We Wish You ... A Real Life

by lenadelgardo

Il l'attendait, on était le 23 décembre 2017 et il ne l'avait pas encore reçu.

Il faisait mine de ne pas passer sa journée devant la porte en attendant le facteur ou bien une quelconque entreprise de livraison pourtant c'était bien le cas.

Depuis cinq ans, sans exception, il recevait un paquet le 22 décembre. Il en reçut encore un alors même qu'il avait déménagé. Il ne savait pas qui les lui envoyait mais il avait la sensation qu'il s'agissait d'une seule et même personne. Habituellement, la journée du 22 décembre, il travaillait et le trouvait dans sa boîte aux lettres le soir venu. Mais cette année il était en vacances et n'attendait que ce paquet depuis des heures.

Il se dirigea vers l'étagère où les objets étaient posés, il les énuméra un par un, une édition dorée de La Reine Margot d'Alexandre Dumas, un appareil photo sans carte mémoire, un sweat vert forêt de l'Université de Grenoble, un pot rempli de terre. Cependant, il ne se séparait jamais du dernier cadeau, c'était une montre à gros cadran dont le bracelet en cuir brun serrait son poignet. Il ne comprenait pas leurs significations, ils ne représentaient rien pour lui mais, malgré tout, il les aimait.

***

Le 25 décembre alors qu'il se traînait dans l'appartement, en pensant à ce qu'il avait délaissé : son projet de film, son rêve d'atteindre un niveau symbolique et officiel dans quelque chose en recevant un trophée ou en recueillant un regard d'admiration, on sonna à la porte. « Enfin » soupira-t-il, soulagé.

Il ouvrit la porte à une magnifique jeune femme blonde serrée dans son manteau, elle avait l'air si triste.

- « Bonjour, que puis-je pour vous ? » murmura-t-il, surpris.

- « Bonjour » bredouilla-t-elle « Je suis désolée on ne se connaît pas mais ... ».

Elle lui tendit une lettre alors que sa voix se brisait. Le son de la voix de l'inconnue l'étonna et sa main trembla lorsqu'il saisit la lettre.

« Cher Alexandre,

Peu de temps après que nous nous soyons lassés de notre couple et de notre amour, je suis partie m'accomplir, d'abord à Dublin pour un travail, puis ailleurs. Mais quelques semaines après mon arrivée alors que j'errais tristement dans la ville, seule, te regrettant amèrement ainsi que notre vie, je l'ai vu.

Il était là, dans un étal de bouquiniste au bord de l'eau, le livre à la couverture dorée. Il était magnifique, il me redonna instantanément le sourire. Tu as remarqué que c'est un livre de Dumas ? Te rappelles-tu notre rencontre lors de ce colloque ? Tu souris aussi n'est-ce pas ?

Sans plus hésiter je l'achetais. Après cela tout est allé mieux dans ma vie. Alors à Noël quelques mois plus tard, je décidai de te l'envoyer. Depuis, dès que je réalisais un rêve ou qu'un objet m'apaisait, je te l'envoyais. L'appareil photo me servit lors du mariage d'Alice. Elle a enfin trouvé celui qu'il lui fallait, elle était si heureuse. J'ai donné ma première conférence à l'Université de Grenoble, d'où le sweat.

A l'intérieur du pot, il y a une graine de Baobab, peut-être a-t-elle germée aujourd'hui ? Lors de mon voyage humanitaire en Afrique, je l'ai cueilli du plus majestueux Baobab du village. Des mythes locaux racontaient même son histoire. La montre de l'année dernière ... Si je pensais encore à toi dans un an, je t'offrais le cadeau en personne, et si je t'oubliais tu recevrais seulement une lettre.

Après avoir terminé la liste de tout ce que je voulais accomplir, j'ai réalisé que les preuves matérielles que je t'envoyais étaient insuffisantes, tu n'as pas vu le sourire d'Alice lorsque son père l'a conduite jusqu'à l'autel. Tu ne m'as pas applaudi lors de mon premier exposé dans un colloque. Tu n'as pas savouré la pluie sur ton visage après des jours de sécheresse. Même si je me suis rendu compte que mes cadeaux servaient à maintenir un lien entre nous, j'ai toujours voulu te revoir. J'ai voulu te croiser au hasard d'une rue parce que je n'ai jamais cessé de t'aimer.

Malheureusement je t'écris ceci de l'hôpital, tout est arrivé si vite. Je te promets que je veillerai sur toi. Je te souhaite une merveilleuse vie.

Des Bisous, Charlotte

Ps : Je te présente Juliette. »

La dernière ligne n'était pas de la même écriture se fit-il la remarque. Mais quand il réalisa ce qu'il avait lu, il releva les yeux tristement, celle qui devait s'appeler Juliette hocha lentement la tête : « C'est vrai, dit-elle, nous n'avons rien pu faire, j'étais son chirurgien mais... Elle m'a dicté ça, et j'ai l'impression de la connaître aujourd'hui » et lui tendit un paquet.

Il découvrit à l'intérieur, la statuette d'une colombe argentée prête à s'envoler, et pour la première fois depuis longtemps après avoir essuyé une larme, il sentit un poids le libérer et réalisa qu'il devrait essayer d'être heureux.