21. Voler en éclat - V
CINQUIEME ANNEE, février 1975
Emmeline était furieuse. Elle ne pouvait pas croire qu'il eût pu faire cela. Pas après ce qu'ils avaient vécu ensemble. Elle lui avait fait confiance et elle se rendait compte avoir été bien naïve. Remus avait raison : elle avait accordé sa confiance à la mauvaise personne.
Elle déboula dans le passage secret, les poils hérissés sur son épiderme. Tallius l'accueillit avec un sourire, mais celui-ci se fana en découvrant Emmeline. Il posa une main sur son épaule.
— Ça ne va pas ?
Elle se dégagea vivement. Emmeline n'était pas connue pour gérer ses colères. Au contraire, elle était du genre à exploser et à tout détruire sur son passage, avant de se calmer et de redevenir la jeune fille plein de vie qu'elle était. Pleine de vie, authentique et entière, elle l'était également dans ses mauvais jours et Tallius n'allait pas être épargné.
— Où est-elle ?
— De quoi tu parles ?
— Ne fais pas l'innocent Tallius. Si j'apprends que tu l'as montrée à qui que ce soit, je te jure que je te fais bouffer par des Chimères. J'en ai vu une dans la Forêt Interdite l'autre soir, elle va se faire un plaisir de te déchiqueter le cou.
— Mais enfin Emmeline, par la barbe de Merlin, de quoi parles-tu ?
Elle croisa les bras sur sa poitrine, encore plus agacée par ce faux air innocent. Personne d'autre que lui et les Maraudeurs n'était au courant de son existence. Et aucun de ses amis ne l'aurait volée, puisqu'elle appartenait à tout le monde. Alors ce ne pouvait être que lui.
— Ma carte du château. Je sais que tu l'as prise.
Tallius se détendit. Il s'adossa contre le mur et soupira.
— Je n'ai pas pris ta carte Emy.
— Qui alors ? Tu es le seul capable de...
— Capable ? la coupa-t-il. Tu peux développer ?
— Tu vois très bien.
Elle ne savait pas si elle devait le croire. Cette carte ne pouvait pas avoir été prise par quelqu'un d'autre. Personne ne savait ce que c'était, personne ne savait que ce n'était pas un vulgaire bout de parchemin gribouillé, mais une véritable mine d'or d'informations. Les Maraudeurs ne la laissaient jamais sans surveillance.
— Tu es étourdie Emy, c'est pas la première fois que tu perds tes affaires, tenta de la raisonner Tallius.
— Non, je ne perds jamais ma carte. Quelqu'un l'a prise.
— Et pourquoi est-ce que ce serait moi ?
Le sang chaud de Tallius se mit également à bouillonner en lui. Malgré leur colère, la tension était palpable entre les deux adolescents. Cette attirance profonde ne se dissipait pas, la seule différence était qu'ils n'y succombaient pas par fierté. Parce que chacun d'eux voulait avoir le dernier mot. Ils ne se disputaient plus depuis qu'ils étaient ensemble. Du moins, pas réellement. En public, ils faisaient mine de se chamailler, pour en rigoler après dans leur coin secret. Les seules fois où l'un d'eux exprimait son agacement était quand l'autre émettait un commentaire sur la maison de l'autre. C'était le sujet tabou. Gryffondor contre Serpentard, la guerre interminable qui, mine de rien, influençait leur avis sur l'autre maison. Deux clans opposés dont ils ne pouvaient se défaire et qu'ils défendaient corps et âme.
— Je ne sais pas, reprit Emmeline. Tu voulais la montrer à tes camarades, t'en servir pour faire un sale coup.
— Depuis des années, ce sont tes amis et toi qui vous en servez pour faire de sales coups.
— Ce n'est pas vrai ! réfuta Emmeline. On ne fait de mal à personne.
— Tu sous-entends donc que si j'avais cette carte, je m'en servirais pour nuire à autrui ?
Emmeline soupira, lasse de ces retournements de situation. Ce n'était pas le sujet.
— Arrête Tallius. Je vous connais tes camarades et toi. Si vous avez cette carte, je ne donne pas cher des premières années de Gryffondor ou de...
— Par Merlin ! s'exclama Tallius. Alors quoi, je ne suis qu'une pourriture de Serpentard ? En fait, tu me vois comme ça depuis le début.
Emmeline ne sut quoi répondre. Elle était trop remontée pour s'excuser et trop honnête pour démentir ce que Tallius disait.
— Tu es à Serpentard, Tallius, et t'en as toujours été fier. Qu'est-ce qui te prend à jouer les vexés ?
Tallius resta immobile et silencieux. C'était presque pire que s'il hurlait. Emmeline tremblait de tous ses membres. Soudain, le visage de glace du jeune homme se fissura et il baissa les yeux.
— Ça ne marchera jamais. On est trop différents. Notre relation sera constamment emmerdée par nos maisons. Et je me rends compte que ton regard sur moi n'a jamais changé. T'es bien une Gryffondor.
— Qu'est-ce que ça veut dire ? gronda Emmeline.
— Que tu es étriquée, étroite d'esprit. Que rien ne compte plus que tes précieux lions. Tu critiques Serpentard, mais tu es égoïste, comme le veut ta maison. Tu es mesquine et tu prends les gens de haut. Tu me prends de haut.
Des larmes menaçaient de couler des yeux d'Emmeline. Elle tremblait de rage. Tallius n'avait pas tort, mais ses émotions la poussaient à défendre ses couleurs.
— T'as raison ! Entre nous, ça n'aurait jamais marché !
Tallius acquiesça. Il passa devant Emmeline, non sans la bousculer au passage et sortit du couloir. Quand la porte se referma, la jeune femme donna un coup de pied dans le mur en poussant un cri de rage. Le silence retomba et elle s'accroupit, le visage ruisselant de larmes.
Tallius et elle, c'était terminé.
En retournant dans la salle commune, Emmeline était toujours à fleur de peau. Elle passa devant Sirius sans répondre à sa blague douteuse et ne répondit pas à Lily qui la héla près du feu. Emmeline se dirigea immédiatement dans sa chambre, sans un regard en arrière. Elle jeta rageusement son sac sur son lit et se mit à faire les cent pas. Elle aurait aimé frapper dans quelque chose, ou déchirer une liasse de parchemin. Elle se contenta cependant d'attraper son oreiller pour crier un bon coup dedans. Elle mentirait si elle disait que sa rupture ne l'attristait pas. Cette dispute avait été bête. Or, ils étaient de bêtes adolescents et cette relation ne les conduisait nulle part. Ils restaient cachés, comme de bêtes Veracrasses, croyaient possible une histoire d'amour entre un Serpentard et une Gryffondor alors qu'ils ne se correspondaient absolument pas. Certes, l'alchimie entre eux était intense et profonde, mais cela n'allait pas plus loin. Et aujourd'hui avait démontré que leur pseudo-couple n'avait rien de solide.
Quand les membres de sa maison désertèrent la salle commune pour aller dîner, Emmeline se décida à sortir du dortoir. Elle descendit les escaliers et fut surprise de découvrir James, Sirius, Remus et Peter, installés aux quatre coins de la salle commune. Tous se levèrent d'un bond en la voyant arriver.
Aucun n'osa parler tout de suite. Ils s'approchèrent en silence et Remus comprit, au regard qu'ils échangèrent, de quoi il retournait. Ses yeux bouffis ne trompaient pas sur ses émotions, mais les garçons n'étaient pas du genre à réconforter Emmeline. Habituellement, quand l'un d'entre eux allait mal, ils faisaient comme si de rien n'était et redoublaient de blagues pour détendre l'atmosphère.
Soudain, Emmeline remarqua un morceau de papier dans les mains de Peter. Celui-ci remarqua son regard insistant et le brandit devant lui avec un sourire nerveux.
— Je vous ai emprunté la carte, avoua-t-il. Je la ramène en un seul morceau. Elle est vraiment parfaite, Emmeline.
Le rouge lui monta de nouveau aux joues. Avant que qui ce fût eût le temps de réagir, Emmeline brandit sa baguette et la pointa sur Peter. Celui-ci recula jusqu'à buter contre le canapé.
— Par Merlin Peter, c'est toi qui l'avais ? hurla-t-elle, hystérique.
— Du calme Em' ! s'écria James en s'approchant d'elle.
— Vance, range cette baguette, gronda Sirius.
Les trois garçons étaient autour d'elle, les mains levées vers le ciel en signe d'abnégation. Peter tremblait sur place, surpris par cet accès de colère venant de sa meilleure amie. Il n'osait plus bouger. Chacun des membres de cette pièce savait que si Emmeline jetait un sort, l'autre s'en mordrait les doigts. C'était une redoutable sorcière et plusieurs adversaires du club de duel clamaient à quel point elle se montrait dangereuse. Une fois, elle avait envoyé Dustin Stepoulos à l'infirmerie.
— À cause de toi...
Emmeline se tut, se rendant compte de ce qu'elle s'apprêtait à dévoiler. Ils ne devaient pas savoir. Elle croisa de nouveau le regard de Remus et celui-ci comprit qu'il pouvait s'approcher sans danger. Il posa une main sur celle qu'Emmeline tendait devant elle et l'abaissa, détournant la baguette du visage de Peter.
Le silence s'abattit sur la salle commune. Emmeline rangea lentement sa baguette, de nouveau les yeux remplis de larme. Finalement, Sirius brisa le silence :
— Quelqu'un va me dire ce qu'il se passe ?
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Je suis siiii triste de les avoir séparé :'(, mais il le fallait ! Ce couple était très beau, mais Tallius et Emy doivent avancer dans des directions opposées. Là, ça risque de partir en cacahuètes, si James, Sirius et Peter apprennent pour Tallius.
Ecrit le 7 Septembre 2021, corrigé le 24 Novembre 2021 et publié le 14 Avril 2022.
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