Chie no Kajistu 知恵の果実
Kurona avait vite repéré l'arrivée de Machiya. Ce dernier n'avait pas trainé. C'était surprenant ! Il aurait pensé que le guitariste se serait arrêté un instant pour commenter la nouvelle coiffure de Yūko. Mais vu qu'il était déjà là, il n'en avait rien fait. Ça avait dû le démanger pourtant !
Il tourna la tête vers Wasabi. Lui-aussi le regardait. Lui-aussi avait vu Machiya. Il était temps de mettre fin à leur petite improvisation.
Les lumières baissèrent d'intensité et Kurona disparut aussitôt de scène. Wasabi resta en place. Inutile qu'il sorte pour revenir. Il y avait pensé pourtant. Traverser la scène lui aurait donné l'occasion de stimuler le public de la main, pour « chauffer la salle » avant le début du morceau. Mais cette fois, il se contenta de se lever pour haranguer la foule de spectateurs avec vigueur. Il monta quand même un pied sur son tabouret, l'autre sur l'une de ses caisses pour lancer ses encouragements. Il n'avait pas tout suivi de ce qui s'était passé. Il avait juste aperçu l'état de la coiffure de Yūko. Il avait rapidement calculé, dix minutes pour tout remettre en place et avec un peu de chance, ils pourraient reprendre le concert là où ils l'avaient arrêté. Dix minutes, ce n'était pas grand chose. Restait à savoir s'ils supprimeraient une chanson ou deux ou bien alors s'ils rallongeaient simplement le concert de dix minutes.
Avec des signes vifs, il retira sa chemise et la lança derrière lui avec énergie. Il n'avait pas prévu de la retirer maintenant mais tant pis. En attendant, pourvu que Machiya ait le temps de faire le tour. Il encouragea de nouveau le public.
Des encouragements, Asa en lança lui-aussi en apparaissant sur la scène. Il se dirigea tranquillement vers la batterie en invitant le public à crier, à l'aide de gestes de la main, de moulinets des poignets. Il se força à ne pas regarder son ampli. Il espérait seulement que le saboteur ne l'avait pas de nouveau éteint, voir débranché, voir pire !
Il s'arrêta presque devant Wasabi, tournant le dos au public. Les deux musiciens commencèrent alors Machiya surgit de derrière la batterie. Il avait fait le tour des instruments en passant par l'arrière de la scène, restant ainsi invisible au regard du public. Il aurait bien aimé jeté un coup d'œil à son ampli... Mince ! Il ne fallait pas qu'il se laisse gagner par la paranoïa du bassiste ! Il n'y avait pas de saboteur sur scène, pas plus que de fantôme ! Par contre... il chassa cette idée-là aussi. Il ne devait penser qu'au concert, au morceau qu'ils avaient répété voilà des semaines maintenant.
Avec l'arrivée du guitariste, Asa se dirigea vers son côté de la scène, de là d'où il venait. Il tourna un instant la tête vers les koto. Il avait cru entendre... Non, c'était juste la petite tablette, les petites bouteilles posées dessus bougeaient. Il avait dû la heurter. Il était pourtant passé suffisamment loin... Le saboteur peut-être. Il regarda rapidement autour de lui. Non, il ne voyait personne. Ah ! Il était habile, le gaillard, mais le bassiste finirait bien par le débusquer !
Toujours devant les taiko, le fantôme regarda le petit manège de Wasabi et Asa. Elle venait de poser l'une des baguettes du batteur au cœur de l'un des tambours. Franchement, il avait si chaud que ça pour retirer sa chemise ?! Euh... il lui semblait qu'elle avait vu un éventail quelque part... La chanteuse en avait un avant qu'elle ne s'en aille. Elle le savait, elle avait failli se prendre plusieurs coups dans la figure. Vraiment, elle pourrait faire attention aux personnes qui l'entouraient ! Personne ne faisait attention à elle ! C'était pratique, des fois, mais des fois ce n'était pas pratique.
Bon, l'éventail...
Elle se décala de quelques pas pour se retrouver devant les koto. Elle se saisit d'un masque de renard posé là. Elle le regarda un instant. Ça aussi, ça trainait ! Allez hop ! Avec la baguette ! Voilà.
Retour devant les koto...
Aïeeee !!!
Mais qui c'est qui avait laissé cette petite table à cet endroit ? Elle s'était cognée ! Par réflexe, elle rattrapa de justesse les deux bouteilles d'eau qui étaient posées dessus. Voilà ! Encore un truc qui trainait ! Mais son regard fut aussitôt attiré par autre chose, l'éventail. Elle le fixa, immobile. Elle voulait en faire quoi déjà ?
Elle se tourna brusquement en entendant les premières notes de guitare. Ah, il était encore là, celui-là ! Elle regarda autour d'elle, à la recherche de la boite qui permettait d'éteindre la voix du guitariste. Mais elle ne la voyait toujours pas. Zut ! Quelqu'un avait dû la bouger de place !
Elle regarda fixement Machiya. Elle lui trouvait quelque chose d'étrange. C'était... dans son attitude. Il n'était pas comme ça jusqu'à maintenant. On dirait une autre personne. Elle s'approcha du musicien. Elle le rejoignit jusqu'au bord de la scène, là où il se trouvait. Elle se figea en voyant son visage. Ce masque qu'il portait sur le visage... Son regard parcourut la scène à la recherche de ce type masqué qui trainait depuis un petit moment. Tiens, tiens, comme par hasard, il n'était pas là ! Elle soupira. Il exagérait ! Il aurait pu lui dire qu'il avait l'intention de participer au concert ! Mais du coup, elle pourrait peut-être faire la même chose ! Voyons voir... par quel instrument allait-elle commencer... Inconsciemment, elle tapota sa lèvre avec l'éventail qu'elle avait toujours en main alors que son regard se posait sur chacun des instruments lorsque...
Mais oui ! L'éventail ! Elle devait l'apporter au batteur !
Elle n'était pas beaucoup passée derrière la batterie depuis le début. Lorsqu'elle s'approchait de l'instrument, le plus souvent elle restait sur le côté. Pas devant, il n'y avait pas de place. La batterie, comme les koto et les wadaiko, était sur une estrade qui comportait bien quatre marches. C'étaient comme une scène sur la scène. Et dans le fond, il y avait encore une autre surélévation.
Tiens, d'ailleurs elle n'était pas encore allée sur cette partie ! Quelle vue avait-on de là-haut ?
Elle s'apprêta à si rendre lorsque quelque chose attira son attention. Sur le dos du batteur... Non, mais franchement ! Ce n'était pas très drôle comme blague ! Quelqu'un s'était amusé à écrire sur le dos du musicien ! Elle chercha partout autour d'elle. Et en plus, elle ne trouvait rien pour lui essuyer le dos ! Elle soupira. Tant pis, elle prendrait les manches de son kimono.
Elle leva le bras. Mm, dommage qu'elles ne soient pas plus longues. Il faudrait bien qu'elle fasse avec et tant pis si celui-ci était blanc !
Elle tira sur l'une de ses manches. Le kimono dévoila son épaule mais ça ne semblait pas la préoccuper plus que ça. Le tissu blanc dans la main, elle l'approcha du batteur le cœur battait fort. Elle avait déjà observé le musicien et il avait tendance à bouger. Moins que les deux guitaristes, mais quand même. Elle devrait donc trouver le bon moment pour lui essuyer le dos sans le déranger.
Tiens, c'était étrange, le batteur ne bougeait pas autant que d'habitude. Le fantôme regarda le musicien un instant, perplexe. Mais oui ! Il savait que quelqu'un avait écrit sur son dos et s'il restait, relativement, immobile, c'était pour qu'elle puisse nettoyer tranquillement. Comme c'était adorable de sa part de lui faciliter le travail ! Voilà donc pourquoi il avait retirer sa chemise ! Pour montrer que quelqu'un avait dessiner sur son dos. Il ne pouvait tout simplement demander ? Elle approcha donc sa main et la posa sur le kanji.
À ce contact, Wasabi se redressa en contractant les muscles de son dos, comme si quelque chose le gênait juste en dessous des deux omoplates. Peut-être que l'adhésif du fil de son micro s'était défait. Il ne le sentait pas bouger pourtant. Il passa rapidement sa baguette dans la main gauche pour faire glisser sa main droite derrière son oreille. Il se saisit du fin fil et tira légèrement dessus... non, il semblait toujours en place.
Mince !
Il reprit rapidement baguette et se remit à jouer. Comment un aussi petit détail avait-il pu le mettre en retard ?
Il était peut-être en train de psychoter, avec ce qui venait d'arriver à Yūko.
Le fantôme s'était arrêté un instant lorsque le batteur avait passé la main sur le fil. Mais il s'était vite remis à jouer. Elle approcha de nouveau sa main pour continuer son nettoyage mais son regard détailla un instant le dos du musicien. Elle n'était pas parvenue à effacer le dessin. Maintenant... elle plaça sa main devant sa bouche pour rire. Le kanji, on dirait qu'il avait coulé !
Elle regarda autour d'elle, à la recherche de quelque chose de plus efficace pour nettoyer. Non, vraiment ?! Il n'y avait rien d'autre sur scène que les instruments ? C'était un peu triste. Toujours derrière Wasabi, elle réfléchit un instant, les bras croisés, se tapotant la lèvre de son doigt.
Bon bah, tant pis. De toute façon, le musicien restait toujours face au public. Personne ne verrait rien. Surtout avec le gros gong posé derrière lui. Elle fit rapidement volte-face.
Oh ! De justesse !
Un peu plus et elle heurtait de plein fouet le bassiste qui était monté jusqu'à la batterie.
Elle descendit les quatre marches, essoufflée. Elle posa la main sur le rebord. Cette musique... elle était vraiment épuisante. Elle se sentait vidée. Elle devrait peut-être s'asseoir un peu. Elle sentit à peine Asa redescendre les marches pour rejoindre Machiya sur l'estrade centrale.
Le morceau était quasiment parfait malgré le fait que les musiciens l'aient à peine répété voilà quelques semaines. Seulement, Machiya et Asa le savaient, trois minutes trente, ce n'était pas suffisant pour démêler les cheveux de Yūko.
Il était resté immobile lorsque les lumières s'étaient éteintes à la fin de la chanson précédente. Il avait à peine aperçu le groupe quitter la scène. Il était resté immobile pendant tout l'interlude des deux percussionnistes. Il avait regardé le fantôme participer aux appels que les musiciens faisaient pour faire participer le public. Mais ça ne l'intéressait pas. Ce n'était pas ce qu'il voulait.
Il avait regardé la lumière diminuer, plonger dans l'obscurité les wadaiko. Il avait tout juste deviné le départ de Kurona et aperçu du coin de l'œil le petit manège du batteur et Asa arriver. Il avait à peine regardé Machiya passer devant lui et s'avancer sur le devant de la scène. Là, ça l'intéressait.
Et maintenant ?
Il restait accroché à l'estrade centrale, juste devant le public. C'était la meilleure place. Les actes du fantôme ne l'intéressaient pas. Seuls comptaient les mouvements du bassiste et du guitariste. Il ne ratait pas un seul de leurs gestes. Difficile lorsque les deux musiciens se séparaient, lorsqu'ils étaient chacun sur une petite estrade, à chaque bout de la scène. Mais lorsqu'ils étaient tous les deux sur l'estrade centrale... là, c'était le bonheur pour lui. Il dodelinait de la tête, en rythme, comme si celle-ci était l'aiguille d'un métronome. C'était juste qu'il adorait de style de musique. Plus rien d'autre n'avait alors d'importance.
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