La fin d'un monde
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-Mademoiselle McAllister ? Vous pourriez être un peu plus attentive ! Qu'est-ce que je viens de dire ?
Je rougis et je baissai les yeux. C'était typique de ma prof de sport. Elle arrivait toujours à me débusquer et à me coller la honte. J'aurais pu lui répondre « Écoute connasse, j'ai conclu un marché avec l'un des gars les plus sexy de la planète et là, je regrette parce que si je perds, je vais devoir révéler à tout le monde mon lien avec lui, lien que j'aurais préféré garder secret », mais si je le faisais,, mon père me décapiterait directement.
-Je suis désolée, j'étais distraite.
-Vous l'êtes depuis plusieurs séances, je peux savoir ce qu'il se passe ?
J'eus un mouvement d'épaule et elle soupira en répétant les consignes. Je les avais parfaitement entendues et assimilées en plus. Nous commençâmes l'échauffement et je trottinai avec Sophie après le peloton de tête.
-Il se passe quoi ? Je vois à ta tête que tu as fait un truc.
-J'ai passé un marché avec Chuck pour me forcer à ne pas faire ressortir Em la débilos...
Je lui expliquai succinctement et elle se mit à rire.
-T'es dans la merde. Tu vas perdre lamentablement. Non pas que tu vas faire ressortir la toxico en toi, mais je pense que tu es incapable de tenir une semaine sans faire une gaffe.
-Je crois aussi.
-Mais tu m'as dans ta team. Alors Chuck sera ton esclave sexuel à la fin de l'année promis.
-J'ai jamais dit ça.
-Sarah. Vous êtes des... comment on dit ? Des sex friends, parce que vous refusez tous les deux pour je ne sais quel accord tacite de ne pas vous dévoiler l'un à l'autre sur le fond de vos sentiments. Chut, je parle, ne m'interromps pas. De fait, lui proposer d'être son esclave ??? Ça voulait dire : oui mon chaton, j'accepte de te faire des massages en étant toute nue ou avec juste une micro culotte sur moi. Oups. Elle a craqué, baisons.
-Tu es sale, Sophie.
-Réaliste. Juste réaliste. Oui maître Charles, punissez-moi et possédez-moi.
-Tu es en train de lire quel tome de la saga des 50 nuances ?
-Le deuxième, mais ça n'a rien à voir.
Elle éclata de rire et se reprit alors que nous passions devant la prof.
-Bon, j'avoue que je me tape des barres de rire et que j'ai pas dormi cette nuit pour finir le tome 1 et je suis rendue au tome 2. C'est pas de ma faute, c'est mon truc les fanfictions en ce moment.
-So. Tu m'as perdue.
-Oh arrête, tu ne sais pas que c'est une fanfiction pour adulte de Twilight ? Tu me désespères parfois Sarah. On a l'impression que tu connais des trucs, mais en fait, non; T'es un peu bête.
-Je te dirai bien d'aller te faire foutre mais bon, ça te ferait trop plaisir, petite cochonne.
-Qui est une cochonne ? demanda Cathy en s'approchant de nous.
Sophie me désigna du doigt et je fis la même chose avec elle. Cela nous fit rire comme avant. Cathy sourit largement et nous demanda si nous avions des plans pour ce week-end.
-Je reste à la maison. J'ai encore une liste de corvées à effectuer. Et toi ?
-Je pars avec Dave en Week-end dans les universités ! On a décidé de tailler la route tous les deux. Et toi Tara ?! l'interpella-t-elle. Tu fais quoi ce week-end ?
-Je garde ma sœur, mes parents partent dès demain matin dans un autre État à un enterrement. On a décidé de prendre le car et d'aller à la plage au moins le samedi, juste histoire de prendre l'air. Il fera frais mais ça fera du bien. Et dimanche, je ne sais pas, on va travailler sur son devoir de sciences je pense !
-Vous avez fait quoi hier avec Brian ? demandai-je curieuse.
-On a été à une battle de danse. On faisait ça avant et il s'est bien défendu, je dois bien l'avouer. Brian danse super bien. On se serait dit dans Footloose. La prochaine fois vous pourriez venir avec nous si ça vous intéresse. Hier on ne pouvait pas mais...
Notre prof arriva vers nous et nous dûmes bouger encore une fois. Je trouvais ça dangereux de la part de Brian qui était puni de sortir ainsi. Mon expérience m'avait appris que ce n'était pas une bonne idée de désobéir juste pour passer un petit moment fun.
Le cours de sport fut atroce. J'eus l'impression qu'elle nous faisait payer mon absence d'implication dans les autres cours. Alors que je tombai dans la boue pour la cinquième fois, je compris qu'il fallait souffrir pour se faire bien voir dans ce lycée. Je me redressai et je m'essuyai le visage, étalant probablement la boue sur moi.
-Je te déteste Sarah McAllister, me lança Tara.
-Et en quel honneur ?
-Même avec de la boue sur la tête, tu es canon. Tu es sûre que tu ne veux pas devenir mannequin ? Ou actrice ? Tu serais une bonne actrice.
-Parce que je chiale sur commande ?
-Oui, mais aussi parce que sur un tapis rouge tu serais dans ton élément.
Je secouai la tête et je m'éloignais pour continuer. J'étais en effet très boueuse, je le remarquai dans les vestiaires alors que l'eau coulait sur moi. Je me mis à chantonner et je rejoignis Sophie, une fois lavée. Nous étions à peine sortie des vestiaires que je l'arrêtais.
-J'ai fait un rêve étrange durant le peu d'heures où j'ai dormi.
-Laisse-moi deviner. Tu étais toute nue avec Chuck et soudainement, son visage s'est transformé en Brian.
Je lui coulai un regard étrange et elle se mit à rire.
-Okay okay, j'arrête. Je t'écoute.
-Tu n'étais pas tout à fait dans le tort mais je n'étais pas nue. J'étais à un mariage. Ton mariage et après... c'était moi la mariée et oui comme tu dis, de Chuck ou de Brian... je ne sais pas faire la différence à vrai dire.
-Je crois que c'est dû à ton manque de sommeil, tu as rêvé des deux garçons à qui tu as parlé avant de dormir. Pas de quoi en faire tout un fromage.
-Tu crois vraiment ?
-Oui ! Par contre... en quoi consiste la séance chez Cooper ?
Je lui expliquai ce que j'avais fait avec mon père et que je trouvais que c'était une bonne idée d'avoir une personne tierce pour nous arbitrer.
-On fait une thérapie de couple alors ?
-Oui voilà. Tu es le seul couple de ma vie et je pense que ce serait bien que tu vois les choses à ma manière et moi de la tienne. Ça ne pourra être que bénéfique, tu ne crois pas ?
Sophie hocha la tête et nous nous rendîmes à nos casiers respectifs. J'avais une enveloppe coincée dans un livre. Je reconnus l'écriture de Brian. Il avait écrit en français dans sa lettre et je souris en m'asseyant dans les marches pour la lire.
Sarah,
il semblerait que pour un devoir de français, nous devions écrire une lettre à la personne de notre choix. Je sais que tu fais des gros efforts pour comprendre cette langue, aussi, tu en es l'heureuse destinataire. J'espère que tu mesures ta chance, sur ce, je te laisse sur ce poème...
Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne,
Ô vase de tristesse, ô grande taciturne,
Et t'aime d'autant plus, belle, que tu me fuis,
Et que tu me parais, ornement de mes nuits,
Plus ironiquement accumuler les lieues
Qui séparent mes bras des immensités bleues.
Je m'avance à l'attaque, et je grimpe aux assauts,
Comme après un cadavre un choeur de vermisseaux,
Et je chéris, ô bête implacable et cruelle !
Jusqu'à cette froideur par où tu m'es plus belle !
Au cas où tu te le demanderais, ce n'est pas de moi mais de Charles Baudelaire. Qu'est-ce que tu en penses ?
Brian Miller.
C'était un poème magnifique, du moins ce que j'en comprenais... Je pris mon téléphone pour appeler Chuck. Il me répondit à la seconde sonnerie.
-Désolée de te déranger mais j'ai besoin d'un traducteur franglais. Brian devait faire un devoir et il m'a envoyé une lettre, je ne comprends pas tout.
-Balance.
Il me la traduisit et quand arriva le moment du poème, il devint un peu plus froid.
-C'est ton frère qui t'a envoyé ça ? Il doit beaucoup t'aimer. C'est un poème d'amour.
-C'est Brian. Il adore les poèmes et il adore les poèmes d'amour français. Je pense qu'il voulait juste me dire qu'il m'aimait mais comme un frère enfin. Charles. Ne sois pas jaloux comme ça !
-Je suis ton ami, je ne vois pas ce qui me donnerait le droit d'être jaloux.
J'allais répondre mais il me prit de court.
-Écoute, je dois y aller, on a une dernière répétition. On s'appelle plus tard.
-Charles, avant que tu raccroches, je voulais te dire.. Brian et moi on est pareil, trop pareil sûrement. On se comprend dans notre douleur et dans notre folie. J'ai confiance en lui mais je n'ai pas de sentiments amoureux envers lui. Je crois que c'est utile que tu le saches. On a tous besoin d'un soutien dans la vie et Brian c'est lui mon soutien. C'est mon frère. Alors je t'en prie, ne me demande pas de choisir entre vous deux parce que je serai incapable de faire ce choix.
-Je ne le ferai pas Sarah, finit-il par dire. Je dois vraiment y aller.
-Amuse-toi bien Charles.
Il finit par raccrocher et j'envoyai un message à Ray pour lui souhaiter une bonne répétition. Je finis par relire la lettre de Brian confuse. Chuck avait pensé que c'était une déclaration d'amour mais moi je ne le voyais pas comme ça. Brian n'était pas amoureux de moi, sinon il me l'aurait dit. Il aimait Alex, j'en étais certaine et il adorait Baudelaire. Ça ne voulait rien dire de plus. Sophie me rejoignit et nous nous rendîmes à la bibliothèque pour travailler avant le match. J'espérais que mon père serait en avant soirée avec Mary et qu'il viendrait nous rejoindre plus tard. C'était sûrement la meilleure chose à faire. J'avais l'impression d'avoir raté ma vie ces dernières semaines. J'adorais étudier et cette partie 'je-m'en-foutiste' de moi avait pris le dessus. Je fixai un moment Sophie qui était en train de ficher ses cours sur des feuilles bristols. Elle était si consciencieuse... je savais qu'elle irait loin dans la vie. Elle réussissait tout ce qu'elle entreprenait et parfois elle en devenait presque complexante. Sophie retira ses lunettes et se passa une main sur le visage. Elle joua avec les branches un instant et les colla dans ses cheveux. Je fixai ses traits harmonieux. Sophie était sûrement la fille la plus jolie du lycée, mais elle n'en avait pas conscience du tout. Son visage était serein et gentil.
-Arrête de me fixer. Tu me perturbes.
Ses grands yeux observaient ma réaction.
-T'es vraiment jolie Sophie. Autant à l'intérieur qu'à l'extérieur.
-Hum. Tu ferais mieux de bosser au lieu de penser à des trucs pareils.
-Tu devrais demander à Brian de te peindre. Il a besoin de modèle, il me l'a dit l'autre jour.
Elle me lança un sourire espiègle et elle replongea dans sa lecture. Je soupirai et je m'y remis également. L'heure de la fermeture de la bibliothèque approchait à grands pas. Je n'avais pas de nouvelles de mon père ni de Ray d'ailleurs. Il devait être vraiment occupé. J'espérais qu'il ne stressait pas pour le lendemain...
Le match devait commencer une bonne demie-heure plus tard et déjà la foule se pressait. Nous attendions les Harpers et Tom, je ne fus guère surprise de les voir débarquer avec les McDust.
-Ton père nous rejoint plus tard, il a insisté auprès de Mary pour l'accompagner, me lança Benjamin. Tu as l'air de mieux en mieux Sarah. Je suis content de te voir de nouveau comme ça. Tu m'as fait peur quand tu as disparu, tu sais ?
-Je ne le savais pas, non, fis-je d'une petite voix alors qu'il marchait près de moi pour aller au stade.
-John est mon meilleur ami depuis qu'on a 3 ans, tu es comme ma fille. S'il t'était arrivé une chose plus grave, je ne sais pas comment j'aurais pu m'en remettre. Tu comptes aux yeux de beaucoup, Sarah. Nous sommes une famille et c'est pour ça que je me permets de te le dire, lui ne le fera jamais mais tu as brisé le cœur de ton père. Il avait une image de toi qui n'était pas du tout conforme à celle que tu es et ça lui a fait beaucoup de mal. On se donne tous beaucoup de mal pour que vous ayez un avenir serein, pour que vos erreurs ne vous hantent pas jusqu'à la fin de vos jours, mais ce n'est pas pour ça qu'on cautionne. C'est notre devoir de vous protéger et on le fera jusqu'à notre mort sûrement, mais il y a une chose qu'on ne peut pas faire, c'est vous sauver de vous-même si vous rejetez les principes qu'on a essayé de vous inculquer pour que vous soyez des gens biens.. Et quand tu t'es enfuie de chez toi, que tu as fait toutes tes conneries, pour John, c'est comme si tu disais à toute ton éducation, à toute ta famille, à nous tous : Allez vous faire foutre, je fais ce que je veux, quand je le veux et personne ne peut rien me dire parce que je suis protégée quoi qu'il arrive. Tu lui as brisé le cœur, parce que ce qu'il pensait être une bonne éducation s'est révélé être un véritable fiasco. Tu lui as brisé le cœur parce qu'il a toujours ce besoin viscéral de te protéger mais dans le fond, il n'a pas envie de protéger une délinquante.
Benjamin m'arrêta avant le stade, laissant les gens entrer dedans.
-Je vois bien que tu es désolée, mais il va falloir plus que ça. Va falloir que tu bosses très dur. Que tu fasses taire ou que tu éradiques cette petite voix au fond de ton crâne qui te pousse à faire des choses débiles. Tu comprends ce que je veux dire ? Il va falloir que tu vois en face ce que tu as fait et que tu assumes pour avancer. Je sais que ça va être difficile, mais tu peux pas te retrancher derrière ton joli sourire cette fois, derrière l'amour qu'on a tous pour toi. Tu ne peux pas te cacher derrière des belles et grandes promesses de changement. Tu n'es plus une petite fille et plus les années passent, moins on va te faire de cadeau dans la vie, que tu sois une McAllister ou non. Ton père a besoin de voir que tu assimiles cette donnée. Il a besoin de te voir grandir pour devenir une personne bien ou en tout cas, tout faire pour en devenir une. Il est effrayé à l'idée de te laisser partir l'an prochain, parce que dans l'état actuel des choses, tu es instable. S'il t'arrivait quoi que ce soit, il ne pourrait pas y survivre. Si demain, tu mourrais, il mourrait lui aussi.
-Vous avez raison. Je me suis comportée comme si j'étais immortelle et intouchable, comme si je pouvais être une autre sans conséquence, vous avez tout à fait raison. Mais... je ne sais plus comment faire pour regagner la confiance des autres. Je ne sais pas si en étant tout à fait honnête avec les autres, ça va marcher. J'ai pas de mode d'emploi et je suis toute seule. Je ne dis pas ça pour qu'on me plaigne, mais je ne peux le faire que toute seule. Je me fais une liste mentale de tout ce que je dois faire dans la journée, des objectifs à atteindre, mais je ne sais pas si ça suffit. J'ai pas de méthode oncle Ben, mais je vais faire mon possible pour ne plus briser le cœur de mon père ni d'aucun d'entre vous. Je peux pas promettre que j'y arriverai du premier coup, mais je peux promettre que je vais faire mon possible.
Benjamin m'embrassa sur la tempe et nous rejoignîmes les autres dans les gradins. Sophie m'avait gardé une place et elle poussa son sac avant même que je n'arrive. Elle avait un miroir devant elle et elle était en train de se peinturlurer la face. Elle se tourna ensuite vers moi pour peindre mes joues aux couleurs de notre équipe. C'était le dernier match avant janvier. Les gens étaient sur excités, comme si c'était un match de football américain. Notre équipe était douée, mais ça ne m'étonnait guère. La dernière fois que je les avais vus jouer, j'avais constaté une véritable alchimie. Ils étaient une équipe, envers et contre tous. J'étais certaine que le Wickham's jouait beaucoup dans tout ça. Est-ce que ça ferait pareil avec ma sororité ? Est-ce que les membres seraient unis maintenant et à jamais ? N'était-ce pas utopique? Les filles étaient plus compliqués que les garçons, du moins, selon mon sentiment. Nous faisions moins confiance, moins rapidement du moins. Je tournai les yeux et je vis les pompom girls arriver sur le terrain. Leur choré était assez impressionnante... c'était pour ça qu'elles avaient besoin de Chris pour les guider. Je comprenais mieux. Je ne pouvais pas la voir, mais il était indéniable qu'elle faisait de bonnes chorégraphies. Alex était là, au milieu de ses filles, telle une reine qu'on ne pouvait qu'adorer. Elle allait devenir la reine de notre promo, c'était une évidence. Je n'arrivais même plus à la détester, comme si tout mon capital de haine et de méchanceté s'était envolé sans crier gare.
Lorsque l'équipe de notre lycée arriva sur le terrain, je sentis l'excitation me prendre comme tous les supporters. J'étais assez fière de Paul et de Brian. Ils étaient doués et mettaient leur talent au service de notre communauté toute entière. Ils étaient un ciment pour le lycée et même plus encore. Je voyais l'excitation dans les yeux de certains spectateurs plus anciens. C'était ça leur rôle dans la société. Mais quel était le mien ? Que pouvais-je faire pour m'intégrer ? J'avais vécu un moment en marge de tout, comme si la société était une ennemie castratrice, comme si elle ne voulait pas de moi, mais je m'étais leurrée. La société avait besoin de tout le monde pour avancer. Elle avait besoin du meilleur comme du pire, ce dernier surgissant toujours des profondeurs abyssales où on essayait de le cacher. On ne pouvait pas échapper à la société humaine, et dans le fond, je ne voulais pas vraiment en être écartée. Je reçus à ce moment un appel de Ray. Je pris mes écouteurs et je me redressai pour aller le long de la palissade. Nous étions les plus hauts dans les gradins, en plein centre de terrain.
-J'ai pas eu le temps de répondre à ton message, désolé. On est en plein rush.
-Je ne t'en veux pas enfin ! Je suis au match de Brian, il va pas tarder à commencer d'ailleurs. Par contre, j'ai un truc à te demander.
-Si c'est pour te fournir de la drogue, c'est non.
-Très amusant, je voulais te rappeler de m'envoyer une carte postale depuis Nice.
-On est en train de l'écrire avec les garçons ! Elle partira samedi matin si on a pas le temps. Oh et je voulais te dire aussi, on a décidé de dédier le concert aux victimes de l'attentat qui a blessé Chuck et de le diffuser en direct alors si tu veux le regarder... ça ferait comme si tu étais avec nous.
-Ce serait génial ! Si je ne suis pas en cours, je regarderai un morceau, promis !
Le match allait vraiment commencer aussi, je laissai Ray et je me rassis. C'était vraiment super intéressant et j'étais à fond dedans. Au bout de 45 minutes, je vis mon père arriver, tenant par la main sa femme. Ils étaient en habits de soirée et je vis un grand sourire sur le visage de Mary. Le nœud papillon de mon père était défait et sa chemise légèrement ouverte. Ils se laissèrent tomber près de moi. J'avais envoyé durant tout le début le résultat du match à mon père. Il m'embrassa sur la tempe.
-C'était bien votre soirée ?
-Beaucoup mieux que prévu, ton père est un cancre et visiblement connaissait l'investisseur que je devais charmer.
-C'était le coloc d'Eric à Stanford.
-Henrik ? demanda Benjamin. Tu avais un dîner avec Henrik ? Toujours aussi lourdingue ?
-Je suis bien content de ne pas avoir laissé Mary toute seule avec lui, il t'aurait embarrassé plus qu'autre chose. C'est fou. On est en 2015, pourquoi certains hommes peuvent être encore comme ça ? Qu'on essaye d'affirmer sa virilité, pourquoi pas, mais pas tout le temps..
-Affirmer sa... virilité ? répétai-je.
-Je sais que c'est pas comparable à ce que vous vivez les femmes au quotidien, mais c'est dur d'être un homme aussi. Y'a une sorte de règle comme quoi, on ne doit pas montrer sa faiblesse, on ne doit pas pleurer, parce que « ça fait fille ». On est constamment et tellement rappelé à notre fonction de protection que certains surjouent à en devenir lourd, comme pour cacher qu'ils ont aussi des faiblesses, voire qui ils sont réellement.
-Tu es en train de prétendre que derrière chaque macho y'a un mec fragile ?
-Je veux dire qu'il n'est pas né macho. On lui a inculqué qu'il fallait l'être.
-Oh. C'est pour ça que tu es un macho à l'extérieur mais qu'à la maison c'est Mary qui commande.
-Exactement, pouffa cette dernière.
Elle sauta et siffla quand notre équipe marqua un panier à 3 points. Elle était vraiment canon dans sa robe de soirée et dans ses chaussures à hauts talons. Je vis le regard de mon père. C'était fou à quel point il l'aimait. Je détournai les yeux et je vis Ben les observer aussi. Que pensait-il vraiment de Mary ou de mon père en couple, lui qui avait connu ma mère ? Je devrais lui demander à l'occasion. Le match était assez serré et je devais bien avouer que c'était hyper amusant. J'étais à fond dedans. Je voyais dans les yeux de Thomas une admiration sans borne pour son frère, mais j'avais la même, je le savais. On avait l'impression qu'il survolait le terrain, quand il se prit un coup qui le fit tomber au sol, je me redressai.
-Carton rouge !
-Sarah... c'est du basket pas du soccer, sourit Nicholas Harper mais ça a dû lui faire mal, sinon, il se serait redressé là.
Paul attrapa la main de Brian et ce dernier se passa une main sur le visage. Paul avait un regard de tueur.
-Tu vois ce que je vois, dis-je à ma meilleure amie.
-Oui. Paul va balancer son coude dans la face de l'autre enflure de merde et il a bien raison. ALLEZ MCDUST.
-Sophie, je te prierai d'utiliser un vocabulaire moins vulgaire, intervint sa mère. Il y a un enfant près de toi.
-Oui Maman. C'est une raclure de Troll alors.
Tom s'étouffa de rire et Adèle leva les yeux au ciel. Elle allait répliquer mais Paul remontait le terrain et la ferveur du public était à son comble au moment où il dunka tout en envoyant son coude dans la tête d'un type qui s'éclata au sol. Il restait peu de temps avant la fin du match et je voyais bien que nous étions sur la bonne voie pour gagner. Un spectateur entonna le chant de soutien de notre équipe et je me rendis compte de l'évidence. Je connaissais la mélodie et les paroles comme tous les supporters. Je jetai un coup d'œil vers mon père qui chantait à pleine voix. Il avait fait de moi un mini lui. Même Tom me regarda bizarrement quand il m'entendit chanter.
-Tu aimes pas le sport !
-Quand Sarah était petite, lui expliqua mon père, elle hurlait la nuit. Elena me poussait toujours du lit pour que j'y aille. Alors j'ai dû apprendre les berceuses, mais aucune ne marchait. Alors j'ai commencé à chanter des hymnes de sport et là, miracle. Elle arrêtait de pleurer.
-Je ne déteste pas le sport Tom, quand j'étais petite je voulais aller au JO. C'est juste que ma volonté n'était pas aussi grande que mon envie et...
Je m'arrêtais de parler une seconde le temps de voir Brian lancer le ballon à son coéquipier courir à l'autre bout du terrain et marquer après avoir récupéré la balle. Ils avaient repris de l'avance et au moment où le sifflet retentit, une clameur s'éleva. Ils avaient gagné après un match rempli d'actions et de lutte. J'étais fière de Brian, j'étais fière de Paul et ma jauge de bonheur était remontée. Quand le frère de Thomas me vit, il me lança un sourire éclatant et j'eus presqu'envie de le serrer contre moi. Il était tellement rayonnant que pour une minute, j'aurais adoré faire partie de son monde. J'allais m'approcher de lui mais sa copine se jeta dans ses bras. Il l'embrassa mais alors qu'il la serrait contre lui, il me regarda, l'air un peu déçu. Voulait-il que je vienne le féliciter devant tout le monde ?
Nous l'attendîmes depuis la voiture. Moi j'étais vraiment crevée mais mon père me gardait contre lui. Je croisai le regard de Ben. Oui. Je devais absolument prendre soin de mon père comme lui prenait soin de moi. Ce ne fut qu'une fois à la maison, chez nous, que je pus lui dire que j'étais fière de lui et que j'avais trouvé le match bien.
-C'est gentil Sarah, merci. J'ai discuté avec John et il m'a dit que lorsqu'il aura de nouveau confiance en toi pour sortir seule, on pourra partir en WE tous les deux. J'aimerai bien que tu choisisses la destination du coup. Tu as du temps devant toi.
-Je... je choisis notre destination ? Tu es sérieux ?
-J'ai décidé des deux dernières. Tu choisis et je paye. Enfin. John paiera, tu es sortie de lui si je puis dire, il peut nous payer un week-end. Je me suis dit que ça te ferait une bonne motivation. Qu'en penses-tu ? Par contre, il faudra que tu obtiennes le pardon de toutes les personnes que tu as blessé, à commencer par notre famille et la tienne.
-Et si ça prend des années ? ou des mois ?
-Je ne suis pas pressé. Je suis toujours puni moi aussi je te rappelle. Tu pourrais me masser dans le dos éventuellement ?
J'hochai la tête et il s'installa sur son lit, allongé et torse nu. J'étais toujours en uniforme, je ne m'étais pas encore changée. Je pris son huile et je le massai comme je pouvais.
-Brian, est-ce que tu... tiens Sarah. Tu es là.
-Oui, il avait mal dans le bas du dos et il voulait que je le masse. Tu voulais quelque chose de particulier ? Je vais vous laisser.
-Non pas du tout, je voulais juste savoir si tu avais besoin que je te masse, mais je vois que vous prenez déjà soin l'un de l'autre. Je sais que demain soir, tu devais aller fêter ton match mais tu es toujours puni Brian...
-Je sais et comme Paul aussi l'est, on a décidé de faire ça dans le cadre du lycée demain midi. Ça arrangeait tout le monde en plus.
-Okay bonhomme. Passez une bonne nuit les enfants, Sarah, ne traine pas, tu as cours demain plus tôt que Brian.
-Oui, j'ai bientôt fini. Bonne nuit Papa.
Il ferma la porte et je continuai à masser Brian comme si de rien était. Je finis par le laisser quand il me le demanda et une fois dans mes draps, je me rendis compte que je sentais encore son huile mentholée. Notre lien s'était raffermi et j'aimais beaucoup ça. Était-ce ça l'amour d'un frère ? Était-ce aussi puissant qu'on comprenait l'autre et qu'on ne le jugeait plus sur ses erreurs passées ou présentes ? Ou alors était-ce juste entre Brian et moi que c'était ainsi ? Deux âmes écervelées et perdues dans l'immensité du monde qui se reconnaissaient ?
Je me redressai dans mon lit et je partis vérifier que toutes les portes et les fenêtres étaient bien fermées. J'avais besoin de me faire une check list pour me convaincre que Wyatt ne pourrait plus m'atteindre désormais. Je remontai les escaliers et je sursautai en voyant mon père devant moi. Il fronça les sourcils.
-Qu'est-ce que tu fais là ?
-J'ai.. je vérifiais que tout était bien fermé. J'arrive pas à dormir sinon.
Il m'embrassa tendrement sur les tempes et il m'accompagna dans ma chambre. Il s'assit sur le bord de mon lit pendant que je me glissais dans les draps
-Je veille sur ton sommeil et je chasserai les monstres un à un.
Il me disait ça quand j'étais encore petite. Il regardait après sous mon lit et dans les placards pour chasser les monstres. Il avait toujours pris soin de moi.
-Papa ? Je suis désolée tu sais ? De t'avoir brisé le cœur. Je sais que c'est le cas et je voulais te dire que je passerai chaque jour de ma vie à essayer de réparer mes erreurs. Je sais que je vais encore te décevoir de temps en temps mais plus jamais je ne briserai ton cœur. Il est trop précieux.
Je posai une main sur son torse nu.
-Je veux apprendre à réparer ton cœur. Je le veux vraiment, mais je ne sais pas comment faire du tout.
-Laisse moi du temps et repose toi.
-J'arriverai pas si tu ne me donne pas, ne serait-ce qu'une piste.
-Sois altruiste mais pas au détriment de ton propre bonheur. Ne sois jamais méchante avec qui que ce soit, tu ne connais pas le vécu de la personne à côté de toi. Et ne juge pas hâtivement ce que tu vois ou les gens autour de toi. Reste toujours humble, et tends toujours la main à plus petit quoi.
-Tu es en train de me faire le serment d'Hippocrate ou.. ?
-Non ma chérie, sinon tu sais par quoi j'aurais commencé ?
-Au moment d'être admis à exercer la médecine, je promets et je jure d'être fidèle aux lois d'honneur et de probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.
-Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J'interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l'humanité.
Je sentais mes paupières se fermer d'elles-mêmes tandis que mon père récitait à voix basse le serment qu'il avait prêté. Il me l'avait dit tellement de fois que je le connaissais par cœur. J'aimais sa voix chaude. Il me rassurait tellement.
J'étais heureuse en me réveillant le lendemain. J'avais l'espoir que ce serait une belle journée. Je descendis et je vis Mary et mon père se faire des papouilles sous l'œil médusé de Tom qui à chaque fois qu'ils s'embrassaient lançait une exclamation dégoûté. J'avais l'impression que ça les faisait rire. Brian arriva derrière moi et posa sa main dans le creux de mon dos pour me faire bouger. On sonna à la porte et mon père partit ouvrir. J'entendis un rire et je vis Paul arriver.Il avait l'air saoulé le pauvre. Il nous embrassa Mary et moi et il tapa dans la main de Tom. Un accolade à Brian plus tard, il était assis près de moi avec une bol de céréales. Si j'avais bien compris, Benjamin et Line avaient besoin d'un week-end en amoureux et nous récupérions Paul, qui toujours puni, avait juste le droit de faire ses devoirs et toutes les corvées ingrates que mon père déciderait. Je savais qu'il allait s'en donner à cœur joie. Je le voyais à son air taquin.
-Mon père m'a dit que ma place de Star Wars dépendrait de mon comportement du week-end.
-C'est pareil pour tout le monde. Le moindre pet de travers et vous n'irez pas à l'avant-première. Pas la peine de me regarder avec ton regard de chaton, Sarah.
-Et si on est quatre à le faire ? demandai-je en donnant un coup de coude à mes deux voisins, Tom et Paul.
Mon père nous regarda tour à tour et éclata de rire.
-Bien essayé les gosses. Je vous emmène tous en cours
-Brian, tu prends Tom au passage ce soir, compléta Mary en vérifiant son maquillage dans son miroir. Paul, Sarah, ne piratez rien au lycée et ne chantez pas sur les tables non plus.
Elle me fit un clin d'œil et nous allâmes au lycée avec mon père. Je montai à l'avant et j'écoutais les garçons refaire le match de la veille. Mon père avait mis son auto-radio très bas et la chanson Fight Song passait. J'avais décidé quelques jours auparavant que ce serait mon mantra désormais : « Voici ma chanson de combat, ma chanson pour reprendre ma vie en main, ma chanson pour prouver que je vais bien, mon énergie s'est enclenchée. Ça commence dès maintenant, je vais être forte. Je vais jouer ma chanson de combat et peu importe si personne d'autre n'y croit, parce qu'il reste beaucoup de combattivité en moi. » Je sortis après les garçons de la voiture de mon père; Je le contemplai quelques secondes avant de l'embrasser.
-Passe une bonne journée Papa.
-Toi aussi Sarah.
-On pourra rentrer ensemble tout à l'heure ? J'ai encore une séance avec Cooper et j'ai invité Sophie.
-Oui bien sûr. Est-ce que tu...
-Vois un peu de changement ? Ouais. Mais je ne sais pas si je vais pouvoir oublier un jour.
-Il ne faut pas oublier Sarah. Il faut transformer ses faiblesses en force. Je ne veux pas t'éjecter de ma voiture mais je suis en retard pour aller bosser.
Je me penchai pour l'embrasser sur la joue et j'eus une sensation étrange en m'écartant de lui. Je n'arrivais pas à mettre un nom sur ce qui venait de me traverser. Je me détournai de lui pour sortir et je faillis avoir une crise cardiaque en voyant le visage de Sophie.
-Coucou John ! Papa voulait savoir si je pouvais venir chez vous demain parce qu'il doit déjeuner avec des clients et il veut que ma mère soit là mais pas me laisser toute seule à la maison.
-Oui bien sûr. Je l'appellerais tout à l'heure. Bonne journée les filles.
Il nous laissa et démarra au quart de tour. Il y avait de l'euphorie dans le lycée. C'était toujours comme ça les lendemains de match. Ils avaient réussi à nous fédérer autour d'un sport et tout le monde était ravi. Sophie m'apprit que Cameron était malade et qu'il ne pourrait pas venir en cours ce jour là.
-On lui apportera de la soupe tout à l'heure.
-Tu sais qu'il vit chez ses parents ?
-On lui apportera ses cours tout à l'heure. Enfin, tu lui apporteras tes cours, ajoutai-je en riant. Paul reste tout le week-end à la maison, ses parents partent en amoureux.
-Tu crois qu'on sera tous aussi proches que nos parents à leur âge ?
-Obligé. On est une famille, pas des amis. Et une famille ça reste en contact, non ? Enfin c'est comme ça que moi j'envisage une famille. Je me suis éloignée longtemps des McAllister de l'Est et.. quand ils sont revenus dans ma vie, je me suis rendue compte qu'ils m'avaient manqué.
-Mon frère me manque tellement, me confia Sophie, un sourire triste sur le visage. Il me manque depuis des années même mais j'ai jamais osé lui dire parce que je sais qu'il a une partie de sa vie en France et même s'il a l'intention de revenir par là un de ses jours, il ne sera pas là que pour moi. Je sais c'est hyper égoïste de penser ça, surtout que je sais que je vais être gaga du bébé. Mais ce sera différent. Ne me regarde pas comme ça, j'ai l'impression d'être une connasse.
-Non au contraire, je crois que parfois être égoïste ça a du bon.
Nous fûmes rejointes par Tara, qui portait un rouge à lèvres bleu en accord parfait avec la couleur de ses yeux. Elle avait l'air anxieuse.
-Tu stresses pour ton week-end ?
-Non pas du tout, je suis pas bien depuis ce matin. J'ai une mauvaise impression et...
Elle stoppa et fronça ses sourcils. Elle secoua la tête et elle sourit.
-Ce n'est rien, ça va passer sûrement. J'ai galéré à faire le devoir de chimie pour lundi, c'était violent. Y'en a pas une de vous deux qui pourrait m'aider en venant demain ?
-On est puni mais éventuellement, peut-être que Papa serait d'accord...
-Ah oui c'est vrai. C'est pas grave, je vais demander à Jeremy s'il peut passer.
-Tu es certaine ? demanda Sophie.
-Oui bien sûr ! sourit Tara. Et je...
Je vis son petit ami arriver derrière elle et il me fit signe de me taire. Il l'attrapa par les hanches et elle poussa un cri de surprise qui le fit éclater de rire. Ils étaient mignons comme tout. Nous commencions exceptionnellement par un cours de Français et je songeais à Chuck. Leur concert avait lieu dans quelques heures et j'espérais qu'il se passerait bien. La prof de français m'interrogea et je ne fis même pas mine de ne pas comprendre. Brian et Tom m'avaient fait progresser en quelques mois seulement. J'avais l'impression d'avoir grandi grâce à eux. Elle nous rendit nos copies et j'entendis Sophie soupirer. Elle n'avait eu qu'un B et elle semblait vouloir en découdre avec la prof qui lui avait souligné plusieurs passages de sa rédaction en écrivant seulement « non ». À la fin du cours, alors qu'elle se dirigeait vers elle, je pris mon téléphone et j'appelai Ray. Je tombais sur son répondeur et je ne fis rien pour cacher ma déception de ne pas l'avoir directement. « Salut Ray, je suis assez deg de ne pas t'avoir en direct mais je voulais juste te dire de t'éclater ce soir et.. c'est à peu près tout. Voilà. Je t'aime bonhomme. ». C'était bref et ça décrivait assez bien ce que je pensais d'ailleurs. Sophie ressortit de la salle en étant un peu énervée mais elle avait réussi à faire remonter sa note à un A-, ce qu'elle trouvais plus potable. Je reçus un appel de mon cousin alors que nous étions encore dans les couloirs. Avait-il un problème ? Je décrochai rapidement et sa voix me parvint immédiatement.
-Maman vient d'être admise à...
-L'hôpital ? Mais qu'est-ce qu'elle a ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Sophie se tourna vers moi, inquiète.
-Heu... elle est en train d'accoucher ?
-Accou... non ???? Aonghas va naître c'est ça ?
-Oui ! Je suis en route pour la maison. Je vais avoir un petit frère, s'exclama-t-il heureux. Et encore un petit McAllister ! Vivement que tu en fasses un pour qu'ils puissent jouer ensemble.
-Pourquoi ce serait à moi de me coltiner le gosse ? Fais-le si tu en as envie !
Duncan éclata de rire et je sentais déjà mon cœur enfler de joie à l'idée d'avoir un autre cousin. C'était fou, mais je l'aimais déjà, avant même qu'il ne naisse. Je remerciai mon cousin de m'avoir prévenue et ce fut avec le sourire que je continuai les cours de la matinée. Sophie avait l'intention de me remettre à niveau dans certaines matières où j'avais déconné ces derniers temps et nous avions réquisitionné après le repas du midi l'une des seules salles ouvertes, le labo de chimie où nous allions avoir cours plus tard dans la journée. J'avais demandé à Mme Craig et elle avait accepté que nous restions là, tranquillement au dernier étage. Je n'arrivais pas à me concentrer. J'étais trop excitée par l'arrivée d'un nouveau McAllister sur la Terre. Allait-il être une terreur comme les jumelles et moi enfant ? Ou plus comme Duncan, taquin et protecteur ? Aurait-il nos yeux ou ceux de sa mère ? J'avais tellement envie d'être à Washington, d'être avec eux et d'embrasser tante Val pour le cadeau qu'elle faisait à notre famille.
-Sarah, tu suis que dalle, grogna Sophie.
-Aonghas est sur le point de naître et je me dis que j'ai choisi le bon moment pour changer. J'aimerai être une personne dont il serait fier tu sais ? Sur qui il pourrait compter, qui pourrait le défendre. Je veux devenir comme ça pour les plus jeunes de ma famille.
-C'est un bon projet mais... tu n'as pas entendu ?
-Entendu quoi ? répétai-je.
Sophie secoua la tête et elle allait recommencer à parler lorsque l'alarme provoqua un vacarme assourdissant. J'ouvris la fenêtre pour voir ce qu'il se passait et j'entendis des cris.
-C'est quoi ce bordel sérieux ?
-Tu crois que des cons ont allumé l'alarme incendie ?
-Elle est différente cette alarme non ? On devrait y aller quand même. C'est pas prudent de rester.
J'attrapai mon sac, mon bloc et mon crayon et je le balançai sur mon épaule. Sophie fit de même et nous passâmes par l'escalier pas loin de notre salle tout en bavassant. J'étais rendue à peu près à la moitié quand je me figeai. Je sentis distinctement le sang partir de mon visage et mes jambes commencer à se dresser. Je me tournai vers Sophie, elle paraissait interloquée.
-C'est quoi ça ? demanda-t-elle.
-Ça, c'est le bruit d'un semi-automatique. Remonte. Remonte immédiatement, sifflai-je.
Je l'attrapai par la main et je remontai les escaliers quatre à quatre, le cœur battant. L'alarme continuait de sonner à tout rompre. Une fois ma copine dans la salle, je repoussai la porte qui grinça. Mon instinct de survie était en alerte maximale. Je ne pouvais pas plus pousser la porte, pas si un tireur était là, dans l'escalier. Il m'entendrait forcément. Je regardai autour de moi et je vis la solution à mon problème.
-Le placard, murmurai-je. Vite ! Dans le placard.
Il était assez profond pour que nous puissions nous recroqueviller à l'intérieur. Je laissai la porte un peu entrouverte afin d'avoir un fin faisceau lumineux qui nous permettrait de savoir si la voie était libre. Je sentais Sophie en train de trembler près de moi. Je lui pris la main. Ce fut à ce moment là que j'entendis deux décharges déchirant l'air qui nous firent sursauter alors même que l'alarme venait de s'éteindre.. Elle était bien trop proche de nous. Je plaquai ma main contre la bouche de ma meilleure amie. Son visage était en sueur et elle frissonnait. Elle était en train de faire une crise de panique. J'en reconnaissais les symptômes alors que je ne la voyais pas tellement.
Je pris mon téléphone et je lui écrivis dans notre conversation qu'on ne devait pas bouger ni faire de bruit. Elle hocha la tête et elle ferma les yeux, les mains jointes en une prière muette. Je faillis envoyer un tweet avec notre localisation, mais c'était complètement con. Peut-être que la personne qui venait de tirer regardait les réseaux sociaux pour nous débusquer. Je voyais déjà certaines dépêches à propos de mon lycée. Des coups de feu ont été entendu... Sans déconner. Je lançai Tala et j'envoyai un message à tous. Je n'étais pas la seule à y avoir pensé... mais s'il était dans le lycée ? J'envoyai directement un message à Brian pour lui dire où nous étions. Je n'entendais plus rien du tout.
-Je vais aller voir
-Non !
-Sophie, on ne peut pas rester là. Je vais juste aller voir près de la porte si j'entends un truc, okay ? Tu restes là, je referme la porte du placard. Il t'arrivera rien, je te le jure sur ma vie.
Je m'extirpai du placard, mon téléphone à la main et je marchai à quatre pattes en longeant le mur. J'étais une cible en restant là si le tireur entrait dans la salle. Mais au moins, il penserait que j'étais seule. J'avais bien refermé la porte du placard où Sophie était. Je cessai respirer une minute et je me concentrai. Je n'entendais pas un bruit. Je me redressai un peu et je sortis de la salle, le cœur battant. Je passai ma tête dans le couloir. Il n'y avait personne. Je fis quelques pas vers l'escalier. Je ne vis et n'entendis rien du tout. Je fis demi-tour pour aller chercher Sophie. Je vis clairement la mini-attaque qu'elle eut quand j'ouvris le placard.
-Je crois que le champs est libre. Il faut qu'on aille vers la porte de sortie, tu comprends ? On arrivera en extérieur, sur le toit. On bloquera la porte et on viendra nous sauver okay ?
D'autres coups de feu retentirent et je re-rentrai dans le placard dans la foulée. Sophie et moi étions dans les bras l'une de l'autre. J'essayai de calmer ma respiration mais c'était d'autant plus difficile. Surtout quand j'entendis des pas très distinctement. Sophie n'était que tremblements et moi, j'avais l'impression d'être sur le point de vomir. La porte du placard s'ouvrit et je faillis pousser un hurlement strident si une main ne s'était pas plaquée sur ma bouche. C'était Brian. Il nous serra toutes les deux contre lui.
-Il se passe quoi ?
-Y'a un type qui est rentré dans le lycée et on a entendu des coups de feu... Tout le monde est en panique, y'a les flics en extérieur. Je sais pas si y'a des blessés. Je sais rien du tout. Tout ce que je sais c'est que j'ai eu ton message et que je suis passé par derrière, on m'aurait pas laissé re-rentrer sinon.
Sa voix tremblait, il était tout aussi effrayé que nous. Il nous fit signe de courir vers le second escalier et il nous suivit. Je vis soudainement Sophie bifurquer vers l'une des salles ouvertes et je la suivis d'instinct. Cela ne voulait dire qu'une chose. Nous étions en train de courir droit vers lui. Nous étions à peine entrés que j'entendis le cliquetis caractéristique de l'arme qu'on recharge. Je me retournai la mort dans l'âme et je le vis. Il était de notre âge, peut-être même plus jeune. Il ressemblait à un type lambda du lycée mais il avait une aura maléfique, je ne pouvais le dire autrement. Je sentais que quelque chose clochait. Il avait en main un fusil semi-automatique de chasse. J'en avais vu chez ma Grand-Mère. Il mit Brian en joue.
-Partez les filles.
-Br...
-Je vous donne de l'avance, répondit le tireur d'une voix nasillarde presque, petites souris, ajouta-t-il un sourire sur les lèvres.
Je regardai Brian. Ce dernier se tenait droit comme un i.
-Sarah. Sophie. Partez, nous ordonna-t-il.
Il tourna les yeux vers moi et ce que j'y vis me coupa le souffle. C'était de l'amour à l'état le plus pur, et c'était un adieu, déchirant. Il faillit le répéter mais je pris la main de Sophie pour la sortir de là et nous partîmes dans l'escalier près de la salle. Je lui avait juré sur ma vie qu'il ne lui arriverait rien. Elle devait se mettre à l'abri. J'avais crié à Sophie de ne pas s'arrêter mais moi je l'avais fait. Je ne pouvais pas laisser Brian. J'entendis un coup de feu, un hurlement inhumain et je remontai les escaliers plus vite que je ne l'avais jamais fait. J'arrivai dans la salle, les mollets en souffrance et je vis Brian à genou une main sur le bras, sanguinolente. Il luttait contre la douleur. Le tireur était en train de recharger, un sourire sur les lèvres.
-Tu vas mourir Miller. C'est tout ce que tu mérites.
Le cri franchit mes lèvres avant que je puisse le faire taire et je me précipitai devant Brian. Je ne saurais dire où exactement les deux balles me trouèrent la peau. J'avais entendu la détonation, vu la fumée sortir de l'arme et sentit une douleur immense me déchirer les entrailles. L'impact m'avait fait reculer d'un pas avant de m'effondrer sur le côté. J'avais du mal à respirer, je voyais trouble. Je me mis à tousser et je sentis du sang entre mes lèvres, alors que mon visage était collé au sol de labo de chimie.J'entendis une nouvelle détonation, mais je n'arrivais plus à me concentrer sur rien du tout. Pas même sur le hurlement que je venais d'entendre. Il me paraissait loin. Si loin.
Je m'étais promis avant la rentrée de me battre contre la Mort si je la voyais en face. De lutter ferme, d'y mettre toute ma volonté, de résister à l'attrait de l'Au-delà. Mais c'était inutile. Je ne pouvais pas la vaincre. Pas cette fois.
Et ce fut le noir.
Le noir complet.
***
La journaliste regarda la caméra droit devant elle. Elle vit son technicien lui faire signe qu'ils seraient en direct dans cinq secondes. Elle ne devait pas pleurer ou laisser paraitre la moindre émotion. C'était son taf, même si elle avait été dans ce lycée des années auparavant et que là... Putain de monde de barges, pensa-t-elle en ramenant le micro sous son visage.
« Ici, Mélissa d'Arcy pour CNN en direct du lycée St-Georges, à Los Angeles où une fusillade a commencé vers 15h10 heure locale. D'après nos sources, il y aurait au moins deux morts et plus encore de blessés graves qui ont d'ors et déjà été évacué vers les hôpitaux alentours. Il y a encore quelques minutes, des tirs retentissaient. Nous pouvons voir les ambulanciers évacuer en direct sur des brancards des blessés... »
La caméra se tourna vers l'entrée secondaire où était postée la journaliste. Elle scruta un instant la scène, pria au fond d'elle-même pour que le bilan ne s'alourdisse pas.
« Nous n'avons pas d'informations précises sur l'identité du tireur, plusieurs témoins ont parlé d'un jeune adolescent caucasien, armé d'un fusil qui n'est pas élève dans le lycée. La panique ici sur place est totale mais la police nous a assuré que tout était son contrôle et que l'individu serait neutralisé dans les plus brefs délais. »
On lui fit signe de s'arrêter de parler et la caméra se baissa. Sa chaine allait sûrement repasser le témoignage larmoyant de cette cheerleader dont le petit-ami était encore à l'intérieur. Ce sont que des gosses bordel, repensa-t-elle, avant de se diriger vers le chef du SWAT pour glaner quelques informations supplémentaires. Putain de monde de barges.
***
Vous l'avez compris, la semaine prochaine c'est...
(Est-ce la réalité ou est-ce une blague de ma part ? Vous l'avez compris, vos souffrances ne sont pas terminées, du moins pas pour cette semaine... 😁 et je resterai muette sur ce sujet, aucun pot de vin ne sera susceptible de me faire changer d'avis. Bisous 😘 )
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