Montrer les crocs
Le sang.
Sur mes mains.
Au sol.
Partout.
Partout.
La fuite.
Se perdre dans les rues.
Ses larmes.
Son jugement.
- Va-t-en, tu n'es plus mon fils.
Aucun regret pourtant.
Ce qui devait être fait, l'était.
Ce qui devait s'arrêter, s'était stoppé.
Plus de sévices.
Plus de douleur.
Elle n'aurait plus mal.
Il ne lui fera plus de mal.
Plus jamais.
Les rayons du soleil me réveillèrent. J'étais encore ankylosé de mon sommeil qui s'était fait lourd, empli de souvenirs désagréables. J'avais dormi, mais je n'étais pas reposé.
Je ferai avec pour aujourd'hui.
Je m'habillai rapidement et descendis prendre mon déjeuner. Comme à mon habitude, j'étais le premier débout. Les deux autres loups dormaient encore profondément, sûrement dû à la cuite qu'ils s'étaient tapés hier.
Moi, je ne touchais pas à ça.
Kenyan étant en déplacement, il ne pouvait pas les surveiller, alors Dany et Myriel lâchaient la bride. Et moi je ramassais les peaux cassées, ou nettoyais le vomi au sol. Tout dépendait de leur état d'esprit au moment de leurs beuveries.
Je pris mon panier et allai me chercher des œufs auprès du poulailler affilié à la maison qu'on avait près du port. Enfin, que Kenyan possédait. En tant que prince il se devait d'avoir des locaux un peu partout sur le territoire.
Une fois ma cueillette faite, je rentrais et me mis en mouvement. L'odeur de la nourriture suffit à faire descendre les deux fêtards.
- Quinn nous fait ses œufs brouillés... trop bien, articula Dany après avoir bâillé en se grattant les yeux et le ventre.
Je n'étais pas bon cuisinier mais de nous trois, j'étais celui qui réussissait à vraiment donner quelque chose avec du goût à manger.
- Hmmm... Miam, ajouta Myriel avant de s'asseoir.
Dany m'aida à installer la table et nous mangeâmes.
- Kenyan rentre quand ?
L'impatience de Myriel était presque enfantine et amusante.
- Je ne sais pas, répondis-je.
Les deux loups se regardèrent et soufflèrent en cœur. Je comprenais leur envie de se sentir utiles, leur frustration du sur-place mais du repos ne se refusait jamais.
La matinée s'avança et nous entâmâmes notre routine quotidienne.
Patrouilles dans les rues.
Entraînements dans la cour de notre logement.
J'aimais que les choses soient en ordre. J'étais peut-être un maniaque du contrôle pour certains, mais c'était toujours auprès de moi qu'on cherchait la stabilité.
De notre petit groupe, j'étais la force tranquille. Un aspect sur lequel Dany aimait beaucoup me taquiner, voir jusqu'où il fallait me pousser pour que j'atteigne mes limites.
Néanmoins, jamais encore il n'avait réussi à ne serait-ce que frôler mes retranchements. Ce dont je me réjouissais toujours car sa mine abbatue m'apportait une certaine fierté.
Je n'avais pas toujours était si calme et posé.
Loin de là.
J'avais connu une période très sombre dont Kenyan m'avait sauvé.
Une période de debauches et d'appitoiment, où les bouteilles s'enchaînaient, les jours se ressemblaient, les plaisirs étaient exacerbés et mon mal être à son apogée.
Si Kenyan ne m'avait pas trouvé cette nuit-là qui sait ce que je serais devenu.
Il m'avait tendu la main, posé une question et donné un but.
Depuis, je me félicitai chaque jour d'avoir surmonté cette épreuve.
D'être vivant et d'en apprécier tous les aspects.
Bons comme mauvais.
J'avais intégré cette équipe bien que bancale à ses débuts, entre une fille en colère et un plaisantin. Mais on avait trouvé notre équilibre et on était le meilleur groupe qui soit. Le plus reconnu aussi. Au sein de l'armée d'Homus, on était l'exemple de beaucoup de factions, de par notre cohésion et notre force, individuelle, mais surtout collective.
Disons qu'on ne passait pas inaperçus, à mon plus grand malheur. Je n'étais pas friand d'attention, mais je n'avais pas le choix. Si c'était le prix à payer pour rester auprès de mon prince, alors soit.
- Ce soir, concours de celui qui peut le plus se faire de pintes !
Dany venait de lancer un challenge à Myriel qui n'allait pas se priver de relever.
- Prépare-toi à te pisser dessus Dany !
Je soupirai, la soirée allait être longue.
- Encore une ! clama Myriel au bar où nous nous étions arrêtés pour leur jeu nocturne.
Ils représentaient l'attraction de la soirée. Et moi, comme un homme parfaitement équilibré, je les surveillais. Parce qu'il en fallait bien un pour endosser ce rôle quand Kenyan n'était pas là pour le faire, ou que lui-même se joignait à leurs âneries. Et ça ne me déplaisait pas de savoir qu'on comptait sur moi.
En parlant du loup, je ressentis un picotement familier et mon loup s'éveilla légèrement. Kenyan était dans les parages et les ondes négatives qui émanaient de lui ne présageaient rien de bon. Je m'éclipsais dans l'arrière boutique et pris des vêtements.
Il y avait beaucoup de vêtements en libre service dans les lieux publiques, chaque loup le savait. Bien que la pudeur soit un concept abstrait ici, il n'en était pas moins important de respecter les moeurs du plus grand nombre.
Lorsque je reviens, j'adoptai la position du guerrier au repos et Kenyan débarqua dans la foulée.
Je lui tendis les vêtements et nous filâmes au pas de course.
Thelos avait encore fait du grabuge et c'était au prince de nettoyer le bazar qui accompagnait chaque écart de son frère.
Prochaine destination : l'île d'Iré.
Celle des dragons et dragonniers.
Je n'étais guère enchanté d'y aller, c'était nos ennemis, et ce depuis de longues années.
Qui sait ce qui nous attendrait là-bas ?
Le soir tombé, je rejoignis Kenyan dans sa chambre avant qu'il ne se repose et qu'on parte au plus vite en mission.
- Ce sera sûrement dangereux, dis-je à l'entrée.
- Je sais, me répondit-il. Mais nous n'avons pas le choix. Si tu veux te retirer de cette mission, je le comprendrai...
Je secouai la tête et me rapprochai de lui. Mon poing se cogna contre sa poitrine.
- Jamais. Je te suis fidèle, jusqu'au bout, fis-je solennellement un sourire à la commissure de mes lèvres.
Il me rendit ma forme de respect avant de m'ébouriffer les cheveux.
- Je suis fier de t'avoir comme compagnon Quinn. Mais avec tes grands airs on pourrait oublier que tu es plus jeune que moi, ça nuit à ma crédibilité en tant qu'aîné, plaisanta-t-il tandis que je ronchonnai contre mon décoiffage.
Plus jeune de deux années, ce n'était rien chez les loups.
- Quinn quand tout ça sera fini... essaie de t'amuser un peu, de lâcher prise et de t'ouvrir au monde. D'accord ? tenta de négocier Kenyan.
- J'essaierai..., répondis-je en détournant le regard. À demain.
M'amuser ? J'en avais déjà abusé auparavant.
Lâcher prise ? C'était effrayant.
Et m'ouvrir au monde ? Je ne savais pas faire.
Je ne me sentais pas encore légitime d'expérimenter tout ça, je devais tellement à Kenyan que me détourner de ma loyauté envers lui pour tenter ma chance quelque part m'était impensable.
Il n'y avait que lui.
Il avait été mon phare dans une mer de ténèbres.
Et tant que je ne lui aurais pas rendu, ne serait-ce qu'un centieme de ce qu'il m'avait offert, des amis, un toit, une vie meilleure, alors je ne pouvais pas me reposer.
Parce qu'il était mon Alpha bien plus que le roi actuel ne le serait à mes yeux.
La fidélité d'un loup ne s'achetait pas, elle se gagnait.
Et Kenyan avait la mienne.
À vie.
Tout était calme.
Nous venions d'arriver sur Iré. Sous le commandement de Kenyan, bien qu'à une courte distance de ce dernier, nous nous étions séparés.
- Merde, mon pied a appuyé sur quelque chose ! s'affola Myriel.
Je gardais mon sang froid, car c'était le domaine que je maîtrisais le mieux.
Des minutes passèrent, les dragonniers affluèrent, je voulus prendre celui aux cornes par derrière, mais en un instant il avait comme disparu.
Pourtant il me frappa en pleine face la seconde d'après. Il n'avait pas bougé d'un pouce et mes yeux me faisaient mal. J'étais au sol et la lance du dragonnier visait mon cou.
J'osais un regard vers Kenyan et la panique me saisit subitement. Il était inconscient à terre. Je n'eus pas besoin de plus de temps pour comprendre qu'il fallait nous rendre.
Notre chef était à terre.
- Dany, ça suffit. On se rends, clamai-je en levant les mains en l'air face au dragonnier au masque et aux cornes oranges.
- Sage décision, rétorqua ce dernier avant de me soulever de terre et de m'immobiliser les mains.
Il était fort, ses muscles se devinaient facilement même sous ses vêtements. Il était plus grand que moi mais plus petit que Kenyan.
L'autre dragonnier se chargea de Dany qui poussa un juron tandis que je restais silencieux, bousculé par l'ennemi qui me pressait d'avancer.
En face de moi, je reconnu la Femme de Glace, les descriptions qui lui étaient attribuées, lui correspondaient bien. De longs cheveux aussi noirs que les miens, et une puissance presque asphyxiante.
Elle se porta garante d'amener Kenyan à leur dirigeante et mon loup poussa un grognement alors que j'étais assigné à l'homme aux cornes, Taze qu'avait dit la dragonnière.
- Je ne montrerai pas les dents si j'étais toi, Elya est bien plus effrayante que Vépia, notre dirigeante, me surprit-il à m'adresser la parole. Monte.
Je fis ce qu'il me dit à contre cœur, je voulais garder un œil sur Kenyan mais déjà le dragon de glace prit son envol avec mon Alpha à son dos.
A mon tour, je me retrouvai sur le dos d'un dragon pour la première fois. Je restais indifférent.
- Accroche-toi... ou pas.
Et sur ces mots, le dragon prit son envol et je me retrouvais propulsé contre le torse de Taze. Ayant les mains attachées, je ne pouvais pas m'agripper. Il posa une de ses mains sur mon buste pour me maintenir le temps que le dragon prenne un vol plus droit. Il semblait fier de son coup et je retenais toute émotion de se dessiner sur mon visage.
Ne pas montrer à l'ennemi qu'il vous affectait.
Taze ne semblait pas vouloir enlever sa main alors que nous étions stables dans les airs. Ça m'agaçait, car j'étais du genre loup sans contact. Si j'avais été noyé dedans à une époque, je les évitais à présent. Je laissais peu de personne me toucher, alors un dragonnier. Je retins une grimace, c'était comme ça.
- On ne dit rien, se manifesta mon loup et j'étais d'accord avec lui.
- Tu n'es pas du genre bavard toi..., contasta-t-il.
Pas compliqué comme constatation cela dit.
- Tu me plais.
Mes yeux s'écartèrent légèrement.
Comment pouvait-il me parler si aisément alors qu'on était ennemis ? Si c'était une stratégie pour m'amadouer, ça ne marcherait pas.
Au loin, des cachots.
Au loin, nos appartements pour un temps.
Mais Kenyan restait la priorité, et je me fis la promesse de savoir où ils l'avaient emmené.
Parce que là était mon devoir.
Rien d'autre ne devait compter.
Rien.
~~~~~~~~~~~~~
Un peu de passé, des hypothèses ?
Un peu de présent, la relation entre nos quatres loups toujours aussi fusionnelle🥰
Et un peu de futur... Pas très enviable, en prison 😅
Et la première rencontre entre nos loulous🤭
Des bisous ❤
Crip'
Prochain chapitre : Bonne soirée
Extrait :
- Enfin un peu de compagnie ! Les louveteaux sont-ils en manque de nous ? m'exclamai-je euphorique avant qu'Elya ne me fasse chercher les autres intrus.
Et je lui obéis, parce que c'est ce qu'on faisait tous. Parce que malgré la rancœur que je lui portais, elle restait l'une des dragonnières les plus puissantes. Ce serait faire preuve de mauvaise foi que de lui tenir tête en combat. Je ne l'appréciais pas, mais je la respectais. Assez pour lui confier ma vie en temps de guerre et je savais que l'inverse était aussi d'actualité.
En dehors des terrains minés par contre...
Là c'était une autre histoire et je ne me gênais pas de le lui faire savoir.
Parce qu'elle était responsable de ma perte.
C'était sa faute.
Sa faute.
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