(3) Olympe
Le cœur de Samantha battait à toute vitesse. Il s'écoula plusieurs secondes durant lesquelles on n'entendait que la respiration des prisonnières avant qu'un bruit sourd ne résonne. Les portes s'ouvrirent avec un grand fracas, laissant passer une lumière aveuglante. Un grognement retentit, puis de pas s'approchèrent, et une voix dure empreinte d'une certaine ironie annonça :
- Bienvenue à Olympe !
Les yeux de Samantha s'habituèrent à la lumière, et elle vit une femme semblant avoir vingt-cinq ans. Elle était assez grande, mais il y avait quelque chose d'étrange chez elle, à commencer par ses cheveux argentés, sa peau d'une pâleur mortelle, et surtout ses yeux aux iris sanglants. Elle était habillée d'un uniforme de la garde royale anglaise, et tenait dans sa main un étrange bâton en bois décoré de runes, de glyphes et surmonté d'un petit globe violet. Elle sortit de sa poche un petit couteau et commença à détacher la plus petite des prisonnières, qui la regardait avec de grands yeux. Tout en tranchant les liens, elle grognait :
- Foutu Mage...Il faut vraiment qu'il arrête d'attacher les nouvelles, ou ça va devenir malsain...
Elle continua à marmonner des choses incompréhensibles, mais le plus étonnant était qu'elle ne parlait pas du tout français, mais que Samantha la comprenait sans difficulté. Une fois la petite libérée, la femme la poussa à l'extérieur avec douceur et répéta l'opération sur Anaïs. Pleine de questions, Chloé demanda :
- Qui êtes-vous ? Où sommes nous ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Le Mage, c'est le mendiant avec une patte d'oiseau ? Pourquoi êtes vous si différente ?
La femme interrompit sa tâche, étouffa quelques mots dans son menton, puis répondit :
- Je suis Mary Helen Ophelie Walker, mais vous pouvez m'appeler juste Mary. Vous avez été amenée à Olympe, une île flottant le Mage sait où, où ne vivent que des femmes humaines et Vampires. J'appartiens à cette dernière caste, mais rassurez-vous, je ne bois pas le sang des humains. La seule chose qui nous différencie, c'est la couleur de nos yeux et éventuellement de nos cheveux, ainsi que la pâleur de notre peau, bien qu'encore là ce ne soit pas systématique. Vous apprendrez tout cela plus tard.
- Et le Mage ? Qu'est-ce que c'est au juste ? s'enquit Cynthia.
- C'est une sale engeance...C'est le seul mâle ici, mais on ne peut pas le renvoyer parce que il nous apporte chaque année de nouvelles habitantes. Il ne parle jamais, il disparaît en permanence....
- Il ne parle pas ? Pourtant, je suis certaine qu'il m'a dit des choses....
- Bah ! Si ça se trouve, il s'est simplement amusé ! En fait, je ne sais pas...depuis que je suis là, il n' pas prononcé un seul mot qui n'appartenait pas à une formule... Tant pis !
Tout en terminant sa phrase, elle arracha les liens de Anaïs et lui fit signe de sortir. Elle commença à détacher Cynthia, lorsque Samantha demanda :
- Vous avez bien dit "depuis que je suis là"...Cela fait combien de temps ?
- Hum...J'ai été "enlevée" durant l'année mille-sept-cent-quarante-et-une si je ne m'abuse...Oui, c'est ça !
- Pardon ?! s'exclamèrent en chœur les trois filles.
- Ah...En tant que Vampire, on peut vivre éternellement. Notre reine, Cornélia, atteindra dans deux jours ses trois-mille-deux-cent-vingt-quatre ans, tandis que parmi ses filles, Kylie aura dans deux mois deux-mille-douze ans et Katarina mille-huit-cent-quatre-vingt-dix-huit ans.
- Incroyable...murmura Chloé...
Les cordes qui retenaient Cynthia lâchèrent. Elle se frotta un peu les poignets, puis s'en alla. Le silence retomba dans la boîte de métal. Mary renifla un peu, puis grogna :
- Bizarre...l'une de vous a une odeur bizarre...Au pire, ce n'est pas grave !
- Une question : pourquoi il n'y a que des femmes sur cette île ? interrogea timidement Samantha tandis que la Vampire s'approchait d'elle pour la libérer à son tour.
- Ah ! Une question récurrente ! C'est simple, c'est parce que les mâles sont inférieurs. Ils sont faibles, corruptibles, vicieux, pervers, fous, malsains, abominables...Ce ne sont pas des êtres civilisés, ce sont des bêtes. Des monstres, des....Pardon, je m'emporte...
- Ce ne peut être aussi simple...Il y a forcément du bon comme du mauvais en chacun de nous, sinon le monde serait manichéen au delà de la raison.
- Et pourtant...Voilà ce que sont les mâles...Des êtres manichéennement mauvais. C'est pourquoi cette île a été fondée : pour créer un havre de paix, où aucun mâle ne viendrait corrompre nos esprits.
Les liens cédèrent. Samantha s'étira longuement et douloureusement tout en pensant aux propos de Mary. Si les habitantes étaient toutes ainsi, il lui faudrait redoubler de prudence et de discrétion pour ne pas se faire repérer...Elle sortit de sa prison, et déboucha dans un énorme hangar métallique. En tournant la tête, elle se rendit compte que le chariot dans lequel elle avait été transportée était cabossé de partout. Des plaques métalliques étaient arrachées, et il manquait même une roue. Elle se recentra sur ce qu'il y avait devant elle, c'est à dire une large zone vide. Au milieu se trouvaient deux silhouettes habillées en habit militaires, portant un casque et un bâton semblable à celui de Mary. L'une d'elles tournait autour de Cynthia en entonnant une incantation étrange. L'autre parlait à Anaïs. Enfin, dans un coin se trouvaient Sarah ainsi qu'une petite n'ayant pas l'air d'avoir plus de onze ans. Elle n'était ni maigre ni grosse, et les muscles de ses bras étaient bien développés pour quelqu'un de son âge. Elle portait un T-shirt sans manches ainsi qu'un short court malgré la fraîcheur de l'entrepôt. Les deux enfants parlaient avec concentration.
Samantha arriva à côté de Cynthia au moment où la femme au casque finissait son inspection. Elle fit un geste de la main en invitant la jeune fille aux vêtements déchirés à se mette sur le côté, puis s'adressa à Samantha :
- Bonjour. Laissez-moi me présenter : je suis Hannah Jane Charlotte Newton. Je suis en charge de l'inspection du sexe des personnes arrivant à Olympe, bien que ce soit facultatif étant donné qu'en trois mille ans d'existence, l'île n'a jamais vu un mâle autre que le Mage arriver ici.
La jeune fille à la peau noire se crispa tandis que Hannah Newton se mettait à entonner son incantation. En son for intérieur, Samantha frissonnait. Elle espérait de tout cœur qu'elle en serait pas détectée. Son vœu ne se réalisa pas. Dès qu'elle eut finit, l'inspectrice retira son casque, dévoilant un visage stupéfait. Ses deux yeux écarquillés augmentaient de taille à la même vitesse que sa bouche qui s'apprêtait à pousser un cri de surprise. Et cela ne manqua pas. Samantha, résignée, attendit alors que le verdict se prononçait :
- C'est un mâle !
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