9. Faible.
"La douleur est inévitable, mais la souffrance est facultative."
Harville Hendrix.
Clyde
Cette compote est dégueulasse.
Je prends une serviette en papier pour recracher cette horreur. Rien sur ce foutu plateau est mangeable, entre le poisson sans sauce et fade, la poêlé de légumes rassis et le fromage blanc qui ressemble à de la mozzarella avariée. On peut dire que cet hôpital sert vraiment de la merde à leurs patients, vivement que je rentre chez moi.
On frappe à la porte et la bande entre dans ma chambre. C'est leur première visite depuis mon accident et je dois dire que ces cons m'ont manqués.
Harley me saute au cou en me traitant de con et m'embrasse tout le visage avant que Artémis la fasse reculer pour me saluer avec un sourire chaleureux, chose assez rare pour le préciser.
Apollon me serre l'épaule en déposant un sac rempli de nouilles, de plats cuisinés et autres.
- Tu sais que je pourrais t'embrasser pour ce geste ? taquiné-je alors qu'il grimace en s'écartant vivement.
Crow vient délicatement me serrer dans ses bras et se retire sans un mot, le regard fuyant comme d'habitude. Spades discute avec le médecin vers la porte, Undead s'installe sur mon lit et commence à manger ma compote et il semble se régaler.
- C'est meilleure que les compotes que mange Hope, se contente-t-il de me dire avant de l'engloutir.
Devil vient me frapper à l'épaule et me demande des détails sur l'accident.
Chose que je suis incapable de faire.
Spades nous rejoint et commence à expliquer ma situation aux autres.
- Clyde a subi un traumatisme crânien qui a entraîné une amnésie post-traumatique, hermano, explique-t-il en regardant le dossier que lui a donné mon médecin. Les médecins ont constaté une contusion cérébrale légère, ce qui explique la perte de mémoire temporaire.
- Attends ça veut dire qu'il a perdu la mémoire ? s'étonne Harley.
- Temporairement Harley, rectifie Artémis en levant les yeux au ciel.
- Tu n'as vraiment aucun souvenir de ton accident ? demande Apollon.
- Non, la dernière chose dont je me souviens c'est que je sortais du garage de Knight car il devait vérifier un truc sur le moteur de ma moto.
Je soupire et insulte mon cerveau de merde de ne pas me souvenir de mon accident.
- Pero, tu devras rester encore un jour de plus pour les examens et si tout se passe bien, tu sortiras demain matin.
- Oh non, fais quelque chose Spades, je ne pourrais pas me taper ces compotes de merde encore un jour de plus.
Il incline la tête et me sourit avant de me dire qu'il va négocier pour qu'il se charge de mon état au QG.
Une fois sorti, Harley dégaine son portable et vient se prendre en selfie avec moi.
- Je vais l'envoyer à Daya, elle doit s'inquiéter.
Je ricane et la plupart des gars aussi. Si Daya Marshall s'inquiète pour moi, la terre ne tourne plus dans le bon sens.
- D'ailleurs où elle est ? Avec cet enfoiré de Ryder ? questionné-je en rigolant.
Mais ce dernier s'efface à mesure que des airs graves s'affiche sur visages. Ils se regardent entre eux et je sens que les secondes suivantes ne vont pas me plaire.
C'est Devil qui s'avance vers moi, les bras croisés et le regard vide, il retire son cure-dent.
- Hier soir, Ryder a été retrouvé mort près du Bronx. Daya a très mal pris la nouvelle comme nous tous et elle n'a pas quitté son bureau depuis qu'elle est rentrée. Quant à Angel, elle erre comme un fantôme, n'ayant plus prononcer un mot.
L'annonce m'empêche de bouger, comme si mon esprit refusait de comprendre les conséquences de ses paroles. L'annonce s'abat dans mon estomac et mon cœur se comprime de remords. Je détestais Ryder et son air supérieur qui me cassait les couilles. Et malgré toutes nos tentatives pour atteindre la vie de l'autre, je n'ai jamais voulu qu'il meurt vraiment.
- Et Ezra arrive dans quelques heures, ajoute Crow.
Ses mots sont le signal pour que mon corps se connecte et que je me redresse d'un coup, retirant le drap qui me sert de couverture. Si Ezra revient, il faut que je sois sur le pied de guerre, Daya aura besoin de moi pour gérer toute cette merde.
- Où tu crois aller Calimero, tu restes ici le temps qu'il faudra pour guérir, tente de me retenir Apollon.
- Apo a raison Clyde, reprit Undead en me forçant à m'asseoir.
Je grimace de douleur en me tenant les côtes.
- Vous croyez vraiment que je vais rester le cul assis dans ce putain de lit alors que le gang part en couilles !
- Exactement, rétorque Harley. On aura besoin de notre Clyde en bonne santé et pas d'un grand-père qui n'arrive pas à se lever.
Vexé, je m'apprête à riposter quand Spades revient dans la chambre.
- Le médecin est d'accord pour que je te ramène mais pas de mission ni de travaux qui nécessitent la cabeza, entiendes ? m'ordonne-t-il tandis que je hoche la tête, prêt à tout pour sortir d'ici.
***
C'est bon de retourner chez soi et de bouffer des plats comestibles. Cela fait deux jours que je n'ai pas bougé de chez moi, ordre de Spades. Et bien que je m'en carre de ces conseils à la Dr.House, j'en ai profité pour dormir et dormir.
Ezra m'a rendu visite, me saluant comme d'habitude mais avec moins d'entrain. Il doit être au fond du trou, Ryder était tout pour les Marshall, un meilleur ami d'enfance, un frère d'armes et un conseiller quand Ezra a remplacé son père en tant qu'héritier.
Je m'installe dans le seul fauteuil qui meuble mon salon, un sandwich fait maison dans la main avec un paquet de chips.
Un mal de crâne me vrille la tête et je prends une bouteille d'eau pour avaler les cachets qu'on m'a prescrits et que je dois prendre tous les jours, jusqu'à ce que ma mémoire revienne.
J'ai essayé de me concentrer, de me repasser chaque secondes avant mon accident mais impossible de faire surgir un infime moment. À la fin, j'ai juste le droit à un mal de tête intense que même les dolipranes n'arrivent pas à éliminer.
Mais aujourd'hui, ça fait trop longtemps que je suis enfermé, j'ai besoin de prendre l'air et celle du balcon ne me suffit plus. Après m'être changer, j'attrape une serviette et descend dans notre séjour pour me rendre dans la pièce d'à côté, la salle de sport.
Je me pose dans un coin, près des bancs de musculation et m'échauffe. Mes muscles sont contractés et souffrent des premiers étirements.
Spades a dit de ne pas travailler mon cerveau, faire du sport ne devrait pas trop m'épuiser, non ?
Une fois bien étiré, je retire mon t-shirt et commence une série de pompes qui m'oblige à me mordre la lèvre inférieure à chaque remonter tant mes côtés me font mal. Je devrais arrêter, reprendre quand je serais plus en forme.
NDA : Lonely & Free - Teflon Sega.
Mais c'est impossible, surtout quand je vois cette cicatrice à chaque fois que je force sur mes bras.
Parmi toutes celles que j'ai, jamais je n'ai cherché à la recouvrir car elle représente la petit garçon que j'étais et que je refuse de m'en séparer. D'une certaine manière, l'enfer que j'ai vécu m'a permis d'être l'homme que je suis aujourd'hui.
Cinq lettres, incrustées dans ma peau à l'aide d'un canif alors que je n'avais que six ans.
Depuis que ce mot fait partie de moi, me rappelant sans cesse que les flammes de mes ténèbres sont toujours présentes, peu importe le temps qui passe.
Je continue en enchaînant les coups de poings dans un sac de frappe alors que mon esprit fait resurgir les mauvais souvenirs, ceux que je ne voulais pas voir remonter à la surface.
Flashback.
La porte d'entrée claque et mon cœur rate un battement avant de prendre une course effréné. L'angoisse me fait déglutir et mes petites mains tremblent alors que je joué avec mon train et un playmobil.
Il est rentré.
À contre-coeur, je laisse mes jouets sur la moquette poussiéreuse de ma chambre et descend l'escalier marche après marche, repoussant le plus tard possible le "bonjour" de mon père.
Mais quand je le vois, j'aurais préféré rester dans ma chambre, il va recommencer, encore. Je le vois dans ses yeux vairons, ils sont brillants et foncés, signe qu'il a bu.
Ma mère le sait aussi mais elle lui sourit et lui propose de manger un encas en se débarrassant de son manteau qu'elle accroche au porte-manteau en bois. Je m'approche de mon père sous le regard encourageant de ma mère, il est installé dans le canapé et je dois monter dessus pour embrasser sa joue barbue. J'allais remonter dans ma chambre quand il m'a appelé.
- Alors qu'est-ce que tu as fait aujourd'hui à l'école, fiston ? me demande-t-il en m'ébouriffant les cheveux.
Même si je sais qu'il s'en fiche, je lui raconte ma journée avec l'espoir que ça l'intéresse assez pour qu'il me parle.
- Oh ! Et Oppy a insulté maman, tu aurais dû voir quand la maîtresse elle l'a gronder et qu'il...
Je m'arrête dans ma phrase en voyant ses sourcils se rejoindre tellement qu'il les fronce.
- Qu'est-ce que tu as dis ? interroge-t-il alors que ma mère ramène son repas.
Je sens que j'ai fais une erreur et maman me le confirme quand elle baisse la tête.
- Que... que Oppy avait... insulté maman... balbutié-je en tortillant la couture de mon pyjama.
- Et toi, qu'est-ce que tu as fait pour défendre ta mère ?
- Rien, il disait juste... ça pour rigoler...
- Pour rigoler ! crit-il en tapant du poing sur la table basse.
Je sursaute et recule d'un pas, les larmes aux yeux, mon corps tremblant de tout part.
- Ta mère s'est fait insulter et tu n'as rien fait car c'était rigolo ! explose-t-il en se levant. Je vais te montrer ce que c'est de rire de ta maman.
- Greg, non ! intervient maman quand il m'attrape le bras pour m'asseoir dans une chaise en face du canapé.
Il se tourne vers ma mère et l'embrasse de force tandis qu'elle essaye de le repousser. Mais sa force ne surpasse pas celle de papa. Il l'entraîne sur le canapé et commence à lui retirer sa chemise et je ferme les yeux quand il la lèche jusqu'à sa poitrine.
- Ouvre les yeux fiston, m'ordonne-t-il. Regard comme c'est drôle d'insulter maman.
- Je t'en prie, Greg, implore-t-elle en se débattant.
J'ouvre les yeux et une envie de vomir me prend quand je le vois allongé sur maman qui pleure. Il déboucle sa ceinture et descend son pantalon, puis il fait pareil avec elle.
Mes larmes ne tiennent plus et j'éclate en sanglots alors qu'il me rappelle à l'ordre à chaque fois que j'ose fermer les yeux.
Il continue son spectacle sous les cris de ma mère et mes pleurs, se laissant aller dans son propre plaisir.
Cela dure une éternité quand il grogne plus fort et s'immobilise au-dessus de maman. Puis, il sort un canif de sa poche et s'approche de moi, toujours nu et en sueur.
J'essaie de reculer mais il m'attrape l'avant-bras avant et plante son couteau dans ma peau sous mon cri de douleur. Le sang coule sur le parquet du salon et mon regard se plonge dans celui de ma mère qui n'a plus la force de bouger, déshabiller sur ce canapé que je déteste.
- Voilà, termine-t-il en levant son couteau. Pourquoi tu n'as rien fait fiston ? Ta mère avait mal ! Pourquoi tu n'as pas bougé ? Parce que tu es un faible !
Il se redresse et enfile son pantalon avant de sortir de la maison en claquant la porte derrière lui. Je baisse le regard sur mon bras. J'ai mal mais je ne dis rien trop subjugué par le mot que mon père m'a ancré à vie.
WEAK.
Fin du flashback.
- Clyde !
On me touche l'épaule et je réagis au quart de tour, attrapant sa main, je lui fais une clé de bras en le forçant à s'agenouiller avec mon pied.
- Clyde, du calme, c'est moi ! m'avertit Undead en se débattant.
Je le relâche immédiatement et l'aide à se relever en lui tendant ma main qu'il prend.
- Désolé mec, tu m'as pris au dépourvu.
- T'inquiète pas, je sais ce que sais, mais moi j'ai quelqu'un qui me protège de tout ça.
- Tu parles de Hope ? ricané-je en attrapant ma serviette.
- Eh, ne parle pas de l'amour de ma vie comme ça si tu veux pas finir au fond d'un trou !
Je rigole et nous marchons jusqu'à l'ascenseur.
- Plus sérieusement Clyde, tu devrais aller voir Daya. Elle n'est pas bien du tout, ça fait trois jours qu'elle n'a pas fermé l'oeil et qu'elle n'est pas sortie du bureau, on s'inquiète tous.
- Pourquoi moi ? Vas-y toi !
- On a déjà essayé, même Ezra n'a pas réussi. Alors peut-être que toi tu pourras.
Je souffle, déjà blasé par cette future conversation avec l'héritière.
- Okay, mais je prends une douche d'abord. En espérant que je ne meurs pas.
- Cool mec ! T'es le meilleur. Et tant fait pas pour l'enterrement, j'ai déjà commandé le cercueil. Par contre la musique je sais pas trop t'es plutôt une chanson d'Eminem ou un air de piano version Mozart ?
Je secoue la tête, il me fatigue.
- Ta gueule, répliqué-je alors que les portes de l'ascenseur se referme.
La conversation risque d'être animée alors autant que je sois au meilleur de moi-même.
Un sachet de sucettes à la cerise en main, je frappe contre le bois de la porte. Un "entrez" résonne et j'ouvre la porte.
Le nez dans les papiers, ses cheveux tombent en rideaux autour d'elle alors que ces cernes sont visibles à quinze kilomètres.
Son bureau est en bois, rien n'a bougé depuis que son arrière-grand-père l'a aménagé. Toujours les mêmes tableaux de famille, les étagères remplies de bibelots qui coûtent une fortune et ce vieux sofa en cuir marron. La seule chose qui le distingue des années où ses grands-parents régnaient sur le gang, c'est cet immense serpentarium qui me fait frissonner à chaque fois. Celui où habite ce monstre visqueux et sauvage nommé Diamond, un cobra royal. Cette bête mesure 5m de long, pèse plus de 15 kilos et en plus elle est cannibale !
L'horreur !
Me concentrant sur Daya et non sur son démon, je m'approche pas à pas, comme un dresseur essayant d'apprivoiser une lionne, et jette un œil à son bureau qui est en bordel.
Voyant qu'elle n'est pas enclin à parler, je me racle la gorge.
- Tu sais, il existe une chose magique appelée "sommeil" et son but est censé te garder en vie.
Rien. Pas un regard, un sourire esquissé ou un soupir.
Okay, l'humour ne fonctionne pas, essayons la gourmandise. Je dépose le sachet de sucettes en plein milieu de ses papiers alors qu'elle écrit. Daya le repousse pour continuer sa phrase, je le récupère, l'ouvre et en prend une que je mets devant son stylo.
Mais pareil, aucune réaction.
Okay, ma patience à des limites, passons aux choses sérieuses.
D'un seul coup, j'envoie balader sa paperasse au sol, n'en épargnant aucun.
Daya s'empare de son arme est la pointe sur moi, mes lèvres esquisse un sourire alors que je lève les mains.
Je risque de mourir mais on a une réaction.
- Tu veux mourir Clyde ?
Une réaction et des mots, de mieux en mieux.
- Écoute Daya, ça fait plus de trois jours que t'es enfermée dans cette pièce, il faut que tu sortes prendre l'air.
Elle abaisse son arme et secoue la tête.
- Non, j'ai du travail, répond-t-elle en ramassant les papiers.
Je l'arrête net en marchant sur les feuilles. Elle me fusille du regard en se levant.
- Clyde, je n'ai pas le temps pour tes conneries, j'ai un gang à gérer.
- Et moi, j'ai une reine à remettre sur pieds. Si tu crois que te terrer dans le boulot va te faire oublier ta douleur face à Ryder, tu te trompes.
- Tu ne sais pas de quoi tu parles ! Tu n'as jamais connu la perte d'un proche !
- Moi ? Tu m'as bien regardé Daya ? J'ai l'air d'un type qui a passé sa vie à courir après les merdes pour au final tout perdre !
Mon sang commence à bouillir à l'intérieur de moi et je serre les poings.
- Arrête de jouer au martyr ! T'as jamais aimé Ryder ! T'en as rien à foutre de sa gueule !
- Ça restait mon frère même s'il me cassait les couilles, faut que t'arrives à te contrôler Daya ! C'est pas en me hurlant dessus que ça va régler le problème.
Elle détourne le regard, n'ayant plus aucune répartie.
- Alors maintenant tu vas sortir de cette putain de pièce, tu fais ce que tu veux mais je veux plus te voir le nez dans une feuille.
- Très bien, capitule-t-elle. Je m'en vais, je vais faire un tour en moto.
Je me passe une main au visage, fatigué de son comportement d'enfant.
- Tu n'y vas pas toute seule, avec toute la colère qu'il y a en toi tu risques de te tuer.
- C'est pas comme si t'en avais quelque chose à foutre, répète-t-elle en attrapant son casque.
Crois-le ou non, je tiens à toi parce que tu es ma Weakness. Et si quelqu'un doit te tuer, ça sera moi et personne d'autre.
- Exactement, mais vu que j'ai pas envie que notre cheffe se brise un bras, je t'accompagne, que tu le veuilles ou non.
Elle souffle et nous nous engageons dans l'escalier pour enjamber nos motos et faire démarrer le moteur.
Sur la route, nous faisons plusieurs détours mais je sais où l'emmener pour qu'elle puisse évacuer toutes ses émotions.
Parce que si elle explose, c'est le tout le gang avec qui sera réduit en cendres.
***
Hey my Weakness !
Comment allez-vous ?
J'espère que votre coeur tient toujours, je vous ai prévenu sur les sujets abordés dans ce livre, il sera très sombre, les membres de The KillerBlood ne sont pas dans le gang pour rien, chacun à son passé poignant.
Clyde a un passé émouvant et terrible, ce que ce petit garçon a vécu est inhumain à cause de son père.
Daya s'enferme dans son bureau mais Clyde compte bien la faire sortir pour lui changer les idées et si vous avez pleuré à ce chapitre, gardez des mouchoirs pour le prochain !
Sur ce, prenez soin de vous et n'oubliez pas que vous êtes des pépites !
À la semaine prochaine !
Kiss !
Naëlle.
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