𝟐𝟎 𝓭𝒆́𝓬𝒆𝓶𝓫𝓻𝒆
Eoin arriva dans l'hôpital en courant à en perdre haleine. Il avait l'impression que son cœur allait exploser et son sang battait violemment dans ses tempes. Il s'approcha vivement de l'accueil et se mit à tapoter nerveusement sur la table tandis que la réceptionniste était au téléphone. Elle finit par raccrocher en voyant l'agitation du brun et l'interrogea du regard.
« J-Je cherche la chambre d'Evaline Mac Dougle, indiqua vivement l'homme aux yeux noisettes.
-Il me faut vos papiers d'identité monsieur, contra calmement la dame en face de lui, permis de conduire, passeport...
-Écoutez je...je travaille ici, la coupa vivement Eoin en lui montrant sa carte de chirurgien avec tension, dites moi où elle est. S'il vous plaît.
-Premier étage, chambre 106, le renseigna aussitôt la charmante dame après avoir regardé la carte du brun quelques instants.
-Merci, souffla Eoin en se détournant avec une angoisse toujours aussi intenable. »
Le brun partit aussitôt à vive allure, mais en marchant cette fois, jusqu'à l'escalier et arriva à l'étage en à peine quelques secondes. Il dut cependant s'arrêter dans son avancée, car un brancard prenait une partie de la largeur du couloir. L'infirmière qui poussait le lit sur roulettes lui fit un sourire de remerciement tandis qu'il la laissait passer avant de s'arrêter devant l'ascenseur. Eoin continua son chemin en regardant chaque numéro de chambre avec appréhension. Dans quel état allait-il trouver la jeune femme ?
Il avait reçu un appel téléphonique assez tôt en début de matinée pour lui dire qu'Evaline se trouvait à l'hôpital dans un état plus qu'inquiétant. Mais l'individu n'avait même pas précisé si elle était consciente ou non. Il n'avait même pas pris le temps d'appeler un de ces collègues pour en savoir plus et avait sauté dans sa voiture. A vrai dire, il venait d'avoir ce poste et il ne connaissait pas encore tous les médecins présents dans l'hôpital...
Il trouva enfin la porte de la chambre 106 et, lorsqu'il poussa celle-ci, la première personne qu'il vit fut Thompson. Sentant une rage sourde monter en lui, il se précipita vers l'homme grisonnant et l'empoigna par le col pour le plaquer brutalement contre le mur. L'homme aux yeux bleu foncé ne chercha même pas à se défendre, paraissant s'attendre à la réaction du brun, et laissa ce dernier lui tenir le col de ses deux mains.
« Vous n'allez pas vous en sortir comme ça, gronda Eoin en tremblant de colère, vous pouvez me croire...
-Eoin, arrête, fit aussitôt une voix bien connue, il s'est excusé !
-Excusé de quoi ?s'énerva encore le brun après avoir à peine tourné la tête vers Evaline qui se trouvait sur le seul lit de la pièce, de t'avoir poussée au suicide ?
-Eoin, lâche le, persista la jeune femme d'une voix qu'elle voulait calme mais qui semblait plus épuisée qu'autre chose, s'il te plaît. »
Le brun tourna à nouveau des yeux furieux vers Thompson avant de le relâcher avec beaucoup de méfiance. Il n'aimait définitivement pas cet homme, quelles que soient les excuses qu'il ait pu faire à Evaline. Le brun se recula ensuite lentement et se tourna enfin vers la jeune femme. Cette dernière lui sourit presque timidement et son compagnon sourit à son tour avant de s'approcher d'elle pour s'asseoir sur la chaise à côté de son lit.
La détaillant du regard, il vit aussitôt la maigreur de son visage et sa pâleur. Elle paraissait encore plus épuisée que la dernière fois qu'il l'avait vue, mais elle souriait, ce qui était plutôt bon signe.
« Il semblerait que j'ai raté un certain nombre de choses, chuchota Eoin en regardant Evaline en biais, pardonne moi d'être parti...
-Tu n'as rien à te faire pardonner, l'arrêta rapidement la jeune femme en posant sa main perfusée sur celle de son compagnon, j'ai...j'ai disjoncté.
-Ne me dis pas qu'il n'y est pas pour quelque chose, grommela le brun en regardant méchamment Thompson qui se tenait toujours dans le coin de la chambre d'hôpital.
-Écoute le, s'il te plaît, le pria la brunette en serrant un peu sa main pourtant encore faible dans la sienne, c'est plus complexe que ce à quoi tu penses.
-...D'accord, céda Eoin après avoir soupiré lourdement et plus théâtralement qu'autre chose, je vous écoute...monsieur Thompson. »
L'homme grisonnant s'approcha finalement à pas lents du lit de la jeune femme pour s'asseoir sur une deuxième chaise qu'il plaça assez loin des deux amants pour ne pas trop empiéter sur leur intimité. Baissant un instant les yeux, il les releva finalement pour faire face aux deux paires d'yeux qui le regardaient. L'une plus vindicative que l'autre...
« Le 7 Décembre 1995, commença l'homme qui paraissait soudain bien vieux, un incendie ravagea la maison de la riche famille des Mac Dougle. Le père, Herman Mac Dougle, perdit la vie lors de cette terrible nuit. Le feu avait commencé dans la cuisine et le gaz a rapidement tout fait sauter. Personne n'a jamais sut s'il s'agissait d'un accident ou d'un acte de malveillance. Ce soir-là, beaucoup de pompiers avaient été réquisitionnés à cause de l'ampleur que prenaient les flammes.
A ce moment-là, j'étais moi aussi pompier et je faisais partie de l'escouade chargée d'entrer dans la maison à la recherche d'Herman. Mon ami, Joe, est allé à l'étage avant l'explosion de gaz avec quelques autres gars, mais ils n'ont pas réussi à défoncer la porte du bureau. Voyant que la situation leur échappait et que le feu commençait à vraiment se répandre partout, ils sont tous redescendu pour essayer de sortir le plus vite possible. C'est à ce moment là qu'une poutre a séparé Joe du reste du groupe. Il est parti cherché une autre issue. Moi, je tenais la lance à incendie en essayant toujours d'éteindre les flammes. J'avais juste vu mon ami se jeter dans les flammes et je ne savais même pas où il se trouvait.
Lorsque l'explosion a eu lieu, on a tous été soufflés en arrière et la maison s'est à moitié écroulée sur elle-même dans le même temps. C'est en me relevant quelques minutes plus tard que j'ai vu mon ami qui sortait à grands peines de la maison. Il était défiguré, le visage brûlé à un point que je ne pensais pas possible, et il arrivait à peine à respirer quand les secours l'ont pris en charge. Ils l'ont d'ailleurs placé dans un coma artificiel pendant plusieurs jours tant les brûlures étaient douloureuses. Lorsqu'il s'est réveillé, je lui ai juré de trouver la cause de ce feu alors que tout le monde s'était déjà penché dessus et n'avait absolument rien trouvé. Pour tous, il s'agissait d'un accident. Un simple accident.
Mais je ne voyais plus que la souffrance de mon ami qui devrait vivre avec un respirateur toute sa vie et les angoisses de sa famille. Alors j'ai mené une sorte d'enquête sur la famille Mac Dougle et j'ai découvert que la fille unique des deux riches époux avait toujours clamé haut et fort qu'elle ne voulait plus de sa famille et qu'elle aurait préféré naître orpheline. Ma rage m'aveuglait alors j'ai retrouvé cette fille de riche et c'est là que j'ai découvert où vous vous trouviez, Evaline.
J'ai fait tout ce qu'il fallait pour arriver dans votre service en tant que supérieur sans que cela ne paraisse trop suspect. J'ai même été jusqu'à rechercher de vieux journaux et de vieilles affaires pour vous rappeler cette fameuse nuit. Je pensais sincèrement que l'incendie n'était pas un accident et que c'était vous qui l'aviez lancé, d'une simple allumette dans la cuisine. Simplement parce que vous en aviez marre de votre famille. Un caprice d'une fille de riche, me disais-je. Alors je vous ai fait souffrir, comme mon ami souffre depuis toutes ses années. Je voulais que vous ressentiez la douleur de savoir que où que vous alliez, votre passé vous rattraperait toujours.
Mais je me trompais sur votre compte. Je me suis trompé sur toute la ligne et je vous supplie de me pardonner pour ce que j'ai fait. J'étais aveuglé autant par la rage que par le désespoir et je comprendrai si vous refusez mes excuses. »
La jeune femme le regardait avec toujours ce léger sourire dont personne n'arrivait à déterminer la signification. Était-il ironique ? Poli ? Ou cachait-il bien d'autres sentiments à l'égard de la personne qui se trouvait face à elle ? Personne n'aurait su le dire, pas même Eoin qui commençait pourtant à connaître plutôt bien la brunette.
Cette dernière hocha lentement la tête en signe d'acquiescement et Thompson la remercia silencieusement avant de se lever en remettant le chapeau qu'il avait sûrement poliment enlevé en entrant. Il salua ensuite les deux amants avant de sortir de la chambre et referma la porte derrière lui.
Eoin garda un instant les yeux fixés sur la porte avant de les détourner pour regarder Evaline. Celle-ci regardait fixement le mur. Le brun vit alors la lèvre inférieure de la jeune femme se mettre à trembler, les yeux de cette dernière s'embuer de larmes et elle baissa la tête en se mettant finalement à pleurer en semblant pourtant essayer de se retenir.
Il se leva lentement de sa chaise et vint se coucher à côté d'elle après qu'elle lui eut fait vaguement une place. Il l'entoura ensuite de ses bras sans rien dire et la serra contre lui tandis qu'elle pleurait et respirait par accoues. Elle se tourna à peine vers lui pour se blottir contre lui en s'agrippant presque à lui tandis qu'il posait son menton sur le haut de son crâne. Silencieusement, ils restèrent ainsi plusieurs heures sans bouger tandis qu'Evaline essayait de se calmer petit à petit.
« Pourquoi être venu ?l'interrogea-t-elle entre deux crises de larmes, pourquoi ?
-Je me suis promené toute la journée en essayant de te sortir de mon esprit, souffla Eoin à mi-voix en peinant lui aussi à parler, mais je n'y arrivais pas. Et puis j'ai reçu un appel disant que tu étais à l'hôpital et...j'ai disjoncté.
-Tu avais raison pour...l'histoire de se faire des amis, balbutia à moitié Evaline en essayant de calmer sa respiration, c'est Erwan qui a renversé la tasse de café sur mon...sur mon clavier.
-Erwan ?répéta Eoin en relevant un sourcil, qui c'est encore ?
-Mon subordonné, sourit vaguement la jeune femme, mais c'est Thompson qui l'a forcé à faire ça...Il a...Il a menacé de le virer s'il ne faisait pas ce qu'il lui disait. »
Eoin resta silencieux face à cette nouvelle révélation et continua de serrer Evaline contre lui pour essayer de l'apaiser définitivement. Une heure plus tard, cette dernière finit en effet par se calmer, restant cependant les yeux dans le vague dans un silence vide. Elle vit alors Eoin chercher quelque chose dans sa poche avant de sortir une petite boîte de velours noir. L'ouvrant, il découvrit une très jolie bague en argent sur laquelle était posée une belle pierre vert émeraude. Il la mit tranquillement entre eux deux en semblant la regarder d'un air pensif.
« Je pensais te demander ça dans d'autres circonstances, élucida rapidement le brun tandis que sa compagne avait tourné la tête pour observer la bague en fronçant les sourcils, mais...Evaline voudrais-tu m'épouser ?
-Je doute que ce soit le meilleur moment pour me demander ça, railla gentiment la jeune femme d'une voix vraiment affaiblie en souriant cependant, même si j'accepterais très probablement.
-"Très probablement", répéta Eoin en riant presque. D'accord j'ai compris, je te reposerai la question plus tard.
-Parfait, ronronna à moitié Evaline en se blottissant à nouveau contre le brun en fermant les yeux. Oh au fait, j'ai eu un sevrage express concernant le tabac et aussi un lavage d'estomac...Au cas où ça t'intéresse.
-C'est tout ce que ma demande en mariage t'inspire ?s'offusqua faussement le compagnon de la jeune femme en baissant les yeux vers elle.
-Ça m'inspire beaucoup d'autres choses, sourit franchement la brunette en tournant son visage vers lui après avoir rouvert les yeux, mais je ne suis pas en état pour les réaliser.
-Oh je vois, rit finalement Eoin en détournant un instant les yeux pour regarder la neige tomber par la fenêtre, ce sera pour plus tard alors.
-Mm mm, confirma vaguement Evaline en se repliant contre l'homme aux yeux noisettes, c'est ça. »
Ils passèrent presque toute la journée ainsi. Evaline somnolant par intermittence tandis qu'Eoin profitait de l'avoir à nouveau auprès de lui. La jeune femme tint cependant à lui raconter sa jeunesse plutôt...houleuse et sa relation compliquée avec sa famille après l'incendie. Le brun comprit ainsi pourquoi il ne restait que des cendres mouillées chaque matin qu'il se réveillait chez sa compagne. Sa peur viscérale du feu l'empêchait d'être tout à fait sereine. Elle éteignait donc les flammes de la cheminée chaque matin avant de partir au travail. Il découvrit également bon nombre de choses et se rendit compte qu'il ne connaissait vraiment pas suffisamment cette femme qu'il aimait tant.
Elle lui expliqua d'ailleurs que sa relation avec sa mère, après et même avant l'incendie, était plus que complexe et qu'elle n'avait jamais réellement tenté de reprendre contact avec elle depuis qu'elle était arrivée dans cette ville. Il était déjà tard lorsqu'Evaline finit par dire à Eoin qu'elle lui avait tout dit de son passé. Épuisée, elle lui demanda s'il lui raconterait lui-aussi son passé, un jour. Il le lui promit. Il le ferait. Mais pas aujourd'hui.
Ils s'endormirent donc tous les deux sur le lit d'hôpital dans les bras l'un de l'autre et se dirent tous deux qu'ils ne comptaient plus s'abandonner de si tôt. Le lendemain serait, sans aucun doute, beaucoup moins mouvementé.
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