32. Cycle lunaire - VI
SIXIEME ANNEE, janvier 1977
— C'est le dernier.
— J'espère que celui-ci sera prometteur. Je dois me dépêcher de trouver une piste. Remus me fait la tête, il déteste les cachotteries et je deviens ingérable.
Damoclès acquiesça, sans oser donner son avis. Il était vrai qu'Emmeline Vance avait un caractère bien trempé et sa réputation la précédait. Il décida de la laisser parcourir le manuel et disparut par la porte de la Grande Salle. Au même moment, les Maraudeurs entrèrent, Sirius et James se moquant de l'acné de Johanna Park. Une majorité de filles se tournèrent sur leur passage en gloussant tandis que les garçons leur lançaient un regard mauvais, jaloux de la prestance que les jeunes Black et Potter dégageaient. Emmeline ne leur accorda pas un regard quand ils s'installèrent à ses côtés.
— Encore le nez dans un livre ? s'exclama Sirius. Vance, tu deviens ennuyante.
Elle grogna et se risqua à jeter un rapide regard à Remus qui entamait son petit-déjeuner dans le silence. Ce week-end, c'était la pleine lune et il devenait de plus en plus agressif. Cependant, Emmeline était bien consciente que ses petits secrets et le fait qu'elle prît ses distances lui pesaient sur le coeur. Peut-être avait-il peur qu'elle ne le laissât tomber, qu'elle se lassât de l'aider ou d'être son amie. Pourtant, c'était tout le contraire : Emmeline se démenait corps et âme pour aider Remus, jusqu'à n'en plus dormir la nuit et mettre de côté les escapades nocturnes avec ses amis. Peter déposa les croûtes de son pain dans son assiette, comme il en avait l'habitude, la tirant de ses pensées. Elle lui adressa un sourire, heureuse de le voir.
Soudain, une fille de Serdaigle s'approcha de leurs tables avec ses amies. Pensant qu'elle comptait parler à James ou Sirius dans l'espoir de leur demander un rendez-vous, Emmeline rangea son manuel dans son sac et vérifia qu'elle avait bien pris ses parchemins de Soins aux Créatures Magiques avant de partir ce matin.
— Excuse-moi.
— Em', l'interpella James.
La jeune femme leur adressa un regard interrogateur et scruta les filles Serdaigles, plus que surprise qu'elle fût l'objet de leur attention.
— Voilà, bégaya la première. On t'a beaucoup vu traîner avec Damoclès Belby ces derniers temps et on voulait savoir si vous étiez ensemble.
Le couteau de Remus retomba dans son assiette et Emmeline croisa son regard effaré, le coeur serré. Elle reporta son attention sur les Serdaigles.
— En quoi ça vous regarde ? demanda Sirius.
— Pardon, dit la première. Ma cousine Leanna l'aime bien, du coup...
— Je ne sors pas avec Damoclès Belby.
— D'accord, et est-ce que...
— Et ce n'est pas absolument pas dans mes projets. Si ton amie s'intéresse à lui, qu'elle fonce.
Les Serdaigles acquiescèrent et une petite blonde cachée derrière soupira de soulagement. Emmeline fronça les sourcils. Elle devrait les laisser partir et ne pas envenimer la situation, surtout qu'elle voyait clairement la machoire de Remus se contracter et le regard de Peter fuir la conversation. Sirius et James étaient très attentifs, eux.
— Vous savez, dit-elle cependant. Ce n'est pas parce que je parle avec un garçon, que je sors forcément avec.
Les Serdaigles se contentèrent de secouer la tête et s'éclipsèrent en chuchotant. Emmeline soupira de mécontentement. Poudlard était une usine à commères. Les adolescents ne pouvaient s'empêcher de voir des amourettes partout, de se mêler des disputes et des secrets des autres. Parfois, cela agaçait la jeune Vance. Ce genre de ragots lui avait plusieurs fois valu de devoir se justifier auprès de personnes qui ne le méritaient pas.
— Eh bien dis-moi Vance, tu vas devenir aussi convoitée que nous bientôt.
— C'est déjà la cas, Black.
Son sarcasme fit rire les garçons, même Remus esquissa un sourire, à son grand soulagement.
¤¤¤¤¤¤¤¤¤
SIXIEME ANNEE, février 1977
En levant les yeux sur le ciel, Emmeline distingua la lune ronde et brillante qui la menaçait de ses rayons. Elle était en retard, s'étant endormie sur la dernière page du manuel inutile de Damoclès Belby. Remus allait croire qu'elle ne voulait pas venir, elle devait se rattraper. Quand elle arriva dans la clairière de la Forêt Interdite, Sirius, Peter et James attachaient le jeune Lupin qui montrait les premiers signes de lycanthropie. Quand son regard chocolat se posa sur la jeune femme, elle sentit tout son corps frissonner.
— Désolée ! s'exclama-t-elle. Je suis là.
— On ne t'attendait plus ! la réprimanda James.
— Encore avec un de tes prétendants ?
Elle ignora la remarque déplacée de Sirius et s'approcha de Remus. Elle posa ses mains sur ses épaules et ses lèvres se retroussèrent sur ses canines déjà pointues. Cependant, Emmeline émit une pression et le força à la regarder dans les yeux.
— Excuse-moi, Rem'. J'ai pas vu l'heure. Je suis là maintenant.
— Je ne pensais pas que tu viendrais, dit-il d'une voix rauque.
— Je ne t'abandonnerai jamais.
Un sourire fleurit sur ses lèvres rosées. Il faisait un froid de canard dans la Forêt Interdite à cette heure-ci, mais Remus sentait son sang bouillir dans ses veines. La transformation fut rapide, mais toujours aussi douloureuse. James ne prononça même pas la formule pour se changer en cerf. Pareil pour Emmeline et Sirius qui devinrent une buse et un chien noir en un temps record. Peter avait encore besoin de sortir sa baguette pour se changer en rat et bientôt, il n'y eut plus aucune trace des Gryffondors. Comme chaque nuit, ils patrouillèrent, grognèrent et tentèrent de contenir Remus. Or, il était particulièrement déchaîné et les chaînes manquèrent de céder à plusieurs reprises. Le début de la nuit fut particulièrement éprouvante pour les Maraudeurs Animagi qui se prirent de nombreux coups en tentant de repousser la rage de Remus. Sirius boitait, la patte en sang, tandis que la truffe de James avait enflée. Quant à Emmeline, une partie de son aile était déplumée. Pourtant, ils ne faiblirent pas et continuèrent de contenir Remus, jusqu'à ce que sa colère arrivât à son paroxysme et qu'il réussit à se libérer de ses chaînes. Il s'empressa de s'enfuir dans la nuit sans demander son reste. Peter fut le premier à reprendre forme humaine, très vite suivi par les trois autres. Sirius s'effondra sur le sol et James poussa un cri de douleur. Emmeline resta silencieuse, mais scruta l'éraflure qui rougeoyait sur son bras avec une grimace.
— On est dans la bouse de Chimère, gémit Peter.
— On doit partir le chercher, dit James avec une drôle de voix.
— Par Merlin il n'y est pas allé de main morte, grogna Sirius en contemplant sa jambe couverte de sang.
Emmeline dégaina sa baguette et s'approcha de James en premier.
— Enlève tes mains.
— Non, pas ta formule atroce.
— Ton nez est cassé James, je dois le remettre en place.
Il leva les yeux au ciel et attrapa l'avant-bras de Peter pour se maintenir lorsque la douleur irradierait son visage.
— 1...2...Episkey.
Un coup de baguette suffit pour remettre en place le nez de James dans un horrible craquement. Il poussa un cri guttural et Peter vérifia qu'il allait bien avant de l'aider à éponger le sang. Emmeline récupéra sa sacoche dans un buisson et en sortit un pot de crème avant de se diriger vers Sirius. Elle gardait précieusement ce cataplasme magique à base d'essence de dictame dans son sac pour les soirs de pleine lune et celui-ci était d'une efficacité déconcertante sur ses amis et elle lorsque Remus leur infligeait des blessures. Remus en avait également un pot dans sa chambre. Il évitait les pires cicatrices, même si celles du jeune Lupin étaient encore visibles, et permettait de guérir les plaies deux fois plus vite. Quand elle apposa l'onguent sur la jambe de Sirius, celui-ci se crispa, mais ne se plaignit pas. Elle l'en remercia intérieurement et continua d'appliquer la pâte en couche épaisse.
— C'est fini pour toi Black.
— T'es malade ou quoi ?
— Désolée gros dur, tu engueuleras Remus demain matin. Reste-là, tu n'auras plus rien dans une heure.
Sirius balança sa tête en arrière, furieux. Cependant, les directives d'Emmeline étaient toujours sans équivoque. C'était la plus douée d'entre eux en sortilèges et il savait que sans ses potions, ils seraient morts depuis longtemps. Si elle affirmait que sa blessure était trop grave pour continuer, il se devait de lui faire confiance. Elle déposa un baiser sur sa joue et récupéra son sac dans lequel elle rangea le pot de crème.
— On se sépare, dit-elle.
— Je pars vers la clairière, c'est son endroit favori, assura James.
— Et moi je vais du côté du territoire des Centaures.
— Quelqu'un devrait rester avec Sirius, rappela Peter.
James et Emy se concertèrent d'un regard. Peter n'avait jamais été le plus courageux. Néanmoins, laisser Sirius aussi vulnérable n'était pas non plus très judicieux.
— Très bien, dit le jeune Potter. Reste avec Sirius. S'il y a le moindre problème, vous connaissez la chanson.
Sirius, Peter et Emmeline pointèrent leur baguette en l'air pour approuver.
— Soyez prudents ! lança Sirius tandis que James et Emmeline s'enfonçaient entre les arbres.
Durant le trajet, la jeune Vance en profita pour avaler une goutte de potion Wiggenweld et se sentit tout de suite plus revigorée. Elle arpenta les bois sombres, à l'affût du moindre bruit, dans l'espoir de tomber sur Remus et de réussir à l'apaiser. Elle se dit qu'elle irait plus vite en volant, mais sa blessure était encore à vif et elle voulait tenter d'amadouer son ami sous forme humaine. Tout passait par le regard et quoi de plus expressif que le regard chocolat d'Emmeline Vance.
Au bout de plusieurs minutes de marche, un bruissement attira l'attention de la jeune femme. Elle fit volte-face, le coeur battant et la baguette bien levée, mais rien n'était caché dans la pénombre. Toujours sur ses gardes, Emmeline avança encore de quelques pas. Cependant, le bruit revint, plus fort cette fois. Sans crier gare, les jambes de la sorcière se dérobèrent et une force surhumaine la traîna sur le sol sur plusieurs mètres. Un puissant cri s'échappa de sa gorge et elle tenta de s'accrocher aux racines, en vain. Les pierres lui écorchaient la peau, les feuilles craquaient sous son poids, mais rien n'arriva à stopper sa course. En se contorsionnant, elle réussit à apercevoir la bête qui allait faire d'elle son prochain repas et tomba face à une dizaine de paires d'yeux qui la fixaient de leur noir profond. Un haut-le-cœur la prit et elle poussa un nouveau cri. Emmeline tenta de se dégager, mais les pattes avant de l'Acromentule la tenaient fermement. La sorcière se rendit à l'évidence :
Ce soir, elle allait mourir.
---------------------
Ecrit le 4 Février 2022, le 7 Février 2022, corrigé le 19 Mai 2022 et publié le 6 Juillet 2022.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro