L'île était magnifique. C'était la première pensée qu'eut Anaïs en découvrant Olympe. L'île était constituée d'une énorme forêt d'arbres centenaires, où gambadaient des dizaines d'animaux qu'elle n'avait jamais vus. Un cerf aux bois gigantesques surgit, salua le groupe en inclinant la tête et partit. 

Mais le plus impressionnant était l'énorme colline au loin. Elle supportait le poids d'une petite cité sur son dos, ainsi qu'un énorme palais arches élancées. Toutes les constructions étaient en marbre, dans un style grec. Dans les rues, des gens gambadaient, d'autres se servaient sur des étals, et enfin les derniers préparaient ce qui, vu de loin, était une grande fête. Le soleil se couchait, teintant tout ce spectacle de feu. Des lanternes étaient allumées au quatre coins de la ville, malgré le fait que le soleil éclaire toujours les lieux.

- C'est....C'est magnifique ! s'exclama Sarah d'une voix fluette.

- Je rêve ou ce cerf nous a salués ? interrogea Chloé d'un air soupçonneux.

- Il nous a salués, répondit Valentine. En fait, les animaux de l'île sont les réincarnations de celles qui sont mortes sur l'île. Ainsi, elles ne nous quittent jamais. Ce cerf, c'était à l'origine Thais, une des nôtres mortes l'année dernière, au moment de mon arrivée.

- Pile au moment ? demanda Cynthia.

- En fait, à partir du moment où vous arrivez ici, vous avez exactement cent années à vivre sur Olympe. Passé ce délai, vous mourrez. Ainsi, chaque année, cinq personnes meurent et cinq personnes arrivent. Il peut y avoir des exceptions, comme lorsque une des personnes qui vont mourir décident de devenir une Vampire. Mais c'est peu fréquent.

- Pourquoi ? Je veux dire...Ce doit être bien de vivre éternellement, non ? s'enquit Anaïs. A moins qu'il n'y ait un piège...

- C'est ça. Pour devenir Vampire, il faut s'accoupler avec l'une d'elles, et après, la Vampire dévore l'humaine. Neuf mois plus tard, un bébé sort de la Vampire, avec tous les souvenirs de l'humaine, mais...différent. Ces souvenirs sont altérés, comme s'il s'agissait des expériences d'un autre. La plupart des humaines estiment avoir assez vécu après cent ans passés ici, et donc n'éprouvent pas le besoin d'accomplir...ceci.

Elles se mirent en marche, traversant la forêt d'un pas lent. D'autres animaux vinrent les voir : un énorme lézard, nommé Birgit, un scarabée doré, appelé Bianca, ou encore un serpent qui rampait en les fixant paresseusement, que Valentine désigna comme Chitae. A chaque animal, elle donnait son âge, son physique, et tout un tas de particularité. Cette mémoire excellente, en plus du regard intelligent des animaux, mettait Anaïs mal à l'aise. Elle se mit à frotter machinalement ses différentes blessures. Remarquent cela, Cynthia demanda :

- Qu'est-ce que c'est que ces blessures ? C'est le Mage qui t'a fait ça ?

- Non...Je préfère ne pas en parler, si tu veux bien.

- Certaine ?

- Certaine.

Les portes de la ville se profilèrent sous leurs yeux. Grandes ouvertes, une femme, que Anaïs reconnut comme Marie, attendait avec un sourire narquois. Valentine fronça les sourcils, avant de hausser les épaules et de soupirer.

- Qu'est-ce qu'il y a ? interrogea Samantha.

- C'était prévisible...Je présume que notre Vampire préférée ne s'est pas faite prier pour annoncer à tous que un mâle est sur l'île.

Elles continuèrent à avancer. Marie étouffa un petit rire, puis se mit à courir dans les rues de la ville. Le groupe entra sous le regard des habitantes. Le son d'une cloche résonna. Les yeux des gens suivaient Samantha, lourds de haine, de colère. Nouveau coup de cloche. Les habitantes d'Olympe s'agglutinèrent autour du groupe, serrant les nouvelles arrivantes dans un étau. Encore un coup. Un silence immonde  s'étendit sur la ville. Anaïs sentit une goutte de sueur rouler sur sa nuque. L'attente était insupportable, et le regard des gens la transperçait, alors même qu'ils ne la regardaient pas. Elle vit Samantha trembler, Cynthia tapoter ses bras et respirer bruyamment, Sarah regarder les gens d'un regard plein d'incompréhension et Chloé murmurer des choses inaudibles.

Enfin, comme une délivrance, une humaine chuchota :

- Un mâle.

Des cris retentirent. Des cris de colère, d'incrédulité. Les cris se muèrent en hurlements, terrifiants. Une Vampire ramassa une pierre et la jeta sur Samantha, qui parvint à l'éviter avec grand peine. Comme si c'était un signal, de plus en plus d'habitantes se mirent à lancer des objets sur la fille noire. La majorité n'atteignaient pas leur cible, s'écrasants au sol ou sur une autre personne. Anaïs écopa d'une petite pierre sur le front. Des hurlements de partout. La cloche sonnait, porteuse, semblait-il, du glas des nouvelles arrivées.

Et puis, tout s'arrêta. Toutes les habitantes participant à la lapidation s'étaient arrêtées et fixaient un point au-delà du champ de vision de Anaïs. Cette dernière observa ses compagnonnes d'infortune, et put constater que Valentine était la seule indemne. Samantha avait de multiples blessures au crâne et aux bras. Une goutte de sang s'écoulait des cheveux de Chloé et Sarah avait de multiples ecchymoses.

Une femme traversait les rangs des habitantes.  Très grande, elle ne semblait pas avoir plus de trente ans. Elle avait de longs cheveux argentés qui tombaient dans son dos en une longue tresse. Sa robe rouge sang était serrée à la taille par un ruban blanc. Sur sa poitrine se soulevait au rythme de ses pas un pendentif fait d'un rubis encastré dans des fils d'or et de bronze. Des murmures parvinrent à Anaïs :

"La reine....C'est la reine..."

La femme parvint à leur hauteur, et échangea un regard avec Valentine, qui ploya le genou et enjoignit les autres à faire de même. Ces dernières s'exécutèrent de mauvaise grâce en grimaçant à cause de la douleur. La reine promena son regard sur la foule, puis prononça :

- Bienvenue à Olympe. Vous êtes toutes acceptées.