Chapitre 2
Un premier son me parvenait, un chant mélodieusement aigu. Des oiseaux chantaient joyeusement au loin.
Un premier contact effleurait ma peau, la réchauffant agréablement. Je sentais les rayons du soleil m'envelopper, comme s'il souhaitait me réconforter. La chaleur me berçait comme un enfant dans les bras de sa mère.
Une première odeur chatouillait mes narines, piquante, presque désagréable.
Une sensation étrange qui semblait remuer en moi commençait à me faire tousser, comme si cela avait été un automatisme. Une toux sauvage accompagnée de crachats non identifiés me prenait alors, jusqu'à subitement me cambrer sur le côté, recrachant avec peine une petite quantité d'eau qui semblait venir de mes voies respiratoires. Je me laissais tomber sur le sol, yeux clos, épuisée.
- Dame Ambrose ! Dame Ambrose allez-vous bien ? M'entendez-vous ?
Qu'était ce cirque et cette agitation que je percevais maintenant autour moi ? Je restais yeux clos, mais la chaleur que me procurait la grosse boule jaune disparaissait, me mettant à présent dans l'inconfort d'une humidité glaciale.
- Est-elle morte ?
- Comment osez-vous supposer cela !? S'énervait la femme.
Ces gens avaient l'air paniqué, mais de mon côté, je me sentais presque apaisée, cela aurait été parfait seulement si cet inconfort précédent n'avait pas eu lieu. Je sentais alors une perle d'eau rouler, slalomant entre les racines de mes cheveux. Je grimaçais, ouvrais les yeux et restais figée face à ce bleu radieux. Un flashback me frappait alors, tel un éclair électrocutant mes membranes oculaires. Les derniers instants de ma vie me revenaient brutalement en mémoire. Les derniers instants. Si j'avais des membranes oculaires, cela voulait pourtant dire que je n'étais finalement pas morte. Quelle étrange sensation, "serais-je dans l'au-delà ?" Murmurais-je en un souffle.
- Madame ? Elle revient à elle ! Allez chercher le lord ! Ordonnait la même femme de tout à l'heure.
Quant à moi, je revenais peu à peu dans le présent. Ayant tout de même peine a réellement comprendre où je me situais. Peut-être rêvais-je ? On me redressait habilement, mes yeux se posèrent sur cette femme qui paraissait être si inquiète du sort de l'autre qu'ils croyaient tous mortes. Autour de nous se dressait, l'air inquiet, une ribambelle d'hommes et de femmes à l'apparence plutôt étranges. L'on aurait dit des acteurs jouant dans un film d'époque. Ça avait l'air si réaliste !
- Madame, vous sentez-vous bien ?
Je posais la main sur la tête, par réflexe ; j'avais les cheveux trempée, mes vêtements l'étaient aussi d'ailleurs.
- Madame ?
Je relevais les yeux, réalisant avec incompréhension que tous me fixaient.
- Que... que s'est-il passé ? Pourquoi je suis là ? Balbutiais-je, troublée.
- Vous avez trébuché et êtes tombé à l'eau, vous avez failli vous noyez madame. Je suis si heureuse que vous alliez bien !
La jeune femme m'ayant répondu s'approchait alors de mon oreille, chuchotant avec attention ses mots : "et entre nous, c'était une super idée, le lord sera aux petits soins avec vous maintenant!"
Je la défigurais, que me chantait-elle celle-là ?
- Nous allons rentrer au domaine, vous avez besoin d'un bon bain chaud et de nouveaux vêtements !
Je me laissais faire, l'inconnue au bataillons me révélait et me prenait le bras, m'aidant sans doute à tenir debout. Il était vrai que je me sentais faible. Les sensations qui me traversaient m'étaient inconnues, étranges. Tout était étrange depuis que j'avais ouvert les yeux.
- Attendez une seconde, je ralentissais le pas, Dorine ?
- Oui Madame ?
- Dorine, c'est bien vous ?
Je la dévisageais encore, tandis qu'elle m'observait comme si j'avais une mouche sur le front.
- Enfin madame, vous êtes sûre que tout va bien ?
Je prenais cela pour un "oui". J'avais deviné son identité sans difficulté, et si elle se trouvait être Dorine, il s'agissait d'une joyeuse et naïve domestique au service de... je me donnais une tape sur la tête, il fallait que je réfléchisse. Rien n'avait de sens bon sang !
Nous nous remettions en marche. Je gardais les lèvres closes jusqu'à me retrouver seule dans une chambre. Nous étions apparemment allés nous promener près du lac longeant le domaine, un parc avait été conçu à cet endroit.
J'observais la pièce. Les décors étaient superbes, très proche de la réalité, enfin je l'imaginais sans mal. Ce lit, cette armoire et cette coiffeuse me semblaient authentiques. Pourtant, ma présence en ses lieux n'avait aucun sens. Il y a une heure j'étais dans mon uniforme scolaire, à peter un plomb sur le toit de mon lycée. Et puis je suis tombé.
- Oh mon dieu, je suis dans le coma... réalisais-je avec effrois.
Je regardais rapidement autour de moi, rien ne trahissait cette création de mon esprit. Je me pinçais le bras sans ménagement et grimaçais à ma bêtise. J'avançais jusqu'à la fenêtre, mais me tournais vivement, surprise de voir que quelqu'un était entrée.
Personne. J'étais bel et bien seule. Mon regard dérivait sur le côté. Je hurlais d'horreur face à la vision que m'apportait le miroir de la coiffeuse. Je réprimais mon futur hurlement en plaçant mes mains devant la bouche, là scellant fermement. J'aurais cru voir ses yeux sortir de leur orbite. Je libérais progressivement mes lèvres, me rapprochais du reflet et effectuais tout un nombre de grimace. Jamais je ne m'étais sentie si perturbée.
J'étais là, consciente et vivante, mais ce corps n'était certainement pas le mien !
- Quelle horreur... murmurais-je, perplexe.
Je me mettais de profil, puis de face. Cette femme était d'un charme imaginaire, je reconnaissais bien là mon esprit tordu ! Peut-être était-ce une façon sans tact de mon subconscient afin de me faire comprendre qu'il serait temps de travailler ma confiance en moi.
Des coups se mirent à résonner dans la pièce. Je sursautais. Dans un mouvement de panique, je m'asseyais sur la chaise près de la coiffeuse.
- Heu entrez !
- Madame...
Dorine apparaissait rapidement, refermant avec délicatesse la porte après elle. Elle s'avançait de quelques pas tout en se penchant en avant, avant de poursuivre, discrètement :
- Le lord Daruk est au salon, il vous attend ! Votre stratagème a été incroyable madame !
Je fronçais les sourcils, elle ne voulait décidément pas me lâcher les baskets celle-ci !
- Mon stratagème ? Quel stratagème ?
- Oh madame, inutile de faire celle qui ne sait pas ! Nous sommes entre nous ne vous en faites pas.
Je hochais la tête lentement, la dévisageant par la même occasion.
- Oui évidemment mon stratagème, comment aurais-je pu oublier ? Et donc, j'ai réussi vous me dites ?
Dorine secouait énergiquement sa tête de haut en bas. Cette femme était bourrée d'énergie, s'en était énervant.
- Puisque votre fiancé est en bas, oui !
Je feignais un rire.
- Pardon ?! Lord Da..da je ne sais plus comment est quoi ?
- Oui enfin, votre fête de fiançailles est dans une semaine, mais c'est pareil !
- Dorine ! Peut-être avais-je été un peu trop sévère, mais il fallait qu'elle ferme son clapet sinon c'était bon pour mon second décès.
- Pardon madame...
- Rappelez-moi ce fameux stratagème, j'ai..encore un peu la tête dans l'eau là.
- Très bien, vous vous rappelez m'avoir confiés que le lord semblait être las de votre compagnie ?
Je hochais la tête, l'incitant à poursuivre.
- Après en avoir discuté, vous en êtes rapidement venue à la conclusion qu'il fallait un drame pour qu'il vous remarque.
Je plissais les yeux, cette révélation était d'une débilité sans nom.
- Ça me revient maintenant, enfin je crois.
Ça ne me disait absolument rien.
- Souhaitez-vous vous reposer encore un peu ? Peut-être prendre un second bain vous fera du bien ?
- Je préfère rester seule, dans la chambre.
- Je ne peux tout de même pas dire au lord de s'en aller sans vous avoir vu !
- Oh que si vous le pouvez ! J'aimerais également du papier et un stylo.
Dorine penchait la tête sur le côté, comme si cette mouche était revenue se coller sur mon front.
- Je peux vous trouver des feuilles, aucun souci, mais un stylo ? Qu'est-ce donc ?
C'était à mon tour de la dévisager.
- Vous ne savez pas ce qu'est un stylo ?
Les commissures de ses lèvres venaient former un arc de cercle vers le bas, accompagné d'un hochement négatif.
- Je vois... et un crayon ? De quoi écrire sur la feuille, vous avez ?
Son visage s'illuminait de nouveau. À la bonne heure.
- Oui bien sûr ! Vous trouverez tout ça quand vous remonterez dans vos appartements !
- Comment ça, "quand je remonterais" ?
- Le lord vous attend et il est hors de question de le renvoyer ! Le pauvre s'est déplacé jusqu'ici pour vous, il me semblait si inquiet...
Je prenais une profonde inspiration.
- Bien, je vais y aller dans ce cas !
Je me levais et dépassais la servante et probable confidente de l'ancienne propriétaire de ce corps. Je n'en n'étais pas certaine, mais mettre à l'écrit tout ce dont je me rappelais allait sans doute m'aider à comprendre ce qui se passait.
- Qu'il aille au diable ce lord Dada machin chose ! Grommelais-je, arpentant les couloirs de la demeure.
Je ne savais même pas où j'allais. Mais j'y allais ! Je n'avais certainement pas que ça à faire que de jouer à la petite noble, j'avais des réponses à trouver moi ! Pas un lord à épouser ! Je ne cessais de grommeler, mécontente.
- Ma chère Ambrose, on m'a fait parvenir de votre état. Je suis venu aussi rapidement que possible.
Je me figeais. Un frisson glacial me parcourais le corps.
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