29- Merci
Le temps s'écoule lentement, j'ai l'impression qu'on est là depuis une heure, alors que ça ne fait probablement que cinq minutes. Mais j'arrive doucement à me calmer. Abigaëlle ne pense pas de la même façon que moi, et à chaque conversation de ce genre, une dispute est inévitable. Mais elle reste ma meilleure amie. Quoi qu'elle dise, quoi qu'elle pense, c'est toujours pour mon bien. Seulement, comme nous n'avons pas la même façon de penser, c'est compliqué de le prendre pour un encouragement.
-Ça va mieux ? finit par demander Ashton, sa main toujours sur mon dos, me surprenant.
-Oui, merci. Et désolée, aussi. dis-je avec un petit sourire.
-Je crois pas que c'était méchant, tu sais ?
-Oui, je sais.
-Je vois. Ça arrive souvent ? Vous avez l'air de bien vous entendre pourtant.
-C'est le cas, mais il arrive souvent qu'on se dispute pour de la merde. On a pas le même genre de caractères, faut dire. dis-je en faisant la moue.
-J'ai cru voir ça, oui. dit-il en riant doucement.
Il a l'air de chercher ses mots, et regarde le ciel. La nuit est noire, bien que la lumière des lampadaires nous éclaire intensément.
-Je sais pas pourquoi j'ai envie de te raconter ça, alors que ça fait un bon moment que j'en ai parlé à personne, et encore plus de temps que j'y ait pas pensé. dit-il en me regardant avec un petit sourire. Mais ce que tu dis m'y a fait penser.
Je le regarde sans rien dire, attendant simplement la suite. Les gens ont toujours eut tendance à se confier à moi, je sais pas pourquoi. À vrai dire, j'aime aider les autres, alors ça ne m'a jamais déranger. Et je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression qu'Ashton aussi est comme ça.
-Quand j'étais ado, je... hum c'est jamais facile à dire. Disons que j'étais dans une passe difficile, comme on en a tous un jour, et je me suis scarifié. Plusieurs fois en fait. Et c'est plus ou moins grâce à Cole, Matt et Luke que je vais bien aujourd'hui. Et quand on se dispute, j'ai tendance à vraiment aller mal. Alors quand je t'ai vu partir ça m'a fait penser à ça. Je sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression que tu ressembles au moi d'y a 7 ou 8 ans. À Cole aussi, mais ça faut pas lui dire.
Je le regarde, pendue à ses lèvres. Pense-il vraiment que je vais si mal que ça ? Il a du comprendre ma question silencieuse, puisqu'il poursuit.
-Bien sûr, je suis pas en train de te dire que je pense que t'as envie de te scarifier ou te foutre en l'air, ou je sais pas quoi d'autre. J'ai juste voulu te réconforter. Si je l'avais pas fait Matt l'aurait fait en plus. dit-il en riant, me faisant sourire. Brook aussi en avait vraiment envie. Mais je leur ai dit que j'y allais.
-Merci. Vraiment. je lui réponds.
-Je t'en pris.
J'ai envie de lui en parler. De ma mère, et de toute cette histoire. Je me sens en sécurité, là, à côté de lui. Il a une espèce de présence fraternelle que je n'ai pas ressenti depuis ce qui me semble une éternité. Les larmes me montent aux yeux. Ils me manquent tous tellement. Pas seulement Ezra, mais Jonah, Evan, papa, et même maman.
-Qu'est-ce qui va pas ? me demanda-t-il, un peu affolé.
-C'est juste que tu me fais un peu penser à mon frère, c'est tout. dis-je en souriant, les yeux toujours pleins de larmes. À mes frères en fait.
-Ils te manquent ? Ta famille est à Toulouse c'est ça ? Tu les a pas vus depuis longtemps ? me demanda-t-il à la suite, me faisant sourire.
-Oui. soufflais-je
Il rit doucement, se rendant compte que son avalanche de questions est un peu maladroite. Puis il reprend, sur un ton toujours aussi doux :
-Depuis combien de temps ?
-Deux ans, je pense. Même plus de deux ans. Je suis partie de chez moi directement après mes partiels du premier semestre en L1. Ça doit faire...
-À peu près deux ans et trois mois... Comment ça se fait ?
-Hum, à la m... commencé-je, avant de me rendre compte que je ne peux pas continuer. Après l'accident, ma mère est devenue folle, et arrêtait pas de dire que j'étais une meurtrière, que je lui avait... « Enlevé » un de ses enfants. Alors j'en pouvais plus, et je suis partie. Mes grands-parents, qui se sont occupé de moi pendant mes mois de convalescence, m'ont accueillis, et m'hébergent même gratuitement dans un de leurs appartements. Mes frères et mon père n'ont rien fait pour m'empêcher de partir.
-Tu... Un de tes frères est... Mort ? demande-t-il, essayant de ne pas utiliser des mots trop durs.
-Oui. dis-je simplement, en levant les yeux aux ciel, de peur que mes larmes finissent par tomber.
-Je vois. Je suis désolé. dit-il, alors que je secoue la tête. Tu ne les a pas revus depuis, donc.
-Non. Sauf Jonah, il est venu me voir, mais ne m'a pas parlé.
-Tu ne t'es jamais dit qu'ils ne t'ont pas retenus parce qu'ils ne voulaient plus supporter de voir ta mère agir comme ça ?
Je tourne lentement le visage vers lui, choquée par ses propos. Je n'y ai jamais pensé. Mais la façon dont ils ont agit... Quand Grana et papy sont venu s'occuper de moi, après l'accident, c'est Jonah et papa qui en avaient eut l'idée, voyant que maman s'en contre-fichait et ne voulait plus me voir dans la maison. Et quand j'ai énoncé mon désir de partir, papa m'a dit que c'était la meilleure chose à faire ; ça m'avait profondément blessé, je pensais que lui non plus ne souhaitait plus de moi chez lui.
En me rendant compte de l'évidence, je sens mes yeux déborder de larmes, et un sanglot s'échappe de ma gorge, alors que je pose une main sur ma bouche. Toute cette histoire, je me la suis crée de toute pièce. Enfin, ils ont quand même une part de responsabilité, dans cette histoire, mais minime.
Ashton me prend presque immédiatement dans ses bras, se rendant compte qu'il a tapé dans le mille. Il pose ma tête dans le creux de son cou, et je me met à pleurer doucement, beaucoup plus chamboulée que je ne le voudrais par ses paroles. Il me calme du mieux qu'il peut, mais le nuage sombre qui obstrue ma vue sur cette histoire vient de se lever. Et je comprends tout. Et bordel qu'est-ce que je me trouve conne ! Il faut que j'appelle Jonah.
Nous restons comme ça pendant un petit moment, avant que je murmure un « merci », qui vient du fond du cœur. Je me détache, et me mouche en m'excusant d'avoir probablement taché son pull. Il rit, puis reprend la parole :
-Il y a un dernier truc dont je voulais te parler, mais faut que tu me promettes d'en parler à personne. comme j'étais toujours incapable de lui répondre, j'acquiesce. Bon, je vais pas tergiverser pendant trente ans, je vais aller directement au fait : je pense qu'Abigaëlle me plaît.
Mes yeux s'écarquillent, et je les plante dans les siens. Il n'a pas l'air de mentir. Mais il vient de me faire promettre de mentir à ma meilleure amie.
-Mais elle me plaît vraiment. Tu sais, quand on a dormit ensemble ? Je sais que Matt et toi nous avez vu dormir. C'est de mon plein gré que je l'ai prise dans mes bras. Après, je dirais pas que je suis amoureux d'elle, ce serait débile de dire ça parce qu'on se connaît pas. Mais y a un truc chez elle qui me plaît énormément.
-Pourquoi m'en parler à moi ? demandé-je, en aillant enfin fini avec ces mouchoirs.
-Je sais pas, je me sens proche de toi. Tu m'as dit que je te faisais penser à tes frères ? Je crois que tu me fais penser à ma petite sœur.
Ashton me promet de ne rien dire aux autres, il ne comprend que trop bien mon désir de ne pas étaler cette histoire. Même si je suis calmée, on décide de rester un petit moment dehors. J'ai encore les yeux rouges et gonflés, et j'ai pas trop envie qu'on me voit comme ça.
En tout cas, je sens que cette conversation m'a fait du bien. Parler avec lui, et avoir son avis sur la question m'a fait beaucoup de bien. Disons qu'il a retourné ça dans un sens auquel je n'aurait jamais pensé. Je me sens libre, légère comme une plume. Je viens de découvrir que finalement, peut-être que toute ma famille ne me déteste pas, et ça me fait beaucoup de bien.
J'entends aboyer, et vois Hime arriver vers moi comme une furie, folle de joie. Je m'accroupis, et lui fais un énorme câlin. Seulement, elle n'est pas arrivée seule, Matt est à l'autre bout de sa laisse. Il me sourit, puis lorsque ses yeux rencontrent les miens, sa joie s'efface. Ashton tapote mon épaule, me fait un bisou sur le front avant de retourner dans le bar. Matt le regarde rentrer, puis vient vers moi. Je ne le regarde pas, mais je suis certaine qu'il fixe mes yeux bouffis par les larmes. Je ne voulais pas qu'il voit ça.
-On commençait à s'inquiéter, à l'intérieur. dit-il sans l'once d'un sourire dans la voix.
-Désolée, on a un peu parlé. dis-je, n'omettant qu'à moitié la vérité.
-Abi avait pas l'air super bien, et m'a demandé de venir voir si ça allait.
-Haha, je m'en serais douté. dis-je en riant, et en l'imaginant très bien faire ça. Merci.
Il ne répond pas. Je lève les yeux vers son visage, il est en train de regarder un peu plus loin dans la rue. Il doit certainement se demander si c'est à cause d'elle que je pleurerais. Hime a l'air de vouloir sentir toutes les odeurs de la rue, et je la regarde s'éloigner.
Je suis gênée. Je sais pas vraiment quoi dire pour rompre le silence qui commence à nous envahir. On se connaît pas tant que ça, finalement, et je sais vraiment pas de quoi parler. Je me demande si lui aussi ça le gêne, ce silence. En plus, je suis le genre de personne à ne pas être gênée par le silence habituellement.
La main de Matt main passe délicieusement sous mon menton, et je ne m'y attend tellement pas que je sursaute.
-Haha, pardon, je pensais que tu t'étais remise à pleurer. dit-il en affichant un sourire éblouissant.
-Ah, non c'est rien, désolée. dis-je secouée par ce qu'il vient de se passer.
-Pourquoi tu t'excuses ? Ça a pas de sens ! dit-il en riant.
-C'est vrai pardon. dis-je en riant à mon tour et en m'excusant de nouveau, ce qui le fait rire de plus belle.
-N'importe-quoi ! rigole-t-il.
Ses iris brun cherchent les miens, et je le plonge un instant mon regard dans le sien avant de baisser les yeux, intimidée. Comment ces garçons peuvent-ils être tous aussi gentils ? Ashton m'a libéré du bourbier duquel je n'arrivais plus à sortir, et Matt vient de me rendre d'encore meilleure humeur que je ne l'étais.
On reste un moment encore dehors, tous les deux. Et étrangement, le silence ne me dérange plus. Je m'amuse un peu avec Hime, en réfléchissant. Je crois que ça m'avait manqué, d'avoir des amis masculins. Ça fait quand même depuis Toulouse que j'en ai pas réellement eût.
Je décide qu'il est temps de retourner à l'intérieur quand on commence à grelotter. En me voyant arriver, Abigaëlle me fait un grand sourire soulagé, et me prend dans ses bras. Je la serre fort contre moi, désolée qu'elle se soit inquiété.
Je m'en veux aussi de ne rien pourvoir lui dire sur les sentiments d'Ashton, mais j'imagine que je ne lui dirait qu'une partie de ce qui s'est réellement passe. Le plus important c'est que je me suis confié à lui, et qu'on a tous les deux senti un lien spécial entre nous. Mais je ne veux pas qu'elle pense qu'elle m'a blessé au point de pleurer.
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