25 - La Flamme de nos Regrets
~ Wyer ~
- Tu vas regretter de m'avoir approché, Ezilly.
Je voyais dans ses yeux ce que j'avais toujours redouté : de la peur. C'était à peine perceptible, mais je la sentais trembler. Elle semblait si frêle, emprisonnée entre mes bras...
Il fallait que je la fasse fuir. Maintenant que le couronnement était fini, elle devait disparaître de la Cour et retourner à sa paisible vie anonyme. Et même si cela me brisait le cœur, je devais redoubler de méchanceté. Son amour pour moi devait laisser place à de la haine, pour qu'elle ne souhaite plus jamais rentrer au Palais.
Mais alors que je pensais avoir presque gagné, elle murmura :
- Je refuse de te croire.
Soudain, un éclair de courage fusa dans ses magnifiques yeux bleus et elle passa ses bras autour de mon cou pour m'attirer à elle. En une seconde, elle avait inversé les rôles. Je sentis ma dureté fondre comme neige au soleil, et je ne pus que la contempler, stupidement charmé par son caractère et sa beauté. Ses lèvres à quelques centimètres des miennes, elle souffla, me renvoyant toute sa rancœur :
- C'est moi qui vais te faire regretter. Quand je partirai, quand tu m'auras perdue, tu seras seul pour l'éternité, et à cet instant, tu regretteras de m'avoir laissé te fuir.
Elle se dégagea de moi et se précipita dans le lit sans même se déshabiller. Je me retrouvai seul, désemparé, à fixer le vide. La douleur dont elle parlait... Si elle savait comme je la connaissais. Elle m'avait accompagné chaque jour, chaque seconde qui était passée durant ces quatre ans, à l'unique différence que ce n'était pas un regret, mais une blessure éternelle. Car jamais je ne regretterai d'avoir protégé Ezilly, peu importait à quel point j'en souffrais.
Je l'entendis gémir, très doucement, de ce bruit étouffé que l'on fait lorsqu'on se retient de toutes nos forces de pleurer. Mon Ezi, si tu savais comme ça me fait mal de te faire souffrir... Détachant mon regard de la petite boule sous les couvertures, je retirai mon pourpoint qui me faisait suffoquer, puis fis de même avec ma chemise après un instant d'hésitation. Ce n'était pas comme si être torse nu risquait de provoquer quoi que ce soit, ce soir, après ce que j'avais fait...
Je me glissai dans le lit, prenant soin de lui tourner le dos. L'observer était trop douloureux – entendre ses sanglots l'était déjà bien assez. Alors que je sombrais lentement dans le sommeil, un bruit de froissement me réveilla, et je sentis le regard d'Ezilly peser sur moi. Et puis soudain, ce fut ses doigts qui effleurèrent ma peau, me procurant un délicieux frisson. Je ne bougeai pas, immobilisé par le rythme de mon cœur qui s'emballait. Son index caressait la ligne de mes épaules, descendait le long de ma colonne vertébrale, et je me pétrifiais tout entier. À quoi jouait-elle ? Si elle continuait ainsi, je ne pourrais pas résister bien longtemps...
Alors qu'un énième frisson me traversait, je me retournai d'un geste brusque et attrapai ses poignets pour stopper sa torture.
- Arrête ça, grondai-je.
Ses pupilles brillantes dans la pénombre me dévisagèrent d'un air innocent. Je sentais son corps sous le mien, mes mains qui enserraient ses bras frêles, et je repensai à cette expression de peur qu'elle arborait plus tôt. Je devais ressembler à un monstre pour elle.
- Alors, embrasse-moi.
J'écarquillai les yeux, ahuri par son attitude. Elle n'avait vraiment pas conscience du danger ? Je durcis mon regard, réalisant que mon sang-froid arrivait à bout.
- Vous jouez avec le feu, De Carminn.
- Je n'ai pas peur de me brûler, répliqua-t-elle en me lançant un regard effronté que je ne lui avais jamais vu.
Elle leva le menton et sourit, d'un étrange mélange tendre et vengeur. Je décidai de la suivre dans son jeu et m'approchai, effleurant presque son visage de mes lèvres.
- En êtes-vous sûre ?
- C'est toi qui as peur, Wyer. Peur de m'aimer parce que peur de me perdre.
Je ne pus rien répondre, paralysé par son regard, par la douceur de sa peau, et par la véracité de sa phrase. La sensation de son corps sous le mien était de plus en plus insupportable. N'en pouvant plus, je me redressai d'un coup et descendis du lit. Lui tournant le dos, j'attrapai un verre de cristal et le remplit de vin, avant d'avaler cul sec. Je m'essuyai la bouche d'un geste brusque.
Il fallait que je mette un terme à ce jeu du chat et de la souris. J'avais beau la fuir, elle me pourchassait farouchement... Je n'avais pas le choix. Je devais l'achever, d'un coup tellement violent qu'elle ne s'en relèverait pas.
Elle s'était levée aussi, et j'éclatai d'un rire mauvais, effrayant, pour l'empêcher de s'avancer plus. Puis je commis l'irréparable.
- Tu n'as rien compris, pauvre gamine. Je ne t'ai jamais aimé. Il y a quatre ans, c'était une simple attirance, que tu as prise pour de l'amour. En réalité, tu me dégoutes. Quand je pense que je suis marié à une vulgaire paysanne... Je comprends pourquoi ta famille n'a pas voulu de toi, après ta naissance.
Je n'eus pas besoin de me retourner pour savoir que mes mots avaient eu l'effet escompté. Je l'entendais respirer fort, sous le choc. Elle fit quelques pas, sûrement en arrière, comme si elle peinait à rester debout. En m'attaquant à sa blessure la plus profonde, celle de son abandon, j'avais atteint l'apogée de la cruauté.
- C'est... C'est faux... souffla-t-elle d'une voix brisée. Il y a quatre ans...
- Je ne me suis pas sacrifié pour toi, la preuve, je suis vivant. C'était simplement un moyen de me débarrasser du fardeau que tu étais.
Elle gémit et je me mordis la lèvre, si fort que je sentis le goût du sang dans ma bouche.
- Arrête, je n'en peux plus ! s'écria-t-elle, ses phrases entrecoupées de sanglots. Je n'arrive même pas à savoir quelle était la part de vérité dans ce que nous avons vécu... Je... Je refuse de croire que nos souvenirs étaient factices...
Elle pleurait à présent à grand bruit, et je dus faire appel à toute mon courage pour me retenir de faire volte-face et de la prendre dans mes bras pour faire cesser sa douleur. Pour cacher le tremblement de ma main, j'attrapai la bouteille et me resservis. Fichues séquelles...
Ses sanglots étaient si déchirants qu'ils me brisèrent le cœur. Je sentis les larmes couler sur mes joues, et je plissai les yeux du plus fort dans le vain espoir de masquer ma souffrance. Quand je voyais dans quel état nous étions à présent, le danger qui planait sur nos vies, et notre relation brisée, je regrettais notre mariage. Si Ezilly ne m'avait jamais rencontré, elle serait heureuse, aujourd'hui... Notre amour était une véritable malédiction.
Je m'écroulais de l'intérieur. Tout ce qui était encore debout s'effondrait, mon cœur explosait et recouvrait tout mon être de débris brûlants. Les larmes dévalaient mon visage et le sang envahissait ma gorge. Je devenais fou de douleur. Je suis désolé, Ezilly. À cet instant, je regrettai ce jour où je l'avais embrassé sous le saule pleureur, celui où j'avais dansé avec elle dans le silence de la salle de réception, cette nuit que nous avions passés tous les deux dans le salon du chalet de Kerslovaz, jusqu'à ce jour où j'avais signé ce constat, celui qui avait brisé nos vies, qui nous avait détruits, ce soir où j'avais regardé son nom brûler dans la cheminée. C'était fini, à présent, j'avais achevé de détruire ce qu'il restait de nous. Ne demeurait plus que la douleur, que...
Elle m'enlaça.
J'écarquillai les yeux.
Ses mains glissèrent sur ma peau nue, sur mon cœur, sur les larmes qui avaient mouillé mon cou.
Puis elle murmura :
- Si réellement, tu ne m'aimes pas, alors repousse-moi. J'accepterai ta haine.
Mon sang ne fit qu'un tour et j'attrapai ses mains pour les arracher à mon corps. Je me retournai face à elle et la dévisageai, de toute ma rage, de toute ma peine, de toute ma culpabilité. Je te hais, Ezilly.
Mais à la place de cette phrase qui aurait enfin achevé notre amour, je comblai l'espace qui nous séparait pour saisir son visage entre mes mains.
Et de toute la flamme de mes regrets, je l'embrassai.
*°*°*°*°*
...
Joyeux Noël les amis ^^
Aimez-vous mon petit cadeau ?
J'ai ADORÉ écrire ce chapitre, et j'espère que vous avez ressenti la même chose en le lisant 🤭 (Surtout la fin, n'est-ce pas ? XD) Il y avait une de ces tensions, j'ai cru que j'allais partir en fumée tant j'étais à fond dans l'action 😂
ENFIIIIN que vous vous dites XD Je suis sûre qu'un certain nombre d'entre vous ont eu de violentes pulsions meurtrières durant ce chapitre, mais la dernière phrase rattrape tout, non ? Notre petit enfoiré d'amour a enfin cédé ^^
Avec ce chapitre, je clôt la première partie de ce tome. Maintenant, de nouvelles intrigues se dessinent, et j'ai hâte de vous les partager. J'espère de tout coeur que vous continuerez à apprécier toujours autant cette aventure !
Prochain chapitre au Nouvel An,
Profitez à fond ❤️
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