« Les jours se ressemblent, et tout me paraît incroyablement banal. Je sais que ça ne l'est pas pour certaines personnes, mais pour moi ça l'est. Je veux plus ; non, j'ai besoin de plus. J'en ai marre de toutes ces journées tellement similaires et peu intéressantes. Mes amies sont loin de moi, et mes journées à la fac semblent interminables. J'attends sans arrêt quelque chose qui n'arrivera jamais, et pourtant je reste dans cette pensée simpliste que quelque chose peut m'arriver même si je ne fais absolument rien.

Tout ça me saoule et je perds foi en l'humanité de plus en plus souvent. Je ne dis pas que ce que je fais ne m'intéresse pas, ni que les gens que je côtoie ne sont pas intéressants ; mais je n'y arrive plus. Je ne suis pas heureuse ainsi, ou du moins je n'arrive plus à l'être. C'est comme si il me manquait quelque chose. Je fais de mon mieux pour m'accrocher, et ma famille n'arrête pas de me rabâcher les oreilles en me disant qu'il faut que je finisse totalement mes études pour arriver à réussir dans la vie. Je me complais un peu en me disant que c'est dans seulement trois ans que j'aurais tout fini, mais ce n'est pas assez.

Je veux que tout ça change. Ma vie, mes relations avec ma famille, mes amis, tout. J'ai l'impression d'être qu'une bonne à rien qui désire avoir le monopole de l'attention. Mais ce n'est pas ça que je veux, je ne souhaite que de la reconnaissance pour les petites merdes que j'écris dans la vraie vie.

Enfin, encore une fois, me voilà à me plaindre de ma petite vie insignifiante parmi les 7,43 milliards d'autres vies qu'il y a sur cette terre. Je pense que beaucoup d'entre vous se reconnaîtrons ici, comme c'est habituellement le cas, et je souhaite que tout ça change pour vous. »

Je me force à relire l'horreur que je viens d'écrire, et j'ai vraiment l'impression de me plaindre sur tout le long du post. En fait, c'est même exactement ce que je fais. Je tape sur la touche ''entrer'' de mon ordi portable, avant de m'étirer sur ma chaise de bureau, et de me lever doucement. Un frisson parcourt mon corps quand mes pieds nus entrent en contact avec le carrelage gelé. Je les glisse rapidement dans mes chaussons bien chauds, échoués près du canapé.

Hime aboie en venant se frotter à mes jambes, et je me rends compte qu'il est déjà 20 h 30. Normal qu'elle réclame à manger à cette heure-ci ! Je lui ouvre rapidement une boîte avant d'ouvrir mon frigo ridiculement vide, tout en me demandant ce que je vais bien pouvoir me faire à manger. Nous sommes le 30 décembre, et je dois bien avouer que je suis un peu à sec.

Ça se ressent tout particulièrement dans ce que je mange, soit : des pâtes, du riz et des nouilles instantanées. Mais aussi dans mon style de vie, puisque je sais même pas si je vais pouvoir faire la fête demain soir, pour le nouvel an. J'ai pas assez de sous.

Bon, je ne suis pas à plaindre, l'appartement dans lequel j'habite appartient à mes grands-parents, et ils ne me font rien débourser pour le loyer, mis à part les charges. C'est à dire que mes 292€ de bourses et mes 260€ d'APL ne servent presque qu'à ma nourriture, mes sorties, mes vêtements, etc. Autrement-dit, je les utilise comme je veux. Mais ce mois-ci j'ai vraiment abusé, et quand j'ouvre mon placard contenant mes bols je m'en rends encore une fois compte. J'avais pas besoins d'acheter autant de vaisselle, bordel ! Surtout étant donné que je vis seule dans un appartement de 28m².

Le camion-poubelle passe en bas dans la rue, et Hime cours de faufiler sous le canapé, morte de peur. Je n'ai jamais su pourquoi, mais elle a toujours eu une peur bleue de ces engins, et depuis qu'on est dans cet appartement, rue le Peletier, dans le 9ème arrondissement de Paris, c'est encore pire. Les fenêtres sont vieilles, autant dire que la rue fait partie intégrante de mon appartement.

Ça va faire un an et demi que je vis ici, et ça change énormément de Toulouse, ma ville natale. Je crois que Hime aurait d'ailleurs préféré rester là-bas, mais ma mère ne tenait pas particulièrement à la garder, et comme elle aimait si bien me le rappeler, « c'est toi qui l'a voulu, donc c'est toi qui la garde ».

C'est sans grande conviction que je met de l'eau à bouillir et que je dépose un de mes nouveaux bol, couleur taupe sur mon bar. Je sors une paire de baguettes de mon tiroir, tout en préparant mon repas très peu consistant, qui sera, je le crains, le meilleur de la semaine. C'est à dire que c'est toujours mieux ça que des pâtes aux beurre... Là, au moins ça a du goût.

Après avoir tout préparé, je met 4 minutes au minuteur, puis retourne devant mon ordi. Cela va faire à peu près 3 ans que je tiens un ''blog'', sur lequel je poste des photos et des textes, sur la plate-forme Siquy. J'avoue avoir pas mal de gens qui me suivent (presque 19 000 abonnés), et j'essaye de poster le plus souvent possible des choses plus ou moins pertinentes, même si la plupart du temps je me plains.

Je vérifie rapidement les commentaires sur ce que je viens de poster, et j'essaie, comme à chaque fois, de répondre au plus de personnes possible. Beaucoup d'entre eux comprennent ce dont je parle dans cet article, tandis que d'autres me disent qu'ils compatissent. Ça me touche de me dire que je ne suis pas aussi seule que je le pense. Le bruit du minuteur me fait sursauter, et je souris devant ma frayeur débile.

Hime me réclame des caresses quand je m'installe sur le canapé, posant sur ma table basse le plateau contenant mon maigre repas. Je plonge ma main dans les poils longs de sa fourrure, tout en étant absorbé par une série télé d'une connerie inimaginable, et en mangeant distraitement. Je m'attendais à ce que le plat ait plus de goût, et je fais une moue un peu dégoûté en me rendant compte que c'est totalement fade. ''Plus jamais'' je marmonne, tout en continuant à ingurgiter ces pâtes très peu recommandables. D'autant plus qu'étant (presque) végétarienne, j'ai mit un temps fou à trouver des nouilles instantanées que je puisse manger... Je suis saoulée.

Mon portable vibre contre ma cuisse, et je me dépêche de taper le code pour le déverrouiller. Une de mes meilleures amies a envoyé un message sur notre vieille conversation de groupe. Ce qui n'arrive plus aussi souvent qu'avant, étrangement. J'imagine que c'est normal, avec le temps et la distance, mais c'est quand même vachement douloureux.

Nous somme quatre : il y a Abigaëlle Moore, celle que je considère réellement comme ma meilleure amie, il y a aussi Brook Meyer, puis enfin Hope Cherl. On est toutes les quatre aussi similaires que différentes, et je les aime inconditionnellement, autant pour leur qualités que leur défauts.

@Abigaëlle- Je me suis rendue compte en rentrant de la médiathèque tout à l'heure (donc il y a 2h) que ça faisait 6 mois qu'on ne s'était pas réellement vues, vous imaginez ?

Moi- Oh non l'angoisse

@Hope- Meuf, je me suis dit la même chose l'autre fois, vous me manquez vraiment trop en plus

@Brook- C'est trop triste, il faut qu'on se fasse un truc, c'est plus possible.

Un éclair de génie me traverse quand je lis ce message. Enfin, à vrai dire, ça fait un moment que j'y pense, et que j'essaie de leur proposer. Mais on dirait que c'est jamais le bon moment. Je prend une longue inspiration, et écrit le message rapidement, avant de l'envoyer. Si j'y réfléchit trop, je risquerais de ne pas l'envoyer.

Moi- Je sais que c'est un peu soudain, mais ça vous direz pas de venir chez moi pour les vacances de février ?

@Brook- Mais meuf Paris c'est super loin (et donc cher) !

@Abigaëlle- Ce serait énorme !! en plus t'as le plus grand appart' de nous quatre

Moi- Oui c'est ce que je me disais aussi... Et oui je sais que c'est loin Brook mais bon j'ai pas envie qu'on s'éloigne plus qu'on ne l'est déjà

@Hope- Je suis d'accord, c'est déjà assez triste comme ça !

@Brook- Hope c'est de la triche t'habite a à peine 40min de chez elle en Métro !

@Hope- Haha, pas faux

Moi- Vous faites chier avec Abigaëlle à habiter aussi loin aussi

@Abigaëlle- Eh, on n'a pas tous les sous pour partir habiter à Paris !

@Hope- J'avoue que c'est cher

Moi- Mais juste pour une semaine ! J'économise pour vous payer même si vous voulez

@Brook- Non, non mais je vais payer hein ! J'ai envie de vous voir aussi...

@Abigaëlle- Trop mignonne Brook ! Et moi aussi je payerais ;)

Moi- Je vous aimes les filles j'ai plus de sous en plus

@Hope- Moi non plus c'est l'angoisse

@Brook- C'est ça de se croire riche...

@Abigaëlle- Je ris de vous ! Des génies

Moi- Merci, merci

@Hope- En vrai, pourquoi vous ne prenez pas un appart' toutes les deux sur Paris ?

Je souris en lisant son message. Le mieux, serait même qu'on fasse toutes les quatre une colocation à Paris. Ce serait le rêve. Mais je sais que je m'emballe un peu trop, alors je préfère simplement suivre l'idée de Hope. Ce serait déjà mieux que rien, d'habiter simplement dans la même ville. En plus, on aurait plus aucun problèmes pour se voir. Ce serait parfait.

Moi- J'avoue ! En plus Abigaëlle ton master est mieux à Paris, et Brook tu pourrais faire une école d'art peut-être un peu plus réputé.

@Abigaëlle- Ça me tente trop arrêtez

@Brook- Moi aussi.

@Abigaëlle- Mais l'année prochaine plutôt

@Brook- Ce sera plus pour l'année prochaine je pense aussi...

@Hope- Je comprends

Moi- Bon, en tout cas c'est décidé pour février ? Vous prenez vos tickets de train ?

@Brook- Bien sûr que je regarderais !! Mais je vais en boîte ce soir ; je vous fais des bisous d'ailleurs parce que j'y vais !

@Abigaëlle- Oui je le regarderais demain aussi

Je regard mon portable, choquée. Alors elles ont acceptés ? Un sourire naît sur mes lèvres, sans que je ne contrôle rien.

@Hope- Oh non trop bien j'ai hâte (des bisous Brook !)

@Abigaëlle- Amuse-toi bien Brook !

Moi- Je suis trop contente, vous pouvez pas savoir ! Mais je dois y aller aussi, il faut que je lise un livre de merde, bisous !

C'est comme si un feux d'artifice explosait dans mon cœur, et que tout mon corps était touché. Un immense sourire a maintenant gagné mon visage, et je suis incapable de m'arrêter. C'est magique. J'arrive pas à croire que je vais les voir ! Bon, ce n'est que dans un mois et demi, mais n'empêche ! C'est comme si un énorme poids disparaissait de mes épaules. On va enfin se voir, et en vrai. Depuis le temps que j'en rêve !

Je pourrais voir plus souvent Hope, mais je sais pas pourquoi, on a vraiment du mal à fixer un moment se voir. Déjà, nos heures cours ne correspondent jamais, comme par hasard ; mais en plus on y pense pas forcément. En plus, elle semble vraiment occupée, et j'ai pas trop envie de la déranger. J'ai l'étrange impression qu'elle voit quelqu'un, et qu'elle passe énormément de temps avec lui. Enfin, comme elle n'aime pas trop raconter sa vie, et que j'aime pas trop poser de questions, j'attends comme une imbécile qu'elle finisse par nous en parler. En soit, elle nous en parle probablement pas parce qu'on est moins proches qu'on ne l'était avant.

Je fais rapidement la vaisselle, monte dans ma mezzanine, qui s'apparente plus à un étage, et m'étale sur mon lit, avant d'attraper mon livre. Mon appartement est réparti sur deux étages : j'ai mes toilettes, mon salon-cuisine-salle-à-manger en bas, et ma salle de bain et ma chambre en haut. Il n'est pas très spacieux, mais pour ce que j'en fais, c'est amplement suffisant. Je suis pas vraiment le genre de personne qui fait de soirées, et je préfère passer la soirée en compagnie de mon canapé et de Netflix.

Le livre pourri que j'ai à lire, n'est rien d'autre qu'un panorama général et synthétisé sur la littérature du XVIIe siècle. C'est donc un livre théorique super barbant, dont je suis incapable de lire plus de 20 pages par jour. J'admets l'intérêt intellectuel qui est le sien, mais à par ça c'est une torture de le lire. Mais étant en licence 3 Métiers de l'écrit et de la Culture, je suis bien obligée de le lire, surtout en vue des partiels qui arrivent.

Je me lasse rapidement, éteint les lumières, et m'endors finalement dans les bras de Morphée.