𝟏𝟏 𝓭𝒆́𝓬𝒆𝓶𝓫𝓻𝒆
Evaline arriva en retard de 10 minutes. Sa voiture n'avait pas voulu démarrer et elle avait dû faire appel à un taxi pour la première fois de sa vie. Cela l'avait beaucoup contrariée. Elle irait au garage dès que possible pour faire réparer cette maudite machine. D'autant que la radio commençait à avoir des problèmes elle aussi. C'est donc avec une mine un peu renfrognée que la jeune femme entra dans la maison d'édition. Elle s'assit à son bureau en saluant les salariés du regard et se mit au travail sans attendre.
Cela devait faire une bonne heure lorsque Thompson vint s'installer dans un coin de la pièce avec des papiers et un calepin. Lui jetant à peine un coup d'œil, Evaline continua ce qu'elle était en train de faire. L'homme se mit à noter des choses sur son calepin en jetant de vifs regards à la jeune femme qui finit par devenir nerveuse face à l'insistance de son chef.
Elle finit d'ailleurs par se lever de sa chaise et alla se planter face à lui. L'observant d'un air ombrageux, la jeune femme resta un instant silencieuse avant d'ouvrir la bouche.
« Qu'est-ce que vous faites ?l'interrogea-t-elle donc en gardant ses yeux braqués sur Thompson.
-Je vous observe travailler, répondit celui-ci très calmement, vous autant que vos salariés.
-Et puis-je vous demander la raison de cette "observation" ?grinça la brune avec un léger ton de raillerie.
-Il faut bien que je connaisses les gens pour savoir qui garder et qui virer non ?répliqua Thompson toujours aussi calmement. »
Éberluée, la jeune femme resta sans voix. Il venait de...les menacer ? Ça n'avait aucun sens ! Il fallait absolument qu'elle en apprenne plus afin de pouvoir rassurer les autres employés. Jetant un rapide coup d'œil autour d'elle, elle remarqua aussitôt que toutes les conversations avaient cessées et que tout le monde s'était tourné vers eux. Tendue comme elle l'avait rarement été, elle reporta toute son attention sur l'homme grisonnant qui se trouvait face à elle.
« Je...Je vous demande pardon ?fit-elle encore sidérée par ce qu'il venait de dire.
-Bon, soupira lourdement Thompson en rassemblant ses papiers et en se relevant de sa chaise, vous viendrez me voir dans mon bureau en fin de journée. Puisqu'on ne peut pas discuter normalement ici. »
Et il s'en alla sans rien dire de plus. Les salariés se mirent aussitôt à parler dans tous les sens et un vent de frayeur commençait à se faire ressentir dans les rangs lorsque Evaline se tourna lentement vers eux. Les yeux perdus dans le vague, réfléchissant intensément, on aurait dit le Penseur de Rodin. Chacun finit par se taire en voyant la cheffe bien silencieuse.
« Evaline ?appela la voix d'Erwan qui se faufila entre les employés pour atteindre la jeune femme, tu étais au courant de cette idée de licencier des gens ? »
La brunette releva les yeux vers son second alors qu'elle réfléchissait déjà à ce qu'elle allait dire du plan de Thompson à ce dernier lorsqu'elle le verrait dans son bureau.
« J'ignorais qu'il avait ça en tête, contra aussitôt la jeune femme, et je vais essayer d'en apprendre le plus possible ce soir. »
Et le soir vint rapidement. Evaline se dirigea vers le bureau de son chef avec un énervement et une tension mal contenus. Tous les employés étaient partis de la maison d'édition, une fois de plus, et ils se retrouvaient seuls. La jeune femme toqua donc à la porte et entra sans attendre. Thompson était, une fois de plus, en train de faire de la paperasse. Il ne fit étrangement pas la remarque à son employée qu'elle aurait dû attendre qu'il lui dise d'entrer pour qu'elle le fasse. Il releva d'ailleurs à peine les yeux lorsqu'elle se planta une fois de plus face à lui.
« Vous auriez dû me prévenir que vous aviez comme projet de licencier toute mon équipe, ironisa méchamment la brune en fixant son chef des yeux, ça n'est pas à vous de les informer. Et encore moins de cette façon.
-Nous ne sommes pas ici pour discuter de mes choix pour cette entreprise, fit remarquer l'homme en face d'elle. Asseyez-vous et dites moi votre compte-rendu.
-Monsieur, avec tout le respect que je vous dois...
-Vous n'avez pas à discuter mes décisions, trancha vivement Thompson en la fusillant du regard, asseyez-vous. »
Evaline le regarda encore un instant d'un air glacial avant de se laisser tomber comme une masse sur la chaise face à son chef. Ce dernier ne fit, heureusement, aucune remarque. La brunette était très énervée par la réaction de son supérieur, mais elle n'en dit rien et croisa les bras en le regardant. Qu'attendait-il donc ?
« Votre comportement avec vos salariés est décevant, lâcha-t-il d'un coup sans la regarder, vous n'êtes pas très proche d'eux...
-Mon travail n'est pas d'être proche d'eux, répliqua calmement Evaline en se surprenant elle-même par son calme face aux dires de son nouvel employeur, je dois simplement m'assurer qu'ils font du bon travail. Et c'est ce qu'ils font.
-C'est un fait, mademoiselle Mac Dougle, grinça Thompson, et vous ne les poussez pas à aller plus loin dans ce qu'ils font. Vous ne les poussez pas au maximum de leurs capacités. »
Médusée, la jeune femme n'en croyait pas ses oreilles. Était-il vraiment en train de lui dire que depuis ces quelques années passées ici, elle faisait mal son travail ? C'était une blague ?! L'homme ne sembla pas noter l'expression glaciale de sa subalterne et baissa à nouveau le nez sur sa paperasse qui semblait vraiment passionnante.
« Vous pensez que, parce que vous venez d'une famille fortunée, vous n'avez pas besoin de faire votre travail à 100% ?la questionna-t-il en lui jetant un coup d'œil, que vous n'avez pas à travailler correctement pour cette maison d'édition ?
-Qu'est-ce-que vous insinuez ?gronda sourdement Evaline cette fois plus frontalement agressive, et pourquoi ramenez-vous tout à un passé que j'ai accepté et dominé ?
-Êtes-vous sûre de l'avoir dépassé ?insista pourtant Thompson en la regardant cette fois avec raideur, car personnellement, je me permets d'en douter.
-Pourquoi...
-Vous êtes distante vis-à-vis de tous ici, fit remarquer encore l'homme aux yeux bleus perçants, vous avez peur que tout s'envole en fumée ? »
La respiration de la jeune femme se stoppa net et elle cessa de bouger le temps de s'apaiser. Cela n'apparaissait pas, mais des souvenirs l'assaillaient maintenant et une odeur d'incendie se répandait dans ses narines. Elle se sentait de moins en moins bien, mais ne perdit pas la face devant son supérieur et réussit à se dominer. Elle reprit donc un air neutre et lui répondit le plus normalement du monde.
« Monsieur je puis vous assurer que mon passé est derrière moi, déclama-t-elle en le regardant dans les yeux, et que cela n'interférera plus dans mon travail.
-Vous mentez, rétorqua aussitôt Thompson, ça se voit. Mais j'admire vos efforts pour faire croire le contraire. Alors, ce compte-rendu ? »
Encore un peu choquée, Evaline eut beaucoup de mal à raconter tout ce qui avait été fait durant la journée et était très confuse dans ses propos. Elle se répétait ou bégayait, ce qui n'était vraiment pas dans ses habitudes. Elle faisait pourtant tout son possible pour paraître la moins troublée possible par ce que lui avait dit Thompson sur son passé et sur l'incidence que celui-ci avait sur son travail de rédactrice en chef.
Il la laissa partir une heure plus tard après l'avoir mise face à ses contre-sens dans son compte-rendu et lui avoir fait répéter plusieurs fois la même phrase jusqu'à ce qu'elle se contre-dise. En entrant dans la voiture que le garage lui avait mis à disposition, la jeune femme était totalement perdue. Elle ne savait plus où elle en était. A propos de son passé, de son travail, de ses relations avec les autres. Elle se mit pourtant à conduire, car il était déjà tard.
Sur la route, elle sentit une larme couler sur sa joue. Restant silencieuse, elle laissa ces dernières descendre sur sa peau avant de sentir des spasmes la parcourir. Elle se sentait étouffer et une odeur de fumée la prenait à la gorge. Arrivant heureusement chez elle, elle sortit précipitamment de sa voiture et vomit en pleurant.
Des mains vinrent lui retenir les cheveux en arrière et une main se posa sur son épaule. Elle se mit la main devant la bouche avant de vivement tourner les yeux vers la personne qui se trouvait à côté d'elle. Fusillant la personne du regard avant même de la reconnaître, elle découvrit son voisin complètement échevelé et habillé d'un pull visiblement mis à l'envers.
« Qu'est-ce-que vous faites là ?murmura-t-elle d'une voix rauque et en le regardant toujours d'un air sombre.
-Je m'attendais plus à des remerciements, sourit Eoin en se redressant un peu, mais je suis simplement venu vous aider à ne pas vous vomir dessus. Une soirée trop arrosée ?
-Plutôt un boss se prenant pour un membre du KGB, grommela Evaline en rajustant son manteau autour d'elle, et merci.
-Oh je vois..., soupira le brun avec un air sincèrement attristé, faites attention en marchant il y a de la...glace. »
Il avait à peine eu le temps de terminer sa phrase que la jeune femme manquait de tomber par terre en voulant simplement faire un pas en arrière. Il la rattrapa in extremis par la main et la ramena un peu trop vivement vers lui. Elle finit un peu trop proche de lui pour se sentir à l'aise et détourna les yeux en voyant le regard d'Eoin totalement gêné par la situation.
« Je...je vais y aller, fit-elle en tapotant amicalement le torse du brun comme si elle essayait de se donner du courage, merci de votre aide.
-Vous avez aimé mon cadeau ?l'interrogea-t-il soudainement avec le même sourire qu'il avait d'habitude.
-Quel cadeau ?s'étonna franchement Evaline en relevant un sourcil.
-D'accord je vois..., soupira lourdement Eoin en se frottant l'arrière du crâne d'un air embarrassé, vous l'avez mal pris.
-Pas du tout, sourit finalement lentement la jeune femme intriguée, mais je ne vois pas de quoi tu...de quoi vous me parlez.
-Le pain d'épice, pouffa l'homme aux yeux bruns en la regardant, vous l'avez aimé ?
-Je...je ne l'ai pas encore ouvert, répondit la brunette d'un air emprunté, je n'y ai pas pensé et je mange très peu alors...
-Vous n'allez tout de même pas vous excuser, si ?s'étonna faussement Eoin en souriant largement, je me demandais juste s'il était bon puisque je l'ai acheté un peu au hasard...
-Hé bien je vous le dirai dès que possible, sourit encore Evaline en ne réussissant pas vraiment à détacher son regard de celui du brun. »
Ils étaient toujours aussi proches, mais cela ne dérangeait plus vraiment la brunette. Elle se sentait presque bien aussi proche de cet homme au sourire si rassurant. Mais elle se perdait un peu trop. A vrai dire, elle était totalement perdue depuis qu'elle était sortie de la maison d'édition. Totalement confuse, elle ne détourna pas les yeux tandis qu'Eoin la regardait en souriant. Mais lorsqu'il baissa à peine la tête vers elle, elle se recula.
« Je doute que le goût de vomi soit très agréable, railla la jeune femme en fermant la porte de sa voiture et en se détournant, au revoir Eoin.
-Je vais vous raccompagner à votre porte, contra calmement l'homme brun en paraissant sincèrement inquiet, si vous me le permettez.
-Il y a à peine quelques mètres jusqu'à ma porte, ricana gentiment la brune en jetant un coup d'œil à son voisin, je ne vais pas mourir non plus.
-Il peut se passer beaucoup de choses en quelques mètres, sourit franchement Eoin en la suivant alors qu'elle se dirigeait déjà vers sa porte. »
Une fois qu'elle eut ouvert sa porte, elle se retourna pour saluer le brun, mais celui-ci était beaucoup plus proche que prévu et l'embrassa sans préambule. Surprise, elle ne réagit pas alors qu'il se reculait en arrière avec un sourire moqueur.
« Qu'est-ce-que...Je...Tu...Heu...
-Désolé, s'excusa-t-il sans avoir l'air de regretter quoi que ce soit, mais tu es si...jolie ?
-Est-ce-que vous...tu considères ça comme une excuse valable ?railla Evaline en souriant très lentement, parce qu'elle est vraiment pitoyable.»
Stupéfait, Eoin prit un air franchement gêné en se massant l'arrière du crâne et détourna les yeux en paraissant franchement embarrassé.
« J'ai besoin d'un remontant, annonça finalement la brunette après l'avoir laissé dans son embarras quelques instants, tu me suis ? »
Il releva les yeux vers elle d'un air encore plus ahuri avant de sourire à son tour.
« Avec plaisir, répondit-il avant de la suivre à l'intérieur. »
Ils mangèrent donc tous les deux avec Clark qui miaulait en voyant un étranger chez lui. Eoin finit la soirée sur le canapé pendant qu'Evaline allait dormir. Elle était tout simplement épuisée et un trop plein d'émotions n'est jamais bon conseiller. Mais elle l'avait fait entrer chez elle, dans sa maison. Et c'était déjà beaucoup.
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