Adylin

Je pars donc en direction des vestiaires, je prends une douche rapide et m'habille avec ma tenue qui « déchire », selon Colleen. Je me maquille, fond de teint, blush, eye-liner, mascara, parfum, tout y passe et me voilà fin prête pour la soirée de Zack. J'enfile mon Perfecto noir et me regarde dans le miroir. J'avoue être assez satisfaite du résultat.

Quand je reviens au bar, j'ai droit à des yeux ronds de surprise de la part de Jax et à un cri hystérique de la part de Colleen qui me prend dans ses bras en s'extasiant sur mon look. Elle me fait aussi part de sa plus grosse déception, mon hétérosexualité. Mais ça, ce n'est pas une première, elle me le répète bien assez souvent. Je le prends comme un trait d'humour, mais j'avoue m'être déjà interrogée sur la sincérité de ses mots...

Bref, j'ai quand même hâte qu'elle me rejoigne chez Zack, je ne connais personne et ça, j'avoue que ça me stresse un peu...

Je commande ensuite un Jäger Red Bull à mon boss (qu'il m'offre gracieusement) afin de me donner un coup de fouet et surtout du courage pour affronter des personnes que je ne connais pas, commande un taxi et sors sur la terrasse privée me griller une clope.

Quinze minutes plus tard, le taxi arrive et me conduit au domicile de mon barman préféré.

***

Le taxi m'a déposée depuis quelques minutes, mais je fume une dernière cigarette avant de pénétrer dans la maison. La musique bat son plein à l'intérieur et j'entends des gens rire et parler fort. Un bruit derrière moi me fait me retourner vivement. Un mec qui a à peu près mon âge, une casquette à l'envers sur la tête, portant un bermuda et une chemise bariolée à manches courtes, est adossé contre le mur. Décontracté, les bras croisés sur son torse, une cigarette à la main, il me gratifie d'un charmant sourire.

– Hé Redhead ! tu es venue pour la soirée ou juste pour fumer ta clope devant la maison avant de repartir ? me demande-t-il sur un ton moqueur.

– Non, je compte bien entrer, mais je fumais juste une clope tranquillement avant, lui réponds-je avec un sourire timide.

– Moi, c'est Devon, me dit-il en s'approchant de moi et en me tendant la main. Tu connais Zack ?

– Adylin, dis-je en lui serrant la main en retour. Je bosse avec lui, en fait.

– Ah, c'est toi la petite nouvelle du Styx ?

– C'est bien moi.

Je suis en train de tirer une dernière latte quand il m'attrape la main et me tire avec force en direction de la porte d'entrée. J'ai tout juste le temps de jeter mon mégot avant de me retrouver propulsée dans l'ambiance chaleureuse et festive de la maison.

– Zaaack ! Ta dernière invitée est là ! Vas-y, fais tout péter ! crie-t-il.

Il y a une quinzaine de personnes dans la grande pièce à vivre et tout le monde se retourne sur nous. Zack arrive par la baie vitrée, un sourire jovial étire ses lèvres, et il me serre dans ses bras.

– T'es sublime, Ady !

– Dis tout de suite que je suis moche d'habitude ! répliqué-je, faussement vexée.

– Tu sais bien que non ! Allez viens, on n'attendait plus que toi pour tirer les feux, dit-il en m'entraînant dehors. Je te laisse te servir à boire, fais comme chez toi et je te fais visiter après la pyrotechnie.

Sur ce, il se retourne et rejoint des mecs au fond du terrain à l'endroit où seront tirés les feux, je suppose, et me laisse seule au milieu des inconnus qui inondent sa terrasse. Plusieurs groupes sont éparpillés, discutant, buvant et fumant. Des éclats de rire fusent de tous les côtés, parvenant presque à masquer la chanson « Breaking the Habit » de Linkin Park. Je m'approche du buffet de boissons, où le nombre de bouteilles d'alcool est impressionnant, je prends une bière et m'installe dans un coin de la terrasse où il y a un peu moins de monde, attendant le début du spectacle. Une odeur âcre d'herbe vient s'immiscer dans mes narines, je fronce subrepticement le nez et essaie de ne pas m'en formaliser, c'est la fête après tout. Mon regard se pose sur Zack, je souris en le voyant faire le clown autour des fusées.

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– Alors Redhead, tu t'éclates ? me demande le mec à la casquette.

Devon se plante devant moi. Un verre en plastique rouge rempli de bière dans une main et une cigarette dans l'autre, il m'offre un sourire sincère et communicatif.

– Euh... oui, je viens juste d'arriver en ville et je ne connais personne à part Zack... Donc voilà...

– Faux ! Tu me connais moi, maintenant ! me dit-il avant de boire une gorgée. Et d'ailleurs, tu viens d'où ?

– Je suis originaire de Cincinnati mais je vivais à Phoenix jusqu'à il y a six mois.

– Quoi ? Pourquoi tu es venue te perdre ici ? C'est pourtant sympa l'Arizona ! s'exclame-t-il.

Je ris et lui réponds :

– Eh oui, que veux-tu, je dois être la seule fêlée à préférer l'Ohio à l'Arizona, mais c'est comme ça !

Tout en discutant avec Devon, j'ai cette drôle de sensation d'être observée. Mais lorsque je me retourne, je ne vois personne regarder dans notre direction, tout le monde est occupé à discuter, à boire, à rire.

Un mec vient se planter devant nous, les bras croisés, et nous dévisage avec impassibilité. Sa carrure de footballeur m'impressionne et me fait me sentir minuscule. Une grosse barbe brune mange ses joues, des yeux clairs me scrutent et une casquette en arrière dissimule ses cheveux. Après quelques secondes à m'observer, il me donne une accolade pour me dire bonjour et se présente.

– Salut Redhead, moi c'est Kyle, un ami de Devon, de Samuel et de Zack. Ravi de te rencontrer, Zack m'a beaucoup parlé de toi, me lance-t-il en souriant sincèrement.

– Pareillement ! Par contre, j'ai un prénom, les gars ! Et c'est Adylin, dis-je avec un sourire en les regardant tour à tour. Alors si vous pouviez éviter de me rappeler que je suis rousse, ce serait cool !

Les mecs se marrent, mais la conversation est écourtée quand Zack siffle et annonce le départ du show.

Un premier feu s'élance dans le ciel, suivi d'un deuxième qui monte plus haut que le premier. S'ensuit toute une palette de couleurs et de formes. Il ne fait pas semblant quand il tire des feux, le barman ! Je comprends mieux son excitation à l'idée de cette soirée. Les fusées s'enchaînent et nous émerveillent pendant une quinzaine de minutes. À la fin, Devon se met à jouer avec des baguettes de batterie qui étaient dans la poche arrière de son bermuda, les faisant tourner entre ses doigts agiles.

– J'en déduis que c'est toi le batteur du groupe ?

Je lui fais un d'œil.

– Yep ! Je suis impressionné par ton esprit de déduction, Redhead. Ouais, c'est bien moi en chair et en os ! Et Sam ne doit pas être bien loin, me dit-il en cherchant le concerné du regard. Ah tiens, il est là-bas, le gars qui se cache sous une capuche !

Je me tourne vers l'endroit que m'indique Devon et je reconnais alors le mec avec des vêtements sombres et une capuche sur la tête que j'ai croisé plusieurs fois devant le bar. Je suis surprise de le voir ici, mais encore plus parce qu'il s'agit du fameux Samuel.

Il se passe la main nerveusement dans les cheveux et fume en regardant le vide, posé contre le claustra entourant la terrasse. Zack interrompt ma contemplation.

– Hé ma belle, tu viens, je te fais visiter avant le concert ?

J'acquiesce, souris à Devon et suis Zack à l'intérieur de la maison. Nous repassons par la grande pièce à vivre, où j'aperçois la batterie de Devon, un piano, une basse et un ukulélé dans le coin, devant la baie vitrée qui mène devant la maison. Nous prenons un couloir, il m'ouvre chaque porte, en montrant : les toilettes, la salle de bains (immense !), la cuisine, sa chambre ainsi que deux chambres d'amis. Lorsqu'il me fait poser ma veste dans la chambre qui sert de vestiaire, il émet un son étouffé en découvrant mon dos.

– Tu m'avais caché cette œuvre d'art, Ady ? ! dit-il d'un air impressionné.

– Je ne te l'ai pas « cachée », c'est juste que je ne te l'ai pas montrée ! réponds-je en marquant la nuance.

– En tout cas, il est vraiment chouette !

Je le remercie et nous retournons dans la pièce principale. Zack me sert un cocktail fait par ses soins, j'ai peur d'avance de le goûter, je sais qu'il a tendance à avoir la main lourde sur l'alcool. Il est barman depuis plusieurs années, donc il maîtrise parfaitement la mixologie. Et le problème, c'est qu'il doit être excellent, un peu trop même, tellement qu'on ne sent pas l'alcool. C'est là que ça devient très dangereux.

Il interpelle son cousin, qui venait dans notre direction.

– Hé Sam, te voilà enfin, je te présente ma collègue, Adylin. Ady, voici mon cousin Samuel !

Le chanteur me fixe intensément de ses yeux très sombres. Zack s'excuse subitement et part régler un problème de casse sur la terrasse. Pour meubler le silence, alors qu'il continue à me regarder fixement et que je ressens de nouveau ces frissons longeant ma colonne vertébrale, comme la dernière fois que nous nous sommes croisés devant le Styx, je lance :

– Ah, le fameux cousin célèbre ! Enchantée, Zack m'a beaucoup parlé de toi ! lui dis-je avec un sourire avenant et sincère.

De loin, je n'avais pas remarqué qu'il était aussi beau. Je sens mes joues s'empourprer, mes mains devenir moites et mon cœur commencer à s'emballer.

Officiellement, on va dire que c'est le cocktail qui fait effet !

Ses yeux semblent vouloir fouiller mon âme. Et ça me trouble bien plus que je ne le voudrais.

Depuis les quelques secondes qu'il est devant moi, son visage est d'une impassibilité à faire peur.

– Zack devrait apprendre à la fermer de temps en temps, il sait que je n'aime pas qu'il parle de moi à n'importe qui ! crache-t-il avec une méchanceté que je ne comprends pas.

Là-dessus, il se retourne, se dirige vers les instruments et commence à vérifier son matos. Moi, je reste là, hébétée.

C'est quoi son problème ?