Samantha ouvrit les yeux. Elle paniqua instantanément en se rendant compte qu'elle avait les mains attachées à une barre fixée au dessus de sa tête. Les battements de son cœur s'accélérèrent. Ses yeux s'habituèrent progressivement à l'obscurité, et elle put constater la présence de quatre autres personnes, bien qu'elle ne puisse distinguer leurs traits.

Un choc secoua l'endroit où elle se trouvait. L'un des murs s'enfonça, et Samantha étouffa un cri. Elle ne savait pas ce qui se passait ni pourquoi elle était là, mais de toute évidence les choses n'étaient pas normales. Quelques secondes s'écoulèrent, puis une lumière s'alluma au dessus de sa tête, ce qui lui permit d'y voir plus clair. Elle se trouvait apparemment dans une sorte de chariot en métal. Les quatre autres personnes étaient toutes des filles, et comme Samantha elles avaient leur mains attachées à une barre de métal au plafond. L'une d'elle, qui semblait à peine excéder les dix ans, avait même les pieds qui pendaient dans le vide. La jeune fille à la peau noire détailla chacune de ces compagnonnes d'infortune : en face d'elle se trouvait une jeune assez grande pour son âge, avec de longs cheveux blonds et une paire de grosses lunettes. Samantha grimaça en apercevant les multiples blessures qui constellaient son corps, en se demandant si la créature qui les avait enlevées en était à l'origine. A gauche de la blonde, on pouvait voir un peu dans l'ombre une fille assez menue, aux cheveux châtains coupés court. Elle portait également des lunettes, et était couverte de crasse. Ses vêtements déchirés semblaient presque prêts à craquer. Elle avait l'air de n'avoir pas plus de deux ans de moins que Samantha. A la gauche de cette dernière, il y avait une gamine n'excédant pas dix ans aux yeux légèrement bridés d'une maigreur épouvantable. C'était elle qui pendait à quelques centimètres du sol. Enfin, à droite de la jeune fille à la peau noire était attachée une très grande fille, presque une femme aux cheveux roux, courts et bouclés.

Samantha réprima un cri de douleur lorsque un nouveau cahot ébranla le chariot et resserra la corde autour de ses poignets. Elle attendit quelques minutes, mais aucune des filles présentes ne semblait vouloir se réveiller. Elle tendit alors le pied vers la plus grande, et frotta avec insistance sa chaussure sur la cheville de sa compagnonne, qui se réveilla en sursaut. Elle inspecta en vitesse l'endroit, puis son regard tomba sur celle qui l'avait réveillée. Elle prononça d'une voix éraillée :

- Qui es-tu ? Où sommes-nous ? Qui était cette....chose ?

- En premier, je suis Samantha. Où sommes nous, je n'en ai pas plus d'idée que ce qu'est la chose qui nous a apparemment enlevées.

- Enchantée. Je suis Chloé. Et je pense que nous pourrions converser un peu plus si nous n'étions pas enfermées je ne sais où pour être amenées je ne sais où.

- Tu as l'air de prendre la chose avec calme.

-Je sais que de toute façon, Dieu nous accueillera dans son Paradis.

- Je vois....Eh bien j'ose espérer que ta croyance nous sortira de ce guêpier, répliqua Samantha, sarcastique.

Chloé n'eut pas le temps de répliquer, car un cri de panique surgit de la poitrine de la fille aux cheveux châtains  située devant Samantha. Elle se mit à s'agiter, tenter de se défaire des entraves, le tout en hurlant, mais rien n'y fit. Après une dizaine de minutes de tentatives infructueuses, elle finit par s'arrêter, essoufflée et en sueur. Elle jeta un coup d'œil à Samantha et Chloé, et demanda d'une voix pressante :

- Qui êtes vous ?! Qu'est ce que je fous ici ?! Et...

Un nouveau cahot secoua le chariot, interrompant la jeune fille en pleine phrase. Elle sembla sur le point de vomir durant quelques instants, avant de reprendre contrôle de son estomac. Samantha dévisagea la nouvelle réveillée, puis prononça de la voix la plus calme qu'elle pouvait pour ne pas la stresser encore plus :

- Je suis Samantha, et voici Chloé. Ce que tu fais ici comme ce que nous faisons ici, je n'en ai pas la moindre idée.

- Bon...Moi, c'est Cynthia.

- Est-ce que vous vous souvenez de ce qui vous es arrivé ? s'enquit Chloé.

- Je venais de sortir de chez moi. Il faisait nuit, et je devais aller....je devais aller, répondit la jeune fille noire.

- Quoi ? Tu peux développer ? Qu'est-ce que tu allais faire ? questionna Cynthia.

- Qu'importe. Donc je suis sortie, et au milieu de la rue je suis tombée sur ce...cette chose.

- Personnellement, j'étais chez moi, et je venais de finir ma prière, commença Chloé. Quelqu'un a sonné à la porte. Je suis allée ouvrir, et c'était cette espèce de...truc. 

- Pour ma part, j'étais dans une rue, et il est apparu. Il m'a dit quelques mots, et puis....Et puis voilà, expliqua Cynthia tout en se retenant de paniquer.

Cela aurait été inutile en plus d'improductif, se disait-elle. C'est alors qu'il y eut un nouveau cahot, et un tentacule noir et visqueux traversa le mur de métal. Il remua un peu avant de se retirer. Les filles eurent à peine le temps de voir par le trou une sorte de chemin éclairé dans un océan d'obscurité avant qu'il ne se referme tout seul. Un silence de plomb s'abattit sur les passagers, avant finalement qu'un petit gémissement indiquât que la blonde en face de Samantha s'était réveillée à son tour.

- Qu'est ce que....Qu'est ce que c'était que ça ?! s'exclama Cynthia, au bord de l'arrêt cardiaque.

- Aucune idée...Je crains que l'on ne soit arrivées dans un endroit dépassant notre perception, prononça avec difficulté Chloé, refusant de céder la panique. Peut-être sommes-nous en Enfer...

- Tant pis si on ne comprend pas, ce n'est pas le moment d'essayer de répondre à des questions auxquelles nous ne pouvons pas trouver de réponses, grommela Samantha.

- Peut-être...Excuse-nous de t'ignorer de la sorte. Qui es-tu ? demanda Cynthia à la blonde.

- Heu...Vous d'abord.

- Je suis Samantha, voici Cynthia et Chloé.

- Enchantée. Je suis Anaïs. Quelqu'un à une idée de ce que nous faisons ici ?

- Pas plus que toi, répondit Chloé.

Un nouveau cahot secoua le véhicule. Chacune se tendit, mais aucun tentacule ne surgit cette fois. Un bruit de tonnerre retentit, suivi d'une odeur de chair brûlée. La dernière encore endormie se réveillé, et avant que quiconque n'ait pu parler, elle prononça d'une voix douce et claire :

- Ange de la mort

Ange du Sang

Roi des corps

Roi du blanc

Tu naquis sur une île

Eloignée de tout

C'était en avril

Le sol était boue

Tu passas un accord

Avec les buveurs de sang

Leur ramener de l'or

Par-delà l'océan

Tu découvris un monde

Qui était le nôtre

Il était immonde

C'est de notre faute

Les buveurs, maudits soient-ils

T'ont confié une nouvelle tâche

Ramener cinq jeunes filles

Ils t'ont créé une attache

Ainsi, chaque année

Tu enlevais de nouveau

De pauvres Damnées

Portées par le sirocco.

Un lourd silence tomba sur le chariot. Toutes fixaient la petite avec étonnement. Cela dura plusieurs minutes, puis une secousse eut à nouveau lieu, avant que le véhicule ne s'arrête totalement.