chapitre troisième
Un autre soupir sort d'entre mes lèvres, mais cette fois, un sanglot me parcoure le corps. Je m'écroule lentement sur le sol de ma chambre, les larmes sur les joues. Des fois ça me prends, je ne sais pas trop pourquoi je me mets à pleurer. Peut-être que c'est à cause de la solitude, de traintrain quotidien qui me tue doucement, ou ce monde où je ne me sens pas à ma place. Rien à faire quand c'est comme ça, faut juste attendre que ça passe. Je rampe vers mon sac d'école, et ouvre la fermeture éclair de la poche avant. À l'intérieur niche un paquet de cigarettes et quelques allumettes. Je le serre entre mes doigts, et je dirige vers l'unique fenêtre que compte ma chambre. J'ai le nez bouché lorsque j'ouvre la vitre et que le froid rentre lentement. Je me hisse à l'extérieur, sur le minuscule toit de tuiles rougeâtres. J'essaie de ne pas dégringoler dans le vide, et j'y parviens doucement, et m'assois, le cul sur ses pavés glissants.
Je sors une clope, la pose entre mes lèvres. Je craque une allumette, la porte à son bout en inspirant. La fumée noire entre dans mon organisme, et je noie mes milles misères à l'intérieur. Je la recrache sans souffler ; elle sait trouver la voie de la sortie sans mon aide. J'ai les joues humides, et ma courte chevelure rousse s'emmêle lorsqu'une brise passe, et que je protège la braise de ma cigarette. Paris est grande. Son ciel est mort, ses étoiles aussi, mais la ville s'est inventées ses propres astres. Je regarde ses toits de tuiles, toits d'ardoises, qui forment la mer déchaînée et immobile de pierre et de verre. Il n'y a pas d'oiseaux, juste cette éternelle même lueur des lampadaires des rues, qui inondent chaque faille, chaque parcelle de matière. Paris, comme une nébuleuse.
J'inspire encore une fois sur ma clope. Je suis seul, sur les toits de cette ville lumière, et j'accorde mes pensées à Vivaldi. Vivaldi, qui fait courir ses doigts fait sur les touches d'un piano. Vivaldi, aux yeux fins, aux cheveux de la même couleur que la nuit, Vivaldi, que j'aime tant.
J'entends un bruit à ma gauche, et par réflexe, je cache la cigarette que je tiens du bout des doigts. Je comprends que c'est la fenêtre de la chambre de ma sœur qui s'ouvre, et elle ne m'aperçoit pas lorsqu'elle sort elle aussi toute entière par sa fenêtre. Elle a attaché ses cheveux en queue de cheval, et porte un gros sac à dos sur ses épaules. Il est évident qu'elle ne souhaite pas passer la soirée ici, et l'interdiction de nos parents ne parait pas l'empêcher de faire ce qu'elle veut. Elle tourne finalement la tête, et me voit. D'abord, elle est livide, et semble effrayée. Puis, je sors ma clope de derrière mon dos, et le lui montre. Elle sourit, et je fais glisser deux doigts le long de mes lèvres. Elle fait de même. Un secret pour un autre. Ce n'est pas la première fois qu'elle fugue, je le vois bien, elle sait exactement quel chemin prendre pour attendre le trottoir d'en bas, et elle ne le fait pas du tout maladroitement.
Je reste longtemps là-haut. Je fini mon paquet, parce que je sais que de toute manière, je ne parviendrai jamais à me rendormir dans mon lit.
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