Chapitre 39. Incomplète
✯Luna✯
La musique de Conmigo pulse dans mes oreilles, donnant le rythme à mes foulées. Après avoir fait la boucle autour du parc, je reviens par l'avenue principale de Puerto Madero. L'air est doux et très agréable en ce début de matinée. Les rues sont encore bien calmes et pour cause, il est encore très tôt. L'heure sur l'écran de ma montre connectée affiche sept heures douze. Remontant l'avenue principale, la musique change pour diffuser une chanson de Royce. Les notes de Back it up envahissent les oreillettes, me faisant indéniablement sourire. Lui et moi, on s'est rapproché au cours des derniers jours, mais ma loyauté envers Christopher m'empêche d'aller plus loin avec Royce. Ce qui est absurde, puisque Chris ne semble plus vouloir me donner de nouvelles. Deux semaines se sont écoulées et je n'ai eu aucun signe de vie. Zabdi m'a envoyé quelques petits messages, mais leur emploi du temps était assez serré, c'est sans doute pour ça que Christopher n'a plus tenté de me joindre. Remarque, je n'ai pas essayé de l'appeler non plus. Je pense que lui, comme moi, nous avions besoin de prendre un peu de recul. Le jour où je lui ai annoncé que mes souvenirs au sujet de mon boulot étaient revenus, quelque chose a changé dans ses yeux. La lueur d'espoir que je voyais briller dans ses iris aux couleurs miel s'est éteinte. Et comment lui en vouloir de perdre espoir ? Moi-même, je doute des capacités de mon cerveau à récupérer toutes ces bribes de souvenir qui se sont fait la malle on ne sait où.
Perdue dans mes pensées, au détour de la rue, mon corps percute celui d'une personne. Confuse, je relève la tête dans la direction de cette personne. Mes yeux n'en reviennent pas. Erick me détaille des siens. Avec rapidité, je retire mes AirPods et les range dans la petite poche sur le côté de mon training.
— Erick ? dis-je étonnée. Que... Vous... Vous êtes rentrés quand ? balbutié-je.
— Salut, Luna. Nous sommes arrivés samedi en fin de journée.
— Oh, OK ! réponds-je.
Ma voix est teintée de contrariété. Pourquoi personne ne m'a prévenu ? Serais-je devenu persona non grata ?
— Je suis ravie de savoir que vous êtes rentrés... râlé-je. Pourquoi je ne l'ai pas su ?
— Je n'en sais rien. Christopher ne voulait pas te prévenir.
Sans vraiment savoir pourquoi, cette phrase me fait mal, au simple fait de penser que Christopher puisse m'éviter.
— Y'a-t-il une raison à ça ?
— Il a vu des photos de toi et Royce. Il n'a pas vraiment bien pris la nouvelle. On a essayé de le faire changer d'avis, on lui a dit de t'appeler, mais tu sais comment il est...
— Eh bien, non... justement... je ne le sais plus... grogné-je.
— Merde, désolé ! C'est une vraie tête de mule, c'est d'ailleurs un point que vous avez en commun.
Cette remarque m'arrache un sourire malgré la mauvaise humeur qui s'est soudain abattue sur moi. Savoir que Christopher et moi pouvons avoir ça en commun me fait plaisir.
— Tu veux venir déjeuner avec nous ? me demande mon ami.
— Je ne veux pas vous déranger.
— Tu ne nous déranges pas, puisque je te le propose. Je file à la boulangerie française, nous chercher des croissants.
— Bon d'accord. Je file prendre une douche rapide et je vous rejoins.
— Ça roule !
Erick m'embrasse sur la joue et file rapidement en direction de la boulangerie un peu plus haut dans la rue.
Montant les marches, mes doigts glissent sur l'écran de mon téléphone. Ouvrant la boîte de dialogue commune, j'envoie mon mécontentement à mes amis.
À CNCO's Family
Merci de m'avoir prévenu de votre retour !
J'apprécie le geste !
Bonne journée.
Luna.
La réponse de Zabdi est quasiment immédiate. Il s'excuse, mais m'explique qu'il voulait que ce soit Christopher qui m'annonce leur retour. Ce crétin n'a visiblement pas jugé bon de me prévenir.
Il va m'entendre !
Arrivée dans l'appartement, mes chaussures valdinguent dans un coin du salon et tout en me dirigeant vers la salle de bain, mes fringues volent aux quatre coins de la maison. Tant pis, je rangerai plus tard. Après avoir lancé une playlist de musique française sur mon téléphone, j'entre sous le jet d'eau chaude. Rapidement, je me lave le corps et les cheveux. Sortant de la douche, j'enroule une serviette autour de moi, puis sèche ma crinière brune, avant de la nouer au-dessus de ma tête dans un chignon peu élégant. Dans ma chambre, je passe ma combishort d'intérieur, celle avec les petites fleurs hawaïennes.
Une fois prête, je sors de chez moi et traverse le couloir pour rejoindre l'appartement de ma meilleure ami où Erick m'ouvre.
— Salut ! annoncé-je, en arrivant dans la cuisine.
— Salut, ma belle ! s'exclame ma meilleure amie.
— Désolée de vous interrompre dans votre routine de couple, m'excusé-je.
— Tu n'interromps rien du tout. Erick m'a dit que Chris ne t'avait pas prévenu. Pas cool de sa part.
— Mouais, bon... Je passerais le voir à la villa !
— Aujourd'hui, il n'est pas là. Il est avec Yenny.
Ce prénom résonne en moi comme le vacarme d'un tam-tam. Yenny, son image apparaît clairement dans mon esprit. Ses cheveux d'une couleur flamboyante, proche du rouge, des petits yeux marron rassurants et une bouche toujours dessinée avec un subtil rouge à lèvres bordeaux. Cette femme s'est occupée de moi durant des années, quand mes parents n'étaient pas là. Elle est ce qui se rapproche le plus d'une maman de substitution. Le jour où j'ai quitté Loja, ça a été un déchirement et depuis, je ne l'ai plus revue. Mais pourquoi est-elle avec Christopher ?
— Euh... tu m'expliques pourquoi elle est avec Christopher ? demandé-je perdue.
— Bah, c'est sa mère ! rétorque Erick.
— Haha ! Non ! Yenny n'a qu'un fils, Jonathan. Je sais ce que je dis, c'est mes voisins à Loja, rétorqué-je sûre de moi.
Pourtant le regard que me lance mon ami, m'intime tout bonnement le contraire. Erick me fixe, cherchant visiblement à savoir si je suis sérieuse ou bien si je me fous de sa tête.
— Non, Luna, me dit-il sérieusement. Yenny a deux enfants, Jonathan et Christopher.
Un blanc s'abat entre nous. Les secondes s'écoulent et aucun de nous trois n'ouvre la bouche. Mon cerveau se met à turbiner à trois milles à l'heure. Comment ai-je pu oublier une chose aussi élémentaire ?
— Je... Je... Sers-moi un café, s'il te plait ! finis-je par dire, pour changer de sujet.
Alyana s'exécute, tandis que le regard de son petit ami se fait insistant sur moi.
— Tu ne te souviens toujours de rien au sujet de Christopher ? s'inquiète-t-il.
— Non et je commence à penser que peut-être rien ne reviendra.
— Pourquoi êtes-vous aussi pessimistes tous les deux ?
— Faut se rendre à l'évidence, Erick. Ça va faire deux mois et toujours rien.
— Sois patiente, Luna, intervient ma meilleure amie. Ton infirmière t'a dit que ça pouvait prendre jusqu'à six mois voire même un an avant que tu ne retrouves tous tes souvenirs.
— Je ne suis pas sûr que Chris ait la patience d'attendre jusque-là. Ce que je vais dire n'a pas pour but de te faire culpabiliser, mais je veux seulement te faire état de la situation, me dit Erick.
J'acquiesce pour lui faire comprendre de poursuivre son explication. Au fond, il y a une part de moi qui veut savoir comment cet homme, que j'ai soi-disant aimé, gère cette situation.
— Christopher n'est plus que l'ombre de lui-même. Il est complètement éteint, ne prend plus aucun plaisir à être sur scène ni même avec ses fans. Un peu comme le jour où vous vous êtes retrouvés en fait, explique-t-il.
En disant ça, il se tourne vers Alyana, qui elle, se souvient parfaitement de ce jour-là, alors que pour moi, c'est un nouveau trou noir. Ma meilleure amie s'apercevant de mon désarroi, pose sa main sur la mienne, la pressant avec délicatesse et compassion.
— Quelqu'un de vous est volontaire pour me raconter cette journée ? Chris n'a jamais voulu m'en parler jusqu'à présent, puisqu'il ne voulait pas que le premier souvenir dont je puisse me rappeler, soit celui-ci.
— Il a raison ! affirme Erick. Cette journée marque vos retrouvailles, mais elle ne s'est vraiment pas bien passée. Enfin... vous vous êtes pris tous les deux une claque monumentale en plein visage, ne vous attendant certainement pas à ça.
— Éclaire ma lanterne ! Je suis totalement paumée, Erick.
— Ma belle, je vais te raconter, mais calme-toi. Tu commences à stresser. Rappelle-toi le conseil d'Emilia.
J'avale une grande goulée d'air, pour tenter de calmer le rythme frénétique de mon cœur, puis expire longuement. Une fois que la crise d'angoisse s'estompe, Alyana prend place en face de moi, prenant ma main dans la sienne, puis se lance dans l'explication de cette fameuse journée.
Les minutes s'écoulent, tandis qu'Alyana est toujours en pleine narration. Plus elle me parle de ce jour-là, plus une sensation étrange me noue l'estomac. Une douleur que je n'arrive pas à cerner. Ce récit m'affecte bien plus que je ne l'aurais pensé. Je sens au fond de moi que quelque chose est en train de bouger, comme si un couvercle tentait de s'ouvrir pour libérer le contenu d'une boîte.
— Une fois le concert terminé, le garde du corps nous a conduit derrière. Tu étais une boule de nerf, je me souviens, tu n'arrêtais pas de triturer tes doigts... Un peu comme maintenant en fait...
Un petit rire lui échappe en me voyant faire exactement la même chose que ce qu'elle est en train de m'expliquer.
— Tu ne tenais plus en place, continue-t-elle. Puis les garçons ont fait leur entrée. Ils se sont présentés, tu t'es moquée de moi, car je me suis liquéfiée sur place quand Erick est arrivé pour me dire bonjour.
Le concerner lâche un rire, visiblement ravi d'apprendre une anecdote sur ce jour-là.
— Le dernier à rentrer fut Chris. Je me souviens encore très bien de cet instant. Tu t'es figée à mes côtés et ta respiration s'est complètement bloquée. Lui aussi a eu un temps d'arrêt, mais par la suite, il a commis l'erreur de faire comme s'il ne te connaissait pas. Là, je crois qu'à cet instant, ton cœur s'est brisé en un million de petits morceaux qu'il a fallu que je ramasse.
— Je t'assure que son cœur à lui aussi s'est brisé, mais Pablo l'observait et il ne pouvait pas agir autrement.
Je détaille mes deux amis, mon regard faisant des va et viens entre eux. Ce récit n'éveille en moi qu'une étrange sensation, que je qualifierai de rancœur. Un certain goût amer enveloppe mon palet, mais les souvenirs restent inexistants.
— Pourquoi je n'arrive pas à me souvenir, Alyana ?
À cet instant, un mal être s'empare de mon corps et c'est plus fort que moi, je fonds en larmes dans les bras de ma meilleure amie.
— J'ai l'impression de ne pas être complète, pleurniché-je.
— Que veux-tu dire ?
— J'ai la sensation qu'une part manque à mon âme... Comme si, je ne vivais qu'à moitié.
— Il te manque, lui, tout simplement. Vous formiez les deux moitiés d'un tout et depuis ton accident ce tout a explosé, faisant de vous de parfaits étrangers. C'est normal que tu te sentes incomplète, puisque Christopher faisait de toi la Luna que tu étais avant ce soir-là.
L'étreinte de ma meilleure amie se resserre autour de moi, m'enveloppant dans un cocon réconfortant. Ma tête dans son cou, je laisse sortir la pression. Mon cœur me fait mal. Il faut que j'arrive à discuter avec Christopher. Nous devons parler. Je dois tenter de faire ressurgir mes souvenirs. À la façon dont me parle Aly, j'aimais cet homme et je veux l'aimer encore. Aujourd'hui, plus que jamais, je veux le retrouver. Il est la clé qui ouvrira le verrou de mon âme.
Une heure plus tard, mes larmes se sont enfin taries. Erick a quitté l'appartement, une demi-heure plus tôt, pour rejoindre les garçons. Je n'ai pas tout suivi, mais il s'agissait de faire du tourisme en ville. Assise sur le canapé de ma meilleure amie, mes yeux s'égarent sur mon téléphone, tandis que mon doigt en balaie l'écran faisant défiler les images sur mon compte Instagram. Quand je tombe sur une vidéo de Christopher, qu'un compte fan vient de partager, mon regard se fige sur lui.
Putain de merde.
Il est torse nu. Une simple serviette descend outrageusement bas sur ses hanches et ses cheveux sont encore trempés par l'eau de la douche. Mon rythme cardiaque s'accélère malgré moi, alors que mes dents viennent mordre ma lèvre inférieure.
Il fait chaud tout à coup.
— Tu vois qu'il te fait encore de l'effet ! se moque ma meilleure amie.
— Bah avouons-le, il est carrément trop sexy ! ris-je.
— Et c'est tout ? Il n'y a rien de plus.
— Qu'est-ce que tu voudrais qu'il y ait de plus, Aly ? Je suis totalement perdue à son encontre...
— Allez, ma belle, ça va aller. Demain, tu iras le voir et vous discuterez. Quelque chose finira bien par remonter à la surface.
— Je l'espère, soupiré-je.
C'est tout ce que je demande.
Hola ♥️
Comment allez-vous mes petits pandas ? 🐼
Luna commence à ressentir des choses pour Chris, disons qu'elle n'est plus totalement indifférente aux charmes de notre bel Equatorien ♥️
Bisous à mercredi 😘❤️
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