23 - Vive le Roi
~ Wyer ~
Les bras tendus, je laissais Tavarez me passer successivement les innombrables couches de vêtements de cérémonie royale. J'étouffai un bâillement tandis qu'elle nouait mon pourpoint blanc brodé de fil d'or, et elle gloussa.
- Quoi ? grognai-je.
- Vous avez l'air d'un véritable Roi, Votre Altesse. Pour moi, qui ai toujours gardé cette image du garçon ronchon qui nous avait rendu visite avec Ezi, il y a quatre ans, c'est assez hilarant.
- Moi aussi, ça me perturbe, soupirai-je sans relever sa moquerie. C'est la première fois depuis mon mariage que je me coiffe les cheveux.
Elle éclata d'un rire franc, et j'esquissai un mince sourire. Cette manière de s'exclaffer me faisait penser à Ezilly. Elle n'était pas sa cousine pour rien...
- Tavarez, je vais te donner un passe-droit pour que ta mère et toi soyez dans les premiers rangs de la cathédrale. Ezilly doit être nerveuse... Voir vos visages la rassurera sûrement.
- Vous vous souciez beaucoup de notre petite Ezi, Wyer, me glissa-t-elle avec un regard appuyé, quittant son rôle de domestique pour celui de belle-sœur. Pourtant, celle-ci m'a dit le contraire... Que se passe-t-il donc entre vous ?
Je fronçai les sourcils et posai un regard dur sur elle.
- Ezilly doit rester loin de moi. Comprenez-vous, Tavarez ? Si j'apprends que lui avez révélé ce que je pourrais penser d'elle ou de la situation, vous pouvez être sûr que je ne serais pas clément.
- Je crois que vous faites fausse route, déclara-t-elle sans être le moins du monde intimidée. Ezi vous aime énormément, bien plus que vous ne pouvez l'imaginer. Être loin de vous est sans aucun doute plus douloureux que tout ce qu'elle pourrait subir à la Cour...
Je ne répondis pas, et m'avançai pour attraper ma longue cape doublée d'hermine et de magnifiques ornements, puis la nouai autour de mon cou.
- C'est l'heure, annonçai-je d'une voix grave. Il est temps de monter sur le trône.
*°*°*°*°*
Quelques mille personnes devaient être assemblées ici, dans la lumière colorée des vitraux de l'édifice, et pourtant, un silence terrible régnait. Personne ne voulait me voir recevoir cette couronne, je le compris aux visages fermés que je croisai lors de ma lente marche vers le chœur de la cathédrale. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine, je cachais ma main tremblante dans ma longue manche. La nervosité en moi était extrême : et la présence d'Ezilly qui me suivait quelques pas derrière ne faisait qu'empirer les choses.
Quand j'atteins le transept, la personne que je découvris devant moi me paralysa, et je ne pus avancer d'un pas de plus. Je le savais. On me l'avait dit, et j'avais tenté de m'y préparer. Pourtant... Pourtant, face à ma mère, je n'étais plus qu'un petit garçon perdu.
Pétrifié, je fixais celle qui avait essayer de me tuer, il y avait seulement quelques jours. Droite, élégante, elle était plus belle que jamais, mais la noirceur de son regard était terrifiante. Elle me détestait, elle me haïssait de toute son âme.
Je ne pouvais pas. Je ne pouvais m'avancer vers elle, j'en étais incapable, voir encore une fois la haine qu'elle me portait était trop douloureux. C'était impossible, je...
Une main saisit alors doucement mes doigts tremblants. J'écarquillai les yeux et Ezilly me caressa la paume pour me faire revenir à l'instant présent.
- Ça va aller, Wyer.
Je détachai mon regard de ma mère, et le tournai vers mon épouse. Elle dut voir la panique sur mon visage, car elle me sourit, et ce fut ce sourire, celui qui m'avait tant manqué, qui me donna la force d'avancer vers l'être que je redoutais le plus au monde.
Je comblai les derniers mètres qui me séparaient de la Reine sans lâcher la main d'Ezilly. Je m'y accrochais avec l'ardeur d'un condamné qui aperçoit un ange. À cet instant, peu importait que notre amour soit impossible... J'avais besoin d'elle.
- Prince héritier Wyer Ayden Kade De Welborn, fils du défunt Roi Major Charles Kenneth De Welborn, nous sommes tous réunis ici pour assister à votre couronnement, déclara la Reine dès que je fus face à elle.
Elle me fixait dans les yeux, et je savais que si elle avait pu, elle m'aurait tué, là, tout de suite, si des centaines de personnes n'étaient pas assemblées derrière nous. Mais alors que je pensais que j'allais fondre de douleur sous son regard, elle détourna le sien pour le poser sur Ezilly. Elle perdit aussitôt son expression meurtrière et son visage se voila de douceur, tandis que je la dévisageais, abasourdi. Puis elle sourit. Je n'en croyais pas mes yeux. Ma mère souriait.
C'était la première fois. La première fois que je la voyais sourire.
Cela parut durer une éternité, puis brusquement, elle me détailla à nouveau avec haine, et ordonna d'une voix dure :
- Veuillez prononcer vos vœux.
J'étais entièrement perdu, c'était à peine si je me souvenais encore d'où je me trouvais. Désespéré, je jetai un regard de détresse à Ezilly, qui semblait également hébétée devant l'attitude de la Reine, mais elle comprit dans quel état j'étais et me murmura de me retourner face au public. J'obtempérai, dans une sorte de semi-conscience. Ma mère avait souri. À Ezilly.
- Je jure, me souffla mon épouse sans cesser de caresser ma main pour m'apaiser, sur ma vie, mon honneur, et le nom prestigieux et divin qu'est celui des De Welborn, que jamais je ne trahirai mon royaume, que je donnerai ma vie pour mon peuple, que je leur serai fidèle et aimerai Weldriss jusqu'à la fin de mes jours, et au-delà.
Je répétai mot pour mot le serment, tentant péniblement de masquer les tremblements de ma voix. Seul le silence me répondit. Personne, sur la centaine de spectateurs, n'applaudit. Alors que je croyais que j'allais véritablement devoir faire face à cette apathie de la foule, un hourra s'éleva, et je reconnus la voix de Yasmine Tavarez. Ezilly parut ébahie en découvrant sa cousine et sa tante parmi l'assemblée, mais un immense sourire s'étendit sur son visage et je sus que j'avais bien fait. Lentement, timidement, quelques voix et applaudissements s'élevèrent, brisant cette morosité glaciale. Ma main se calma, apaisée par les caresses d'Ezilly. Quand le silence revint, la Reine déclara alors au nom de son pouvoir et de son défunt mari qu'elle faisait de moi le Roi de ce pays. Elle me posa la couronne sur la tête, tandis que je regardais mon peuple, puis je me retournai et m'agenouillai face à elle. Elle fit de même avec Ezilly, et après nous être tous deux inclinés devant celle que l'on appellerait désormais la Reine Mère, nous nous relevâmes pour nous retourner vers l'assemblée. Alors, à cet instant, la Reine descendit les marches du chœur et se plaça face à nous, avant de s'agenouiller à son tour, plissant son immense robe.
Les bancs raclèrent le sol, les têtes se penchèrent et les genoux frappèrent le marbre : en quelques instants, les centaines d'invités présents dans la cathédrale avaient imité ma mère et se prosternaient à nos pieds.
- Longue vie au Roi, vive le Roi !
Ma mère n'avait rien dit. Mais en croisant le regard d'Ezilly, je sus que cela n'avait plus d'importance.
Car elle était là.
*°*°*°*°*
Enfin, nos deux protagonistes chéris sont montés sur le trône... Ah, je suis émue. Ecrire une nouvelle scène dans une cathédrale m'a rappelé quand j'écrivais leur mariage... Un certain temps a passé depuis, mes bébés de papier ont bien grandi... Cela fait maintenant un peu plus de deux ans que WE est née.
Quelques uns d'entre vous sont là depuis le début (n'est-ce pas, ma plus fantôme de lectrice ? XD) et certains viennent tout juste d'arriver. Je profite de ce petit mot pour vous remercier, car je ne le répète jamais assez, mais vous, lecteurs, êtes mon carburant pour avancer dans mes histoires. Cela fait six ans que j'ai commencé à écrire, mais je n'ai réalisé la valeur de mon travail qu'en arrivant ici, sur cette fabuleuse application. Plus que raconter une histoire, partager un monde avec d'autres, échanger, rire, discuter, c'est tout cela qui me motive au quotidien à reprendre mon stylo pour continuer de vous offrir tout ce que mon imagination produit.
Wyer et Ezi sont nés dans un car, d'une discussion que j'ai eu avec une personne très chère à mon cœur, qui a malheureusement disparu de ma vie depuis. Ils sont une partie de moi, ils m'accompagnent depuis deux ans et demi, m'ont aidé à grandir, m'ont soutenus dans les péripéties de ma vie, mais j'espère qu'à présent, c'est vous qu'ils soutiennent. J'espère qu'au moins un d'entre vous aura été touché, motivé par cette tête brûlée qu'est Wyer et cette courageuse Ezilly. J'espère que je vous ai fait sourire. Je pense que c'est pour ça qu'existent les histoires et les auteurs qui les écrivent.
Merci d'être là,
À mercredi prochain ❤
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