𝟗 𝓭𝒆́𝓬𝒆𝓶𝓫𝓻𝒆
Le début de matinée fut assez houleux. Cela devait faire deux bonnes heures que Evaline et les autres salariés travaillaient déjà lorsque Thompson arriva tel un ouragan dans la pièce. S'approchant du bureau d'Evaline à grands pas, tout le monde le fixa des yeux en retenant son souffle. Ils avaient tous parfaitement compris que leur boss et leur chef "suprême" ne s'entendaient pas particulièrement.
« Vous n'êtes pas venue me faire votre rapport hier soir, s'énerva aussitôt Thompson en bloquant son regard sur la brune qui tapotait sur son clavier.
-Votre porte était fermée, justifia la jeune femme en relevant les yeux vers son supérieur, et il y avait un écriteau disant que vous étiez absent.
-Et on ne vous a pas appris à toquer aux portes dans votre grande école du journalisme ?ironisa aussitôt l'homme grisonnant en paraissant prêt à sortir de ses gonds. »
La brunette était sidérée par la mauvaise foi dont son chef faisait preuve. Des mauvais perdants, elle en avait vus. Des fourbes, aussi. Mais Thompson était hors catégorie à ce niveau là. Elle avait envie de lui dire que lorsqu'on est intelligent, on ne ferme pas sa porte et on ne met pas un écriteau "Repassez plus tard" quand on veut que quelqu'un entre dans votre Bureau. Mais elle n'en fit rien. Elle se contenta de le regarder sans scier et en silence. Sans s'excuser de quoi que ce soit, puisqu'elle n'avait absolument rien fait de mal.
« Je vous attends donc ce soir dans mon bureau pour votre compte-rendu d'aujourd'hui, déclara finalement Thompson avec cet air acide qui allait lui devenir caractéristique, soyez là à 18h30 précise.
-Ce sera fait, accepta Evaline sans broncher, monsieur. »
L'homme releva un sourcil et sembla s'étonner qu'elle ne réagisse pas plus mal à toutes les remarques qu'il venait de lui faire, mais se reprit bien vite et se détourna dans un grommellement à peine audible sous les yeux de tous les employés. Ces derniers tournèrent ensuite les yeux vers leur cheffe et celle-ci fit quelque chose qui manqua de faire tomber tout le monde par terre : un clin d'œil. Oui oui, vous avez bien lu. Evaline venait de faire un clin d'œil complice à ses salariés.
« Allez on se remet au travail !enchaîna-t-elle immédiatement en reposant les yeux sur son écran d'ordinateur, on n'est pas au spectacle.»
Chacun se replongea la tête dans sa paperasse avec un léger sourire aux lèvres. Leur supérieure n'était peut-être pas si froide que ça après tout...Celle-ci tapait sur son clavier à vive allure sans se préoccuper de ce qu'il se passait autour d'elle. Pourtant chacun savait qu'elle connaissait chaque recoin de la pièce et pouvait reconnaître l'éternuement du dernier au fond de la salle. Elle était très douée pour obtenir des informations, même sans que quiconque ne s'en rende compte.
La jeune femme n'avait jamais fait confiance à qui que ce soit avant d'arriver dans cette maison d'édition. Elle avait dû faire une exception en comprenant qu'elle ne pourrait pas travailler avec des employés ne lui faisant pas pleinement confiance. Elle s'était donc peu à peu habituées à leur sourire de temps à autre, mais pas trop pour ne pas qu'ils s'adaptent non plus. S'ils devenaient tous trop familiers, il y aurait forcément des histoires entre les membres de la maison d'édition et ça, Evaline ne le supportait pas.
Aussi n'aimait-elle pas l'idée que Thompson sache tant de choses sur son passé pour le moins chaotique. Mais elle s'y ferait...peut-être. Ce qu'il savait n'était pas le plus compliqué à accepter. Le plus dur, c'est qu'il le lui rappelle à chaque fois qu'il en avait l'occasion. Enfin ! Le travail n'attend pas et Evaline avait déjà pris du retard en se faisant apostropher par son chef. Elle reprit donc le rapport d'enquête qu'elle était en train de rédiger pour le journal et le termina en fin d'après-midi. Au moins avait-elle un peu avancé dans la masse informe de travail que Thompson lui avait rajouté sur les épaules.
Elle était donc légèrement angoissée lorsqu'elle toqua à la porte de son supérieur à 18h30. N'entendant pas de réponses, elle entra silencieusement en regardant partout pour voir son chef assis à son bureau en train d'écrire. Relevant les yeux, il lui fit signe de s'asseoir sur la chaise en face de lui, puis reprit son écriture.
« Avant que vous commenciez, précisa aussitôt Thompson sans regarder Evaline, j'ai une question à vous poser. »
La jeune femme restant silencieuse, l'homme grisonnant releva finalement les yeux vers elle et elle acquiesça aussitôt avec un intérêt poli.
« Vous sentez-vous bien ici avec nous ?l'interrogea-t-il finalement en continuant d'écrire.
-Bien sûr, répondit immédiatement la brunette en fronçant les sourcils, pourquoi cette question ?
-Ce n'est pas à vous de poser les questions, mademoiselle, lui rappela Thompson en la foudroyant presque du regard. »
Evaline croisa les bras et retint un soupir excédé en essayant de se détendre un peu. Elle avait envie de lui faire remarquer qu'il n'était là que depuis deux jours et qu'il ne pouvait pas vraiment déjà parler de "nous" en parlant de la maison d'édition comme s'il y avait toujours été. Cependant, elle se retint et son chef reprit.
« Je vois que vous avez quitté un travail très stable pour venir vous installer ici, fit encore remarquer, pourquoi avoir fait ça ?
-Est-ce un entretien d'embauche ou un compte-rendu de la journée ?contra cette fois frontalement la brune avec des yeux froids et implacables.
-Répondez à la question, insista pourtant Thompson en semblant s'adoucir à peine, je vous prie. »
Evaline fixa son patron encore quelques instants en se demandant s'il se moquait d'elle ou non, mais il paraissait parfaitement sérieux. Aussi fit-elle un effort et se souvint de la raison bateau qu'elle avait donnée à son recruteur en arrivant ici.
« Mon travail ne m'intéressait plus, argumenta-t-elle donc, je voulais voir de nouveaux horizons et me sentir utile.
-N'y avait-il pas une autre raison à votre départ de cette entreprise pourtant si fructueuse ?persista encore Thompson avec un regard inquisiteur, réfléchissez bien. »
Evaline fit mine de n'avoir pas saisi à quoi il faisait référence, mais, en réalité, elle avait parfaitement compris. Et cela lui glaça le sang. Cet homme savait-il vraiment tout de sa vie passée ? Celle qu'elle avait tant cherchée à dissimuler à toute la maison d'édition ? La jeune femme n'en croyait pas un mot. Elle ne pouvait pas le croire. Ça n'était pas possible. Ça ne pouvait pas être possible.
« Non il n'y en a pas d'autres, répondit-elle finalement en regardant son supérieur dans les yeux, pouvons-nous passer au compte-rendu de cette journée s'il vous plaît ?
-Bien sûr bien sûr, acquiesça aussitôt Thompson comme s'il n'avait rien dit quelques secondes plus tôt, racontez moi tout. »
Evaline raconta donc toute la journée qui venait de se dérouler dans les moindres détails. Cela dura à peine dix minutes, mais l'homme en face d'elle ne paraissait pas autant intéressé par son compte-rendu que les réponses qu'elle avait apportées aux questions qu'il lui avait posées un peu plus tôt. Il la remercia donc après son compte-rendu objectif et elle sortit enfin de ce maudit bureau.
Rentrant chez elle en espérant trouver son chat ronronnant sur le canapé et pouvoir s'endormir à ses côtés comme elle le faisait depuis quelques jours, elle ne fit pas tout de suite attention que quelque chose se trouvait devant sa porte d'entrée. C'est lorsqu'elle voulut s'avancer vers cette dernière pour passer la clé dans la serrure que son pied buta dans quelque chose. Baissant les yeux, elle découvrit un pain d'épice finement enveloppé.
Un petit mot avec été écrit sur un bout de papier posé sur le pain d'épice. Evaline se baissa lentement et prit le billet entre ses mains pour le lire. Cela la fit sourire sans qu'elle ne s'en rende compte. Il était écrit "De la part de Clark Kent".
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