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Chapitre 5

Rain

Comme dans un état second, je laisse Porter me guider jusqu'à la sortie. Nul besoin de tourner la tête, je sais qu'Ilya me fixe du regard. Même à distance, je sens sa colère. J'aurais dû me douter qu'il serait dans les parages. Il connaît tout le monde et rien ne se passe dans cette fichue ville sans qu'il n'en soit informé. D'autant plus lorsqu'il s'agit de sa future « acquisition » ! Mais entre l'imaginer débouler en plein rendez-vous et être confrontée à son rictus suffisant, il y a un monde, que je ne suis pas prête à affronter. Par chance, en quelques secondes, les trois hommes de mon oncle ont retourné la situation. De proie facile, je suis devenue une marchandise précieuse, que le jeune monsieur Coleman s'est fait un devoir de protéger.

J'ai été abasourdie de le voir tenir tête à Ilya. Toutefois, là où ma mâchoire a failli se décrocher, c'est lorsqu'il lui a répondu en russe. C'était inattendu. Et oui, presque jouissif de voir ce monstre impuissant. Mais si je ne devais retenir qu'un souvenir de cet instant, c'est celui où Porter a noué ses doigts tatoués aux miens. Son geste n'était ni affectueux, ni même déplacé. Je crois que, de toute manière, il n'a pas réfléchi. Il a marqué son territoire.

J'aurais peut-être dû refuser, dégager ma main ou au moins, manifester un minimum de mécontentement de me voir ainsi revendiquée par un type que je ne connais depuis moins d'une heure. J'aurais dû prouver à Ilya que je ne suis plus cette enfant fragile et apeurée. Sauf que, sur l'instant, agripper la paume de Porter m'a semblé être la meilleure option possible.

Est-ce dû au phénix cousu sur le dos de son cuir ? À son lien évident avec mon oncle ou, justement, au fait qu'il se la joue homme des cavernes prêt à mordre le premier russe qui oserait poser ne serait-ce que les yeux sur moi ? J'entends déjà la voix de Malinda me réprimander. Ne fais pas confiance à un biker, mi vida. Pendant dix-huit ans, je l'ai entendue me rabâcher que je ne devais pas attendre d'un homme qu'il vienne me sauver. Et je crois que pour ma mère de cœur, les bikers sont presque aussi diaboliques que les russes. Mais ces derniers, elle se garde bien de les critiquer. Je ne peux pas l'en blâmer. Elle est sans conteste la personne la mieux placée pour savoir qu'il y a des choses à ne pas dire, des sujets à ne pas aborder. Dans notre maisonnette, on ne parle pas de Miroslav ou de son fils Ilya. Jamais. Parmi les sujets tabous, celui-ci est, de toute évidence, le plus délicat.

Aussi, en trottinant derrière Porter pour quitter l'office notarial, je me sens coupable. Parce que je connais le prix de l'insubordination. Je sais ce qui se cache derrière le regard froid d'Ilya. Si nos chemins ne se sont que peu croisés ces dernières années, j'ai pourtant retenu chacune des leçons qui m'ont été inculquées. On ne désobéit pas aux Isaev. Cette phrase se met à tourner en boucle dans ma tête, comme une litanie menaçante. Je n'aurais pas dû le laisser tenir tête à Ilya. Soudain, la chaleur que je trouvais salvatrice il y a encore quelques secondes me semble presque insupportable. Il va lui arriver malheur. Par ma faute.

Ma gorge se noue, ma vue se brouille et c'est à peine si je distingue les motos près desquelles nous nous arrêtons. Autour de moi, les bikers débattent, s'interpellent. Bien trop concentrée sur la boule d'angoisse qui s'est formée dans ma poitrine, je n'entends pas leurs paroles. Les chants des oiseaux, les bruits de la ville qui, peu à peu, s'anime, je n'y prête aucune attention. Tout ce que mon cerveau parvient à faire, c'est à se mettre en mode panique. Est-ce qu'Ilya va venir m'arracher aux bikers, risquant un scandale en pleine rue ? Va-t-il attendre que je sois revenue sur le domaine ? Je sursaute quand une grande main à la peau sombre effleure mon avant-bras avant de se poser sur mon épaule.

— Ça va, gamine ? Quelqu'un doit venir te chercher, ou... ?

Ramenée à l'instant présent par la voix de baryton du plus grand d'entre eux, je tente de faire bonne figure. Peine perdue. Porter grogne en fusillant son camarade du regard avant d'aboyer :

— Non. On la ramène.

Il n'est pas dupe. À sa manière de serrer les dents et d'éviter tout contact visuel, je peux jurer qu'il a vu les larmes se former au coin de mes yeux. J'imagine sans mal l'image que je dois renvoyer. Pauvre petite Rain, incapable de se défendre, de suivre une conversation ou même d'aligner deux mots. Quand il me tend son casque avec humeur, j'hésite. Me ramener ? Mettre un pied sur le domaine ? Est-ce qu'il est sérieux ? Au moment où, enfin, nos regards se croisent, tous mes doutes s'envolent. Parce que je suis persuadée que cet homme n'a jamais douté de rien. Il n'a pas peur. L'espace d'une seconde, je me surprends à me demander ce que l'on doit ressentir, en éprouvant une telle confiance en soi. Ne pas trembler à chaque bruit, ne pas craindre le décompte des jours sur le calendrier... Être libre. Oui, de mon point de vue, c'est ça, surtout, être un Wild Phenix. Avoir la possibilité de fuir cette ville, cette vie. Partir loin, ne jamais revenir. Si seulement j'en avais le courage...

— Tu comptes prendre racine, miss ? me lance le grand blond dans un éclat de rire à peine étouffé par son casque. Parce que Ink perd patience. Et crois-moi, t'as pas envie de le voir vriller.

Porter lui lance un regard noir, avant de faire rugir le moteur de sa Harley. Ravalant mes doutes et mes larmes, j'enfonce le casque sur ma tête, l'attache à la va-vite et m'avance de quelques pas. Et lorsque je remonte ma jupe pour m'installer sur la selle, son ami lâche un sifflement admiratif qui me fait lever les yeux au ciel. Porter, lui, ne semble toujours pas adhérer à l'humour de son ami.

— Lash ? Je te jure... Ferme-la.
— Quoi ? J'admire le paysage. Je ne suis jamais venu dans le coin et je dois dire que... j'apprécie. Vraiment.

Mes doigts se crispent contre le ventre de Porter. Oh, pas à cause des remarques tendancieuses de Lash. Non, ce qui me déstabilise, c'est la proximité de mon chauffeur. Ce n'est pourtant pas la première fois que je monte derrière un Phenix, loin de là. D'habitude, c'est auprès de mon oncle que je savoure la sensation grisante de la vitesse et le sentiment de liberté que procure une moto. Mais aujourd'hui, avec Porter, je me sens en sécurité. Sereine, presque.

— Je crois pas que Dino serait heureux de te voir manquer de respect à sa nièce, rétorque-t-il.

Puis il se tourne vers moi et marmonne :

— Accroche-toi, gamine.

Avant que je n'aie le temps de répondre, il donne un coup d'accélérateur et s'engage dans la circulation. À cette heure-ci, rares sont les voitures qui sillonnent le centre-ville : les ouvriers sont déjà à l'usine depuis l'aube, les producteurs s'activent dans les vergers, amassant les dernières tonnes de fruits destinés à être mis en boîte. Ne reste que la « haute », l'élite de Sunnyside. Il est donc logique que notre cortège attire les regards. Certes, les œillades sont discrètes. Les hommes pressent le pas, les femmes feignent l'indifférence. Dans le coin, l'arrivée d'une délégation de bikers, aussi petite soit-elle, n'est jamais une bonne nouvelle. Sauf pour moi.

Les quelques minutes que dure le retour me paraissent magiques. Sentir le vent contre mes cuisses, me lover contre le dos de mon chauffeur improvisé... Les yeux fermés, je savoure l'instant. Durant une dizaine de minutes, plus rien ne compte. C'est comme si Oncle Lyle était là, à mes côtés, prêt à tout pour me tirer de ce cauchemar qu'est devenu ma vie. Instinctivement, je serre un peu plus les poings contre le ventre de Porter et je le sens se crisper.

Je ne connais rien de cet homme, si ce n'est son patronyme et son sobriquet. Ink. Pas très original, je le concède. Néanmoins, il y a quelque chose qui m'intrigue chez lui. La façon dont il m'a dévisagée dans le bureau de Freya, son attitude face à Ilya ou sa menace à peine voilée balancée au nez de son ami Lash... J'ai envie de croire aux mots de mon oncle. D'espérer que, tant qu'ils seront là, lui et ses deux comparses, je ne risque rien. Cette idée m'arrache un petit rire. Comme si les Isaev allaient se soucier de trois types à moto !

Autour de nous, le décor change. Les maisons se font plus rares, les jardins plus grands et les voitures plus luxueuses. À une allure raisonnable, les Harleys remontent Fleet Street, gravissent la colline. Ici aussi, les regards se font insistants. Mais je n'y prête plus attention. Le portail de la demeure familiale se dessine à une centaine de mètres, ravivant la boule d'angoisse qui s'était envolée le temps du trajet. Lorsque mon chauffeur s'arrête face à l'interphone, je me penche et tape le code de sécurité, permettant ainsi aux deux lourds battants en fer forgé de se mettre en branle. Je reprends ma place, me cale contre Porter et lui glisse :

— Prends le chemin sur la droite.

Étonné, il se tourne, arque un sourcil, mais ne bronche pas. Au pas, il s'engage dans l'allée principale, Wit et Lash sur nos talons. Quand nous atteignons l'embranchement, je tapote sur sa cuisse. Il ne bronche pas et s'exécute, même si, de toute évidence, il s'attendait à rejoindre le bâtiment principal. Loupé, mon gars ! Nous longeons les installations hors de prix qui faisaient la fierté de mes parents et nous valaient les regards envieux de tout le voisinage. Bien qu'aucun des habitants de cette rue n'est à plaindre, il est tout de même de notoriété publique que la famille Hamilton détient une des fortunes les plus importantes du comté. Non. Nous sommes même au sommet de la chaîne alimentaire. Étions. Il ne reste plus que moi.

Enfin, la maisonnette de Pablo et Lucinda apparaît entre les arbres. Rien à voir avec la demeure de feu le maire Hamilton : pas de grandes fenêtres à croisillons, de hautes cheminées ou de balcons imposants. Ici, pas de salle de réception  ou de parquet à la française. J'ai grandi dans cette jolie petite bâtisse en briques, appréciant mille fois plus ma chambre mansardée que la suite froide et impersonnelle que j'avais, là-haut. Chez les Garcia, j'ai appris la valeur des choses. J'ai découvert la vie de famille, l'importance du travail et du respect. J'ai été aimée, choyée, protégée. Peu importe les millions qui dorment dans le manoir de mes parents ou sur leur compte en banque, dont je deviens la légataire. C'est ici, chez moi. Comme j'aurais aimé que rien ne change... Mais on ne peut pas lutter contre le temps qui passe, n'est-ce pas ?

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