34.
Je posai Diane avec la plus grande des douceurs sur le lit moelleux qui l'attendait contre le mur de la chambre de l'auberge que nous avions payé.
— Elle est très bien là où elle est, me dit Line d'une voix posée. Ne la dérangeons pas plus pour le moment. Il faut d'abord aller lui chercher de la nourriture qui lui fera reprendre des forces. Il est inutile de l'emmener immédiatement chez le médecin. Nous ne ferions qu'empirer la situation en déplaçant un corps si faible.
Cela me dérangeait de la laisser seule, ne serait-ce que quelques minutes, car la dernière fois que nous l'avions fait avec un compagnon, ça s'était plutôt mal fini... Qui savait ce qu'il pouvait se passer en quelques instants dans une chambre d'auberge...
Malgré tout, après un dernier regard dans la direction de Diane, je descendis derrière Line qui commençait à s'impatienter.
— Dis-moi, où sommes-nous ? lui demandais-je. Dans quel village, je veux dire.
Cette question m'intriguait plus ce que je ne l'aurais cru.
— Tu ne savais vraiment pas où se trouvait la montagne dans laquelle nous étions.
Je secouai la tête.
— Et bien, non. Pas plus que la plupart des gens, j'imagine.
— Ça veut dire qu'on a bien gardé notre secret, dit-elle en me faisant un clin d'œil moqueur. Mais pour ta gouverne, nous sommes au village de Perry.
On arriva en bas, et nous installâmes au bar. Elle commanda un repas des plus chargés.
— Perry ? Mais c'est le village juste à côté de Méryme ! Je croyais que vous nous aviez emmenés à l'autre bout de notre but.
— Heureuse d'apprendre que vous vous dirigiez vers la ville du métal, mais oui, nous avons été des plus agréablement surpris de voir que nous n'avions pas à parcourir des kilomètres entiers simplement pour vous retrouver, dit-elle en me faisant un nouveau clin d'œil. À vrai dire, vous étiez même presque à nos portes.
On pourrait presque dire que nous nous étions jetés dans la gueule du loup. Nous n'avions simplement rien fait de grandiose pour leur compliquer la tâche.
— Mais dis-moi, dit-elle pour faire la conversation en attendant notre plat, que je m'informe un peu de ce qu'il se passe dans votre groupe au nombre réduit, pourquoi vous rendez-vous à Méryme ?
— Oui, pardon. Au début, nous y allions pour une amie de voyage. Elle et Diane ont passé de nombreuses années ensemble là-bas, vois-tu. Mais, les circonstances ont légèrement modifié nos plans. La reine de Méryme, Zirra fille de Xémur et Diane se sont rencontrées suite à une demande royale de la faire générale de ses troupes ; c'est pourquoi nous allons également chercher une aide militaire auprès d'elle.
— Et qu'en est-il de cette amie de voyage ?
Je ne répondis pas à cette question. Seuls les bruits des gens de l'auberge vinrent déranger le silence qui s'était installé entre nous. Les rires et les cris des clients perturbèrent la tristesse qui se prit tout à coup de moi. Mais Line comprit bien assez tôt que ce n'était pas le sujet à aborder pour le moment. Peut-être lui en parlerais-je un de ces jours... mais pas aujourd'hui.
— Qu'est-ce qui vous dit que la fille de Xémur va vous aider ? s'empressa-t-elle de dire en comprenant qu'elle s'était engagée dans une pente un peu trop glissante pour nous deux. Pourquoi le ferait-elle ?
— Et bien, tout repose sur Diane, dont la relation avec Zirra est confiante.
— Je vois, ta Diane jouit plutôt d'une bonne réputation si elle a été demandée en personne par une des personnes les plus influentes du royaume.
Ta Diane.
— On peut dire ça comme ça, oui, répondis-je en levant les épaules et avant de les rabaisser avec une nonchalance qui disait tout.
— Si j'étais vous, je craindrais plutôt le contraire. Peut-être qu'auparavant ta copine jouissait d'une bonne réputation. Mais maintenant. Après tout ce qu'il s'est passé, après que la reine ait appris le nom de ses parents, après que même son apparence ait changé ; ne crois-tu pas qu'elle va se retourner contre vous ?
Cette gamine avait l'air fort bien informée.
— Qu'elle va retourner sa veste, comme beaucoup de gens le feront en apprenant que ton alliée est en fait ton ennemie ?
En effet, nous y avions déjà pensé plus d'une fois avec Diane, et c'est une des choses qui nous tracassait le plus en ce moment.
Mais avions-nous une autre solution ?
Non.
— Nous savons tout cela, répliquais-je, mais il faut tenter le coup. Il vaut mieux être certain qu'elle ne nous offrira pas la moindre once d'aide que de manquer une alliée précieuse qui pourrait définitivement faire basculer la balance.
— Mais, pour ta gouverne, elle ne sera pas d'une très grande utilité contre Dieugo.
— Peut-être que si, au final. Peut-être qu'elle connaît des dieux qui peuvent nous aider, comme Phares qui connaît lui-même un nombre incalculable de dieux...
Ce n'était fondé que sur un tas d'espérance, mais que pouvions-nous faire d'autre ?
— Oui, j'ai entendu parler de cette histoire de marché avec des dieux. Mais sérieusement, si elle n'accepte pas notre proposition, cela nous fera bien plus de pertes que de bénéfices.
—Oui, effectivement. Mais comme je te l'ai déjà dit, nous devons tenter le coup.
— J'espère profondément que vous avez raison, bande de fous.
Un cuisinier sortit des cuisines pour poser l'assiette grassement garnie devant nous, non sans un regard effrayé dans ma direction.
— Merci, ajouta-t-elle en prenant le plat débordant de nourriture avant de foudroyer le serveur du regard, ce qui lui fit prendre ses jambes à son cou.
L'odeur m'emplit les narines en m'apaisant et mon ventre n'arrêta pas un instant de gargouiller pendant la montée de l'escalier. Lorsque nous atteignîmes enfin la chambre, Diane était toujours couchée sur le dos, sur ce lit qui avait été d'une propreté surprenante avant de l'y poser, contrairement à maintenant, où il regorgeait de sang et de crasses.
On posa le plateau sur la petite table basse qui était l'un des seuls meubles de la pièce, et Line s'approcha de Diane pour prendre rapidement sa température.
— Ne t'en fais pas, elle s'en remettra. Il suffira juste que dès son réveil, elle reprenne des forces. Et ce n'est qu'après cela que nous courrons d'une traite vers ton fameux médecin.
— Très bien. Fais-moi confiance sur le coup. Toutes les rumeurs que j'ai entendues sur lui n'étaient que positives, il n'y a aucune raison pour qu'il ne réussisse pas à soigner Diane. C'est là-bas que nous devions emmener notre ancienne amie, mais elle n'a pas survécu au trajet.
— Ne t'inquiète pas, dit-elle en m'offrant un sourire qu'elle voulait rassurant, ta Diane ne mourra pas aujourd'hui. Elle va mettre un certain temps à guérir, ça, je peux te le dire, mais elle n'en mourra pas. Elle est entre de bonnes mains.
Encore ma Diane ? C'était tout aussi plaisant à entendre, il fallait l'avouer.
— Merci. Pour tout ce que tu as fait et pour tout ce que tu continues de faire pour nous, lui dis-je avec la même sincérité avec laquelle elle m'avait fait part de ses engagements tout à l'heure.
— Et bien, j'ai besoin d'une famille pour vivre dans ce monde cruel. Et j'ai été très heureuse de voir que vous étiez vraiment parfaits, tous les deux, pour une fille comme moi. Alors je le serais tout autant de continuer à vous aider si je sais me rendre ne serait-ce qu'utile.
— Parfait... ?
Je lui souris, la taquinant un peu pour dissiper les pensées noires qui s'étaient formées dans ma tête.
— Ça va, tu m'as comprise, dit-elle en faisant semblant d'être offensée.
Je m'esclaffai. Retrouver un semblant de joie m'était d'une grande aide que j'avais sûrement cessé d'espérer à ce moment dans la cellule.
— Bon, si tu veux bien m'expliquer un peu votre aventure pour que je comprenne dans quoi je m'engage, avant que tu ne t'évanouisses d'épuisement, cela m'aiderait beaucoup.
Elle me tendit le plat pour m'aider à me lancer dans mon récit, et c'est son sourire sincère qui dissipa mes derniers soupçons sur cette nouvelle recrue. Je mangeai et bus le cœur presque totalement libéré de ce poids étonnement lourd.
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