CHAPITRE 26 : PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE 26 : PREMIÈRE PARTIE
Les jours passaient se ressemblant tous les uns plus que les autres. Le monde se portait bien en général, enfin si on oubliait les attentats terroristes et les guerres au Moyen-Orient. Mais comme le disait si bien les médias, c'était « habituel ». Enfin « habituel » pour vous mes amis, ne voulait pas forcément dire « habituel » pour nous. Cette instabilité humaine, cette précarité causée par l'inhumanité des humains n'était pas habituelle ! Elle nous enlevait des hommes, frères, cousins, amis, elle nous apportait des morts en échange et ne s'empêchait pas de venir ravir des innocents.
Comment pouvait-on aimer le monde si un membre de sa famille se trouvait dans l'armée ? Comment pouvoir supporter son pays alors qu'il était le premier à engager nos proches ?
Connaissez-vous ce sentiment ? Celui qui vous ronge le cœur, les pensées et vos entrailles, celui qui s'immisce dans vos vies et commence à vous la ravir ? Avez-vous déjà eu ce sentiment que le temps était compté, que chaque seconde, chaque minute, chaque semaine, chaque mois devenaient essentiels et intouchables ?
Je l'avais déjà ressenti une première fois et voilà que je devais le ressentir une nouvelle fois... Pourtant je devais continuer ma vie, faire comme si, dans à peine trois jours mon cousin, n'allait pas partir et m'abandonner comme l'avait fait mon frère. Et oui, nous étions le mercredi 25 novembre, dans trois jours mes 17 ans et dans quatre jours le départ tant redouté de mon cousin.
Les vingt-quatre derniers jours s'étaient éclipsés avec une rapidité déconcertante, les semaines avaient filé sous nos yeux aussi facilement qu'une étoile filante disparait dans le ciel.
Quelques relations avaient évoluées, des rapprochements s'étaient opérés, notamment mon attachement à Blake, ou celui de Nelly pour son âme sœur. Leur monde était si tourmenté et cela leur allait assez bien. Ils s'appréciaient durant leurs pires moments, le ridicule venant combattre la timidité. Tout leur monde tournait autour des gaffes qu'ils faisaient et qui les rapprochaient. Blake était devenu comme un confident et un ami sur lequel je pouvais compter.
Quant à Grayson... Lui, il s'était renfermé sur lui-même sans raison apparente, refusant de me donner une explication, refusant même de continuer à partager nos moments... Et j'avoue que cela me manquait. Nous étions comme deux gamins, adorant nous chamailler, nous détester, pour finalement en tirer une leçon. Je ne savais plus comment l'approcher, ni comment lui expliquer qu'il me manquait, sans qu'il ne s'invente quelque chose. La société avec cette conception qui m'horripilait tellement ! Celle de toujours vouloir associer un but à une parole, ou à un sentiment. Ce n'était pas parce qu'il me manquait que cela signifiait quelque chose.
Je m'étais habituée à lui, à sa présence, et à notre « trêve », à cette absence de guerre à proprement parler... Hugo s'était lui-aussi éloigné de notre bande, abandonnant à la fois Nelly et moi. Il ratait les cours, ne répondait plus quand on l'appelait ou quand on venait sonner chez lui. Nous étions désormais toujours en compagnie des autres garçons, sans pour autant être réellement avec eux. Les mots nous manquaient, le cœur n'y était plus. Ils manquaient à tous. La vie lycéenne s'était tassée, laissant derrière elle quelques brins de folies qui ne duraient plus qu'une poignée de minutes.
Les soirées étaient ponctuées par les rendez-vous que nous organisions Connor, Shawn et moi, afin de profiter de notre temps. Les jumeaux venaient parfois nous rejoindre, ainsi que Dilia qui ne comprenait pas grand-chose. L'insouciance d'une enfant était l'une des plus belles choses au monde, loin de tous les problèmes, de la tristesse, de la peur et de l'incertitude. Enfin... Non... Notre chère Dilia n'avait pas échappé à la tristesse. Le départ de sa mère l'avait changée, mais notre soutien, notre présence l'avait aidée. Nous étions comme sa maman, mais en plus marrant et avec plus d'amour.
Nous nous enfermions dans notre monde, nous écartant des choses réelles et qui reviendraient nous hanter dès son départ, mais le but premier était de profiter, de nous créer des souvenirs fantastiques jusqu'au bout.
Blake était passé de la personne que je ne connaissais pas à un super pote, du genre à toujours savoir ce qu'il fallait dire pour faire plaisir et pour remonter le moral. Il était toujours présent pour parler et pour écouter. Derrière ses faux airs de mec parfait, il était une personne touchante, émouvante et attachante. Mon frère ne le supportait toujours pas et avait horreur de le voir dans ma chambre. Il m'engueulait et bloquait sa porte et la mienne pour qu'elles restent ouvertes et qu'ils puissent nous surveiller. Blake se faisait une joie d'être invité à ma soirée d'anniversaire. Il n'arrêtait pas d'essayer de me questionner pour chercher un moyen de savoir ce que je voulais, de savoir quel cadeau il pouvait m'offrir.
Je ne savais pas quoi lui répondre... Rien ne m'obsédait, rien n'avait attiré mon attention autant que Grayson ces dernières semaines. Il était constamment dans ma tête, la soirée d'Halloween se rejouant sous mes yeux sans arrêt... J'essayais de ne pas trop penser à l'écart qui s'était creusé entre Gray' et moi. Pour une fois, je n'en étais pas la cause, je ne l'avais pas poussé à s'éloigner de moi. Son manque me trottait dans la tête à tout moment. J'avais la sensation que je n'étais pas au courant de certaines choses.
Alors j'avais pris la décision de me lancer, de faire le premier pas et de tout faire pour lui redonner le sourire. J'allais l'emmener dans un coin à moi, un coin important...
J'avais tout préparé. J'irais le chercher le jeudi après-midi chez lui, puisque nous n'avions pas cours à cause d'une journée pédagogique et je lui ferais découvrir mon sanctuaire. J'allais me livrer à lui, d'une manière si personnelle, que personne ne me connaissait sous cet angle.
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Je m'avançais sur le perron de sa maison, le cœur battant à des kilomètres à l'heure, la respiration saccadée et une envie irrésistible de le voir. Je laissais mon doigt appuyé sur la sonnette pendant quelques secondes et je patientais. Ce fut seulement quatre-vingt-cinq secondes plus tard que la porte s'ouvrit sur Grayson. Lorsque ses yeux se posèrent sur moi, il fronça les sourcils, légèrement surpris par mon accoutrement.
-Alors avant que tu ne m'envoies bouler ou que tu me dises de rentrer chez moi, Grayson, je vais t'ordonner d'aller enfiler un pantalon qui craint et des baskets, déblatérais-je en croisant mes bras sous ma poitrine.
-Et en quel honneur ? A moins que tu ne souhaites tourner un film, je ne comprends pas pourquoi tu ressembles à une aventurière hors pair, ricana-t-il en s'appuyant contre le dormant.
L'entendre rire provoqua une ribambelle de sourires intérieurs. Cela faisait si longtemps qu'il ne l'avait pas fait en ma présence.
-Non je t'emmène avec moi.
-Tu m'emmènes avec toi ? répéta-t-il l'air moqueur.
-Grayson arrête de poser des questions et va te préparer, je t'attends dans la voiture. Tu as cinq minutes ! Allez oust, le poussais-je pour qu'il s'active.
Il soupira et me regarda m'éloigner jusque vers ma voiture. Puis il referma la porte derrière lui et disparut de mon champ de vision. Les quelques minutes qu'il mit à se préparer, me suffirent pour sentir l'appréhension grandir en moi. Ce que je m'apprêtais à faire, consistait du miracle. C'était la première fois que j'allais laisser une personne s'approcher autant de moi. Mes frères, ma famille, mes amis... Personne n'était au courant pour cet endroit. J'avais déjà été tenté d'emmener Nelly, mais pourtant je n'avais pas pu m'y résoudre. La peur, l'égoïsme et l'attachement que je ressentais par rapport à cet endroit, faisait que je le gardais pour moi. J'avais eu tellement de chance d'en connaître l'existence.
Il m'avait choisi. Il m'y avait emmené une semaine avant de mettre fin à ses jours. J'étais en quelque sorte le cadenas que l'on accroche avant de partir à son journal intime. Cette journée avait été majestueuse. Il m'avait tout raconté, toutes les petites parties de son existence et tous ses mauvais moments. J'avais essayé du mieux que je pouvais de lui montrer que ce n'était pas le point de non-retour que toute sa vie ne serait pas forcément des échecs. Qu'il était une réussite, que sa présence à mes côtés étaient une lumière en plus dans l'atmosphère sombre de nos vies. Mais les mots devenaient parfois beaucoup moins puissants que ce que nous apprenions à l'école.
Et les miens n'avaient pas été assez puissants pour le retenir, ils n'avaient pas été assez poussés et... Et importants pour lui. Alors une semaine après ce jour fantastique il avait décidé de laisser ses démons le surplomber et s'était laissé emporter dans le monde des illusions.
Ce fut seulement en l'apercevant sur le perron de sa maison que je pus revenir à la réalité. Il se dirigea vers ma voiture, ses yeux ne me quittant pas. Il avait enfilé un débardeur blanc et une chemise à carreaux rouges et noirs et un pantalon de randonnée avec des baskets légères. Un sac à dos se balançait nonchalamment sur son dos, mettant en évidence sa carrure imposante. Il se pencha vers la portière et passa sa tête dans l'antre de la fenêtre ouverte.
-Bonjour mademoiselle, j'ai entendu dire que vous cherchiez le plus beau gosse de la terre... Alors me voici ! Je me suis empressée de venir.
Je ricanais avant de lever les yeux au ciel.
-Allez monte crétin ! lui ordonnais-je.
Sa mine offusquée ne fit qu'augmenter mes ricanements. Il décida finalement de rentrer et de s'asseoir à mes côtés sur le siège passager. J'inspirais un grand coup avant de me décider à faire ma marche arrière. Le regard de Grayson était posé sur moi, analysant chacun de mes gestes. Lorsque je m'élançais sur l'autoroute, je m'autorisais à lui jeter un regard. Nos yeux se rencontrèrent un bref instant assez suffisant pour que je puisse remarquer sa fatigue et sa surprise d'être là.
-On va où ? me questionna-t-il.
-Mystère, répondis-je, un sourire énigmatique sur le visage.
-Ali... Je ne sais même pas pourquoi je suis là... Alors donne-moi une bonne raison.
Je ne sais pas pourquoi mais ses mots me blessèrent. Passer du temps entre ami n'était-ce pas une bonne raison ?
-Gray... Fais-moi confiance.
-C'est pas une question de confiance ! Mais pourquoi s'habiller comme ça ? Tu vas me violer et me séquestrer dans les bois ? plaisanta-t-il.
Un sourire étira brièvement mes lèvres, avant que je secoue la tête négativement. Il soupira. Ses sourcils se froncèrent montrant qu'il réfléchissait. Le silence s'installa, simplement coupé par la musique de la radio. Il semblait perdu dans ses pensées, pendant que moi j'essayais de ne pas regretter mon choix.
-Alison... S'il te plait. On va où ? m'interrogea-t-il une nouvelle fois.
-Dans une maison hantée.
Ses yeux s'écarquillèrent face à ma réponse, se rappelant peut-être la soirée d'Halloween... Eh merde, c'était pas prévu ça.
-Véridique ?
-Non...
Notre destination n'était pas une maison hantée à proprement parler, même si pour moi ce n'en était pas trop éloigné... Je reportais mon attention sur la route, mettant à l'écart toutes mes pensées sombres, pour laisser place à la concentration requise lors de la conduite.
-Et si je commence à faire comme les gamins, et que je te supplie par tous les moyens que tu m'avoues notre destination.
-Je ne t'écouterais pas, répondis-je.
-Alisoooon. Alison. Alisooooooon. Ali ! Ali la courgette ? Ali ? On arrive dans combien de temps ? On va où ? On peut s'arrêter faut que j'aille faire pipi. Alison ? Alison c'est drôle comme prénom. Alibababa ouvre toi.
Je soupirais légèrement affligée par son comportement.
-Alison, on arrive dans combien de temps ? Tu penses à quoi ? Pourquoi on a l'impression que le soleil nous suit alors que ce n'est pas le cas ?
-Ta gueule putain, Grayson ! l'interrompis-je.
Un sourire amusé s'installa sur ses lèvres, me montrant qu'il était content de son résultat.
-J'étais sûr que tu ne tiendrais pas plus longtemps, ricana-t-il.
-Tais-toi ! Tais-toi sinon je vais changer d'avis...
Son regard se fit interrogatif. Il déglutit, puis ouvrit la bouche, s'apprêtant à parler.
-Non Grayson. S'il te plait. Arrête de poser des questions, ou de trouver des prétextes pour qu'on s'arrête... Sinon je n'arriverais pas à aller jusqu'au bout...
-T'es une psychopathe ! Tu vas me tuer !! s'écria-t-il en jouant une comédie.
-C'est qui le psychopathe ici ? C'est toi non ? C'est toi qui aime faire les trottoirs pour se taper des putes non ?
-Un peu de respect pour mes femmes de joie s'il te plait, m'ordonna-t-il en prenant la voix d'un vieil homme aristocrate.
-Faudrait déjà qu'elles se respectent !
-Moi je les respecte en tout cas, m'avoua-t-il avec un sourire pervers.
J'explosais de rire malgré moi, bientôt suivie par Grayson. Les minutes suivantes se firent dans le silence, qui fut brisé lorsque j'empruntais la route nous éloignant de la mer. Je m'élançais vers le chemin escarpé.
-Euh... Alison... Je ne suis pas d'accord là... On s'éloigne de la mer...
-Mais non t'inquiète, je sais où on va.
Les cinq minutes nécessaires pour arriver sur le parking furent ponctuées par les gémissements plaintifs de Grayson. Sa tête tournée vers l'extérieur semblait être grimaçante à en juger le reflet que me renvoyait la vitre.
Je m'arrêtais finalement sur le plateau de terre, aménagé pour les randonneurs. Je me tournais vers lui et lui annonçais que l'on était arrivé. Il hocha la tête après avoir dégluti. J'ouvris ma portière et descendis. J'allais chercher mon sac à dos dans le coffre et m'avançais vers les barrières qui assuraient la sécurité. Je me tournais vers la voiture et découvris Grayson la portière ouverte, mais toujours assis sur le fauteuil.
-Tu viens ?
Il hocha doucement la tête, n'étant absolument pas sûr de lui. Je m'appuyais contre les barrières et observais la vue. Cette vue m'avait manquée, la dernière fois que j'étais venue c'était avec Nelly, après avoir rencontré Blake et après avoir appris que j'étais liée à deux personnes.
-C'est magnifique, chuchotais-je remerciant la nature de ce spectacle magnifique.
Le soleil éclairait la forêt en contre bas et la petite plage sur laquelle Blake m'avait emmenée pour notre premier rendez-vous.
-Alison éloigne-toi bordel ! Tu vas tomber, s'écria Grayson.
Je me tournais vers lui et remarquais qu'il était toujours à côté de la voiture et que son regard ne m'avait pas quitté une seule seconde.
-Mais viens ! Tu verras que je ne risque rien et toi non plus !
Il hocha frénétiquement la tête, légèrement paniqué. Je m'écartais donc des barrières et m'avançais vers lui. Arrivée à sa hauteur, je me positionnais face à lui, laissant nos regards s'entremêler. Le soleil nous surplombait, illuminant nos visages et créant de jolis reflets dorés dans nos cheveux respectifs.
-Tu viens ? le questionnais-je.
Ses yeux me supplièrent de le ramener chez lui, tandis que sa main vint se placer dans la mienne. Après un sourire d'encouragement, je me retournais et me dirigeais vers l'endroit où les barrières n'existaient plus. Je lâchais sa main, et m'asseyais sur le rebord afin de pouvoir atteindre les quelques marches à quelques mètres en dessous de moi.
-Ali... grommela-t-il.
Je me laissais glisser et atterris aussi facilement que possible sur la première marche.
-Allez Grayson ! Montre-moi que tu es un homme viril ! ricanais-je.
Je descendis quelques marches pour lui laisser la place de me rejoindre. Il s'assit, inspira, expira et se laissa glisser à ma suite. Il atterrit sur la deuxième marche et regarda pour la première fois le monde qui l'entourait. Les arbres vieux de plusieurs siècles se chevauchaient, leurs branches s'entremêlant, les feuilles orange, rouges et jaunes créaient une atmosphère tamisée, où la fraicheur régnait. Le sol composé en majorité de terre, de pierres et de feuilles grouillait de vie, allant de la fourmi, aux araignées aussi grosses que ma paume. Une odeur de renfermé, de feuilles en décomposition et de pommes flottait dans l'air venant embaumer nos vêtements.
Les rayons de soleil qui arrivaient à percer la flore venaient éclairer certains arbres, certaines fleurs, comme un projecteur vient éclairer une star. Toute cette nature aussi belle qu'unique s'était formée sur une pente abrupte. La seule présence qui assurait le passage d'hommes dans ce lieu était la présence d'un escalier en pierre autour duquel la nature s'était développée. Grayson tournait sur lui-même ne se fatiguant pas de voir ce qu'il y avait autour de lui. Comment pouvoir s'en fatiguer ? La nature était la plus belle de toutes les richesses. Il finit tout de même par s'arrêter avant de venir me rejoindre.
-Est-ce que un jour tu m'expliqueras pourquoi dans toute cette beauté tu restes celle que je préfère ? me demanda-t-il en posant sa main sur ma joue.
-Est-ce qu'un jour tu m'expliqueras pourquoi tu sors des phrases de dragueur à deux balles ? l'interrogeais-je un sourire taquin sur les lèvres.
-Est-ce qu'un jour tu arrêteras de casser les bons moments ?
-Est-ce qu'un jour on pourra bouger d'ici parce que ce n'est pas tout mais je n'ai pas envie de crever ici et encore moins sans être allée au bout de ce chemin ? râlais-je.
-Donc mourir avec moi ça ne te poserait pas de problèmes ?
-Si mais ça tu le savais déjà non ? lui souriais-je.
Il leva les yeux au ciel avant de reculer et de croiser ses bras sur son torse. Je me retournais et commençais à descendre les escaliers de pierre, en faisant attention de ne pas tomber, ni de glisser. Je savais que dans une vingtaine de marches la vue qui allait s'offrir à nous était la plus belle vue au monde, alors j'accélérais, j'accélérais pour que mes yeux en profitent, j'accélérais parce que j'avais hâte d'y retourner...
D'après l'histoire que m'avait racontée mon oncle, cet escalier avait été créé à partir de roches qui étaient déjà présentes et par des passeurs qui durant la seconde guerre mondiale faisaient fuir les juifs et aidaient la résistance. A la fin de la guerre, il avait été laissé tel quel et était emprunté que par ceux qui connaissaient son existence. De générations en générations, ce passage avait été transmis et révélé. Et un jour mon oncle avait décidé de venir ici et c'était comme ça qu'il avait découvert notre lieu secret, mon lieu secret...
Je fus sortie de mes pensées par éblouissement. La mer s'offrait face à nous, ainsi que la plage et la totalité de la pente que nous descendions. Je m'arrêtais nette et observais le jeu de couleur intense.
Le sable blanc contrastait avec la mer d'un bleu azur, la forêt aux couleurs automnales donnait l'illusion qu'elle était en feu. Une palette de peinture et le peintre le plus doué du monde n'auraient jamais réussi à retranscrire pareille vision. Grayson s'arrêta contre moi, le souffle coupé.
-C'est magnifique...
J'hochais la tête et laissais mon regard courir le long de la côte, apercevant un mélange d'orange, jaune, rouge et vert. C'était à couper de souffle. J'étais venue ici peu de fois en automne, préférant y venir lors du printemps, de l'été...
Nous restâmes ainsi encore quelques minutes avant de nous remettre en marche, sans un mot, sans un regard, tous les deux perdus dans nos pensées. Tellement éloigné de la réalité qu'il me fallut une vingtaine de marches avant de découvrir que j'étais la seule à descendre.
Grayson s'était assis sur une marche et avait sa tête entre ses mains. Intriguée, je gravis les marches nous séparant et allais m'asseoir à ses côtés. Il ne releva pas la tête, même lorsque je finis par poser ma main sur son épaule.
-Ça ne va pas ?
Il secoua la tête négativement.
-Tu... Oh mon dieu... Grayson Sky a le vertige ?
Il acquiesça, grognant en entendant mon air moqueur.
-Comment pourrais-tu avoir le vertige, alors que tu montes quasiment tous les week-ends au septième ciel ? ricanais-je malgré moi.
-Alison... grogna-t-il.
-Non mais alors là ! Je suis sur le cul ! Je n'avais jamais entendu ça... Une personne qui adore les montagnes russes mais qui a le vertige... On aura tout vu, clamais-je.
-Alors de une ! Je ne couche plus à droite à gauche depuis déjà un mois ! Ensuite je ne suis jamais allé au septième ciel avec une fille et de trois, arrête de te foutre de ma gueule ou j'enlève ton sourire de tes lèvres en t'embrassant, m'imposa-t-il.
Il releva la tête et ancra son regard à mes lèvres.
Je déglutis, légèrement déstabilisée par son dilemme. Que faire ? M'amuser et risquer de me faire violer la bouche, ou me taire et arrêter de m'amuser.
-Voilà, c'est mieux, sourit-il satisfait de lui.
J'ouvris la bouche, prête à répliquer mais je fus interrompue.
-Serais-tu prête à te laisser embrasser Alison Maya Reynolds ? Ou tu aimes juste tenter le diable ?
-Je voulais simplement te donner un conseil pour vaincre cette peur, même si vaincre une peur c'est impossible. Mais bon.. Vu que tu es impertinent, je vais te laisser seul et t'abandonner à ton propre sort, râlais-je en me levant.
Il agrippa ma main et me força à me rasseoir.
-Si je reste ici, tu restes avec moi !
-Il en est hors de question !
-Alors donne-moi ton conseil.
-Non, je risque de me faire embrasser sinon.
-Non.
-Non.
-Non, Alison.
-Non, Grayson.
-Mais putain t'es chiante hein ! Allez Ali !
-J'allais te dire que tout ça c'est psychologique et je sais que c'est plus simple à dire qu'à faire, mais ta peur est dans ta tête, jamais elle ne partira, elle sera toujours là à te hanter, mais tu pourras toujours t'en sortir. Dis-toi qu'à un stade d'un point A à un point B, que tu montes ou que tu descendes, si tu regardes au loin devant toi, tu ne verras aucune différence. C'est seulement lorsque tu auras dépassé l'un des deux points, que tu te rendras compte que tu as bougé. Car c'est ton corps qui bouge et non l'horizon.
Il hocha la tête, le regard lointain, comme s'il cherchait à mémoriser ou à se convaincre lui-même de ce que je venais de dire.
-Tu te sens prêt à repartir ? On est bientôt arrivé...
Il acquiesça et se leva en m'attirant avec lui. C'est ainsi que nous nous remîmes en marche, doucement, progressivement et dans un calme absolu. Puis le moment de quitter l'escalier arriva, le moment de quitter la sécurité. Je m'asseyais sur une marche et du bout de pied, je finis par toucher la terre un mètre en dessous de la roche.
-Alison... Tu veux vraiment me tuer, bordel ! s'exclama Grayson en se prenant la tête dans les mains.
-Mais non, tu vas voir, le sol est droit et c'est le seul moyen d'y aller.
-Mais d'aller où ?
-Arrête de poser des questions et tais-toi.
Il souffla, énervé, mais me suivit sur le chemin de terre et de broussailles. Pendant les cinq premières minutes, je dus supporter les remarques d'un Grayson énervé, qui n'arrêtait pas de râler en s'imaginant que j'allais le séquestrer dans cette forêt et qu'il ne verrait plus jamais sa famille, puis durant les dix minutes qui suivirent, il finit par se concentrer sur ce qu'il faisait plutôt que sur ses paroles pour éviter de s'étaler sur le sol. Deux minutes avant d'arriver à destination, je m'arrêtais. Grayson me percuta et s'écria :
-Mais pourquoi tu t'arrêtes ? J'avais trouvé un bon rythme pour ne pas tomber !
-J'essaye de trouver une raison valable pour rebrousser chemin et ne pas te montrer ce que je voulais te montrer, lui avouais-je.
Grayson se plaça devant moi et posa ses mains sur mes épaules, prêt à me secouer.
-Ah non non non ! Tu m'as fait monter ! Tu m'as fait descendre ! Tu m'as fait avoir le vertige ! Tu m'as fait tourner en bourrique ! Tu m'as fait prendre des chemins inexistants ! Tu ne m'as pas fait faire ça pour rien ?!
Ses yeux écarquillés me firent rire... Il était en transe, prêt à se jeter sur moi, si je lui révélais que je voulais rentrer...
-Nooon mais non ! Je ne suis pas d'accord arrête de rigoler !! Mais purée Alison ! Qu'est-ce que je fais pour te suivre ? s'excita-t-il avant de partir dans un long monologue où je n'entendais que certaines bribes de conversations.
-Grayson ! Grayson ! Mais écoute-moi, rigolais-je attirant finalement son attention.
-Quoi ?
-J'en trouve pas, lui révélais-je.
-T'en trouve pas ? T'en trouve pas ? s'écria-t-il surpris avant de réaliser.
C'est ainsi qu'un immense sourire s'installa sur son visage, un sourire qui mettait à la fois en valeur sa dentition parfaite, ses fossettes et ses yeux brillants de joie.
Il tourna sur lui –même avant de se mettre à faire les cents pas entre moi et un petit bouleau.
-Olalala ! Elle n'a pas de raison ! Elle n'a pas de raison ! ne cessait-il de répéter comme si c'était magique.
J'avais face à moi une personne folle, avec des problèmes mentaux et psychologiques.
-Bon bah maintenant j'en ai une... Tu es fou, Grayson ! m'écriais-je en rigolant.
Grayson se stoppa dans son aller vers le bouleau. Il se retourna lentement, très lentement, vers moi.
-Alison, je te rappelle que l'on est aussi fou l'un que l'autre... En gros toi tu es autant folle que moi, voire plus !
-C'est pas faux, acquiesçais-je entre deux ricanements.
Un petit silence s'installa entre lui et moi avant qu'il le coupe pour me demander.
-Tu es en train de réfléchir si tu n'as pas laissé des choses intimes à notre destination ?
-Non pas besoin d'y réfléchir, je sais qu'il y en a, dis-je en levant les yeux au ciel.
-Bon je dois en conclure qu'il n'y en a pas c'est ça ? m'interrogea-t-il.
-Bien sûr qu'il n'y en a pas boulet !
-T'es pas marrante !
-Et toi t'es con ! C'est bon on fait la paire ! On peut continuer ? lui demandais-je excédée.
Il hocha la tête, légèrement amusé par notre échange sans queue ni tête.
Je me remis en marche et passais devant lui. Je contournais le bouleau et m'avançais davantage dans le chemin couvert de fougères. Mon regard était rivé sur le chêne, bien plus haut que les autres arbres. En arrivant à quelques pas de là, je m'arrêtais.
-On est arrivé, lui annonçais-je.
-Arrivé où ?
-Là où je voulais t'emmener.
Grayson s'approcha et posa sa main sur le tronc.
-Bonjour monsieur le chêne ! Enchanté de faire votre connaissance ! Moi c'est Grayson et je viens de parcourir des milliers de kilomètres pour faire votre rencontre ! Oui je sais cette fille est barjo mais bon j'évite de lui dire, les médecins préfèrent que l'on dise qu'elle est juste différente. Mais différente mon cul ouais ! Elle est totalement perdue et malade. Mais...
Je le tapais derrière la tête, le coupant dans son monologue.
-Mais va te faire foutre ! m'écriais-je offusquée.
-Quand tu veux ma belle, me répondit-il en me faisant un clin d'œil.
Je levais les yeux au ciel, avant de me pencher vers le sol. Je laissais mes doigts courir dans les feuilles ne faisant pas attention à la terre qui venait s'y coller. Lorsque je sentis le petit loquet de la trappe. Je tirais dessus avec force avant de réussir à le faire bouger de quelques centimètres.
-Tu as besoin d'aide ? me questionna Grayson devenant tout à coup très sérieux.
J'hochais la tête et lui laissais ma place. Aprèsavoir tiré dessus pendant quelques secondes, la porte s'ouvrit laissant voir untrou béant. Je m'avançais et me laissais tomber dedans. Je tâtonnais pendantquelques secondes les murs qui m'entouraient et appuyais sur l'interrupteur. Lalumière s'alluma laissant voir l'intérieur d'un bunker.
Bonjour, bonsoir, bonne nuit!! Comment allez-vous?
Pour ceux qui ne l'ont pas vu, j'ai posté une partie avant celle-ci allez la voir. Y a un trailer de disponible.
J'espère que cette partie vous aura plu, n'hésitez pas à voter et à commenter si c'est le cas.
J'ai publié une nouvelle histoire (oui encore) appelée Poisoned Chalice, n'hésitez pas à aller y jeter un coup d'œil.
Bonne soirée, journée, nuit.
Morgan.xx
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