Chapitre 4
Lorsque Kageyama arrive à Karasuno ce matin-là, Hinata ne manque pas de remarquer son expression plus sereine, ni d'en deviner les causes.
-Alors, ton voisin et toi ? Ça y est, c'est officiel ?
-Pas après quelques heures, soupire Kageyama. Mais enfin, oui, ça y est.
Hinata affiche un grand sourire à cette nouvelle, et lève les pouces :
-Je suis content pour toi ! J'espère qu'il arrivera à te supporter !
Kageyama lui lance une gomme qui traîne sur son bureau, et Hinata l'esquive en riant.
-C'est moi qui dois le supporter !
-Pourquoi ça ? Il ne s'intéresse pas aux enquêtes ?
-Pas le moins du monde.
-Ce n'est pas plus mal, remarque Hinata. Ça va t'aérer un peu l'esprit, comme ça !
Il pianote un instant sur le clavier de son ordinateur, puis ajoute plus bas :
-Ceci dit, j'avoue que j'y pense beaucoup aussi, en ce moment. Le piège, tout ça... C'est la première fois qu'on planifie quelque chose de cette envergure.
-Après-demain, murmura Tobio. On saura ce qu'il en est de ce fameux cambrioleur.
Ils demeurent pensifs tous les deux. La journée s'écoule paisiblement, jusqu'au milieu d'après-midi ; le téléphone de Hinata sonne, et il se hâte de décrocher. Il écoute pendant une minute environ, les yeux dans le vague, puis remercie et raccroche. Il paraît débordant d'énergie, tout à coup, et s'exclame :
-On a notre homme ! Un de nos espions vient de me dire que Miya Atsumu a quitté le Kansai pour remonter vers la capitale. Et où est le musée ciblé ? Ici, dans la capitale !
-Attendons encore un peu, marmonne Tobio qui ne partage pas son enthousiasme. Il peut avoir des dizaines de raisons d'aller à Tokyo.
-Dont celle-ci, insiste Hinata. Tout colle, jusqu'ici, la personnalité, le mode opératoire, et il semble mordre à l'appât.
Les yeux de Kageyama se plissent légèrement. Miya semble être le coupable idéal... Il laisse ses hypothèses de côté, sachant que la réponse viendrait le surlendemain ; inutile de se torturer l'esprit aussi près du dénouement.
Il est déjà impatient en rentrant chez lui, ce soir-là ; mais peu à peu, c'est la hâte de retrouver Oikawa qui supplante celle de faire avancer l'enquête. Une fois chez lui, il ôte son manteau et ses chaussures, et décide de préparer un peu son appartement avant que son voisin n'arrive. Il passe un coup de balai, fait sa vaisselle, refait le lit : les draps étaient complètement arrachés après leur nuit. Cette pensée lui tire un sourire involontaire, qui s'efface lentement.
Il y a une chose qui le surprend chez Oikawa. Lui qui se raccroche à Tobio, qui sollicite constamment son attention, qui est toujours à bavarder et à se plaindre ; lui si léger au quotidien, devient pourtant dans leurs moments plus intimes celui qui décide, celui qui agit, celui qui domine. Tobio s'était attendu à remplir ce rôle, au vu de leur relation habituelle, mais leur première nuit s'était enchaînée avec tellement de fluidité qu'il n'avait pas eu l'occasion, ni vraiment la conscience, de prendre les choses en main.
Il est loin de s'en plaindre, par ailleurs. Il a d'abord été perplexe face à cette petite incohérence dans le comportement d'Oikawa, futile et tout à coup dominateur ; puis il y a trouvé son compte en se disant que finalement, son nouveau petit-ami ne se résume pas à son apparence et ce qu'il veut bien montrer, et que cela témoigne simplement d'une personnalité plus complexe, ce qui ne déplaît pas à Tobio. Enfin, il a cessé d'y penser : l'important est que c'était extrêmement attirant, et il se soucie peu du déroulement des choses tant qu'ils y prennent tous les deux du plaisir.
Ses pensées sont interrompues par Oikawa, qui frappe à la porte. Tobio lui ouvre, et se fait aussitôt assaillir par une pluie de baisers. Sans nul doute, Oikawa est très démonstratif, et si Kageyama marmonne un peu par convention, il ne peut pas s'empêcher d'en rougir.
-Tobio-chan, déclare Oikawa en lui prenant les mains. Est-ce que tu voudrais venir manger chez moi ?
Cette proposition étonne un peu l'inspecteur, habitué à recevoir chez lui, jamais d'être invité chez son voisin de palier. En même temps, il est tout à coup dévoré par la curiosité de savoir à quoi ressemble l'appartement d'Oikawa, espérant trouver dans son intérieur des éléments de plus pour comprendre qui il est.
Ils y sont en quelques pas. Oikawa ouvre la porte, puis s'efface, laissant Tobio apprécier sa 0décoration. L'agencement et les proportions des pièces sont les mêmes dans tout l'immeuble, remarque d'abord Tobio. Il est presqu'étonné de découvrir un salon confortable et élégant, et le reste de l'appartement à l'identique, tout étant meublé avec soin et avec goût. Il remarque surtout la propreté impeccable des lieux ; pas un bibelot qui traîne, pas une poussière sur les étagères, pas une miette sur la nappe.
Il est impressionné des talents d'Oikawa à s'occuper de son intérieur. Il l'imaginait beaucoup moins ordonné, pour ne pas dire bordélique ; avec des magazines et des DVDs un peu partout, des posters couvrant les murs. Mais force est de constater qu'il n'en est rien, et le tout dégage une impression d'élégance et de propreté plus qu'agréable. De richesse, aussi, songe Tobio lorsqu'il passe devant un immense home cinéma, et il retient sa langue.
-Voilà, c'est mon humble chez-moi, sourit Oikawa en ouvrant les bras.
-Et tu restes ici toute la journée ? demande Tobio.
-Oh, ça dépend des jours. Je vais me promener et faire mes courses, si tu veux tout savoir.
Kageyama détaille la chambre ; un grand lit aux couvertures tirées, un bureau sur lequel est posé un ordinateur portable ; quelques tours en plastiques dans un coin, une bibliothèque remplie, des étagères où alternent plantes grasses et petits objets, la plupart probablement des souvenirs de voyage. Au sol s'étale un large tapis à motifs, dont Tobio n'ose pas imaginer le prix.
-Tes parents t'ont aidé à t'installer ici ? ose-t-il finalement, curieux.
-Hm ? Un peu. Comme tout jeune adulte, je suppose.
Kageyama aimerait demander où il trouve l'argent pour se meubler ainsi et lui offrir des verres, mais a peur d'aller trop loin et d'être indiscret. Ses parents sont peut-être très riches ; ou bien il a gagné à un jeu d'argent, ou bien touché un héritage. Ou alors il a des activités louches, songe-t-il en souriant ; sourire complaisant, issu à la fois d'une formation poussée à détecter les délinquants, et de l'idée risible d'un Oikawa dealer de drogue.
Il patiente dans le salon pendant qu'Oikawa s'affaire en cuisine, bouche ouverte devant la qualité de l'image et du son du home cinéma. Il a l'impression que seulement quelques secondes se sont écoulées entre le moment où il s'assied dans le canapé en cuir noir et celui où Oikawa lui met son assiette dans les mains ; rien de trop sophistiqué, avait-il averti, mais même dans sa façon de faire des pâtes, il y avait un petit quelque chose en plus. Probablement avait-il, lui, les moyens d'ajouter de la crème, des herbes aromatiques et un jaune d'œuf, au contraire de Tobio et de ses pâtes nature.
Pendant qu'ils mangent, son cerveau reprend un peu de service. Oikawa ne cessera jamais de l'étonner, songe-t-il, entre l'entretien parfait de son appartement et ses talents de cuisinier. Et ces nouvelles découvertes positives lui font penser que même si son cœur avait choisi de ne pas donner une chance à leur couple, peut-être, à force, sa raison l'y aurait-elle poussé.
-Tobio-chan, dit soudain Oikawa.
Ils ont terminé de manger, à présent, ont posé leurs assiettes sur la table basse en verre. Kageyama se tourne vers Oikawa, appréciant la manière dont il prononce son prénom –oubliant qu'il détestait cela quelques semaines plus tôt.
-Tu sais, je n'ai jamais eu besoin de rien, confesse Oikawa à voix basse, sans vraiment le regarder. Tout ça, c'était juste pour avoir une raison de t'approcher... De devenir ton ami, et plus si possible. Maintenant qu'on y est, il n'y a pas de mal à ce que tu le saches. J'espère que tu ne m'en veux pas.
-Pas de problème, répond lentement Tobio.
-Si tu veux tout récupérer, tout est encore là. Tes couverts, ta vaisselle, tes vêtements, les piles pour la télécommande, les ampoules, les-
-Ça va, ça va. Je les reprendrai petit à petit.
Il est flatté qu'Oikawa ait établi une stratégie juste pour le voir, comme il avait vaguement imaginé dans ses rêveries les plus égocentriques. Il espère que sa physionomie trahit la joie douce qui l'envahit, le confort dans lequel il est, là, le ventre plein dans un bel appartement, à côté de son petit-ami qui semble prouver à chaque nouvelle minute sa vraie valeur et la chance qu'a Tobio de l'avoir.
-Tobio-chan, dit à nouveau Oikawa.
Son sourire est assuré, mais ses yeux trahissent une légère appréhension. Il semble vouloir commencer une phrase, s'interrompt et reprend :
-On sort, ce soir ?
Kageyama accepte.
Il ne saurait pas exactement retracer leur parcours, de bar en bar, des shots aux cocktails et de nouveaux aux shots. Le monde a progressivement sombré dans un flou indistinct et indifférent. Ils sont entrés dans ce qui semble être une boîte de nuit, vaguement conscients de la masse humaine qui s'agite autour d'eux au rythme de la musique, tellement forte que les basses font vibrer leurs cœurs ; les lumières multicolores balayent la foule, tournent et clignotent, les lasers les éblouissent parfois. Et dans tout ce chaos, trop de bruit pour entendre, trop d'alcool pour comprendre, sans rien voir qui ne soit flou, Tobio sent le corps d'Oikawa contre le sien, sent la chaleur de son souffle sur ses lèvres, la morsure de ses baisers dans son cou.
Il sait que ce qu'il fait est irraisonnable. Il est un inspecteur réputé, le plus doué de sa génération, sur la piste d'un cambrioleur exceptionnel. Il n'a pas à sortir en boîte aussi tard, pas à boire autant d'alcool, pas à coucher avec son voisin de palier. Il sait qu'Hinata ne voulait pas dire cela en parlant de s'aérer l'esprit de l'enquête. Mais la musique l'emporte ; la bière déborde de son gobelet et coule sur ses doigts, Oikawa les met dans sa bouche.
Les lumières aveuglent ses yeux clairs, bleues puis rouges puis vertes, trouent l'obscurité de la salle comme des éclairs, et les éclats éphémères révèlent autour d'eux la foule qui danse. Mais lui n'a d'yeux que pour Oikawa, pour son sourire essoufflé, pour sa chemise qui colle à sa peau, pour ses doigts qui courent sur son corps comme s'ils étaient seuls ; et lorsque leurs regards se rencontrent, il dit sans réfléchir :
-Je t'aime. Je t'aime, Oikawa.
La musique est sans doute trop forte pour que son voisin l'entende, mais il a dû lire sur ses lèvres, car il l'embrasse aussitôt. Le baiser lui paraît long et tendre et infini, comme si plus rien n'existait hors d'eux, ni les gens qui les bousculent, ni le sol collant, ni les cris ponctuels à un creux de la musique. Il ne sait plus s'ils s'embrassent ou s'ils dansent, pris dans un tourbillon de flashs et de basses, de figures inconnues et d'Oikawa, Oikawa, Oikawa-
Quand il se réveille le lendemain matin, c'est dans le lit de son voisin et petit-ami. Il émerge lentement, désireux de rester sous la couette, la tête dans les oreillers. Puis la pensée subite lui vient qu'ils sont en semaine, et qu'il doit se rendre à Karasuno pour peaufiner les plans du piège pour le lendemain. Il sursaute, soudain bien réveillé; mais son état alerte ne le protège pas de la migraine qui lui vrille le crâne dès qu'il se redresse.
-Bonjour, Tobio-chan. Bien dormi ?
Oikawa est assis au bord du lit, le nez dans un magazine quelconque.
-Trop, répond Kageyama en prenant sa tête dans ses mains, grimaçant.
Il reste immobile quelques instants, essaie de se souvenir de la soirée de la veille, n'y parvient qu'à peine. Il entend comme amplifié le bruit que fait le verre qu'Oikawa pose sur la table de chevet à côté de lui, accompagné par un cachet d'aspirine bienvenu.
-Quelle heure il est ? demande-t-il enfin.
Il se retourne pour voir son petit-ami assis à côté de lui, l'air un peu plus frais. Les yeux d'Oikawa sont cernés, et Tobio préfère ignorer le suçon frais qu'il aperçoit à moitié dissimulé par son col.
-Il est onze heures.
A l'air paniqué qui se peint sur le visage de Kageyama, Oikawa se justifie :
-On n'a dormi qu'à sept heures du matin, tu sais ! Je n'allais pas te laisser aller travailler après une nuit blanche, quand même ! Surtout après ce genre de nuit !
Tobio soupire et se laisse retomber dans le lit. Depuis quatre années qu'il travaille à Karasuno, il n'a jamais manqué un jour, n'est même jamais arrivé en retard. Hinata doit probablement être en train de paniquer à penser que le cambrioleur l'avait attaqué. Il s'en veut de s'être égaré de la sorte.
-J'irai pour cette après-midi, dit-il défait. Je ne peux pas me permettre de louper un jour comme ça.
Oikawa hoche simplement la tête, puis lui demande ce qu'il veut manger.
Lorsqu'il arrive enfin à l'agence, Kageyama se sent la cible des regards de ses collègues. Il se hâte de rentrer dans son bureau et d'en fermer la porte, même s'il n'est que trop conscient qu'il vient de s'enfermer avec celui qui sait le mieux lire dans son jeu : son coéquipier. Hinata le regarde avec des yeux ronds, mais semble soulagé :
-Tu ne répondais pas ! l'attaque-t-il tout de suite. J'ai eu peur ! Bakageyama, va ! J'ai cru que-
-Que le cambrioleur s'en était pris à moi ?
-Exactement !
Hinata a la mine boudeuse, mais ne peut dissimuler un demi-sourire.
-Il ne m'a pas encore trouvé, marmonne Tobio en saisissant un paquet de feuilles. Mais nous, demain –c'est nous qui allons le trouver.
Il espère ainsi ramener l'attention de son collègue sur leur enquête et le travail qui leur reste, mais Hinata ne semble pas avoir la mémoire si courte.
-Qu'est-ce que tu avais, ce matin, alors ? Tu étais malade ?
-Oui, c'est ça, ment Tobio.
-Parce que tu es sorti avec ton voisin, encore ?
-C'est... Oui, mais...
-Et il t'a encore fait boire ?
Kageyama croise les bras, sur la défensive, mais Hinata semble plus amusé qu'autre chose.
-Je me demande à quoi tu ressembles, une fois que tu laisses tomber cette barrière de sérieux, murmure Shouyou.
-Tu ne veux pas savoir, tranche Tobio.
-C'est bon, c'est bon, plaisante son coéquipier. Ça arrive à tout le monde de ne pas assumer une soirée. Maintenant que tu es là, on peut regarder les plans du musée pour essayer de savoir où placer nos caméras indépendantes.
Ils s'y consacrent toute l'après-midi, prêts à faire face au cambriolage le lendemain dans la soirée. L'appréhension monte petit à petit, et Kageyama a toutes les peines du monde à se concentrer sur les vidéos stupides qu'Oikawa décide de lui montrer le soir même. Tobio lui est presque reconnaissant de ne pas sortir ; mais il a comme l'impression que son temps aurait été mieux employé à revoir encore et encore les plans du musée.
Ils sont côte à côte dans le lit de Kageyama, sur son ordinateur. Tobio peut à loisir examiner la physionomie d'Oikawa, absorbé par la vidéo ; ses yeux bruns où se reflète l'écran, fixes et captivés, ses mains jointes, les différentes expressions de son visage. A ce moment, il répond tout à fait au portrait presque caricatural du mec futile que Tobio lui avait attribué ; comment, songe-t-il, comment deviner que cet homme tellement ravi devant une vidéo débile est en fait un dominateur aux multiples talents ?
Il n'a pas le temps de penser beaucoup plus loin puisqu'aussitôt la vidéo finie, ledit dominateur semble justement vouloir faire part de ses talents. L'ordinateur finit posé au sol, sous un sommier qui grince ; au-dessus, Kageyama allongé sur le dos, les poignets maintenus de part et d'autre de son visage par des mains plus fortes, la tête renversée en arrière et les yeux fermés, savourant plutôt que subissant les assauts répétés d'Oikawa sur son corps.
Ce n'est pas comme si cette relation était de tout repos, songe-t-il plus tard, le nez dans le creux de l'épaule d'Oikawa, et une main qui lui caresse lentement les cheveux. Faire l'amour ; sortir, faire l'amour ; sortir, boire, faire l'amour ; il commence à sentir les séquelles d'une activité physique aussi intense et quotidienne, mais se trouve incapable de résister sur le moment.
Il n'a jamais vraiment voulu chercher plus loin, par ailleurs. Kageyama ne se considère pas comme le plus grand des romantiques. Toujours le nez dans ses enquêtes, il est en général trop occupé par son travail pour penser aux petites attentions qui sont censées maintenir un couple soudé. Mais il se rend progressivement compte qu'il pense beaucoup à Oikawa, et que ce dernier, en maintes occasions, parvient même à lui faire oublier l'enquête ; et il est bien conscient que cet attachement, s'il est surtout passionnel, ne se résume pas qu'à ça.
Le lendemain, c'est le branle-bas de combat à Karasuno. Le cambriolage est imminent ; la parure est arrivée dans le musée prévu, conservée au centre d'une vaste pièce dont elle est l'unique objet. Kageyama est convaincu que le voleur frappera le premier soir pour impressionner les foules et la presse, et rire au nez de la sécurité.
Tout est prêt. La puce est sertie dans le collier, sous un des rubis, et totalement insoupçonnable ; le système d'anti-intrusion est à peu près le même que lors du cambriolage précédent. Les caméras du musée sont toutes reliées entre elles, et dépendent aussi de l'alimentation d'énergie du musée les lumières et les lasers de détection. Une dizaine de gardiens font une ronde régulière, de sorte à ce que la salle de la parure soit visitée une fois toute les cinq minutes ; ils ne sont pas armés, et ne disposent que d'une lampe de poche et d'un talkie-walkie.
Kageyama et Hinata ne s'arrêtent pas une minute, entre les coups de téléphone au musée, à la police, aux services de sécurité ; ils révisent une énième fois tous leurs plans, les caméras indépendantes placées aux endroits stratégiques et qui, elles, ne seront pas atteintes si le voleur coupe toute l'alimentation d'un coup, espérant récupérer un cliché comme la dernière fois.
Ils se rendent sur place pour vérifier que tout est bien installé, puis, comme leur journée réglementaire est terminée depuis longtemps mais qu'ils sont incapables de s'éloigner de ce lieu où, ils le savent, va pénétrer le cambrioleur, ils décident de manger en ville à proximité. Ils gardent contact avec la police par téléphone, de toute façon, et devraient être les premiers informés si quelqu'un entre ou sort du musée, et si le traceur indique que la puce -et donc la parure- est en train de bouger.
La nervosité se trahit dans tous leurs gestes. Ils parlent peu, se regardent peu, leurs yeux régulièrement portés sur la vitre au-dehors. L'heure de prédilection du cambrioleur, ils le savent, est autour d'une ou deux heures du matin, et il est à peine dix heures du soir. Le musée est fermé depuis longtemps, et ils distinguent, de leur restaurant, la silhouette sombre du bâtiment qui se découpe sous la lumière orangée des lampadaires entrecoupée de quelques flocons de neige.
L'attente est longue. Ils savent qu'ils ont tout planifié, tout revu, tout pensé, mais le cambrioleur les devance toujours de peu. Et s'il avait un instrument pour révéler la présence d'une puce dans la parure ? songe Kageyama, incapable de se concentrer sur son dessert. Et si les choses tournaient mal cette fois ? Mais non, il n'y a aucune raison que ça arrive...
L'angoisse est insoutenable alors que les minutes passent. Kageyama ne tient plus de savoir que le cambriolage est probablement sur le point d'arriver, et qu'il ne peut pas intervenir, seulement laisser faire pour en tirer les conclusions ensuite. La pensée que le mystérieux cambrioleur est là, juste dehors peut-être, le fait vibrer ; son rival absolu, son Némésis, le seul, entre tous les criminels, à qui il reconnaisse une intelligence supérieure et une technique impeccable.
Alors qu'on approche de minuit, et qu'Hinata est parti régler l'addition, Kageyama voit trois voitures de police passer en trombe et filer vers le musée, gyrophares allumées et sirènes hurlantes.
Quelque chose ne va pas.
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