L'histoire du monstre
[05/11/2021]
Merci pour votre lecture de l’histoire du garçon. Pour me donner le temps et le recul nécessaires avant de vous répondre sur cette histoire, je vais vous en raconter une autre. C’est le récit à propos d'un monstre. Ni le lieu ni l’époque où se passe cette histoire ne sont très importants. En dépit de tout bon sens littéraire, nous allons donc les ignorer. L’histoire est plus courte et commence ainsi :
Depuis longtemps, dans l’obscurité, se cachait une petite créature laide, stupide, violente, paresseuse. Un monstre. À chacune de ses sorties hors de sa grotte, le rejet et la honte l’accueillaient. Il sortait peu, car affronter le monde était devenue une grande source d'angoisse depuis que le soleil avait disparu de son horizon. C’est peut-être pour cette raison qu'il n'a découvert que tardivement que l'entrée de sa tanière avait été bouchée par un gardien masqué. Le monde appréciait le masque qui interdisait au monstre de se manifester. Avec le temps, le monde a oublié l'existence de l’affreuse créature. Avec le temps, le monstre n’était plus fâché contre le gardien, qui lui donnait même à manger. Au lieu de protéger le monde contre la créature, le masque la dissimulait peut-être du regard de la société.
Par malentendu, par hasard, par des circonstances banales, le gardien au masque a créé une alliance avec un autre, dans l’espoir de maintenir le monstre dans sa grotte. Ça aurait dû fonctionner. C’était la seule chose à faire.
Par malentendu, par hasard, par des circonstances banales, le masque s'est senti trahi par l’autre. Encore et encore. Il a laissé passer, il a tenté de faire des compromis. Encore et encore. Pour essayer de conserver le monstre dans sa grotte, le masque a accepté. Encore et encore. Il s'est fendillé. Encore et encore. Et pourtant, l'autre a continué. Encore et encore. Brisé tant et si bien le masque, encore et encore. Le masque est mort, dans une lente et douloureuse agonie, dont les échos retentissent encore à ce jour dans la grotte du monstre.
La créature sans gardien est sortie. Affamée, désemparée, haineuse, vicieuse, elle a déchaîné sa violence contre l’autre masque qui s’était figé de terreur. Encore et encore. Plus le monstre frappait l’autre, plus il se blessait aussi. Mais il a continué, encore et encore. Et l’autre est resté, encore et encore. Ce n’était pourtant pas une bataille. L’autre est simplement resté à subir, encore et encore.
Hagard et famélique, un petit garçon est sorti de la tanière du monstre. En déchiquetant l'autre, la créature criait « vas t'en ! » Le garçon a murmuré « personne ne veut rester. » Le monstre a frappé l'autre en répétant « je ne te pardonnerai jamais ! » Le garçon a dit « je suis désolé. » Le monstre a ordonné « sors de ma vie ! » Le garçon a chuchoté « aime-moi. » Le monstre a hurlé « je te déteste ! » Le garçon a pleuré « je me hais. »
L’autre est resté subir les assauts de la créature. Le garçon a eu peur. Le monstre ne se calmait que pour mieux rassembler ses forces et attaquer l'autre. Le garçon a tremblé. L’autre a dit « je t’accepte » à la créature. « Impossible ! » a sifflé le monstre. « Impossible » a répété le garçon en se réfugiant dans sa tanière.
C’était il y a un moment déjà, et parfois la créature hurle encore dans sa vallée. Et parfois, le garçon se cache encore dans la grotte. Et l’autre est toujours là. Et tant qu'il est là, le garçon ne peut pas penser à autre chose qu’au départ de l’autre, ou sa fuite à lui. Un jour peut-être. Le garçon a continuellement peur : l’autre affirme vouloir l'extirper hors de sa grotte, mais au lieu de dompter la créature, ne va-t-il pas tous les condamner ? Les « je serai toujours là » sont terrifiants. Les « j’aime tout de toi » sont effroyables. Les « tu es magnifique » sont épouvantables. Des années plus tard, le garçon est toujours devant sa grotte. Alors l'autre aussi. Et les baisers ont goût d’alcool, de rédemption et de damnation.
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