CHAPITRE 29 : PREMIÈRE PARTIE
PREMIÈRE PARTIE
« Chère Alison, cher rayon de soleil, cher éclat de lumière,
J'espère que tu trouveras cette lettre et que tu la liras, que tu ne la brûleras pas et que tu ne la jetteras pas sans avoir lu ces mots.
Si tu lis actuellement ces mots, c'est que je ne suis plus là, que je suis parti pour l'armée. Sache que je n'ai jamais souhaité tout ça... Vos réactions, la haine que tu as ressentie pour moi. Je n'ai jamais souhaité devenir la personne que tu détestais le plus au monde. Tu es mon ange Alison, ma vie à l'état pur. Tu es née pour que je m'occupe de toi.
Je ne fais peut-être pas parti de l'étude A=AS, je ne suis pas non plus ton soi-disant âme sœur, mais je suis ton frère et toi tu es ma sœur. Et tu es ma véritable âme sœur. Nous avons été créé pour être ensemble, pour vivre ensemble et pour passer les meilleurs moments de nos vies ensemble. Je n'aurais pas pu rêver d'une autre sœur que toi, tu es unique, magique et surtout éternelle.
Tu seras toujours éternelle. Je n'ai pas cette capacité là. Je ne suis rien comparé à toi. Tu as toujours été la boule de lumière qui éclairait notre maison, tu faisais en sorte de recevoir toute l'attention, et nous faisions en sorte que tu la reçoives. Non pas pour une question d'être une enfant gâtée, non juste parce que tu es une personne si extraordinaire que tu méritais cette attention.
Et puis cette attention est devenue nécessaire et tu es devenue ma raison de vivre, celle pour laquelle je me levais, celle pour laquelle je décidais d'évoluer, d'apprendre, de grandir. Pour être sûr que je serais toujours là pour te protéger. Celle pour laquelle je me battrais jusqu'à mon dernier souffle.
J'ai toujours ressenti ce sentiment de protection envers vous, envers l'ensemble de ma famille. Je vous ai toujours considéré comme des petits êtres sans défense qui auraient toujours besoin de moi, un jour ou l'autre.
Et puis j'ai pris cette décision. Et tout a changé. Non de mon côté mais du votre. Je ne vous en veux pas, loin de là. Je m'en veux à moi. Je n'aurais pas dû décider de partir, décider de m'engager dans cette armée qui obligeait la séparation des familles jusqu'à la fin de notre service.
Mais j'avais enfin trouvé le moyen de me battre pour vous protéger en faisant quelque chose d'utile. J'avais enfin trouvé ma deuxième place, la première étant mes bras dans lesquels tu peux te réfugier. Je n'ai jamais su utiliser les mots, ni les apprivoiser et encore moins dans des cas comme celui-ci.
Je ne sais pas quoi ta dire, mon choix me semble être la meilleure chose à faire mais aussi la pire. Tu connais cette sensation, ce tiraillement capable de séparer deux branches de ton corps, capable de séparer d'une part ton cerveau et de l'autre ton cœur.
Sache, Alison, que tu es mon cœur et que tu es la partie la plus importante de mon corps et également celle que je laisse derrière moi. Je te confie mon cœur Alison. Je te confie ce muscle qui bat sans interruption, je te confie la chose qui me maintient en vie. Et j'emporte avec moi mon cerveau, celui qui me fera fonctionner automatiquement sans émotion, sans illusion de bonheur. Car tu es mon illusion, mon bonheur, tu es ma supernova, Alison.
Tu as la réaction que je redoutais, celle qui m'a brisée plus qu'autre chose, mais je ne t'en veux pas. Comment le pourrais-je ? Alors que tout est de ma faute. Je t'ai trompé, je t'ai trahi, et je m'en suis allé.
Je t'aime Alison, je t'aime plus que tout. Tu ne crois pas en ces mots et tu ne me croiras probablement pas. Mais tout ça c'est une marque d'amour. Mon départ, mon combat, mon engagement, l'armée... Je t'offre une multitude d'exemples de l'amour. Je t'offre chacune des plus belles choses du monde en amour. Je t'offre une longue vie, une protection, une assurance et un moyen de vivre en oubliant ton ange gardien. Quoi qu'il arrive, Alison, tu ne le sauras pas et ça te permettra de vivre ta vie comme il le faut, en faisant comme si je n'existais pas.
J'ai lu une histoire une fois qui expliquait qu'un jeune homme avait mis fin à ses jours pour vivre éternellement au côté de sa bien-aimée.
Stupide ? Tu trouves vraiment ?
Moi je trouve ça admirable. S'enlever la deuxième plus belle chose au monde pour être avec la première merveille du monde. C'est un acte égoïste dans un sens, mais dans l'autre c'est un bonheur, une satisfaction éternelle.
Cette auteure, aussi talentueuse, qu'extraordinaire, a su faire ressentir ces émotions, ces petites choses qui donnaient cette pratique aussi louable que possible.
Sache Alison que mon départ peut s'assimiler à ma mort pour finalement être toujours à tes côtés.
Haïs moi, déteste-moi, oublie moi, ignore moi, mais sache que moi je n'en ferais rien.
Sache que si je trouve la possibilité d'échanger avec toi, je le ferais. Je le ferais parce que je t'aime.
Alors, oui, ces trois petits mots tu les détestes, mais moi je les adore. Parce qu'il touche tellement de domaines qu'ils sont éternels, jamais ils ne disparaîtront.
Notre histoire ne disparaîtra jamais non plus, tu auras beau arracher les pages, les déchirer, elles réapparaîtront avant qu'il ne soit trop tard. Car notre vie est un parcours, un sacrifice. Et mon sacrifice a été mon moyen de t'avouer mon amour. Les sacrifices sont faits pour avouer l'amour entre deux personnes. Alors oui, Alison, tu m'aimes, tu m'aimes jusqu'à t'en arracher les yeux, jusqu'à t'en arracher le cœur, jusqu'à t'ouvrir les veines. Comment peut-on se battre contre celle que l'on a aimé, que l'on aime encore. Je ne suis qu'un homme blessé, Ali. T'abandonner dernière moi c'est comme mettre fin à mes jours, mais c'est le meilleur moyen pour être à tes côtés.
Je suis un lâche, Alison. J'aurais pu te dire tous ces mots en face, j'aurais pu avoir le courage de le faire. Mais j'avais peur de ta réaction, j'avais peur de faire face à un rejet alors que je tenais vraiment à te dire ça. Et puis... J'ai eu cette idée...
Je savais que tu retournerais un jour dans ma chambre, que tu vérifierais bien que ce que tu venais de vivre n'était pas un rêve. Alors j'ai écrit, j'ai écrit comme je sais que tu aimes le faire. Les mots ne me sont pas venus aussi facilement que toi, mais tu sais que ce que je voulais te faire ressentir n'était pas avec les mots. Je voulais que tu aies cette dernière chose venant de moi, puisque tu ne voudras probablement avoir autre chose. Une lettre ne t'engagera dans rien, tu pourras la jeter, la bruler, peut-être l'as-tu déjà fait et donc dans ce cas, ces mots se sont évaporés.
Ou peut-être que tu la garderas et que tu ne l'oublieras jamais. Dans ce cas j'ai quelques mots derniers mots à te dire.
Concentre-toi sur l'être humain, Alison. Ne t'arrête pas à ce qu'il a construit, ni à ce qu'il veut que tu sois. Vis ta vie comme tu le souhaites... Et par-dessus-tout laisse leur de la chance... A eux... A ceux qui pourront un jour voler ton cœur et l'emprisonner dans le leur pour que vous ne fassiez plus qu'un, pour que tu finisses par y croire. Ou tout du moins, que tu puisses croire en cette douloureuse plainte sentimentale que tu ressentiras un jour. Alors vis Alison. Vis pour moi...
Je t'aime mon bébé. Je t'aime fort.
James. »
Mes doigts laissèrent tomber la lettre sur mes genoux. Cela faisait deux ans... Deux longues années que j'étais séparée de lui. Ce manque se ressentait davantage le matin de mon anniversaire. Il avait toujours été le premier à mes côtés les matins de mes anniversaires, et cela faisait deux ans que ce n'était plus le cas.
Il était tôt, aux alentours de huit heures. Les rayons du soleil tentaient de s'infiltrer dans ma chambre, tandis que je laissais mon regard s'imprégner de son écriture. Je ne pleurais pas. J'avais trop pleuré à cause de cette histoire et pleurer ne servait à rien. Les larmes étaient bien trop précieuses pour être utilisées au même escient.
Les prochaines larmes allaient bientôt tomber, alors je me devais de garder celles-ci. Shawn partait demain, Hugo d'ici un mois. Les jours allaient passer vite, et le temps filerait entre nos doigts avant même d'avoir pu souffler.
Je soupirais, le cœur chargé d'émotions imprononçables. Je repliais mécaniquement les pans de la lettre et la rangeais dans son enveloppe. Je me penchais sur le côté et la rangeais dans ma boîte sous le lit. Je la refermais rapidement, n'étant pas prête à faire ma séance « memories ».
La porte de ma chambre s'ouvrit légèrement laissant apparaitre les cheveux blonds de mon frère. Il entra un sourire amusé sur les lèvres.
-Pourquoi ne suis-je même pas étonné de te trouver réveiller ? me demanda-t-il en venant s'asseoir sur le bout du lit.
Je lui répondis avec un faible sourire, laissant mon regard parcourir ses pommettes et ses cernes à faire pâlir un mort.
-Joyeux anniversaire ma belle, souffla-t-il en se penchant vers moi et en déposant un bisou sur mon front.
Je l'attirais dans mes bras et me pelotonnais contre lui.
-Merci Coco...
Un petit silence s'installa entre nous le temps qu'il s'allonge à côté de moi et qu'il m'attire sur son torse.
-Tu as l'air fatigué...
Il acquiesça, un sourire contrit sur le visage. Ses yeux étaient chargés de pensées, aucune ne se formulant à voix haute.
-Ça fait longtemps que l'on n'a pas parlé tous les deux, remarquais-je.
-Oh que oui ! J'ai l'impression que le mois est passé à toute vitesse !
-Trop de choses en cours, en route, en fin et en prévision, soupirais-je.
-Tout ça alors que tu n'as 17 ans, se moqua mon frère.
-Et toi 17ans... ATTENDS J'AI LE MÊME AGE QUE TOI ?! réalisais-je alors.
- Non ce n'est pas vrai ! s'emporta-t-il. Mon anniversaire est dans deux mois d'abord !
-Deux mois, deux mois... souriais-je. Encore deux mois durant lesquels on partagera le même âge.
-Ça a toujours été comme ça, soupira-t-il frustré.
Il grogna et ferma les yeux.
-Tu es rentré à quelle heure hier soir ? lui demandais-je me retrouvant une nouvelle fois face à ses cernes.
-Je ne sais plus... Peut-être trois heures...
-Trois heures du mat' ? m'écriais-je.
-Oui...
-Mais bordel qu'est-ce que tu as fait pendant tout ce temps ?
-J'étais avec Synn'.
J'arquais un sourcil avant de le prévenir.
-Je ne veux rien savoir !
Il leva les yeux au ciel.
-Notre relation n'est pas comme ça Alison... Elle est beaucoup plus exclusive. J'ai jamais vécu ça, sourit-il.
Ses yeux s'éclairèrent, parcouru par des souvenirs que je ne connaissais pas. Et ce fut seulement à ce moment-là que je pris connaissance du peu de choses que nous avions échangées.
-Parles-moi un peu d'elle, lui proposais-je.
C'était vrai que je n'avais jamais pris la peine de prendre de ses nouvelles, ou même de chercher à la connaitre. La seule fois que je l'avais vu c'était à Halloween, et depuis Connor restait très secret, quant à ce qu'il se passait entre eux.
-Elle est douce, je n'ai jamais vu une fille aussi douce.
-Ah ouais moi je ne suis pas douce ? lui demandais-je en lui tapant l'épaule, ce qui provoqua quelques ricanements de sa part.
-Oula non Alison. T'es vraiment pas douce comparée à elle. Elle est...
Il soupira, cherchant ses mots.
-Tendre ? Attachante ? Mignonne ? Adorable ? Élégante ? Souriante ? Splendide ?
A chacun des adjectifs que je trouvais, il me répondait par un acquiescement.
-Vous vous voyez souvent ? l'aidais-je.
-Le plus possible. Faut dire, qu'elle est un peu perdue dans ses études et sa famille. La fac lui mène la vie dure, mais elle s'en sort. Et elle trouve toujours un petit moment pour moi.
-Et toi ? Tu ne négliges pas les cours pour elle, j'espère ?
-Non bien sûr que non, elle me pousse à travailler, rigola-t-il. C'est la première à me gueuler dessus sinon. Elle ressemble un peu à maman sur ce point-là, grimaça-t-il.
-C'est bon je l'apprécie déjà, me moquais-je. Je la vois quand ? le questionnais-je.
-Je voudrais te la présenter avant de la présenter aux parents.
Je me relevais et plongeais mon regard dans ses yeux.
-Tu veux la présenter aux parents ?
-J'aimerais bien, ouais...
-De manière officielle ?
-Pourquoi pas, acquiesça-t-il un petit sourire sur le visage.
-Bah merde alors.
-Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta-t-il.
-Mais t'as que 17 ans Co !
-Bientôt 18.
-Et alors ?
-Et alors quoi Alison ? Y a certaines choses qui ne se contrôlent pas. Et puis j'ai déjà rencontré sa famille, se justifia-t-il.
-QUOI ?! Mais pourquoi tu ne me l'as pas dit ?
-Et toi qui te ramène chez Hugo et qui ne m'explique pas la situation ?!
-Bon ok, j'admets que l'on n'a pas été très attentif à l'autre ces derniers temps. Mais j'attends toujours que tu me parles de Synnove !
-Pose-moi des questions alors !
-Mais t'arrive pas à me la décrire.
-Mais Alison, c'est dur de décrire la personnalité d'une personne...
-Invite là ce soir ! Je veux la voir en vrai, j'apprendrais à la connaître par moi-même, soufflais-je exaspérée.
-Vraiment ? sauta-t-il de joie.
J'acquiesçais et me retrouvais dans ses bras pour un câlin de remerciements.
-Je ne comprends pas comment une fille peut avoir un impact sur toi. Tu as une personnalité non? Alors pourquoi changer pour elle? Regarde-moi et... Commençais-je.
-Toi et? Répéta Connor un sourire intéressé sur son visage.
-Euh, regarde-moi et James, me rattrapais-je
-Mais ce n'est pas pareil ! Synnove je suis amoureux d'elle, alors que toi tu n'étais pas amoureuse de James, rigola-t-il.
Je levais les yeux au ciel.
-Bien sûr que non, je n'étais pas amoureuse de James, de une parce que c'est mon frère...
-Et de deux parce que l'amour n'existe pas, soupira-t-il.
J'acquiesçais un grand sourire venant étirer mes lèvres.
-Alison, je te promets que le jour où tu ressentiras ce que je ressens pour Synnove tu ne pourras pas dire que l'amour n'existe pas.
-Tu l'aimes ? Lui demandais-je.
-Oh que oui...
-Au bout d'un mois?
-J'ai lu quelques parts que l'on tombait amoureux en un quart de seconde, m'avoua-t-il.
-Donc si je comprends bien tu tombes amoureux sans connaître la personne et seulement avec son physique... Super, ricanais-je à la limite du dégoût.
-C'est vrai que dit comme ça... Mais je t'assure, Ali, que l'amour existe.
-Mais bien sûr...
Il soupira, ne supportant pas mon manque de croyance par rapport à cette chose.
-De base, j'étais venu te voir pour te dire qu'il fallait que tu te prépares. On sort en famille.
-A huit heures du matin ?
-Oui...
-On va où ? demandais-je surprise.
-Surprise. T'habilles pas comme une princesse, mets un jogging, et un sweat ça suffira, m'apprit-il en se levant.
-L'habit ne fait pas la princesse je te rappelle, rigolais-je.
-Mais la débilité te fait bien, me sourit-il avant de partir.
J'attrapais mon oreiller et lui lançais en pleine tête. Il le renvoya mais je l'évitais. Avant même que je puisse l'attaquer à nouveau, il avait disparu de ma chambre. Je me levais et attrapais un jogging noir et mon sweat bordeaux. Je sortis de ma chambre et allais m'enfermer dans la salle de bain. Après avoir pris ma douche et avoir terminé de me préparer, je retournais dans ma chambre pour aller chercher mon téléphone. J'attrapais ma couette et la rabattais sur le lit, donnant l'illusion que ce dernier était fait.
La sonnette retentit dans toute ma maison, me faisant sursauter. Des éclats de voix se firent entendre dans l'entrée, annonçant l'arrivée d'un grand nombre de personnes. J'ouvris la porte de ma chambre et m'avançais dans les escaliers.
Une petite bouille apparut dans mon champ de vision, emmitouflée dans un grand manteau violet, ses petites couettes lui donnaient l'allure d'une poupée. Ses joues rougis par le froid étaient de la même couleur que son écharpe. Je descendis les escaliers en courant et l'attrapais dans mes bras, la faisant tournoyer autour de moi.
-Ali ! s'écria-t-elle en enroulant ses bras autour de ma nuque.
-Didi !
-JOYEUX ANNIVERSAIRE !!! Hurlèrent l'ensemble des personnes présentes.
-Joyeux anniversaire, ajouta Dillia en me faisant un gros bisou sur la joue.
Je remerciais ma princesse, avant de la poser au sol. Je passais de bras en bras, saluant mes grands-parents, mes oncles, mes tantes et mes cousins, cousines. Je terminais par ma mère et mon père que j'embrassais.
-C'est demain le repas de famille non ? demandais-je surprise.
-Oui mais on a autre chose de prévu pour aujourd'hui, m'apprit Shawn en venant enrouler ses bras autour de mes épaules.
-Euh... J'ai peur, avouais-je pas très rassurée par leurs airs satisfaits.
-Allez tout le monde en voiture, hurla Alvin en faisant signe à la famille de sortir.
-Elyssa, Fletcher, Connor avec moi, annonça Shawn en m'attirant avec lui.
-Une voiture entre cousins, s'écria Elyssa en sautant de joie.
-Non il manque Dillia pour ça... Et James, rembarra Fletcher.
Ce dernier avait le regard triste et semblait fatigué. Il tirait une tête de trois pieds de long et semblait au bout de craquer. Ses yeux verts étaient embués de larmes, et ses cheveux en pétard donnaient l'illusion d'avoir été soufflés par une explosion. Les adultes étaient dehors avec Dillia et Connor.
-Je vais aller me chercher un truc à manger, avant de partir, expliquais-je à Shawn. Je vous rejoins dans quelques minutes.
Il acquiesça et fit signe aux jumeaux de le suivre.
-Fletch', tu viens avec moi, j'ai un truc à te montrer, lançais-je en attrapant son bras et l'attirant avec moi dans la cuisine.
Il se laissa faire sans protestation, je refermais les portes coulissantes derrière moi et me tournais vers mon cousin.
-Tu veux boire quelque chose ?
Il hocha négativement la tête.
-D'accord.
Je contournais l'ilot central et allais chercher dans le frigo une bouteille contenant du smoothie fait maison. J'avalais quelques gorgées analysant les gestes de mon cousin. Ce dernier s'était assis et regardait ses mains, la tête légèrement penchée en avant.
-Qu'est-ce que tu as ? demandais-je abruptement.
Il releva la tête surpris.
-Rien, répondit-il après quelques instants de méditation.
-Fletcher, tu sais très bien que tu peux tout me dire.
-Je n'ai rien à dire.
Je souris amusé. Je reconnaissais ce sentiment, ce caractère et cette détermination. Je l'avais déjà eu, juste avant le départ de James.
-Tu leur en veux, n'est-ce pas ?
Ses yeux ne quittaient pas les miens, cherchant à y déceler certaines choses.
-Tu en veux à James et maintenant à Shawn... Tu leur en veux de partir ?
-Non. Ce n'est pas vrai. Pourquoi je leur en voudrais ? Ils n'existeront bientôt plus dans cette famille ! cracha-t-il des larmes venant se former aux pointes de ses yeux verts.
Je fis alors la seule chose que je savais faire. Je posais ma bouteille et m'approchait de lui. Je fis tourner vers moi le tabouret sur lequel il était assis et l'attirais dans mes bras. Il se débattit en me priant de le lâcher, que je n'avais pas à lui faire de câlin, qu'il n'était pas un bébé. Mais s'arrêta finalement et plongea son visage dans mon cou.
-Tu as le droit de ressentir ça, Fletcher. Tu as le droit de ne pas être bien. Tu as le droit de vouloir pleurer. Et surtout tu dois en parler. Parles-en.
Il hocha négativement la tête.
-Je suis un bonhomme, s'énerva-t-il. Je n'ai pas à pleurer.
-Tout le monde pleure, Fletcher. Alors pleure toi aussi.
-Mais est-ce que tout le monde voit sa famille se détruire ?
-Certains voient et vivent des choses pires que ça... Mais chacun ressent les choses différemment. L'humanité, Fletcher, c'est ça. C'est notre diversité, notre fragilité, notre tendance à vouloir tout contrôler. Toute famille s'éloigne, c'est pour ça que les fêtes de fin d'années, les anniversaires existent. C'est pour se rapprocher. Alors ne fais pas comme moi. Ne réagis pas comme j'ai réagi il y a deux ans. Va le voir, profite de lui et surtout parle-lui.
-Je vais être ridicule.
-En quoi seras-tu ridicule ? Et quand bien même tu le saurais, tu préfères rester comme ça et t'en vouloir toute ta vie, ou profiter du fait qu'il soit encore là ?
-Comment tu as fait pour aller mieux ?
-Je suis restée proche du reste de ma famille, et j'ai écrit à outrance, lui souriais-je en m'écartant un peu de lui.
-Je ne sais pas écrire.
-Si tu sais écrire, Fletcher. Tu sais écrire. Tout le monde sait écrire. L'écriture est le moyen d'outrepasser ta liberté, c'est juste que certaines personnes ne veulent pas toucher leur liberté du bout des doigts.
-Est-ce qu'un jour je pourrais lire ce que tu as écrit ? me questionna-t-il.
J'avais face à moi un adolescent de quinze ans, un adolescent qui avait seulement deux ans de différences que moi et pourtant j'avais l'impression de voir un enfant insouciant et surtout vulnérable. Mon cousin était touchant.
J'acquiesçais donc et l'invitais à me suivre, après avoir récupérée ma bouteille sur l'ilot. Je grimpais rapidement les escaliers, et rentrais dans ma chambre. Je m'asseyais sur mon lit et attrapais ma boite « memories » sous mon lit. Je l'ouvris et en sortis un carnet. Je refermais la boite et la rangeais, puis je me tournais alors vers Fletcher et le lui tendis.
-On va aller dans la voiture, rejoindre les autres. Ils vont s'impatienter sinon. Lis ça si tu en as envie, mais va voir Shawn avant tout et parle lui.
Il me sourit et me prit dans ses bras une nouvelle fois.
-Merci Alison.
-Allez viens petite tête on va descendre, rigolais-je avant de l'embrasser sur le front.
Je descendis les escaliers et refermais la porte de la maison derrière nous.
-C'est pas trop tôt ! s'écria ma tante Ansley.
-Désolée j'avais trop faim, j'ai pas résister à prendre un vrai petit déjeuner, mentis-je.
Fletcher me remercia d'un signe de tête.
Je grimpais à l'arrière de la voiture laissant Connor sur le siège passager et m'asseyais sur le siège du milieu.
Fletcher s'installa à côté de moi et ouvrit le carnet que je lui avais donné. Ses yeux se mirent à parcourir mon écriture, l'emportant dans mon monde.
-C'est parti mon kiki ! s'écria Shawn en démarrant la voiture.
Il se plaça dans la dernière place de la file indienne des voitures de la famille et suivit la route en allumant la musique dans la voiture.
Elyssa se lança dans une discussion sur la danse, se battant avec Connor qui lui disait qu'elle ne sera jamais une danseuse vu le peu de grâce qu'elle avait. Bien évidemment que ce dernier rigolait, il suffisait de voir Elyssa pour découvrir la beauté, la gentillesse et la grâce incarnée. Elle avait tout d'une danseuse.
-Alison ? m'appela Fletcher, me faisant me tourner vers lui. Est-ce que tu ressens toujours ça ?
Il me tendit mon carnet et m'indiqua l'un des passages de l'un de mes textes.
« Brisée... Brisée comme on brise un verre en mille morceaux. Brisée comme lorsque l'on t'annonce la mort d'un être proche... Brisée comme peut l'être une fille qui voit son avenir disparaitre sous ses yeux... Brisée comme je le suis. Je ne conseille et je ne souhaite à personne de la ressentir, la boule, la sensation qui donne l'impression que notre vie ne tient qu'à elle, qu'à cette petite douleur. Cette douleur si inquiétante, si dangereuse et si insupportable.
Comment, comment au diable, une simple humaine comme moi peut-elle ressentir cette douleur qui outrepasse l'imaginable ? Pourquoi je réagis comme ça ? Pourquoi mon cœur ne bat il plus comme avant ? Pourquoi s'est-il brisé à son tour ? Pourquoi cette douleur lancinante est-elle la seule que je suis capable de ressentir en ce moment ? L'explication ? La raison ? Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de la savoir. Je dois d'abord gérer cette douleur. Je n'ai même pas la force de me battre, de montrer au monde que je vaux plus que ça.
Se faire détruire sans même vouloir et pouvoir l'en empêcher est juste, horrible, atroce et insupportable. Insupportable comme l'est la douleur. On me demande de me battre, de me battre contre cette douleur, de ne pas baisser les bras. Mais j'en suis incapable, je n'ai aucune maîtrise de cette chose qui continue de me dévorer, de m'anéantir. Car oui la douleur m'anéantit et aucune main, aucune personne ne pourra m'aider je suis seule, seule face à mes démons.
Je n'ai jamais mérité ces années de repos. Je n'ai jamais rien mérité. Continuer de vivre ? Pourquoi pas... Je ne le fais pas pour moi, mais pour ceux qui ne veulent pas mon départ. Mais quoi qu'il arrive la mort sera là un jour où l'autre. Ce jour-là peut-être que la douleur disparaitra.
Pendant ce temps, je vivrais... En étant brisée de l'intérieur, brisée... »
Je relevais les yeux vers lui avant de répondre.
-Regarde autour de toi, Fletcher. Regarde-nous, regarde la vie, regarde ta sœur... Comment pourrais-je ressentir toujours ça alors que je vous ai vous... J'ai ressenti ça, mais maintenant je ne ressens plus que le fait que je dois vivre ma vie.
Il hocha la tête, sourit et se replongea dans sa lecture.
Je reportais mon attention sur mes cousins, Shawn nous observait dans le rétro et m'interrogea du regard. J'haussais les épaules, sachant que ce n'était pas à moi de le faire, pas à moi de lui en parler.
Des dizaines de chansons plus tard et des dizaines de minutes de karaoké plus tard, Fletcher se pencha vers moi et me demanda :
-Pourquoi le reste des pages sont blanches ?
-Certaines pages blanches valent davantage de choses que des pages noircies par l'écriture sans réelle histoire, répondis-je.
-Mais... commença-t-il.
-On est arrivé ! s'écria Elyssa en ouvrant la portière de la voiture et sortant dehors, bientôt suivie de Connor.
-Non rien, Ali, me sourit Fletcher avant de descendre à son tour.
Je le suivis et me retournais vers les autres voitures. Je regardais autour de moi et lus l'enseigne : « Refuge des flocons » Après nous être rassemblés en cercle, mon père prit la parole.
-Pour ton anniversaire Alison, nous avons décidé de t'offrir un cadeau particulier... Es-tu prête à entrer dans ce bâtiment et à l'avoir ?
J'acquiesçais excitée comme jamais. Nous nous élançâmes alors vers le bâtiment, comme attirés par une légère corde. Mes parents entrèrent, suivis par mes oncles et mes tantes, mes grands-parents s'aventurèrent à leur tour dans le bâtiment, escortés par Elyssa et Dillia. Je maintiens la porte ouverte, prête à entrer, mais m'arrêtais en entendant Fletcher demander :
-Shawn, je pourrais te parler ?
Je me retournais vers eux et découvrais Shawn acceptant avec joie, tandis que Fletcher semblait gêné. Je l'encourageais d'un sourire et entrais dans le refuge, les laissant parler tranquillement. La porte se referma derrière moi, tandis que face à moi, des dizaines et des dizaines de chiots étaient en train de jouer dans de grands enclos.
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Bonjour, Bonsoir, Bonne nuit!
Comment allez-vous?
J-29 avant Noël!!! YOUPPIIIIIIII
J'espère que ce chapitre vous aura plu.
Je n'avais pas du tout pensé à faire ça, mais j'ai eu une envie d'écrire ça et de montrer la douleur que peuvent ressentir les autres membres de la famille.
En tout cas, n'hésitez pas à voter et à commenter si vous avez aimé.
Bonne journée, soirée, nuit à vous.
Morgan.xx
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