Chapitre 5 - Apprends-moi
- Tu veux essayer ?
Surprise, elle leva les yeux vers Baji, qui lui tendait la main en souriant.
Elle fixa un instant ses pupilles marron, avant de baisser les yeux, soudainement intimidée.
Une sensation qu'elle ne connaissait que trop bien enserra sa poitrine. La peur. La peur de ne pas réussir. De se ridiculiser. De ne pas être à la hauteur. Et si elle les décevait ? Si après cela, ils estimaient qu'elle ne méritait pas d'être leur amie...
Contrairement à eux, elle n'était pas une grande combattante. Elle n'apprenait pas à se battre depuis son plus jeune âge. Au premier mouvement, elle s'étalerait au sol. Lamentablement.
Elle secoua la tête et replia ses genoux contre sa poitrine.
- Non... Je sais pas me battre, je connais même pas la position de base.
- Alors, laisse-moi t'apprendre !
Sans lui permettre de réagir, Baji lui saisit le poignet et la tirant en avant, la forçant à se lever. Gaby se figea en se retrouvant debout. Elle recula de quelques pas en tentant de se détacher de la prise du jeune homme, sans succès.
- Mais... J'ai même pas de keikogi...
- Prends-en un dans le réserve, proposa Mikey en se levant à son tour.
- Eh ! protesta Célia. Pourquoi tu ne me proposes jamais d'en prendre un dans la réserve ?
- Parce que toi, tu es censée en avoir un !
Célia lui tira la langue, alors que Baji lâcha Gaby pour se diriger vers une pièce au fond du dojo. Elle le regarda s'éloigner, une boule au ventre. Il allait vraiment lui enseigner ce sport si fascinant ? Un mélange d'appréhension et d'excitation dansait dans son corps. Elle ne savait pas quoi en penser.
Elle voulait essayer, elle avait envie d'apprendre. Pourtant, cela la terrifiait.
Soudain, une sonnerie retentit, les faisait sursauter. Célia fronça les sourcils en se dirigeant vers son sac. Elle s'empara de son téléphone avant d'écarquiller les yeux.
- Merde... Il va me tuer !
Peu surpris, Mikey ne réagit même pas. Il la regarda du coin de l'œil partir en courant dans les vestiaires et se tourna vers Gaby.
Tandis qu'il commençait à lui expliquer les rudiments des arts martiaux, Célia sortit en courant, changée. Elle attrapa son sac en passant et leur adressa à peine un signe de la main en se dirigeant vers la sortie.
- T'as pas oublié un truc ?
Elle s'arrêta, se tourna vers Mikey et leva les yeux au ciel. De quelques pas souples, elle le rejoignit et déposa un rapide baiser sur ses lèvres.
- Je dirais à Kazu que je suis en retard par ta faute...
- Je suis sûr qu'il te croira, rit-il.
Tandis qu'elle disparaissait du bâtiment, le blond reprit ses explications.
Gaby l'écouta attentivement, tentant de mémoriser le plus d'informations possible. Il lui expliqua le principe des arts martiaux, qu'il ne s'agissait pas seulement de combat, mais aussi de connaître son corps et d'un état mental. Il lista rapidement divers arts et perdit complètement la jeune fille.
Elle n'avait jamais pensé à faire des recherches, alors que cela l'intéressait tellement. À l'instant même, elle avait envie de se baffer pour son manque de curiosité.
Baji ressortit de la réserve à ce moment-là. Il donna un keikogi soigneusement plié à Gaby, et sans un mot, la poussa vers les vestiaires.
Elle se laissa faire et en entrant dans la pièce, elle déplia le tissu blanc, les yeux pétillants.
Une fois changée, Gabrielle observa un instant son reflet. Ce n'était pas possible, elle devait rêver... Un grand sourire fendit son visage alors qu'elle sortait en courant, toute peur ayant disparue.
Baji et Mikey rirent en la voyant arriver. Le brun la rattrapa par le poignet, alors qu'elle avait l'air résolu de traverser la pièce en courant, et l'attira devant lui. Sans un mot, il défit son obi et le renoua correctement autour de sa taille.
- Comme ça, c'est mieux.
Il leva les yeux vers son visage, et plongea son regard dans ses iris jade. Semblant se perdre au milieu de ses pensées, il secoua finalement la tête et se glissa dans son dos.
- Dernier détail. On se bat pas avec les cheveux lâches.
Sans la laisser répondre, il ramena doucement ses cheveux en queue-de-cheval.
En sentant ses doigts caresser sa peau et traverser sa chevelure, Gaby frissonna. Pendant un instant, elle se figea, un étrange sentiment s'emparant de son esprit. Encore.
Elle fronça les sourcils et jeta un regard à Baji par-dessus son épaule. Il n'esquissait plus le moindre mouvement, tenant toujours les cheveux roux d'une main, il fixait le vide.
- Baji ?
Il sursauta et plongea son regard au sein des yeux jade de la jeune fille qui venait de murmurer son nom. Semblant sortit de sa torpeur, il glissa sa main le long de son cou, pour attraper la dernière mèche rebelle et noua le tout avec un élastique.
De nouveau, Gaby frissonna à son contact. Elle ne comprenait pas pourquoi, mais elle souhaitait que ses doigts continuent de caresser sa peau indéfiniment.
Cependant, Baji se recula, et se détourna rapidement, troublé.
Elle retint un soupir de frustration et profita qu'il ne la regardait pas pour détailler chaque centimètre de son profil. Quelle était cette étrange sensation qui s'emparait d'elle ? Elle possédait comme une impression de déjà-vu... pourtant... Elle secoua vivement la tête, elle devait se faire des films. C'était impossible.
Plus loin, Mikey les observait en silence. Lui aussi plongé au milieu de ses pensées. Le même sentiment tournait dans son esprit.
Un trop long moment de silence passa, avant qu'il secoue la tête et s'approche de Gaby.
- Prête ?
Après un instant d'hésitation, elle opina.
- T'es plus à l'aise avec tes poings ou avec tes pieds ?
Elle le fixa, incrédule. Comment pouvait-elle répondre à cette question ? Elle n'avait jamais pratiqué de sport de combat, et encore moins battu.
Elle réfléchit un instant avant de hausser les épaules.
- Mes pieds, je suppose.
- Tu supposes ? rit Baji en s'approchant de nouveau d'elle.
Elle lui tira la langue, telle une enfant, ce qui eut pour effet d'augmenter l'hilarité du jeune homme, et de faire sourire Mikey d'amusement. Elle ne supposait pas, elle n'en savait rien. Cependant, elle ne s'imaginait pas donner de coup-de-poing, mais un coup de pied lui semblait beaucoup plus à sa portée.
Mikey entreprit donc de lui montrer une position de départ, puis lui expliqua comment lever sa jambe et gagner en force dans ses gestes. Enfin, il lui montra l'angle sous lequel attaquer son adversaire, avec Baji pour exemple. Ce dernier, pas préparé au coup, râla en faisant de nouveau la rencontre des tatamis.
Elle retint son rire, et après un dernier exemple de Mikey, elle tenta de l'imiter dans le vide. Mais comme elle le prévoyait, elle vit les tatamis se rapprocher de son visage beaucoup trop rapidement.
Il éclata de rire et la rattrapa avant qu'elle ne s'étale au sol.
- Jolie démonstration !
***
La semaine passa rapidement, trop rapidement au goût de Gaby. Elle avait l'impression de planer en plein rêve. Tout ceci se trouvait être trop beau pour être réel.
Un quotidien banal, mais merveilleux à ses yeux, s'était installé naturellement. Tous les matins, elle rejoignait Baji dans une ruelle non loin de l'ambassade. Il avait insisté pour venir la chercher et l'emmener au lycée, Gaby n'avait même pas essayé de l'en dissuader. Elle aimait être sur une moto. Elle aimait être sur sa moto. Elle aimait être en sa compagnie, sentir la chaleur de son corps, et son parfum qui enivrait à chaque fois son esprit.
Lors de la pause du midi, ils retrouvaient Nokoa, toujours sous le même arbre de la cours du lycée. Ils déjeunaient en parlaient de tout et de rien, et Gaby adorait ses moments où elle pouvait en apprendre plus sur eux.
Et tous les après-midi, une fois les cours finit, Baji l'emmenait avec lui au dojo. Lui et Mikey s'étaient donné pour objectif de l'entraîner, ce qui avait pourtant mal commencé. Cependant, très vite, Gaby s'améliorait. Elle ne connaissait pas les gestes, mais elle avait l'impression que ses muscles s'activaient sans qu'elle ne les commande. Même Mikey se montrait impressionné par sa progression.
De temps en temps, Célia et Nokoa se joignaient à eux. Cependant, Nokoa disparaissait souvent rapidement pour effectuer des missions que lui confiait Kazutora, sans jamais en dire plus. En Célia partait tout aussi promptement en hurlant qu'elle était en retard quasiment tous les jours.
À force, Gaby en avait pris l'habitude et ne se trouvait même plus surprise.
Cependant, ce soir-là, elle avait proposé à Baji de faire une toute autre activité que d'aller au dojo. En trainant des pieds, il l'avait suivi dans le parc non loin du lycée, non sans exprimer clairement son mécontentement. Imperturbable, Gaby se contentait de rire. Elle avait dit qu'elle l'aiderait pour ses cours, et maintenant qu'il lui avait permis de réaliser un de ses rêves, elle comptait bien respecter ses paroles.
Assise sur un banc du parc, près d'un petit étang, elle perdit son regard jade sur un nénuphar, alors que Baji grommelait à ses côtés.
Elle rit et se pencha sur le cahier qu'il tenait entre les mains. Elle relut rapidement son exercice de maths avant de secouer la tête.
- Tu t'es trompée là, dit-elle en pointant du doigt une formule. Du coup, là aussi, et ton résultat est donc faux.
Elle n'eut pas besoin de le regarder pour deviner l'agacement se peindre sur le visage du jeune homme.
- Mais sinon, le rassura-t-elle, tout est bon. La technique est même parfaite ! Il faut seulement que tu inverses ses deux chiffres là, et ça sera parfait !
Elle leva les yeux vers Baji, qui avait quitté depuis longtemps l'exercice pour la regarder.
- Merci... La prof est pas aussi cool, quand je fais une erreur, elle barre juste tout... Et explique jamais rien !
Elle sourit.
- Alors je suis une meilleure prof ?
- Bien meilleure.
Gaby se redressa en riant. Elle se reconcentra sur son propre cahier, avant de sentir le souffle chaud du jeune homme contre son cou. Un frisson lui parcourut le dos.
- Et surtout, bien plus jolie...
Surprise, elle se tourna vers lui, et sentit la chaleur monter dans ses joues.
- C'est bien plus facile d'écouter les paroles d'une jolie fille, plutôt que d'une vielle chouette rabougrie !
Elle vit son regard descendre sur ses lèvres, et la chaleur de son visage augmenta. Elle laissa ses yeux glisser vers les lèvres du jeune homme. Un instant, elle se demanda quel goût elles pouvaient bien avoir ?
- Keisuke... souffla-t-elle.
Brusquement, elle écarquilla les yeux et détourna la tête.
Pourquoi l'avait-elle appelé ainsi ? Elle savait pourtant très bien qu'au Japon, les prénoms se trouvaient réservés à la famille et aux amis proches... Et puis surtout, comment connaissait-elle son prénom ?
- Ça me dérange pas, tu sais. Je préfère t'entendre m'appeler ainsi.
Surprise, elle se tourna de nouveau vers lui, et plongea son regard dans ses iris noisette.
Il dégagea une mèche de son visage, et la laissa glisser entre ses doigts.
- T'ai-je pas déjà dit de les attacher ?
Elle rit, alors que cette phrase tourna dans sa tête. Encore. Elle l'avait déjà entendu...
Il glissa les cheveux roux derrière son oreille et vint déposer un léger baiser sur sa joue, encore rouge, avant de se reconcentrer sur son cahier.
Après un instant de silence, où Gaby ne le quittait pas des yeux, il ferma brusquement le cahier.
- J'en ai marre ! T'as pas envie de faire autre chose ? On a assez travaillé pour aujourd'hui, non ?
Sortant de sa contemplation, elle rit et ferma également son cahier.
- T'as raison. Tu veux faire quoi ?
Il réfléchit un instant en rangeant ses affaires.
- Ce que la demoiselle voudra...
Gabrielle délibéra intérieurement en glissant également ses affaires dans son sac avant de se lever d'un bond. Elle prit sa main et pressa doucement ses doigts. Elle se mordilla la lèvre en hésitant, et Baji ne put s'empêcher de penser qu'ainsi, elle était extrêmement mignonne.
- Tu m'apprendrais à conduire une moto ?
Surpris, il écarquilla les yeux un instant. Avant de sourire en voyant la détermination dans ses pupilles.
- J'aime pas prêter ma bécane, mais si c'est pour toi, je veux bien faire une exception.
Elle bondit de joie, et partit en courant vers la sortie du parc, sans lâcher sa main, obligeant le jeune homme à la suivre en riant. Il ne s'attendait pas à autant d'enthousiasme.
Arrivés dans la petite ruelle où était garé le véhicule, elle lâcha la main de Baji et sautilla sur place.
Il rit en s'asseyant sur la moto.
- Viens, allons dans un endroit où tu auras plus de place. Et où je serais certain que tu ne risques pas de t'écraser contre le premier mur venu.
Elle rit en s'asseyant derrière lui, et enroula ses bras autour de sa taille, geste à présent devenu une habitude.
***
Après plusieurs minutes à slalomer à travers les rues de Tokyo, la moto ralentit enfin. Gaby se décolla du dos de Baji pour observer autour d'elle.
- Un port ? questionna-t-elle.
Il hocha la tête en immobilisant le véhicule au milieu d'une grande étendue vide, qui devait autrefois servir à entreposer des conteneurs.
- Ouais. Plus personne ne vient ici, même les vieux conteneurs rouillés ont fini par être virés... Donc à moins que tu décides de devenir un poisson, tu ne risques rien.
Elle descendit rapidement du véhicule, impatiente d'essayer de conduire elle-même. Le vent marin balayait ses cheveux et faisait voler la jupe de son uniforme autour de ses cuisses. Elle sentit un sentiment inconnu s'emparer de sa poitrine et gonfler son cœur. Elle leva le menton vers le ciel, son regard jade suivit le vol d'une mouette, et l'odeur iodée s'empara de ses narines.
Les bras écartés, elle tournait sur elle-même en éclatant de rire. Enfin, elle était libre !
Baji ne la quittait pas des yeux, un sourire attendrit aux lèvres. Son rire envoûtait son esprit. Elle n'était pas seulement mignonne, elle était magnifique.
À cet instant, il comprit qu'il serait prêt à faire tout et n'importe quoi pour l'entendre rire, encore et encore, et la voir sourire, éternellement.
Il se leva de la moto et lui attrapa le poignet pour l'arrêter de tourner.
- Il est hors de question que tu montes sur ma moto, si tu tiens plus debout !
Pendant un instant, elle arrêta de rire et scruta avec soin son visage, cherchant à savoir si la menace était sérieuse. Mais voyant l'amusement au fond de ses yeux noisette, elle repartit dans son rire.
Elle se pendit à son cou, et retrouvant enfin son calme, elle posa sa tête contre son épaule.
- Keisuke... Tu crois qu'on pourrait rester là pour toujours ? J'ai pas envie de partir, je me suis jamais sentie aussi bien...
Surpris, ses muscles se tendirent un instant, avant qu'il ne referme ses bras autour de la taille de la jeune femme. Il posa son menton sur sa chevelure rousse, et ferma les yeux, profitant simplement de l'instant.
- J'adorais Gaby... Mais, je crois, hélas, que c'est difficilement possible.
Après plusieurs secondes, qu'elle aurait aimé beaucoup plus longues, Gabrielle s'éloigna doucement des bras du jeune homme en souriant.
- Je sais bien.
Il sourit également et lui tendit les clés de la moto.
Elle écarquilla les yeux en les prenant entre ses doigts légèrement tremblants.
- T'as peur ?
- Peut-être un peu, admit-elle à mi-voix.
Baji lui prit la main et la serra doucement.
- Faut pas. Tu vas voir, c'est facile. Et je suis là.
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