. Je me relevai en sursaut étant certaine de n'avoir entendu personne entrer.

Il se tenait là, près de moi et me fixait la mine sinistre.

__ Suis-je en train de rêver ? Oui, ça doit être ça, murmurai-je en me frottant les yeux.

Il me lança un sourire ravageur et éclatant.

__ Tu es réel ? bredouillai-je, en touchant sa main de mon index.

Ce contact me brûla jusqu'à l'os.

__ Quelle question pertinente ! répondit-il en levant les yeux au ciel.

__ Comment es-tu entré ?

__ Chut, me lança-t-il, je ne veux pas te voir pleurer, excuse-moi pour tout à l'heure.

Un ange qui s'excuse ! Plus de doutes possibles, désormais, j'étais bel et bien en train de rêver. Battant inutilement des paupières, je le dévisageai perplexe. Il se mit à rire, c'est vrai que je devais avoir l'air vraiment stupide.

__ Comment es-tu...

__ Chut, murmura-t-il, je répondrai à certaines de tes questions tout à l'heure. Mais va manger, sinon ils vont tous rappliquer.

Hébétée je ne le quittais pas des yeux, comme si je m'attendais à ce qu'il disparaisse si je clignais des paupières.

__ Tu me promets que tu seras là ? demandai-je.

Avec son sourire ravageur, il acquiesça et me demanda si j'avais l'intention d'aller en cours cette après-midi. Instinctivement, je lui répondis par la négative car je souhaitais rester avec lui.

Il éclata de rire et m'emmena jusqu'à la porte pour que j'aille manger. Il caressa ma joue avec son index en me souhaitant un bon appétit, mais son contact me brûla à nouveau et je tressaillis.

Je me demandais si je n'étais toujours pas en train de rêver, mais à peine arrivée à la cafétéria, Hélèna me prit le bras et m'accompagna jusqu'à la file d'attente. Elle avait l'air ravie et je présumais que c'était dû à Ted.

__ J'étais sûre que tu viendrais, alors tu veux manger quoi ? Steak ou saucisse ?

__ Hum, rien, juste une bouteille d'eau, je suis un peu patraque, expliquai-je sans oser la regarder en face.

Pour sécher les cours de l'après-midi, j'envisageai de jouer la souffrante.

Une fois le repas terminé, Hélèna me demanda :

__ Qu'est-ce que tu attends ? On va être en retard.

__ Nana, peux-tu dire à monsieur Styvel et à monsieur Rowley que je ne me sens pas bien ? Je file me reposer.

__ Oui, mais tu ne veux pas que je t'accompagne à l'infirmerie ? demanda-t-elle.

__ Non ça va aller, c'est juste passager, ça ira mieux tout à l'heure. Dépêche-toi d'y aller ou tu seras très en retard, m'empressai-je de rajouter.

Elle me lança un regard sceptique et s'en alla.

En courant, je rejoignis le dortoir, m'attendant presque à ce qu'il ne soit pas là. Et pourtant il était bien là, sur mon lit et à ma grande surprise, il tenait dans ses mains un plateau supportant un plat de frites et un hamburger.

__ Tu n'as pas mangé ? lui demandai-je en m'asseyant à ses cotés sur mon lit.

En pouffant, il me tendit le plateau, en m'invitant à manger.

__ Mais je viens de manger, ce n'est pas la peine.

__ Tu vas manger ou bien je dois te forcer ?

__ Comment sais-tu que je n'ai rien mangé ? demandai-je surprise.

__ Mange et tais-toi ! me répondit-il avec son sourire éclatant.

__ Mais, tu m'as dit que tu répondrais à toutes mes questions et ceci en est une, insistai-je.

__ Très bien tu manges et j'explique, soupira-t-il.

__ Ok, répliquai-je en enfournant une frite.

__ Je t'ai observé à table et tu n'avais qu'une bouteille d'eau à la main, j'ai donc pris la liberté de te nourrir, m'expliqua-t-il calmement.

__ Comment as-tu pu m'observer sans que je te voie ?

__ Ça, je ne peux pas te le dire.

__ Et pourquoi ? insistai-je.

__ Pour l'instant, je ne peux rien te révéler, m'expliqua-t-il.

__ Pour l'instant ? Donc ça veut dire que tu finiras par tout me dire ?

Dans un soupir il acquiesça.

__ Et pourquoi pas maintenant ? persistai-je.

__ MANGE ! protesta-t-il.

J'obéis comme une petite fille. Son regard, me fit rougir mais pas de honte plutôt de plaisir. Son visage était parfait. J'avais beau chercher, impossible de lui trouver le moindre défaut.

__ Comment es-tu entré ? repris-je.

__ Je t'ai suivi quand tu es partie, j'avais peur de t'avoir blessée. Mais pour ta sécurité, tu ne dois plus aller dans ses bois. Promets-le-moi Jenny !

« Pourquoi me demandaient-ils tous de promettre l'impossible ? » songeai-je

__ Non, je suis désolée. Je suis prête à affronter le danger de la forêt si c'est pour te voir, affirmai-je sans la moindre gêne.

__ Le danger n'est pas dans la forêt mais ici même, avec toi.

__ Comment ça ? demandai-je en fronçant les sourcils.

__ Rien, laisse tomber.

__ Non j'insiste, qu'est-ce que ça veut dire Nick ?

__ Si tu continues, je m'en vais sur-le-champ, menaça-t-il.

__ NON, hurlai-je.

Il ricana, et m'ordonna à nouveau de manger.

__ Comment as-tu su que mon plat favori c'est les frites-hamburger ?

__ Mystère ! souffla-t-il en souriant.

__ Pourquoi tant de secrets ? croassai-je la bouche pleine.

__ C'est nécessaire, lança-t-il, sans plus d'explication.

Après quelques secondes de silence, il enchaîna :

__ Il peut être avec toi, lui.

__ Qui ? demandai-je les larmes aux yeux, car j'avais failli m'étrangler avec une frite.

__ David, annonça-t-il tristement.

__ David ? répétai-je comme une imbécile.

__ Oui, il peut être avec toi sans te faire de mal.

__ De quoi tu parles ? Tu sais que j'ai beaucoup de mal à te suivre ? lui avouai-je confuse.

__ Je n'en doute pas Jenny, je n'aurais pas dû venir.

__ Mais, pourquoi ? Les larmes coulaient à présent réellement sur mon visage. Qu'est-ce que j'ai fait ? Je ne te plais pas ? Je suis trop grosse peut être ? Si tu veux, je maigrirai, d'ailleurs, j'arrête de suite de manger. Je repoussai brusquement mon plateau sur le coté de mon lit.

__ Ne dis pas de bêtise, je n'ai jamais rencontré une fille aussi belle, aussi attirante et permets moi de te dire que tu n'es pas grosse du tout. Si je te reprends à dire des choses pareilles je te forcerai à manger, lança-t-il en ramenant le plateau vers moi.

__ Il vaudrait mieux que tu tombes amoureuse de David, insista-t-il.

__ Mais... non, c'est toi que je veux.

Je m'agrippai à lui et il me repoussa gentiment, mais son contact une fois de plus me brûla jusqu'aux os.

__ Je dois y aller, ils m'attendent, s'exclama-t-il.

__ Qui ? demandai-je curieuse.

__ Mes frères, me répondit-il.

__ Tu as des frères ? Raconte-moi tout sur toi et je te promets que je finirai mon assiette, marchandais-je.

__ Tout, je ne peux pas, mais oui j'ai quatre frères, une sœur, une belle-sœur et un demi-frère.

__ Waouh ! J'aimerais bien avoir une famille nombreuse, indiquai-je en essayant d'imaginer sa famille.

Il sourit.

__ Comment s'appellent-ils ?

__ Dean, Taylor, Brad et Gilles sont mes frères, Benji est mon demi-frère, Rébecca est ma sœur et Marion est ma belle-sœur.

__ D'accord, et Marion est avec lequel de tes frères ? demandai-je.

__ Elle est mariée avec Dean, me répondit Nick.

__ Je pourrai les rencontrer un jour ? Et tes parents comment s'appellent-ils ? questionnai-je.

__ Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, et pour répondre à ta deuxième question mon père s'appelle Taylor et ma mère s'appelait Naima. Elle est morte en nous mettant au monde.

__ Ah ! Je suis vraiment désolée.

Je me sentis bête d'avoir posé la question.

__ Il n'y a pas de mal, mais maintenant il faut que j'y aille. Repose-toi bien et ne viens plus dans la forêt, s'il te plaît.

__ Mais comment ferai-je pour te voir ?

__ Bien que ce ne soit pas une bonne idée, je viendrai te voir d'accord ?

__ C'est entendu, lançai-je radieuse.

Il m'embrassa sur le front en me demandant de fermer les yeux, ce que je fis sans broncher, mais quelques secondes à peine après ces paroles, il n'était plus là. Comment avait-il fait ? Etait-il magicien ? méditai-je.

Je m'assoupis, jusqu'au moment où Hélèna me réveilla.

__ Ça va mieux ? m'interrogea-t-elle.

__ Oui, ça va, quelle heure est-il ? demandai-je d'une voix pâteuse en me redressant du lit.

__ Six heures trente, il est temps de se préparer pour aller en cours.

Encore sous le choc, d'avoir dormi toute l'après-midi et toute la nuit, je demandai à Hélèna pourquoi elle ne m'avait pas réveillée.

__ Ben, c'est le mot que tu m'as laissé ! Jenny, tu es sûr que ça va ? demanda-t-elle perplexe.

__ Quel mot ? demandai-je aussitôt.

L'air sceptique elle se pencha et attrapa un petit bout de papier près de son lit sur lequel était inscrit : « Hélèna j'ai déjà mangé, je suis fatiguée, peux-tu me réveiller demain matin pour aller en cours ? Merci d'avance. Jenny ».

Je restai bouche bée devant ce mot, ayant reconnu la belle écriture. Il était venu me voir pendant que je dormais. Devant mon silence, Hélèna me passa la main devant le visage pour voir si je réagissais.

__ Oui, excuse-moi, en effet j'avais oublié que je t'avais laissé un mot, ça doit être la fatigue.

Je pris une douche, démêla mes cheveux et mis mon petit haut rouge avec ma jupe blanche, en espérant fortement qu'il ferait beau aujourd'hui.

À peine sortie de la chambre, je tombai sur David qui m'attendait pour aller déjeuner.

__ Coucou Jen, ça va ce matin ? Tu es ravissante, lança-t-il.

__ Jens c'est mon père moi c'est Jenny, et merci pour le compliment, répliquai-je grognon

__ Houlà ! Ça ne va pas mieux on dirait ? répondit-il en riant.

__ Si, désolée. Alors qu'est-ce que tu prends pour le petit déjeuner ? demandai-je

__ Hum, bonne question et toi ?

__ Un chocolat chaud et un croissant, le renseignai-je.

Il prit la même chose que moi, mais avec un jus d'orange en plus. Hélèna leva la main et de l'index nous fit signe de la rejoindre. Elle était déjà en compagnie de Ted et de Diana. On déjeuna et je rejoignis la salle du deuxième étage, avec madame Denta Virginie professeur de dessin. La salle était lumineuse et couverte de dessins d'anciens élèves. Personne de ma connaissance n'y assistait, alors je m'assis à la première table libre que j'aperçus, celle du premier rang. Nous n'étions pas nombreux dans cette matière, six élèves seulement. Le cours d'aujourd'hui consistait à faire un portrait au crayon à papier en dessinant les ombres nécessaires. Je n'eus guère à réfléchir bien longtemps au portrait que je voulais immortaliser.

Deux heures plus tard, mon portrait était terminé mais ne ressemblait en rien à Nick. En riant, je rangeai mes affaires et me dirigeai vers la salle d'anglais ou je rejoignis Hélèna qui était déjà installée sur la paillasse du fond. Le cours se déroula sans anicroche.

De retour aux dortoirs, je me précipitai dans ma chambre, m'attendant à ce qu'il soit là, en vain. Je passai toute la soirée à l'attendre, à fouiller sous mon oreiller, à la recherche d'un nouveau mot, mais rien. Déçue, j'allai me coucher sans même manger.

Le lendemain, le temps était maussade et pluvieux. Je pris mon petit déjeuner avec tout un groupe qui comprenait David, Ted, Hélèna, Diana, Peter un ami de Ted et Sarah.

Je ne pus m'empêcher de le chercher du regard, mais il n'était pas là. Penaude, je suivis le groupe vers la salle de cours.

À l'heure du repas, je m'empressai de rejoindre ma chambre mais toujours rien. Il m'avait promis qu'il reviendrait, mais après tout, qui étais-je donc pour espérer pareille demande ?

Le reste de la journée se déroula normalement bien qu'elle fût très longue, et toujours pas de Nick. Ma nuit fut très agitée, bien entendu Nick hantait mes rêves.

Chaque jour j'épiais avec inquiétude le moment où il apparaîtrait enfin, mais les jours passèrent et il ne revint pas. Il avait seulement besoin d'un peu de temps, me répétai-je. Ça n'allait pas durer, du moins je l'espérais. Pourquoi l'angoisse m'opprimait-elle à ce point ? Une semaine passa et toujours pas de Nick. Je me promis d'aller dans la forêt si je n'avais pas de nouvelles de lui d'ici samedi.

La journée du vendredi passa au ralenti, comme si quelqu'un s'amusait à retarder l'heure. Hélèna s'inquiétait de ma situation et passa la soirée à essayer de me faire rire. Mais une seule chose aurait pu me rendre le sourire, une seule personne, LUI.

Je me couchai tôt, impatiente d'être au lendemain. Cette nuit-là mon sommeil fut sans rêve, tant j'étais éreintée et malheureuse. Ce fut une longue nuit. Je me levai dès qu'un faible éclat eu pénétré par la fenêtre et je m'habillai de façon automatique, un jean, un tee-shirt noir et mes baskets. Je fis un petit détour par la salle de bain et me plaçant devant le miroir pour me coiffer, mon reflet me fis grimacer, j'avais des cernes et le teint plutôt pâle, quelle horreur !

La cafétéria, était quasiment vide, seules deux filles étaient déjà réveillées, les autres élèves devaient faire la grasse matinée. Je me servis un chocolat chaud et m'assis à notre table habituelle.

J'enfilai ma veste et comme convenu j'entrepris de rejoindre la forêt. S'il ne voulait pas venir me voir et bien j'irais à lui, ruminai-je.

Je marchai jusqu'à l'étang, mes jambes étant un peu douloureuses, je mis un peu plus de temps pour y parvenir. Probablement trois heures car le soleil était haut quand j'arrivai enfin. Il n'était pas là.

Je décidai de m'allonger sur l'herbe. Il finirait bien par se montrer, songeai-je tout en me demandant où il pouvait bien habiter ? Peut-être une cabane dans les arbres ?

Une heure plus tard, une voix de ténor me sortit de ma rêverie.

__ Bonjour, murmura-t-il.

Je me redressai précipitamment, et avalai ma salive de travers.

__ Pourquoi n'es-tu pas venu me voir ? lui reprochai-je en toussotant.

__ Jenny, tu dois retourner à l'école, je t'ai déjà dit de ne plus venir ici, lança-t-il d'une voix lasse.

__ Oui, mais pourquoi tu n'es pas venu ? Je ne comprends pas ? insistai-je.

__ Mon frère n'était pas disponible, expliqua-t-il.

__ Et alors ? En quoi ça te concerne ? grommelai-je.

__ Trop long à expliquer, annonça-il.

__ J'ai tout mon temps, persistai-je.

__ Ne joue pas à ça, et rentre, je vais te raccompagner.

Prise d'une soudaine pulsion, je me levai et l'étreignis. Aussitôt, il me repoussa violemment et son expression m'effraya, ses narines étaient dilatées et son regard apeuré. Il se pinça l'arête du nez, s'enfuit et disparut au loin dans la végétation.

Pendant une demi-heure, je restai assise là, en pleine forêt, repensant à ce qui venait de se passer. Pourquoi s'était-il enfui comme ça ? Qu'avais-je bien pu faire de mal ? Il devait certainement être malade. Oui c'est ça, il n'était pas bien et c'est pour ça qu'il n'était pas venu me voir et qu'il était parti précipitamment. En me relevant, mes yeux furent attirés par un petit bout de papier, identique à ceux utilisés par Nick, je le dépliai et lus les phrases qu'il avait laissées de sa belle écriture:

« Rentre immédiatement à l'école. Excuse-moi, je t'expliquerai plus tard, ne traîne surtout pas et ne reviens pas, c'est moi qui viendrai te voir dès que possible. Porte toi bien, Nick. » Comment ce papier était-il arrivé ici ? Il n'avait pas pu le glisser quand il était là car je l'aurais remarqué. Quoi qu'il en soit, je suivis son conseil et je rentrai rapidement à l'école.