Interlude 2 - Witness
Comment ça, Minho l'avait foutu en pleine vision ? Il n'avait jamais été question de ça !
Mais là, il n'était plus question de comprendre le pourquoi du comment, il fallait d'abord rassurer Felix. Et c'est Jisung qui s'en chargea, se jetant sur lui pour l'enlacer et calmer ses sanglots.
Avant que Chan ne dise quoi que ce soit, la porte s'ouvrit à la volée, laissant s'engouffrer Changbin, quelque peu essoufflé, et deux inconnus sur ses talons, dans un état pire que lui. Si le petit brun avec une bouille semblable à celui d'un chiot semblait plutôt calme malgré la situation, le grand noiraud, lui, l'était un peu moins. D'ailleurs, Chan l'aurait trouvé vraiment attirant dans d'autres circonstances.
Ce dernier tourna la tête vers Minho, qui venait de lever la tête une nouvelle fois, souriant d'une manière perverse en fixant le jeune brun à la tête de chiot. Un frisson d'horreur le parcourut, se doutant alors que le brun devait être le dénommé Seungmin, une autre victime des visions. Et en se tournant vers lui, il le vit complètement paralysé, ne détournant pas les yeux de ceux de son meilleur ami, avec un regard de peur dans ses orbes chocolat, ce même regard de peur que Felix avait avant de plonger en pleine vision.
Chan fut soudainement détourné de sa personne, car la grande asperge qui l'accompagnait contourna Changbin et se dirigea à grand pas vers Minho, visiblement sur les nerfs. Alors que le grisé n'avait d'yeux que pour son meilleur ami, son autre meilleur ami n'attendit pas une seconde de plus pour balancer son poing dans sa gueule. Il eut même le temps de donner un second coup avant de se faire arrêter par les deux seuls aînés responsables de la situation, braillant d'une voix sourde :
« Je t'interdis de me faire ça, Minho ! Tu peux pas me faire ça !
Puis il s'écroula au sol, impuissant, emportant presque Chan dans sa chute. Bien qu'il ne le connaissait pas, ce dernier vint lui caresser le dos doucement, tentant de calmer les pleurs du bel inconnu.
— Il avait pas le droit de me faire... murmura-t-il. J'ai déjà perdu ma sœur, je veux pas perdre mon meilleur pote... »
Son cœur se serra face à cette vision d'horreur, mais il se reprit. Chan était le seul maître de la situation actuellement, il devait les sortir de là. Il se releva lentement, laissant le grand noiraud le temps de se calmer, et tenta d'analyser la situation.
Devant lui, Seungmin se tenait bien plus proche de Minho, le visage fermé. Il le regardait de haut, comme pour lui dire qu'il ne céderait pas, qu'il le ramènerait quoi qu'il en coûte.
Mais le danseur, lui, avait un sourire carnassier en le fixant. Il était clair que ses intentions n'étaient pas bonnes du tout.
« Approche, Seungmin, lui dit-il d'une voix si calme que c'en était effrayant.
— Fais attention, il a déjà réussi à plonger Felix dans une vision ! Intervint Chan en s'avançant d'un pas, prêt à s'interposer.
— T'inquiète, je risque pas de m'approcher davantage, convint le jeune lycéen, les poings serrés.
— Qui a dit qu'il fallait que je te touche pour te plonger avec moi, Seungmin ?
Changbin s'avança à son tour, perçant le grisé du regard. Chan non plus ne le lâcha aucunement du regard. Jisung les observait de loin, Felix toujours dans ses bras. Ce dernier releva la tête en direction des autres, et vit quelque chose que seul lui pouvait voir en ce moment même, étant donné ses yeux soudainement écarquillés.
— Seungmin, recule ! » Hurla-t-il soudain de sa voix grave.
Trop tard. D'un geste vif, Minho venait de lui balancer du crachat tel une vipère, visant bien le visage du brun. Ce dernier recula en se protégeant de ses bras, aucune goutte de salive ne vint toucher sa face.
Sa face, non. Ses poignets, oui.
Il tituba et se tint à l'épaule de Changbin, constatant avec effroi ce que Chan redoutait le plus : il venait de plonger lui aussi en pleine vision.
« C'est quoi, ce bordel ?! S'exclama-t-il soudain. Felix, tu le vois aussi ?
— Ouais...
— Vous voyez quoi ? Hésita Jisung, peu sûr de savoir s'il voulait vraiment savoir la réponse, finalement.
Les deux victimes des visions s'échangèrent un regard, puis Seungmin déclara :
— C'est vide et... rouge. Il n'y a que des ruines partout. Et une énorme tempête au loin.
— Et Minho, il a comme une aura noire qui l'entoure, renchérit Felix en se levant péniblement. Je crois qu'il n'est plus de ce mo–
— Minho est encore là ! Coupa le plus grand de tous sans relever la tête, les poings tremblants, toujours avachi au sol. On peut encore le sauver !
— Arrête de te voiler la face, Hyunjin ! Minho n'existe plus ! C'est un démon qui a pris sa place !
— Bon sang, arrêtez de vous crier dessus ! Intervint Chan. On– on va faire en sorte de vous sortir de là, et–
— Bordel, Changbin, non ! »
Il n'eut le temps d'en dire plus qu'il se retourna vivement en direction de son ami, et son cerveau se mit sur pause un instant : Changbin était en train d'embrasser Minho désespérément. Voir Minho ainsi devait lui briser le cœur, et il avait tenté le tout pour le tout, même si c'était ridicule, même s'il devait en mourir.
Mais en voyant le sourire malsain du grisé s'étirer face à ce baiser, son sang ne fit qu'un tour, et Chan courut vers Changbin en le tirant par le col, les séparant de force avant de le placer derrière lui, fusillant Minho du regard.
« Tu lui as fait quoi, enfoiré ?!
En guise de réponse, il ne fit qu'éclater d'un rire diabolique. Alors Chan se tourna vers le petit noiraud, surprenant sa prise subitement bien plus forte sur son bras, et découvrit alors ses yeux luisant d'un mélange de peur et de stupeur.
— Changbin ?
Ce dernier l'ignora, observant autour de lui comme s'il observait un nouveau paysage. Ce n'était pas possible, il était en plein cauchemar...
— Alors c'est ce que vous voyez durant vos visions ? » Demanda-t-il soudain.
Changbin venait de s'adresser à Felix et Seungmin. Ces deux derniers le fixèrent avec stupeur, et comprirent soudain : il était en pleine vision. Lui qui n'en avait jamais vécu, lui qui n'en avait entendu parler que de la bouche de Minho, il était en train d'en vivre une.
Et ils étaient tous certains que Minho y était pour quelque chose.
Chan tituba lentement, faisant lâcher le bras de Changbin, avant de tomber à genoux, prenant sa tête dans ses mains. Comment la situation avait-il pu lui échapper aussi rapidement ? Il n'avait pas la réponse à cette question.
Il ne suivit plus rien de ce qu'il se passa, devenu comme spectateur absent de tout ça.
Il n'entendit pas le rire de Minho devenir encore plus démoniaque, encore plus monstrueux, encore plus inhumain, alors qu'il ne pouvait toujours pas bouger de cette chaise.
Il ne vit pas Felix devenir soudainement colérique et balancer du feu partout autour du grisé.
Il n'entendit pas Jisung le supplier d'arrêter, tentant de l'empêcher de commettre l'irréparable.
Il ne vit pas Changbin poser ses mains au sol et essayer d'électrifier le responsable, mais aussi la victime de toute cette situation.
Il n'entendit pas Seungmin hurler un cri de guerre, ses mains devant lui, provoquant une bourrasque soudaine qui les entourèrent.
Non, il n'entendit rien, il ne voyait rien.
La seule chose que Chan entendit fut ses propres paroles qu'il prononça si bas qu'il était sûr que personne ne l'avait entendu :
« Stop... Pitié... Laissez-moi une autre chance de le sauver... rien qu'une seule...
Et comme si ses prières furent entendues, tout s'arrêta autour de lui, coupant net le brouhaha qui l'entourait. Surpris, il releva lentement la tête, et écarquilla davantage les yeux : le temps s'était stoppé. Véritablement.
Tous ses amis étaient devenus statiques, stoppés dans une position censée être de mouvement.
— Je ne peux pas rester longtemps comme ça. »
Il sursauta en entendant cette parole qui ne venait pas de lui, et tourna sa tête vers sa gauche, sentant enfin la main qui était posée sur son épaule : le noiraud qui avait accompagné Seungmin, les yeux rougis et les joues trempées par les larmes, était accroupi près de lui, son bras gauche tenant fermement un cahier noir contre son torse, sa main droite posée sur Chan, et observait la scène stoppée dans le temps d'un œil distrait.
« Tu peux arrêter le temps ?
Question rhétorique, il le savait, mais il était nécessaire pour son petit cœur de l'entendre l'affirmer à haute voix. Et puis, il comprenait à présent pourquoi il était l'un des seuls à pouvoir bouger librement.
— Ouais, c'est mon pouvoir, répondit le noiraud en haussant les épaules. C'est quoi, le tien ?
La situation était d'un comique : deux inconnus qui discutaient en pleine situation de crise comme s'ils conversaient autour d'un café. Pourtant, Chan ne le vit pas de cet œil-là. Non, il venait de trouver une solution temporaire pour régler ce problème. Une solution risquée, certes, mais peut-être pas impossible.
— Rembobinage. Je peux rembobiner les actions de n'importe quel objet. Comme un verre qui se casse, par exemple. Et...
Il reporta son regard sur ses amis, les couvant d'un œil mélancolique.
— Je pense qu'à nous deux, on peut revenir dans le temps. T'en penses quoi ?
— Je pense que c'est possible, tant qu'on ne va pas trop loin dans le temps, et tant qu'on arrive à se situer par rapport aux évènement liés à Minho.
— J'ai eu peu d'interactions avec lui durant les derniers mois. Et toi ?
— Pareil. Mais j'ai ça qui pourrait nous aider.
Il lui indiqua alors le cahier qu'il tenait contre lui, comme si sa vie en dépendait. Son aîné l'interrogea du regard, et il lui répondit calmement :
— Minho m'a dit qu'il y écrivait absolument toutes ses théories sur ses visions. Depuis notre discussion avec lui, Seungmin et Jisung, il nous a dit de prendre ce cahier avec nous si jamais il lui arrivait quoi que ce soit. En l'occurrence, vu les circonstances actuelles, je me suis chargé de le prendre. Je t'avoue que je ne l'ai pas encore lu, je l'ai pris il y a à peine quelques minutes avant d'arrêter le temps. »
Le brun acquiesça silencieusement, et souffla un bon coup. Il indiqua à son cadet de venir lui prendre la main, et il posa sa main libre au sol.
« Prêt ?
— Si c'est pour sauver Minho, plus que jamais. »
Bang Chan rassembla toute la puissance dont il pouvait faire preuve, et sentit son bel inconnu en faire de même. De leurs mains liées, ils sentirent leur force respective se mélanger, s'entrelacer, et Chan hurla en faisant s'exploser son pouvoir, se concentrant de toutes ses forces pour rembobiner le temps.
Le temps. Cette chose si volatile, cet élément si intangible...
Plus loin. Encore plus loin. Toujours plus loin. Ce n'était jamais assez.
Toute sa puissance déferlait dans son corps, atteignant son apogée, se libérant au bout de ses doigts. Cet amphithéâtre où ils se trouvaient se remplissaient et se vidaient toutes les cinq secondes, tout comme le jour et la nuit qui s'alternaient sans cesse à travers les fenêtres.
Et soudain, il s'arrêta, sa puissance venait de prendre fin. Tout comme le noiraud qui s'écroula au sol, séparant leurs mains liées, Chan tomba par terre dans un état mi-comateux, du sang coulant de sa narine droite.
Le temps reprit soudainement son cours. Il était vingt heures pile, et l'amphithéâtre où pour eux, quelques minutes auparavant se déroulait une scène abominable et déchirante entre leurs amis, était désormais vide. Essoufflés, ils se redressèrent lentement, reprenant peu à peu leurs sens et leur tête.
« D'ailleurs, je t'ai pas demandé avant, mais tu t'appelles comment ?
L'aîné se tourna vers lui, lâchant un sourire amusé : ils avaient traversé de nombreux jours en sens inverse ensemble sans jamais savoir le nom de l'autre. C'était vraiment la situation la plus comique qu'il n'ait jamais vécu.
— Bang Chan. Et toi ?
— Hwang Hyunjin. Ravi de faire ta connaissance.
— Moi de même. »
Ils s'allongèrent de nouveau au sol, trop épuisés par l'utilisation massive et soudaine de leur pouvoir. Et éclatèrent de rire en chœur. Des rires désespérés, des rires mélancoliques, des rires de désarroi.
Ils mirent sans doute une bonne dizaine de minutes à se remettre de leurs émotions. Hyunjin se redressa lentement, et commença à feuilleter le cahier noir de Minho pour la première fois.
« Quel jour on est ?
Chan sortit son téléphone et l'alluma : son fond d'écran avait été troqué pour l'ancien, signe qu'ils étaient bien remontés dans le temps. Ses yeux fatigués décidèrent de coopérer momentanément avec son cerveau, et se posèrent sur les chiffres écrits en gros et en capitale.
— Le 15 avril.
— Quelle heure ?
— Vingt-heures passées.
— Putain. Minho est censé faire quoi à cette heure-ci, si tu te souviens ?
Le brun se tourna vers lui, surpris de l'avoir entendu jurer d'une manière aussi calme. Ce dernier se mit à fouiller dans sa mémoire, puis lui répondit alors :
— On avait fêté la meilleure note de sa première compo avec Changbin et Felix. Et normalement, il est censé être avec Changbin pour faire un after, de ce que j'ai compris. Pourquoi ?
— Minho aura une vision ce soir, alors qu'il serait en appel avec Seungmin. C'est marqué dans son cahier.
— Donc... c'est trop tard ?
— Pas si on commence à agir dès maintenant. Mais pour sa vision, oui, c'est trop tard.
— Sauf qu'on ne peut en parler à personne, et encore moins au principal concerné ! Si jamais tout change encore, on ne pourra plus anticiper !
Peut-être était-ce la fatigue qui le mettait dans cet état, mais Chan voyait bien que sa solution n'avait finalement été qu'un échappatoire. À eux deux, il était impossible de changer le destin.
— Si on parle à quelqu'un, Minho le saura très rapidement, déclara Hyunjin. Sa capacité d'analyse est trop grande pour qu'on lui cache quelque chose.
— On fait quoi, alors ?
Son cadet réfléchit un instant, relisant la page sur laquelle il était tombé, et Chan vit qu'il eut alors une révélation, voyant presque une petite ampoule briller soudainement au-dessus de sa tête.
— Quoique, il y a peut-être une personne à qui on peut en parler ! »
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