Chapitre 6 - 5eme brigade
- Bonjour, Komuro.
Le cuisinier de l'ambassade la salua respectueusement alors qu'elle passait devant lui en sautillant. Elle avait beau être plus jeune, elle était fille d'ambassadeur, et tous les employés la traitait avec respect. Elle n'y portait pas vraiment d'attention. Depuis son enfance, tout le monde la traitait presque comme si elle était une princesse. Même si en France, son père n'avait pas la position d'ambassadeur, il possédait une place importante dans le gouvernement en tant que diplomate, et futur ambassadeur au Japon.
Elle savait parfaitement que ce traitement de faveur n'était pas une norme, elle n'ignorait pas qu'elle était privilégiée. Mais même si elle aurait voulu le changer, elle n'y pouvait rien. On ne choisissait pas son ascendance.
Comme toujours, elle attrapa son bento, posé sur le comptoir, et une pomme.
- Vous êtes sûrs que vous ne voulez rien de plus, mademoiselle ?
Elle secoua la tête en glissant le bento dans son sac, un léger sourire aux lèvres. Komuro venait de lui parler en français, avec un fort accent, même s'il savait qu'elle parlait parfaitement le japonais. Beaucoup d'employés de ses parents s'efforçaient d'utiliser cette langue.
Cela la faisait sourire. Régulièrement, il arrivait qu'un fasse une faute, elle le reprenait donc. Toujours avec le sourire et bienveillance, elle leur expliquait avec attention où il y avait une erreur et pourquoi.
- Non merci, mais c'est gentil de proposer.
En sortant de la pièce, elle tomba nez à nez avec sa mère. Elle posa furtivement ses lèvres sur sa joue et s'empressa de sortir de l'ambassade.
Elle avait traîné ce matin-là, et si elle arrivait en retard, elle ne voulait pas subir les remontrances de Baji. Cependant, c'était de sa faute, et elle ne manquerait pas de le lui rappeler. Elle avait passé une heure à chercher son cahier d'histoire, avant de se remémorer qu'il lui avait piqué la veille pour copier ses cours, sans lui rendre.
En sortant, elle frissonna légèrement et resserra sa veste. L'hiver arrivait, et avec lui, le froid et les temps gris. Elle n'aimait pas les nuages, cela la déprimait !
Elle croqua dans sa pomme en empruntant le chemin qu'elle connaissait à présent par cœur. Après avoir jeté un regard derrière elle, vérifiant que ses parents ne pouvaient pas la voir, elle se faufila dans la petite ruelle adjacente à l'ambassade.
Baji était déjà là, appuyé contre sa moto, il pianotait sur son téléphone.
Quand il l'entendit arriver, il leva les yeux, et lui sourit. Un sourire lumineux, qu'il lui offrait quotidiennement depuis plusieurs mois.
- Bonjour, toi. J'ai failli attendre.
Elle leva les yeux en attrapant habilement les clés qu'il lui laissait.
- Je trouvais plus mon cahier d'histoire... Avant de me rappeler que...
Fièrement, Baji le sortit de son sac et lui tendit.
- Il est là !
Elle le lui arracha des mains rageusement avant de le glisser dans son sac.
- Oui, après avoir retourné ma chambre, je m'en suis souvenue...
Elle grimpa sur la moto et glissa la clé à l'intérieur avant de faire rugir le moteur, le sourire d'une gamine aux lèvres. Elle ne s'en laisserait jamais.
- Tu es sûre que tu veux conduire ce matin ?
Elle leva un regard interrogateur vers le jeune homme.
- Oui, pourquoi ?
- T'as jamais conduit dans le froid. Je voudrais pas que tes mains engourdies te gênent.
Surprise, elle posa son regard sur ses mains et replia ses doigts, avant de les déplier, plusieurs fois de suite. Il n'avait pas tort, le froid engourdissait ses muscles. Elle fronça les sourcils, mais avant qu'elle n'ait pu répondre, elle le sentit s'asseoir derrière elle et enlacer sa taille.
- Je peux te réchauffer, si tu veux.
Elle sourit vaguement en sentant le souffle chaud de Baji contre sa nuque. Il déposa un chaste baiser dans son cou, et elle ferma les yeux, parcourue de frissons. Cependant, ils n'étaient en rien dû au froid.
Cela faisait huit mois qu'elle avait emménagé ici. Huit mois qu'elle connaissait Baji et le voyait presque quotidiennement. Pourtant, leur relation n'évoluait pas. Ils étaient amis, et se comportaient comme tels devant les autres. Même si parfois, ils se tenaient la main ou se comprenaient d'un simple regard, ils étaient toujours amis. Au grand dam de Nokoa, qui avait épuisé son stock de sous-entendus depuis longtemps.
Cependant, quand ils se trouvaient rien que tous les deux, ce qui arrivait régulièrement, Baji se montrait plus entreprenant, sans pour autant dépasser les limites. Ils ne parlaient jamais de leur relation, et n'en ressentaient pas le besoin, pour le moment, cela leur convenait parfaitement.
Gaby avait pris du temps à comprendre ses sentiments. À dire vrai, elle n'était pas sûre de parfaitement les comprendre encore aujourd'hui. Elle était amoureuse de Keisuke Baji, il s'agissait d'une certitude. Mais elle ne savait pas depuis quand, elle possédait l'impression que cela avait toujours été le cas... depuis leur première rencontre. Un coup de foudre ? Elle n'y croyait pas, et pourtant, tout semblait aller dans ce sens.
Elle se tourna à demi vers le jeune homme et pencha la tête avec une moue de reproche.
- Tu vas me déconcentrer...
Il rit et resserra sa prise autour de sa taille.
- J'assumerais l'entière responsabilité de notre accident. Juste, fais attention de ne pas abîmer ma bécane.
Elle secoua la tête et se reconcentra devant elle en démarrant la moto. Mais avant qu'ils n'atteignent la rue, elle sentit de nouveau le souffle du jeune homme contre sa peau.
- Et sa jolie conductrice... glissa-t-il au creux de son oreille. Je m'en voudrais si ce magnifique corps était abîmé par ma faute.
Elle sourit, mais ne fit aucune remarque en restant concentrée sur la route. Elle n'était pas encore assez à l'aise au volant d'une moto pour se permettre de se laisser distraire... Aussi attrayante et séduisante sois cette distraction.
***
Depuis plusieurs mois, un quotidien s'était instauré. Un quotidien banal, mais parfait aux yeux de Gaby. Elle ne pouvait imaginer une routine plus idéale. Tous les matins, elle rejoignait Baji dans la ruelle non loin de l'ambassade pour aller en cours, la plupart du temps, il la laissait conduire sa moto. Ce qui avait grandement étonné leurs amis, Baji ne permettait à personne de toucher sa bécane. À l'exception de Gabrielle.
Elle passait sa journée en compagnie du jeune homme et de Nokoa, puis après les cours, ils allaient au dojo. Gaby s'était beaucoup améliorée, à présent, elle pouvait presque rivaliser avec Nokoa. Même si d'après ses dires, la jeune japonaise n'avait jamais été très douée dans cet art, elle félicitait tout de même Gabrielle pour ses progrès en quelques mois.
Mais tout cela semblait naturelle à Gaby. Elle avait complètement oublié sa vie passée en France, sa vraie vie se trouvait à Tokyo.
Il n'y avait qu'un seul jour par semaine où ils n'allaient pas au dojo, et même si Baji avait traîné des pieds et râlé au début, à présent, il était le premier à courir dans le parc après les cours le vendredi soir. Il appréciait ses moments privilégiés avec Gaby, ses cours particuliers. Elle prenait toujours le temps de tout lui expliquer avec une facilité déconcertante, patience et bienveillance.
Depuis qu'ils avaient commencé ce petit rituel, les notes du jeune homme s'étaient nettement améliorées. Certes, il ne serait jamais le premier de la classe, et pas non plus dans les bons élèves, mais à présent, il jouissait d'une moyenne convenable.
La première fois qu'il avait ramené ces notes à sa mère, le lendemain, il annonçait la nouvelle à Gaby. Elle ne l'avait jamais vu aussi heureux. Son sourire lui gonflait le cœur, et désordonnait son rythme cardiaque.
Ce jour-là, elle avait compris, elle l'aimait. Et elle ferait tout pour revoir ce sourire, encore et encore. Mais ce sourire, il lui offrait maintenant quotidiennement. Pourtant, à chaque fois, elle sentait son cœur s'envoler, et des papillons s'emparer de son estomac.
Allongé sur un banc du parc, la tête posée sur les genoux de la jeune fille et un cahier levé au-dessus de ses yeux, Baji lisait attentivement son cours de chimie. Il avait décidé d'essayer de comprendre tout seul, sans l'aide de Gaby, mais c'était peine perdue. Il fronça les sourcils et pencha la tête en relisant pour une énième fois une formule.
Un léger rire s'éleva au-dessus de lui alors qu'il sentit une main caresser délicatement ses cheveux noirs.
Il leva le regard vers Gaby, avec une moue boudeuse, qui le rendait si adorable aux yeux de la jeune fille.
- Tu veux que je t'explique ?
Il hocha la tête.
Une nouvelle fois, alors qu'elle commençait ses explications, il fut hypnotisé par sa voix. Elle aurait pu lui parler de tout et n'importe quoi, de la chose la plus insignifiante au monde ou de la plus fascinante, il s'en moquait. Il l'écoutait.
Quand elle eut fini, il sourit et se redressa.
- Merci ! Je crois que j'ai compris.
Elle sourit, et Baji sentit son cœur louper un battement.
Putain... que lui arrivait-il ? Il ne pouvait pas être tombé amoureux d'elle ? Quand ? Et comment ? Il avait l'impression que depuis qu'il la connaissait, tout se montrait naturel entre eux... Il ne se posait pas de question, c'était ainsi, et point.
Mais à présent, il voulait plus.
Alors qu'elle se reconcentrait sur son cahier et prenait quelques notes, il l'observa attentivement.
Oui, il voulait plus. Il voulait goûter ses lèvres, la serrer constamment contre lui, l'entendre rire, la voir sourire...
Keisuke Baji était amoureux, et même lui fut surpris par cette conclusion. Il entendait déjà les railleries de ses amis. Mais tant pis.
- Gaby ?
Elle releva les yeux et fut surprise en le voyant légèrement rougir. Il s'agissait de la première fois qu'elle le voyait rougir, mais il était si mignon ainsi...
- Tu fais quoi à Noël ?
Elle fut surprise de la question. Pendant un instant, elle réfléchit. Elle passait toujours Noël avec sa famille, et la tradition ne changerait probablement pas cette année. Mais pourquoi lui posait-il la question ?
- Je ne sais pas... Ma mère aime organiser un grand repas généralement.
En voyant la déception dans ses yeux, elle fronça les sourcils, avant qu'une réalisation soudaine lui frappe l'esprit. Au Japon, Noël était la fête des amoureux ! Elle rougit légèrement à son tour et baissa les yeux vers son cahier.
- Tu voudrais faire quelque chose en particulier ?
Baji resta silencieux de longues secondes, avant qu'elle ne le sente se rapprocher d'elle et se pencher à son oreille.
- Tu serais d'accord pour abandonner ta famille, et venir dîner avec moi ?
Elle s'empourpra un peu plus à cette proposition. Il n'était que début novembre, il lui restait quasiment deux mois pour se décider, pourtant la réponse lui semblait évidente.
- Bien sûr !
Baji allait réagir, mais il fut interrompu par son téléphone, qui se mit à sonner brusquement. Il grogna en le saisissant, pourquoi ne l'avait-il pas mis en silencieux ? Cependant, en voyant le nom affiché sur l'écran, il fronça les sourcils.
- Ouais, Draken ? Tu me fais chier là ! Il se passe quoi ?
Gaby ne put entendre la réponse du blond, mais en voyant le visage de Baji se décomposer et la colère naître dans son regard, elle fronça les sourcils.
- Je dépose Gaby chez elle et j'arrive.
Cette fois, elle le vit plisser les yeux et lui jeter un regard en coin, perplexe.
- Très bien. On est là dans dix minutes alors...
Il raccrocha et s'empressa de ranger ses affaires, sous les yeux perdus de Gabrielle.
- Il se passe quoi ?
- Des salauds s'en sont pris à la deuxième brigade, apparemment Mitsuya est dans un sale état, et Hakkai aussi.
Gaby sentit son cœur se serrer, elle ne connaissait pas vraiment Hakkai, ne l'ayant vu qu'une ou deux fois. Cependant, elle appréciait beaucoup Mitsuya. Elle avait passé plusieurs après-midi en sa compagnie avec d'autres membres du Toman et le calme du garçon, si opposé à l'agitation de ses amis, apaisait son esprit.
Elle rangea ses affaires à son tour et se leva.
- Je vais rentrer à pied alors, il faut que t'ailles voir tes amis.
- Nan, l'interrompit Baji en saisissant son poignet. Mikey veut te voir, et ce sont tes amis aussi, ajouta-t-il avec un petit sourire.
Elle sentit son cœur se serrer un peu plus. Il se forçait à sourire, sans doute pour ne pas l'inquiéter, mais elle n'avait aucune peine à voir que l'état de ses amis l'angoissait vraiment.
- Moi ? Pourquoi ?
Il haussa les épaules en se levant et l'entraîna à sa suite.
- Aucune idée. J'arrive pas toujours à suivre les pensées du boss.
***
Appuyée contre la moto de Baji, garée au milieu de celles de ses amis, Gaby observait la porte de l'hôpital. Elle n'avait pas voulu l'accompagner à l'intérieur, elle ne se sentait pas légitime. Certes, Mitsuya était son ami, mais elle ne possédait aucune raison d'aller l'embêter alors qu'il avait sans doute besoin de repos.
Cela faisait maintenant une bonne heure qu'elle se trouvait là, et elle sentait ses muscles s'engourdir de plus en plus à cause du froid. Pourtant, elle ne bougeait pas, l'idée de rentrer chez elle ne lui effleurait même pas l'esprit. Elle voulait savoir comment allait Mitsuya, et plus encore, elle voulait savoir ce qui s'était passé.
Elle ne faisait pas partie du Toman, tout cela ne la concernait en rien, mais quelque chose au fond d'elle la poussait à vouloir savoir et comprendre. Les guerres entre gangs se révélaient être quelque chose de commun dans ce milieu, pourtant, un détail lui semblait étrange. Sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi. Mais elle en était certaine, quelque chose n'allait pas dans cette histoire.
Soudain, Mikey apparut à la porte de l'hôpital, Kazutora sur les talons. Ils portaient tous deux un uniforme noir, mais la veste de Mikey se trouvait ouverte, et laissait apparaître son t-shirt blanc. Elle fronça les sourcils, elle ne l'avait jamais vu porter ce genre de tenue, cependant, elle n'eut aucun mal à comprendre de quoi il s'agissait. L'uniforme du Toman.
Alors qu'ils s'approchaient, Gaby pu discerner sans peine l'expression grave sur le visage du leader. Il ne possédait plus rien de l'adolescent joyeux et enfantin qu'elle connaissait, à cet instant, il dégageait une aura de chef.
Il s'arrêta devant elle et lui adressa un léger sourire.
- Salut.
Elle lui répondit d'un signe de tête alors que Kazutora se planta derrière son chef, une expression toute aussi sérieuse sur le visage.
- Tu sais Gaby, commença Mikey en glissant ses mains au fond de ses poches, depuis ton arrivée, j'ai un sentiment bizarre.
Elle fronça les sourcils, sans comprendre où il voulait en venir. Elle aussi ressentait des sensations étranges depuis son arrivés au Japon, Baji et Nokoa lui avait confié qu'eux également, mais elle ne comprenait pas pourquoi.
- Comme si... reprit le blond. Ta place était parmi nous. Depuis le début.
Elle resta silencieuse, perdue. Qu'était-il en train d'insinuer ?
- Je te force à rien, mais si tu le veux bien, tu as toute ta place parmi la cinquième brigade.
Surprise, elle écarquilla les yeux.
Elle vit Kazutora s'avancer vers elle et remarqua qu'il tenait quelque chose entre les mains, qu'il lui tendit.
Elle le prit en hésitant, et comprit enfin de quoi il s'agissait. Un uniforme noir, brodé de doré.
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