Boris ~ 7
- Je savais que je n'aurais pas dû la laisser avec toi ! s'écria Luc.
Lorsque j'avais demandé de l'aide à mon frère, je pensais plutôt recevoir Elya. À la place, ce fut le frère de celle qui avait disparu qui avait atterri ici. Mais finalement, peut-être que c'était mieux ainsi, je me souvenais de la menace de la dirigeante d'Iré. Des frissons d'angoisse me parcoururent rien qu'à cette pensée. Au moins, je savais que Luc ne me ferait pas de mal, il n'en avait pas le droit.
- Au lieu de parler, tu ne veux pas plutôt agir. Utilise quelque ce soit le lien qui te lie à ta sœur pour la trouver, lui ordonnai-je plus que je lui proposai-je.
Le temps était compté. Il fallait la retrouver. J'avais déjà envoyé des troupes dès mon retour au palais. Elles étaient chargées de débusquer n'importe quel centre de torture pour enfants dragonniers et de les vider. J'avais déjà reçu quelques responsables de ces établissements, et les avais envoyé directement aux cachots. Je déciderai de leur sort plus tard. Mais le nombre de ces horreurs ne faisait qu'augmenter, me frustrant encore plus. Je n'avais rien vu, et si mon père en avait entendu parler, il s'était bien caché de l'écrire quelque part. Dans un sens, je le soupçonnais d'avoir fermé l'œil sur ces institutions. Ça l'avantageait, lui faisait plaisir que des dragonniers en devenir souffrent.
Ce que je ne savais toujours pas, c'était où toute cette puissance allait et ce qu'ils en faisaient. C'était une inconnue à l'équation.
- Tu ne crois pas que c'est ce que je fais, à l'instant même où je te parle ! ne descendit pas de son état de colère Luc.
Je soupirais, il était impossible de le calmer.
- Essaye encore, dis-je avant de le laisser et de retourner dans mes appartements.
J'avais été dans le même état que lui, mais ça faisait déjà deux jours que Syfia avait disparu des radars. Je m'étais alors calmé pour réfléchir posément et prendre des décisions. Mais je savais que j'étais sur une corde raide, qui ne tenait qu'à un fil. Ce fil, c'était Syfia et ma certitude de la savoir vivante.
Si elle avait été... tuée, je l'aurais senti. Mon loup et moi étions déjà assez attachés à elle pour ressentir cette perte. Hors rien n'était encore arrivé, donc cela prouvait que son cœur battait encore bel et bien.
Cette constatation me rassura.
Sur le trajet, je croisais Typhaine. Elle posa sa main sur mon avant-bras dans un élan protecteur.
Je n'avais pas besoin de sa protection, mais son soutien me faisait du bien.
- On va la trouver, chuchota-t-elle me lançant un regard appuyé.
Je hochais la tête et la dépassais. J'atterris dans les jardins où Miella méditait en tenant un des vêtements de Syfia entre ses doigts. Un halo d'une lumière bleutée flottait autour d'elle. Seul moi pouvait le voir, grâce à ma nature de prêcheur.
Je m'assis à ses côtés, attendant qu'elle termine ce qu'elle faisait. Au bout de quelques minutes, elle reprit part à la réalité.
- Alors ? demandai-je impatient.
Elle souffla.
- Je sens son esprit, mais il est comme embué. Elle est là sans l'être vraiment, un sort ou une sorte de magie l'empêche d'émerger dans la réalité. Malheureusement, comme il y a une heure, je ne peux pas déterminer sa position exacte..., m'expliqua-t-elle abattue.
Miella avait un pouvoir très grand, trop grand pour une chose aussi fragile. Je voyais ma petite sœur comme un être qu'il fallait protéger à tout prix. Je savais que c'était elle qui avait conduit Kenyan à me retrouver sur Iré, grâce à l'esprit du "garçon guideur". Un esprit qui lui appartenait. Le même qui avait amené Kenyan à No, rejoindre les autres prêcheurs et prêtresses. Je ne savais pas encore combien d'autres esprits ma sœur avait acquis au cours du temps. Mais je crois bien que je ne voulais pas le savoir. Et lorsque notre coup d'Etat avait été lancé, c'était elle qui avait manipulé les esprits de nos ennemis à l'entrée principale, les stoppant ainsi net dans leur avancée. Mais comme chaque prêcheur avait sa faille, celle de ma sœur avait un prix : sa propre santé.
Je posais une main sur la sienne.
- Ça ira Miella, merci. Va te reposer.
Elle acquiesça et me fit une bise sur la joue avant de partir reprendre des forces. Je faisais attention à ma sœur depuis qu'on était tous petits. J'avais essayé avec Thelos, mais trop tard.
Son pouvoir de souvenir avait avalé les siens. À un point de non-retour. Tous les bons moments qu'on avait passés ensemble étaient partis en fumée, par la dictature de mon père. Il lui avait donné toutes sortes de tâches pénibles : effacer la mémoire d'un concurrent, donner de la sympathie au peuple pour son roi...
D'un côté, la mort lui permettait enfin de respirer. C'était paradoxal, mais véridique.
- Boris ! Boris ! Ça y est ! Mes yeux sont devenus rou... ! s'enthousiasma Thelos en sautillant.
Je mis une main sur sa bouche, lui sommant de se taire d'un geste éloquent.
- Chut ! Il ne faudrait pas que Kenyan t'entende !
Sa joie redescendit aussitôt et il s'assit en tailleur à côté de moi, boudant, les bras croisés.
- C'est pas juste... toi, tu peux utiliser tes pouvoirs, et moi pas encore, marmonna-t-il dans sa barbe.
Une mèche de ses cheveux noirs retombait sur sa pupille bleutée droite. Il me faisait presque de la peine, s'il savait à quel point je n'aimais pas ce pouvoir.
- Mais tu verras grand frère, me montra-t-il du doigt soudainement, son entrain revenu. Un jour, je serais le plus fort !
Et sur ces mots, il repartit, annonçant la nouvelle à notre père.
Thelos était un petit rêveur, mais il avait changé bien trop rapidement. L'insouciance enfantine l'avait quitté bien trop tôt, je n'avais pas su le protéger, moi, le grand frère avait abandonné à son sort son petit frère.
Je m'en voudrais toute ma vie. Alors, je ne pouvais pas abandonner Syfia, je m'étais promis de venir en aide à quiconque en aurait besoin.
Une bourrasque puissante me retira de mes pensées maussades. Se posant à mes pieds, d'une élégance qui lui était unique, Ulo repliait ses ailes dans son dos.
- Je sais où est Syfia, mais il faut se dépêcher, s'insinua une voix dans mon esprit.
Je ne me posais pas de question, j'avais prévu cette solution. Ainsi, j'appelais la troupe que j'avais mis en place pour ce genre de retournement de situation, c'est-à-dire, qu'elle était prête vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Nous prîmes notre forme animale, pendant que Luc était sagement sur son dragon. Nous suivîmes les deux dragons qui volaient avec magnificence dans le ciel d'Homus. C'était un spectacle rare que j'espérais pouvoir rendre habituel.
- Boris, ils ont un canon de magie pour détruire le règne royal. C'est à ça que servait l'absorption de la magie.
Je me raidis à l'intérieur de mon loup. Il fallait les arrêter au plus vite, Miella était dans le palais !
Je ne comptais pas le temps qu'on mit à arriver à destination, obnubilé à établir un plan pour sauver, et Syfia, et la capitale. Mais le trajet avait été rapide, ce qui voulait dire que leur ascension l'était tout autant jusqu'à leur point d'attaque.
J'arrêtais mes soldats à quelques mètres du camp, mais on était assez près pour les entendre. Et ce n'était pas bon.
- On pourra tirer dans quelques minutes Madame.
- Bien, répondit une voix féminine.
Je nous fis approcher stratégiquement, Ulo me donnant les positions exactes de chaque membre de cette rébellion mixte, il n'y avait pas que des humains.
Puis d'un sifflement télépathique, nous bougeâmes.
La moitié des rebelles furent immobilisés dans l'instant, tandis que j'avançais jusqu'à la cabane à la recherche de Syfia. Ce que j'y trouvais n'était pas elle, mais une petite dragonnière dont le sang coulait de nombreuses plaies. Elle était consciente et lorsqu'elle vit mon loup s'approcher, elle éclata en sanglots.
- Je ne voulais pas lui faire ça, je suis tellement désolée...
D'un signe du doigt, elle me pointa l'œuvre de mes ennemis.
Je me pétrifiais alors que mon loup courait à vive allure. Un canon géant était posé dans les bois et chargeait. Sauf que cette batterie, n'était autre que ma précieuse Syfia. Je grognais, crocs apparents. Une femme à la chevelure poivre et sel et aux yeux bruns s'interposa et me tira dans le pelage.
- Tu n'auras pas ma fille !
Je la contournais et laissais la louve de Typhaine s'occupait d'elle. Syfia était accrochée en l'air, des cordes aux poignets et aux chevilles, inconsciente.
- Canon prêt dans cinq minutes ! cria l'un des rebelles.
Je bondis et mes crocs s'emparèrent des cordes.
Une brûlure foudroyante se répandit sur mes babines. Les cordes avaient été trempées dans de la sauge.
Mais après un bref recul, j'y retournais dessus pour libérer Syfia, ignorant comme je le pouvais ma douleur. Ça faisait mal, si mal, mais ma nature de prêcheur me soignait dès lors que le sang giclait.
Je réussis à temps à défaire Syfia de ses entraves et le canon ne put tirer.
- Non ! hurla celle qui était Madame, dont j'avais reconnu le timbre de voix, maintenant que je n'étais plus focalisé sur Syfia.
Et de ce qu'elle avait dit, c'était la mère de cette dernière. Je ne contenais pas ma rage et redevenant bipède, ma puissance coula jusqu'à la responsable, tel un liquide poisseux, pendant que je déposais Syfia dans les bras d'Aron, resté humain.
La mère de ma bien-aimée s'écroula à terre, étouffée par mon pouvoir brut. Elle chercha son air, ne pouvant le trouver. Et elle s'évanouit.
Je ne comptais aucune perte de mon côté, seulement des blessés, mais il y en avait eu de l'autre.
Des secours étaient finalement arrivés et je fis passer Syfia en premier. C'était peut-être égoïste mais tant que je savais que les loups s'en sortiraient, ils pouvaient attendre. Nous arrivâmes à toute allure jusqu'au palais où nous prîmes une entrée secrète pour que le peuple ne se doute pas de l'état de notre invitée d'honneur.
Je pris Syfia dans mes bras et commençais déjà mon bilan. Ses blessures n'étaient que superficielles, le plus gros problème se trouvait dans la tête. Je la déposais vivement sur mon lit, ayant fait le parcours par automatisme jusqu'à cette pièce. Miella déboula telle une furie et utilisa sa magie pour explorer l'esprit de la dragonnière pendant que je guérissais ses blessures, du moins que je les cicatrisais.
- Il y a quelque chose qui bloque..., commença Miella toujours concentrée. C'est une magie de dragonnier.
Ni une ni deux, cela fut le déclic dans mon esprit et je me dépêchais d'aller aux centres de soins. Là-bas, j'y trouvais la petite dont le discours m'avait paru insignifiant quelque temps plus tôt. Lorsqu'elle me vit entrer, elle se crispa et son regard vira à ses pieds.
- Tu vas m'aider à ramener Syfia, d'accord ? fis-je d'un ton doux en m'accroupissant.
Elle hocha la tête mais ne me regarda toujours pas. Je pris sa main et débutai mon interrogatoire le temps du trajet jusqu'à ma chambre.
- Quel genre de dragonnière es-tu ?
- Vision, répondit-elle rapidement d'une voix basse.
- Qu'as-tu fait à Syfia ? demandai-je en adoucissant autant que je pouvais mon ton.
C'était elle aussi une victime de cette machination malsaine.
- Je... lui ai donné l'illusion d'une vie heureuse.
Alors, elle n'avait pas eu mal, du moins pas mentalement. Je me demandais quelles avaient été ses visions quand on arrivait déjà.
J'ouvris la porte et laissais la petite monter auprès de Syfia, pendant que Miella était à côté du lit. Elle allait poser sa main sur le front de ma dragonnière quand je l'en empêchais.
- Comment tu t'appelles ?
- Morgane.
Et sur ces mots, ses yeux déjà violets, s'illuminèrent. Une fois sa main sur la peau de Syfia, cette dernière émergea de son coma.
Son regard se perdit dans la pièce et se figea à la fenêtre. L'œil d'Ulo couvait sa Similaire. Ils durent communiquer car lorsque Syfia tourna son doux visage sur moi, des larmes perlèrent au coin de ses yeux et un sourire naquit sur ses lèvres.
- Boris...
* * *
Hey !
Ça y est, cette fois Syfia est revenue dans la réalité !
Vous vous souvenez du petit garçon du tome 1 avec des yeux couleur arc-en-ciel ? Et bien on sait maintenant qui il est, un esprit de Miella ^-^
Soulagés pour Syfia ?
Sans compter ce chapitre, il en reste plus que 4. Deux chapitres et deux épilogues :)
Des bisouuus♡
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