La porte n'essaye même pas de lui résister. Tout juste un craquement de réprobation en sortant de ses gonds. L'IA de la copropriété énumère la liste des infractions au règlement intérieur, qu'il vient de commettre en se précipitant dans le conapt. La lumière en provenance des enseignes holographiques inonde le séjour, alors qu'elle vivait dans la pénombre depuis son retour de la clinique. Son malaise s'accroît en voyant la couverture froissée sur le canapé.

Il tourne comme un fauve en cage dans l'ascenseur qui descend vers le hall. L'immeuble le recrache sur le plastacier trempé de la corniche qui borde le puits. L'air empeste l'œuf pourri et la condensation se transforme en pluie fine dispersée par les turbulences plus fortes dans ces niveaux. Il la cherche parmi les silhouettes grises qui déambulent autour de lui. Il refuse toujours d'accepter l'inévitable alors que ses pas le conduisent vers un des ponts qui traverse la cité. Là, il se remémore l'accident dans la mine. Puis, ses visites se sont espacées, après qu'elle lui eût reproché d'avoir fait d'elle une infirme. Jusqu'à aujourd'hui.

Son interface contacte le réseau des Robfliks©. En arrière-plan, les publicités en réalité augmentée glissent sur les parois circulaires de la ville souterraine, comme des cerf-volants de pixels traversés par le flot incessant des feux de signalisation des glisseurs. La balustrade se déforme sous la pression de ses mains, quand la réponse lui parvient. Il crache les larmes, que ses implants optiques refusent de verser, et la douleur étouffe son cri.

Irina a plongé comme tant d'autres avant elle. Destins tragiques d'anges aux ailes brisées par la violence de l'asservissement d'une poignée de prétendants à une immortalité cybernétique frauduleuse. Anges qui voient leurs vies défiler lors d'une chute désespérée vers un lac d'acide, où leurs ADN se dissolvent sans plus pouvoir se recombiner.