Un brouhaha dantesque agitait la salle. Les forces de sécurité tentaient de juguler les passions de la foule endiablée, avec grande difficulté et également, il faut le préciser, peu d'enthousiasme. Des cris, des insultes, des objets lancés, tout cela à destination d'un seul homme, se tenant tranquillement assis sur son siège, et pianotant sur la table devant lui avec un air de détachement absolu. Il entendait pourtant parfaitement toute la haine déchainée à son encontre derrière lui, mais il s'en fichait totalement. À vrai dire, ça l'amusait, même.

Il était bien le seul à se sentir ainsi.

-Accusé, ai-je bien entendu ce que vous venez de dire? Répéta le juge avec un regard inquisiteur.

L'homme soupira, et avant que son avocat ai pu dire quoi que ce soit, il s'exprima ainsi:

-Vous avez parfaitement compris mes paroles, Monsieur le Juge, mais je les répèterai pour votre bon plaisir. Je reconnais tous les faits qui me sont attribués, et, à vrai dire, je n'en regrette pas un seul. J'ai vécu toute ma vie comme je le désirais, je suis passé sous le nez de votre justice sans la moindre difficulté et, maintenant que je me fais vieux, je pense qu'il est temps de profiter d'une retraite bien méritée.

-Monsieur le juge! S'exclame l'accusation. Cet homme est un être absolument abject! Non content d'avoir été à la tête d'un trafic de la pire espèce pendant des années, il en a lui même grandement profité, et ainsi ruiné des milliers de vies tout en empochant une somme colossale! Pire, il en est fier, et en regardant dans les yeux de ses victimes traumatisées, tout ce qu'il a fait c'est de sourire. Je réclame la prison à perpétuité pour cette homme sur lequel la morale n'a de toute façon aucune prise.

-Monsieur le Juge, cette attaque ad hominem est totalement honteuse! La morale de mon client...

-Laisse, mon brave, il a parfaitement raison! Coupa l'homme, interrompant ainsi son propre avocat.

À ces mots, la clameur dans la salle redoubla, et son sourire s'élargit. Il s'amusait beaucoup avec ce peuple stupide pour une dernière fois. Pendant des années, il s'était joué d'eux, se mettant parfaitement dans la peau parfait philantrope, et cachant ainsi sa sombre véritable activité. Mais maintenant que tout était fini, qu'il n'avait de toute façon plus d'échappatoire, il se faisait une joie de leur montrer à quel point ils avaient tous été naïfs, en découvrant l'horreur de son véritable business, tout en ignorant le nombre de personnalités qu'ils adulaient y ayant pris part, et dont la tête ne tarderait pas à tomber après lui.

Oui... cet homme aimait beaucoup ce monde. Il était si simple d'utiliser les pulsions les plus viles pour obtenir plus de pouvoir, d'utiliser ce pouvoir pour atteindre ses objectifs, de réduire les plus faibles à des moins que rien dans ce but, et de régner pendant des années sur un empire souterrain empli de rêves brisés, de cris de douleur mêlés à ceux d'un plaisir malsain, et d'argent. Tant d'argent... beaucoup d'argent. Bien cachés, dans tant de paradis fiscaux qu'il serait à jamais impossible à la justice d'en recouvrer l'intégralité. De quoi se reprendre ses objectifs en paix une fois son temps de prison terminé. Cet homme n'était plus tout jeune, mais suffisemment pour survivre à la perpétuité et ressortir frais comme un gardon pour profiter de tout cet argent accumulé. Il le savait parfaitement. Les autres aussi.

-Bien! Silence dans la salle! Soupira le juge. Accusé! Vous êtes reconnu coupables des crimes et délits énumérés plus tôt, et je vous condamne donc à la prison à perpétuité, ainsi qu'a une amende s'élevant à 10 millions d'euros de réparation pour vos nombreuses victimes.

L'homme ricana. Cette somme n'était qu'une broutille pour lui. Son regard dériva vers le banc des témoins. Elles étaient là. Pas toutes, mais certaines d'entre elles. Petites, frêles, le regard fuyant, la peur au ventre. Il sourit en pensant que tout cela était le fait de son travail. Alors qu'on l'emmenait hors de la salle, il se retourna une dernière fois et leur lança:

-Au revoir, mes petites. Bonne courage pour la suite!

Toutes tressaillirent au son de sa voix, et cela le fit exploser de rire. La porte de l'enfermement se referma ainsi sur le cortège de policiers l'emmenant, et sur son rire sardonique qui continua longtemps de résonner dans les couloirs du palais de justice.

C'était la fin d'une histoire, la fin d'un empire du crime, la fin d'une sombre période pour de nombreuses victimes. La fin d'une époque tragique pour celles-ci, et le début d'une difficile, la réintégration dans la société, le devoir de vivre avec un tel poids sur le dos désormais. Ce que l'homme leur avait fait subir, jamais elles n'en seraient débarrassées. Tout ce qu'elles pouvaient faire, c'était aller de l'avant et croire en un futur meilleur.

Et au vu de leur passé, le futur ne pouvait qu'être un havre de paix, quelles que soient les difficultés rencontrées en chemin.