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Chapitre 15 - Moebius

- Sérieux Gaby... C'est les vacances !

Faisant fi du jeune homme, Gaby se dirigea vers un banc à l'ombre d'un arbre. La chaleur de juillet commençait à devenir étouffante, pourtant, elle avait tellement l'habitude de venir ici qu'elle ne pensait même pas à s'installer dans un lieu climatisé.

À leur entrée au collège, Gabrielle avait décidé d'aider Baji en cours. Elle voulait lui éviter de redoubler, ce qui risquait de lui arriver s'il ne s'améliorait pas. Le jeune adolescent avait râlé au début, agacé de voir ses amis aller s'amuser alors que lui devait travailler. Cependant, il avait rapidement compris que ces cours particuliers lui étaient très utiles, ses notes s'étaient améliorées et lui avaient fait échapper au redoublement. De plus, il appréciait la compagnie de la jeune fille, et comprenait beaucoup mieux quand elle lui expliquait, plutôt qu'un prof.

Rapidement, un rituel s'était instauré. Le vendredi après-midi, après les cours, ils se retrouvaient dans un parc non loin du collège pour travailler une heure ou deux. Parfois, ils parlaient à peine, mais la simple présence de la jeune fille à ses côtés encourageait Baji à réviser. Parfois, elle lui expliquait avec attention et bienveillance une leçon qu'il ne comprenait pas.

Quand il pleuvait ou neigeait, ils allaient dans un café boire un chocolat chaud devant leurs cours. Mais malgré l'insistance de Baji, Gaby refusait toujours de le laisser payer, prétextant qu'elle avait plus d'argent que lui et qu'il en avait plus besoin... Il avait fini par se résigner, même si de temps en temps, il essayait d'attraper l'addition avant elle, sans jamais réussir, elle possédait de bons réflexes et le voyait toujours venir.

Cependant, aujourd'hui, les vacances d'été avaient débuté depuis une semaine. En plus de cela, la chaleur étouffante ne donnait absolument pas envie de travailler à Baji. Il avait plutôt envie d'aller faire une virée à la plage avec ses amis. Mais Gaby tenait à garder leur petite habitude.

Ce n'est pas parce que c'est les vacances qu'il faut se relâcher ! avait-elle déclaré.

Après avoir tenté de négocier pendant plusieurs heures, Baji avait fini par se résigner. La jeune fille savait être trop bornée parfois, et il devait bien admettre qu'il appréciait passer du temps seul avec elle.

Il continua de râler en la suivant jusqu'au banc, et se laissa lourdement tomber sur les lattes de bois. Il jeta son sac à ses pieds et s'adossa contre le dossier en soupirant.

- Sérieux... On pourrait pas trouver un autre prétexte pour passer du temps tous les deux ?

Elle lui jeta un regard amusé et sans lui répondre, sortit un manuel scolaire et lui fourra entre les mains.

- Pourquoi ? J'aime bien réviser moi.

Baji lui jeta un regard noir avant de regarder le livre entre ses mains. Il haussa un sourcil et soupira de nouveau bruyamment.

Gaby retint un rire, s'amusant de voir de combien de manières différentes il exprimait son mécontentement.

- De l'anglais...

- Aller, boude pas. Si tu travailles bien, on pourrait aller manger une glace après ? Avec cette chaleur, ça nous ferait du bien.

Le regard brun du jeune homme s'éclaira soudainement.

- Alors, c'est moi qui invite !

- On verra...

Heureux qu'elle n'eût pas dit non directement, - il lui restait peut-être une chance de réussir à l'inviter aujourd'hui - il s'empressa d'ouvrir le manuel scolaire à la page du dernier chapitre qu'ils avaient étudié en cours et en commença une lecture attentive.

Gaby rit en le voyant faire. Il lui suffisait d'un peu de motivation, et Baji pouvait presque devenir un élève sérieux. Elle sortit son cahier et commença à relire son cours en mâchonnant mécaniquement un crayon.

Le parc était calme, et quasiment désert. Par cette chaleur, peu de personnes s'aventuraient dehors, et les enfants n'avaient aucune envie d'aller courir sous le soleil. Seul le chant des oiseaux et les bruits urbains un peu plus loin emplissaient l'air. Ce calme, si rare, apaisait Gaby.

- Gaby ?

Elle leva le regard vers Baji, qui fixait son manuel en plissant les yeux.

- Je comprends pas...

Elle se pencha sur le livre, mais avant qu'elle n'ait pu dire quoi que ce soit, elle l'entendit ricaner.

Surprise, elle leva un regard interrogateur vers lui. Et se rendit compte seulement à cet instant de leur proximité. À peine une dizaine de centimètres les séparaient.

Immédiatement, elle sentit ses joues chauffées et les battements de son cœur s'accélérer. Seul lui, provoquait ses étranges réactions en elle. Elle ne se souvenait pas quand cela avait commencé, et ne savait pas non plus pourquoi. Sans doute une des rares questions auxquelles elle ne détenait aucune réponse.

Pourtant, elle appréciait ce sentiment qui s'animait seulement en présence de Baji.

En la voyant rougir, il sourit légèrement. Elle était si mignonne quand ce teint rosé s'emparait de ses joues. Du bout des doigts, il ramena une mèche rousse, qui tombait devant ses yeux, derrière son oreille.

En sentant les doigts du jeune homme effleurer sa peau, un frisson la parcourut.

- Tu devrais les attacher... murmura-t-il.

- J'aime pas ça.

Il rit et secoua la tête. Plongeant ses yeux bruns dans les iris jade de la jeune fille, il s'y noya un instant.

- Je sais bien, mais...

Il se tut soudainement et détourna les yeux en se mordant la joue.

- ... ils doivent te gêner quand tu lis...

Gaby fronça les sourcils et se redressa pour se retrouver encore plus proche de son visage.

- Keisuke, qu'est-ce que tu allais vraiment dire ?

Il reposa son regard sur elle, et sursauta en la voyant aussi près. Ses yeux descendirent un instant sur ses lèvres avant de se replonger dans ses pupilles vertes.

- Rien de particulier.

- Keisuke.

Il retint un rire.

Gaby était l'une des seules à l'appeler par son prénom. Cela ne l'avait jamais dérangé, la jeune fille le faisait depuis qu'ils se connaissaient. Il aimait l'entendre l'appeler ainsi, dans sa bouche, son prénom sonnait différemment.

- J'allais dire qu'ils m'empêchaient de contempler pleinement tes magnifiques yeux verts...

Surprise, Gaby recula légèrement et s'empourpra. Elle ne s'attendait pas à ça.

Elle cherchait quoi lui répondre, quand son téléphone sonna, coupant court à cette discussion. Elle sourit et l'attrapa, alors que Baji jeta un regard noir à l'objet.

Elle lut rapidement le message et se leva.

- Je dois y aller !

Elle attrapa son sac, cependant, avant qu'elle n'ait pu s'éloigner, Baji la rattrapa par le poignet.

- Mais... Et notre glace... ?

Il semblait vraiment déçu. Gaby sentit son cœur se serrer, elle aussi voulait rester avec lui, mais elle n'avait pas le temps.

Elle se pencha et déposa un baiser sur sa joue, faisant légèrement rougir le jeune homme.

- La prochaine fois, promis.

- Et si on faisait autre chose que réviser, la prochaine fois ?

- Qu'est-ce que tu proposes ?

- Je sais pas encore, mais je vais trouver !

Elle sourit devant son enthousiasme et hocha la tête.



***

En arrivant dans sa chambre, Gaby soupira en allant poser les clés de sa moto sur son bureau, et son sac au pied du meuble.

D'un pas souple, elle se dirigea vers la baie vitrée et l'ouvrit, un sourire au coin des lèvres. Elle croisa ses bras sur sa poitrine et jaugea l'adolescent assis sur la rambarde du balcon, qui l'observait, un sourire amusé sur le visage.

- Tu sais que ma mère te tuera si elle apprend que tu passes jamais par la porte d'entrée ?

Il haussa les épaules et la rejoignit à l'intérieur de la pièce. Sans plus de cérémonie, il se laissa tomber sur son lit.

Elle l'observa faire en secoua la tête. Parfois, elle se demandait encore pourquoi elle avait choisi un tel vice-capitaine...

Elle attrapa la brosse à cheveux, qui trainait sur sa table basse, et s'assit derrière le jeune homme. Avant qu'elle n'ait pu lever la brosse, il lui saisit le poignet en grimaçant.

- Si t'apprenais à te coiffer comme un grand garçon, il y aurait moins de nœuds, et donc t'aurais moins mal.

Il soupira en la lâchant. Autrefois, il coupait ses cheveux beaucoup plus court, mais parce qu'elle trouvait cela jolie, il les avait laissés pousser. Seulement, il ne les brossait pas assez souvent, ne comprenant pas pourquoi il fallait le faire tous les jours... Alors à chaque fois qu'il le faisait, il avait des nœuds et cela lui faisait mal, donc il finissait par abandonner.

Finalement, c'était devenu un rituel entre eux et seule Gaby était autorisée à toucher ses cheveux. La jeune fille s'amusait beaucoup à le coiffer, même si elle râlait à chaque fois.

- T'es pareil que Mikey... Incapable de vous coiffer tout seuls comme des grands...

Il pouffa de rire alors qu'elle entreprit de démêler sa longue chevelure blonde. Au premier nœud, il grogna légèrement. Elle l'ignora et continua sa tâche avec soin et minutie.

- Alors, qu'est-ce que t'as trouvé ?

- Rien qu'on ne savait pas déjà. Ils sont vraiment inintéressants... Pas la moindre info intéressante à se mettre sous la dent.

Elle rit.

- Tu veux plutôt dire que tu n'as eu à tabasser personne pour obtenir ce que tu voulais.

Il soupira de dépit.

- Ouais... Il y a qu'Osanai qui m'interpelle.

- Pourquoi ça ?

Elle se leva et se dirigea vers la salle de bain, gardant une oreille attentive sur les informations qui lui donnait son vice-capitaine.

- Il est trop con pour être chef. Ça fait pas longtemps d'ailleurs qu'il a ce poste. Mais impossible de savoir pourquoi ou comment ?

Gaby ressortit de la salle de bain en fronçant les sourcils. Elle retourna s'asseoir dans son dos et entreprit d'étaler un soin sur ses cheveux en se plongeant au milieu de ses pensées.

- C'est louche... murmura-t-elle finalement. Le Moebius a jamais été un gang de tendres, mais ils ont jamais tabassé des mecs sans raison comme ça, et violer leur copine...

Il hocha la tête.

- T'as rien trouvé qui pourrait l'expliquer ?

Cette fois, il secoua la tête.

- Arrête de bouger !

Il éclata de rire en retenant de son mieux les spasmes qui secouaient ses épaules.

- Excuse-moi, hime.

- Il doit forcément il avoir une raison... On doit la trouver avant de les affronter.

- J'ai déjà tout essayé. C'est comme si une force invisible leur avait soufflé ces actions, et qu'ils les avaient bêtement suivis. J'ai plus aucune piste à suivre.

- C'est pas normal...

Finissant de s'occuper de ses cheveux, elle se laissa tomber en arrière sur le matelas en soupirant.

- Tu crois qu'on devrait en parler à Mikey ? Ou on attend d'en savoir plus ?

Il haussa les épaules.

- À toi de voir, c'est toi la cheffe.

- Et sur Hanagaki ?

- J'ai rien trouver d'intéressant. Un boloss de quatrième qui joue à la caillera... Je suis pas sûr qu'il sache vraiment où il a mis les pieds.

Elle réfléchit plusieurs secondes avant de se redresser. Elle attrapa une mèche blonde et la laissa glisser entre ses doigts en fronçant les sourcils, sous les yeux intrigués du jeune homme. Il voyait bien qu'une idée dansait au sein de ses iris, et était curieux de savoir à quoi elle pensait.

- Tu devrais les teindre en rose.

- En rose ? répéta-t-il, stupéfait.

- Ouais ! Ça ira bien avec le bleu de tes yeux.

Le laissant perplexe sur le lit, elle se leva et se dirigea vers la porte.

- Je vais chercher un truc à boire, tu veux quelque chose ?

- Ouais.

Elle sourit et sortit dans le couloir, le laissant réfléchir à cette étrange couleur qu'elle venait de lui proposer.



***

Installée sur un tas de poutres, dans l'entrepôt qui servait de lieu de réunion aux capitaines de brigade, Gaby écoutait Mikey et Pachin débattre des informations qu'elle venait de leur donner.

Comme toujours, Pachin n'avait pas vraiment l'air de s'y intéresser. Il voulait juste défoncer le clan Moebius, tous les détails autour ne le captivaient pas.

- On s'en fout, non ? On les défonce et point !

Elle leva les yeux au ciel et sauta avec souplesse sur le sol.

- Ouais Pa', on les défonce et point. Mais tu crois pas qu'il serait intéressant de connaître leur motivation avant ?

- Ils ont pas de motivations ! C'est juste des enfoirés !

Elle souffla du nez et croisa ses bras sur sa poitrine.

- Gabychou, tu veux qu'on fasse quoi ?

Elle se tourna vers Mikey et haussa les épaules.

- Ce que tu veux. Je ne contredirai pas ta décision. Mais j'ai le sentiment qu'il y a autre chose derrière... C'est pas normal qu'on ne puisse pas accéder à certaines informations, c'est comme si quelqu'un les effaçait avant même qu'elles n'existent.

Mikey resta silencieux de longues secondes.

- On change pas le plan, on va les défoncer, mais...

- Mikey ! hurla soudainement une voix.

Perplexes, ils tournèrent la tête pour voir Hanagaki débouler en l'entrepôt à bout de souffle.

Elle soupira en reportant son attention sur Mikey, ne portant pas plus d'intérêt à Takemichi. Il ne faisait même pas partie du gang et se permettait de venir interrompre une de leur réunion ? Il allait vraiment finir par l'agacer celui-là.

- Qu'est-ce qui se passe Takemichou ?

- On parle d'un truc important là, l'informa Draken.

- Encore toi, connard ?

- Dégage sale boloss.

Gaby retint un rire, visiblement, elle n'était pas la seule à ne pas vraiment apprécier le nouveau pote de Mikey.

- Je suis venue vous demander de renoncer à affronter le clan Moebius.

Elle fronça les sourcils. Qu'est-ce que... ?

- Hein ?

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