8 - Réception
~ Ezilly ~
La fin d'une histoire n'existe que pour en débuter une autre.
Je sanglotais tandis que la couturière resserrait mon corsage. Mes blessures n'avaient pas eu le temps de cicatriser en un mois, elles s'étaient juste refermées. Avant de passer la robe, j'avais bandé mon dos pour protéger mes plaies, mais chaque contact, même infime, me faisait énormément souffrir. À chaque mouvement, je devais réfréner un gémissement. Des fois, j'avais si mal que je me demandais comment je faisais pour tenir encore debout... J'avais la terrible sensation que l'on avait brisé mon corps en mille morceaux, avant de le recoller maladroitement à la résine, et de cacher le résultat avec quelques coups de peinture.
Néanmoins, même si j'avais très mal, ce n'était pas pour cela que je pleurais.
Non, c'était car l'événement que je redoutais tant était finalement arrivé :
J'étais mariée.
Tel que je l'avais découvert lorsque j'avais signé ce maudit contrat, mon mari n'était autre que le Prince héritier du royaume, l'unique fils des De Welborn. J'étais donc devenue la Princesse, et encore pire, la future Reine qui était censée régner à ses côtés.
Je n'avais que quatorze ans, j'étais mariée, et ma vie était brisée.
- Voilà, vous êtes magnifique, Votre Altesse, déclara la couturière en finissant de nouer ma robe de bal.
Je tournai mon regard humide vers le miroir. La robe que je portais était un cadeau du Roi pour le mariage. Elle était d'un beau bleu sombre, et le bas était parsemé de minuscules perles blanches et de dentelle noire. Heureusement, elle couvrait mon dos jusqu'à la nuque et ses manches noires vaporeuses masquaient mes épaules et le haut de mes bras, cachant mes blessures.
- Merci, fis-je en me tournant vers la gentille couturière. Vous ne direz rien, n'est-ce pas ?
Elle savait de quoi je parlais. Elle me rassura, puis prit mes mains dans les siennes.
- Je vous souhaite grand courage. Ce que l'on vous inflige, si jeune...
Elle secoua la tête, le visage peiné.
- J'espère que du bonheur vous attend, pour contrer tout le malheur que l'on vous a donné. Bonne chance, princesse.
- Merci, répétai-je, touchée.
Les larmes menaçaient de revenir, alors je me mouchai et m'essuyai les yeux. Je m'armai de courage, et sortis de la pièce.
Deux gardes m'attendaient dehors. Lorsqu'ils me virent, ils me saluèrent, puis se placèrent devant moi pour m'escorter à la grande salle de bal.
Nous étions au Palais royal, ma future demeure. Après le mariage à la cathédrale de la capitale, on m'y avait conduit, et j'étais chargée de me préparer pour la grande réception qui avait déjà débuté. À présent, j'étais fin prête, mais terrifiée à l'idée d'affronter la cour et tous les nobles, seigneurs, et autres invités qui célébraient aujourd'hui le mariage de l'héritier du royaume.
Je serrai les poings, et pressai le pas pour m'empêcher de reculer.
Cela faisait un mois que l'on m'avait forcée à signer le contrat. J'avais été blessée au point d'être restée alitée pendant trois semaines. Mon dos était couvert de blessures dues au fouet, mon visage et mon corps entier étaient contusionnés, j'avais plusieurs côtes cassées, et j'avais perdu énormément de sang. Selon le médecin qui s'était occupé de moi, j'avais eu beaucoup de chance. Si mon père était venu une heure plus tard, je serais morte d'hémorragie... Si je n'avais pas été incapable d'articuler le moindre mot, je lui aurais craché au visage. De la chance ? Il aurait sans doute été préférable que l'éternité m'emporte. La mort me semblait préférable à cette douleur, et à la vie qu'on m'imposait.
Radley avait fait croire à la famille que j'étais malade, mais je savais que personne n'y avait cru. Même en cachant mes blessures, mon visage avait été réduit à un horrible tableau de plaies, de sang séché, d'yeux au beurre noir et à d'énormes bleus virant aux couleurs de l'arc-en-ciel... Il était impossible d'ignorer que j'avais été rouée de coups. Pourtant, tous avaient fait semblant de ne rien voir. On m'avait souri faussement et m'avait souhaité bon rétablissement.
Pendant tout ce temps, mon demi-frère m'avait tenu compagnie. Il m'avait raconté des histoires et je lui avais lu des livres. Il avait envahi ma chambre avec ses soldats de bois, et m'avait mimé des guerres interminables, me faisant sourire et oublier mes malheurs par ces occasions. Apolline aussi avait passé du temps avec moi ; régulièrement, elle m'apportait un bouquet de fleurs à mettre dans un vase sur ma table de chevet, et chaque jour, elle venait partager le goûter avec nous. J'avais ainsi découvert que ma belle-mère, aussi mince soit-elle, était extrêmement gourmande. Elle et son fils avaient allégé mes fades journées, soulageant ma douleur en me divertissant de leurs sourires et de leur gaieté.
J'étais ainsi devenue très proche de Havin. Il avait beau être jeune, son intelligence hors norme me passionnait. Nous avions passé de longues journées ensemble, comme pour rattraper ces années où nous ignorions mutuellement notre existence respective. Je m'étais attachée à ce petit frère surgi de nulle part, au caractère aussi grognon que gentil.
Lorsque j'avais été capable de tenir debout, il y avait une semaine, j'avais aussitôt dû me préparer à mon mariage. Cours de danse, de bienséance, j'avais eu droit à un résumé entier de ce qu'était un noble digne de ce nom. J'avais travaillé dur jour et nuit, pour être à la hauteur de ce que l'on attendait de moi. Je n'avais plus le choix, j'avais signé ce contrat ; je savais que je n'avais plus aucune chance d'éviter le mariage.
Seulement, il y avait quelques heures, avant de partir pour la cathédrale, j'avais revu mon petit frère, et nous nous étions disputés. Il m'avait reproché de me laisser faire, de ne pas savoir me défendre. Il m'en voulait de partir loin de lui, dans un château d'où je ne reviendrais jamais le voir. Je n'avais rien répondu, sachant qu'il ne disait que la vérité.
Cet enfant avait toujours été seul, depuis tout petit, mais j'étais arrivée et nous étions devenus proches. Il m'avait dit que j'étais sa seule sœur qu'il aimait vraiment, mais avait rétorqué après que j'étais en fait aussi méchante que les autres puisque je l'abandonnais. À ce moment, il s'était mis à pleurer, puis s'était enfui en claquant la porte derrière lui.
Je savais que ce serait la dernière image que j'aurais de lui, et cela me peinait énormément.
- Mademoiselle ?
Je redressai la tête, et essuyai les furtives larmes qui s'étaient remises à couler sur mes joues lorsque je vis ce qui me faisait face.
J'étais devant les grandes portes de la salle de bal du palais.
Je jetai un regard terrifié au garde qui m'avait parlé, mais lui baissa le sien. J'entendais d'ici l'orchestre qui jouait pour les danseurs, les gens qui discutaient et riaient fort. Tout ce bruit était assourdissant, même provenant de l'extérieur...
J'étais complètement effrayée, et je tremblais de tout mon corps. Les gens qui se trouvaient dans la salle de bal... Leur réputation n'était plus à refaire. Tout le monde savait qu'ils étaient la pire espèce d'êtres humains, en perpétuelle quête d'or et de pouvoir. Si, sous leur regard, quelqu'un faisait un faux pas, sa vie était ruinée. À eux tous, ils étaient capables de détruire un empire.
Je déglutis et redressai la tête malgré ma peur. Il était temps d'être forte.
Les portes s'ouvrirent devant moi, et l'on m'annonça. La lumière m'éblouit un instant, et je me cachai les yeux de la main. La musique pulsait dans mes oreilles, aussi entraînante que puissante. L'air était saturé de parfums trop fort, et la chaleur se dégageant des corps présents dans la pièce rendait l'atmosphère irrespirable.
La première chose que je fis, presque inconsciemment, fut de chercher Délia et Yas du regard parmi tous les convives. Ce ne fut que lorsque le garde derrière moi me tapota gentiment l'épaule, que je compris que ce que je faisais était vain, inutile. Radley n'aurait jamais invité ma famille, surtout une simple "paysanne" comme ma tante, à une réception royale...
Je pris une longue et grande respiration. Lorsque je fis un premier pas vacillant, tous les invités stoppèrent leurs activités, et leurs regards se tournèrent vers moi. Sur le coup, je crus fondre sous la confusion qui s'empara de moi. Je détestais être la cible de l'attention.
Masquant du mieux que je pouvais mon effroi, j'avançai laborieusement, un pied après l'autre. En un instant, je pouvais tomber et me ridiculiser. En un instant, je pouvais perdre la seule chose qui me restait : ma dignité. Un pas de travers et tout était fini.
Je marchais droit devant moi du mieux que je le pouvais, ignorant les sourires ironiques, les regards étonnés, les chuchotements, les discrets gloussements moqueurs, et tous les invités qui se baissaient en de belles révérences sur mon passage. Je fixais la dentelle noire de ma robe qui frottait sur le sol de marbre. Mon corps entier était tendu, mes dents serrées. Je sentais le diadème peser lourd sur ma tête. Je l'avais reçu il y avait quelques heures, après le rituel du mariage. Il était peut-être magnifique, en argent et couvert de diamants, mais il représentait ce que serait ma vie à présent, et pour cela, je détestais cet objet.
- Ma chère belle-fille, je suis ravi que vous nous ayez enfin rejoints !
Je m'arrêtai de marcher. J'étais arrivée au trône royal. Je levai la tête vers le Roi. Lorsque je croisai son regard noir, je sentis tout de suite que la chaleur au fond de ses yeux n'était pas feinte. Il émettait une forte présence, comme s'il attirait toutes les personnes qui l'entouraient à la façon d'un aimant. Je l'avais déjà aperçu au mariage, mais je fus encore une fois surprise par son visage séduisant et sa carrure impressionnante. Ses yeux étaient aussi captivants : on aurait dit qu'ils étaient sans fond, et pourtant, on pouvait voir une lumière briller dans ses iris sombres.
Ce furent les lourds regards posés sur moi qui me rappelèrent où j'étais. Aussitôt, je m'inclinai en une profonde révérence, bien maladroite malgré l'entraînement que m'avait prodigué Apolline. Je remarquai par la même occasion que la place à côté de lui, le trône de la Reine, était vide.
Le Roi hocha la tête, puis un grand sourire éclaira son visage.
- Il ne manquait plus que vous. Wyer, veux-tu aller danser avec ta femme ? Il me semble que nos invités n'attendent que cela.
J'écarquillai les yeux, puis les tournai vers celui à qui le Roi venait de parler.
Assis majestueusement sur son siège, le prince me fixait d'un regard impénétrable. À l'aura à la fois superbe et redoutable qu'il dégageait, on n'aurait jamais cru qu'il avait mon âge. Ses cheveux brun foncé, aux reflets rouge écarlate, retombaient souplement sur son front, masquant légèrement ses yeux. Cela lui donnait une expression sombre, presque menaçante.
Lorsque je l'avais vu pour la première fois, dans la cathédrale, j'avais d'abord été rassurée. À ce moment, il avait un air inquiet, un peu perdu, et j'avais cru qu'il était gentil. Seulement, en quelques secondes, son visage s'était renfermé et son regard s'était durci comme de l'acier. J'avais à peine eu le temps d'apercevoir ce qu'il cachait au fond de lui, qu'il avait remis son masque froid.
Il s'était ensuite placé face à moi, tel que le voulait la cérémonie, pour entendre le prêtre réciter le rituel de mariage. À chacun de ses mots, mon cœur paniquait un peu plus, et quand il avait demandé au Prince s'il acceptait de m'épouser, j'étais gelée de tous mes membres et je tremblais comme une feuille. Je l'avais vu hésiter une fraction de seconde, puis il avait répondu d'une voix dure : « oui ». Quant à moi, lorsque le prêtre m'avait posé la question à mon tour, j'avais cru que j'allais m'évanouir tant je me sentais mal. Je ne voulais vraiment pas, mais le souvenir des menaces de Radley pesait sur ma mémoire. J'avais finalement réussi à répondre faiblement que j'étais d'accord. Puis le Prince m'avait mis la bague, et il avait fallu que je fasse de même. Malheureusement, à ce moment-là, j'avais croisé le regard de mon père, et tout ce qu'il m'avait fait subir pour que je finisse par monter sur cet autel de mariage m'était revenu le temps d'une seconde en mémoire. J'avais eu envie de vomir, de m'enfuir, de pleurer, tout cela à la fois, et je n'avais pas réussi à passer l'alliance au doigt du prince. Il me l'avait donc prise des mains pour la mettre lui-même, puis le prêtre lui avait demandé de lever mon voile, et il avait obéi.
Et il m'avait découvert en train de pleurer silencieusement.
Ses yeux s'étaient agrandis par la surprise, et il avait serré les lèvres, mais il n'avait rien dit. D'ailleurs, c'était bien la seule chose dont je lui étais reconnaissante.
En voyant la manière dont il me regardait, j'étais autant terrifiée d'être mariée à lui que d'être devenue la Princesse du royaume. Je ne le connaissais pas, mais sa réputation de garçon difficile, de prince sombre, n'avait pas l'être d'être inventée. Il avait réellement l'air méchant...
Il se leva lentement de son trône, et avança vers moi. Sans me regarder, il me tendit son bras, que je saisis avec réticence. Je n'avais appris à danser que depuis une petite semaine, et j'avais peur de m'emmêler les jambes. De plus, mon partenaire avait l'air aussi ravi que moi à l'idée de danser...
Nous nous plaçâmes au centre de la piste de danse, les autres danseurs s'écartant pour laisser passer le jeune couple royal. Les joues cramoisies, je tentais de ne pas faire attention aux regards insistants et aux murmures moqueurs que j'entendais sur mon passage. J'essayais de me convaincre que tout allait bien se passer, que je n'avais aucune raison de m'inquiéter, mais je savais que je me mentais à moi-même...
Je posai ma main sur son épaule, et je sentis à ce moment-là qu'il se raidissait. Il hésita un instant, puis finit par faire de même sur ma taille. Je levai les yeux sur le Prince, mais lui fixait quelque chose au-dessus de mon épaule. Mon cœur était complètement affolé. Je retenais ma respiration, concentrée sur ce que je m'apprêtais à faire.
Enfin, les premières notes de la valse résonnèrent dans la salle, et nous commençâmes à danser lentement. Je lui marchai à plusieurs reprises sur les pieds mais il ne fit pas commentaire. Les lèvres serrées, j'essayai de suivre le rythme, mais je sentais bien que j'étais en retard. J'avais les larmes aux yeux en entendant les gens autour de nous se moquer discrètement de moi.
Soudainement, je trébuchai, et je serais tombée si mon partenaire ne m'avait pas retenue. Quelques rires se firent entendre dans la salle. Désespérée, le regard fixé sur les boutons du costume du garçon face à moi, je tentai de réprimer les larmes qui me piquaient les yeux. Cette journée n'était qu'une succession de catastrophes. Mon mariage, ma dispute avec mon petit frère, et puis maintenant, je me ridiculisais devant la Cour entière...
J'étais à présent totalement perdue, et je piétinais, tentant en vain de suivre la musique. Alors, pour la première fois depuis le mariage, le prince baissa son regard sur moi.
- Concentrez-vous sur le rythme de la musique. Oubliez les autres.
Il me sembla, le temps d'une seconde, que ses yeux gris exprimaient quelque chose. Bien sûr, cette impression fut vite chassée lorsqu'il fronça les sourcils et reporta son regard derrière moi. J'étais à nouveau seule.
Je m'efforçai de suivre son conseil. Je fermai les yeux, me remémorai les cours de danse que l'on m'avait donnés cette semaine, et écoutai la musique. Petit à petit, mon corps se détendit, et je me laissai entraîner par la musique et mon partenaire. Pendant quelques instants, je finis même par trouver cela agréable.
La musique s'arrêta, et le prince s'écarta de moi presque brutalement, alors que les nobles revenaient sur la piste de danse. Ils nous entourèrent, me firent des compliments, et je ne comprenais plus rien. Eux qui se moquaient de moi derrière mon dos, étaient maintenant en train de me flatter... J'avais l'étouffante sensation d'être une proie à l'agonie autour de laquelle des rapaces tournaient, attendant que je cède et rende l'âme.
Perdue au milieu de tous ces gens au parfum entêtant, qui parlaient trop fort et mentaient comme ils respiraient, je souriais faiblement et hochais la tête dès que l'on me parlait. D'après les professeurs qu'avait engagés Radley, je devais rester polie, être d'accord avec tout ce qu'on me disait, ne pas parler mais sourire. J'essayais de faire tout cela, tout en tentant de me diriger discrètement vers un coin tranquille, mais j'avais encore une fois l'impression d'être une poupée sans volonté que l'on manipulait. Je commençais à croire que tel était mon destin...
- Votre Altesse, je suis le compte Elekor, fit un noble en poussant tous les autres pour se faufiler devant moi. Voulez-vous...
- Oh, comme vous êtes belle, ma chère ! s'exclama une aristocrate à la perruque extraordinairement haute.
- Votre Altesse !
Je n'en pouvais plus, mon cœur battait à cent à l'heure. J'étais en plein enfer. J'étais perdue au centre de la foule. Je ne voyais plus rien, ne comprenait pas ce qui se passait. J'étais au bord du malaise, quand une voix que je connaissais bien se fit entendre au milieu de toutes les autres.
- Mes amis, écartez-vous, tout de même ! Vous voyez bien qu'elle se sent mal !
Une belle dame à la magnifique robe rouge s'approcha, tandis que les nobles s'écartaient pour la laisser passer. Je soupirai de soulagement. C'était Apolline.
Elle me prit par le bras et m'entraîna à l'écart.
- Ma petite Ezilly, je voulais te dire au revoir. Nous rentrons au manoir, il se fait tard.
Encore un peu sonnée, je levai les yeux vers ma belle-mère. Un doux sourire éclaira son visage. Que venait-elle de dire ?
- J'ai été très heureuse de te rencontrer. J'espère que nous nous reverrons prochainement...
J'ouvris la bouche, mais je ne savais pas quoi dire. Tout allait beaucoup trop vite... La situation m'échappait totalement.
Apolline me prit discrètement la main et la serra fort.
- Bonne chance, Ezilly...
Elle me salua, et après un dernier sourire, se retourna et s'éloigna, me laissant seule et désemparée. Ce ne fut que lorsqu'elle franchit la grande porte de la salle de bal que je retrouvai mes esprits. Havin... Je ne lui avais pas dit au revoir !
- A... Attendez !
Je me précipitai à sa suite. Ils ne pouvaient pas me laisser...
Je ne fis pas attention aux gens qui se retournaient sur mon passage avec un air surpris. Je me précipitai hors de la salle.
- Apolline !
Elle s'arrêta et se retourna. Elle tenait la main de son fils. Celui-ci baissa la tête lorsqu'il me vit. Au bout du couloir, Radley, Hew, Husni et Holly me dévisageaient d'un regard mauvais. Je les ignorai et murmurai d'une voix désespérée:
- Ne me laissez pas ici... Je ne veux pas rester là ! sanglotai-je. Havin...
Des pas s'approchèrent, et je me raidis en me rendant compte que c'était Radley. Face à son air énervé, mon corps se mit à trembler. Sans que je ne le voie venir, sa main frappa ma joue, et je me retrouvai par terre.
- Petite idiote, arrête donc ton caprice ! gronda-t-il. Nous partons, ajouta-t-il en saisissant violemment Apolline au bras et en l'entraînant avec lui.
Mes larmes s'écrasaient les unes après les autres sur le sol, tandis que mes regrets tournaient en boucle dans ma tête.
Je n'aurais jamais dû suivre le messager lorsqu'il était venu me chercher à la ferme. Je n'aurais jamais dû céder à la torture que mon père m'avait fait subir. Je n'aurais jamais dû signer ce contrat de mariage.
Mais plus que tout, ce que je regrettais était de m'être fâchée avec mon petit frère. Je ne le reverrais peut-être pas avant des années.
La belle robe était toute froissée sous moi, je trempai le beau tissu de mes larmes, mais je m'en fichais. J'avais perdu les dernières personnes que j'aimais.
- EZILLY !
Je relevai la tête. Cette voix...
-Ha... Havin ? balbutiai-je.
Le petit garçon courait vers moi, en pleurs. Je ne l'avais jamais vu ainsi.
Il se jeta dans mes bras et me serra de toutes ses forces. J'enfouis mon visage dans ses boucles blondes, plissant les yeux de toutes mes forces pour retenir le besoin de hurler au monde ma tristesse.
- Ezilly, je... Je suis désolé, je... je t'aime, tu sais... bégaya-t-il malgré ses sanglots.
Mon cœur se soulagea d'un grand poids. Décidément, je tenais vraiment à ce petit frère, bien que je ne le connaissais que depuis un mois...
- Moi aussi, Havin... Je suis désolée de partir.
Nous restâmes accrochés l'un à l'autre jusqu'à ce que Radley arrive et emporte le petit garçon, non sans l'avoir frappé pour le punir d'avoir désobéi. Les joues baignées de larmes, je regardai mon frère disparaître.
Je fermai les yeux, très fort. Le couloir était vide.
J'étais désormais seule au monde.
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