Interlude 0 - Witness
Bang Chan, de son nom australien Christopher, était ce qu'on appelait plus communément un témoin, dans tous les sens du terme, et ce, depuis sa naissance. C'est, c'était et ça sera toujours le cas. Vous rigolez ? Très bien, laissez-moi vous décrire sa vie, puisque vous ne me croyez pas.
À cinq ans, Chan fut témoin de la demande en mariage officielle de son père pour sa mère. Ses parents ont tout fait à l'envers ? Faire déjà deux gosses avant le mariage ? Ce ne sont pas vos affaires, puisqu'ils s'aiment encore jusqu'à présent. Ce qui comptait, c'était leur geste et l'amour qu'ils se portaient l'un envers l'autre.
À six ans, il fut témoin du tout premier mot prononcé par sa petite sœur âgée d'un an à cette époque. Et pas n'importe lequel : son premier mot fut Chan. Étonnant !
À huit ans, il fut témoin de la naissance de son petit frère, dernier né de la fratrie à présent. Il était excité comme une puce à l'idée d'avoir enfin un autre garçon dans la famille. Son enthousiasme était à moitié partagé avec sa petite sœur, qui elle se demandait déjà comment elle allait pouvoir supporter deux garçons dans la famille, un plus grand et un plus petit qu'elle. D'ailleurs, Chan avait découvert par malheur que sa jeune sœur, malgré son jeune âge, tenait un carnet afin de tout planifié pour rallier le petit frère à sa cause. Et en qualité d'aîné, il ne l'avait pas laissé faire, bien évidemment.
À onze ans, alors que son pouvoir ne s'était toujours pas manifesté, il fut témoin du déclenchement involontaire de son don pour la première fois. Il était à la cantine, et comme tout jeune collégien, il manquait d'adresse et fit tomber son plateau au sol, brisant le verre et l'assiette en porcelaine en mille morceaux. Comme le voulait la tradition, tous les élèves présents dans le self avaient applaudi, tandis que ses copains, hilares, s'efforçaient de rester en retrait pour que personne ne les oblige à l'aider à tout nettoyer. Sur le ton de la blague, un de ses amis lui avait dit qu'il pourrait tenter de rembobiner leur état pour éviter de passer le balais ; toujours sur le ton de la blague, Chan avait fait mine de marmonner des sortilèges incompréhensibles alors qu'il agitait inutilement ses mains au-dessus des morceaux de verres. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'un, puis deux, puis tous les morceaux s'étaient envolés dans la position où son plateau était précédemment, avant de se recoller sans exception, que Chan s'était empressé de saisir, complètement médusé. Pas autant que les gardiens de la cantine, mais quand même.
À douze ans, il découvrit les joies de la musique alors qu'il performait pour la première fois devant un public. Bon, bien que le public en question était composé d'un jury de quatre adultes et des parents des autres élèves du conservatoire, ça lui avait fait quelque chose de passer son audition devant autant de personnes.
À treize ans, il fut témoin de la détresse d'un pauvre chiot d'à peine deux mois abandonné dans un caniveau, alors qu'il jouait dehors avec ses copains. Il avait alors pris dans ses bras la petite femelle, un Cavalier King Charles, et l'avait ramené chez lui dans l'espoir que ses parents accepteraient de l'accueillir. Et ce fut ainsi que Berry intégra leur famille.
À quatorze ans, il fut témoin d'une opportunité en or d'enfin performer dans la musique : un test pour entrer dans une université de musique réputée aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Corée du Sud ou en France. Lui qui en rêvait depuis si longtemps l'avait saisi, malgré la réticence de ses parents. C'était sa vocation, sa raison de vivre, et il ne se voyait pas faire sa vie sans la musique. Il aimait la musique en tant que passion, et avait passé ce fameux test, mais pensait naïvement qu'il n'aurait pas les capacités pour surpasser ses concurrents.
Grave erreur, puisque trois mois plus tard, alors qu'il dinait avec sa famille pour son anniversaire, il reçut une lettre qu'il n'attendait pas du tout. Entouré de ses parents et de ses frère et sœur, il l'avait ouvert ingénument, et il fut témoin d'un nouveau tournant de sa vie : il avait été sélectionné parmi les millions de candidats. C'était le plus beau cadeau d'anniversaire de sa vie. Bien évidemment, ses parents ne purent que l'encourager, lui conseillant de choisir la Corée du Sud car c'était son pays d'origine, et qu'il aurait plus de facilités puisqu'il était bilingue.
À quinze ans, il fut témoin des premières larmes de sa mère et de son père, et de l'expression déchirée de son frère et sa sœur, alors qu'il quittait officiellement l'Australie pour voler de ses propres ailes vers de nouveaux horizons. Il avait été convenu qu'il serait inscrit à un lycée coréen tout en démarrant sa formation initiale en musicologie en parallèle. Chan sentait qu'il allait bucher et travailler plus dur que tous les autres, mais ce n'était pas un problème, tant qu'il faisait ce qu'il aimait.
À seize ans, il fut témoin du succès de sa première mixtape solo sur les réseaux sociaux. Il était encore un amateur, il le savait, mais sa place à l'université de Séoul était garantie, alors il n'avait pas à s'en faire.
À dix-sept ans, peu avant les examens de fins de lycée, Chan fut témoin d'une prestation étonnante d'un petit gars bien plus jeune que lui, mais qui faisait étonnamment très mature pour son âge... Enfin, mature n'était pas le terme le plus approprié dans la présente situation, peut-être qu'effrayant ou terrifiant était plus adapté. Car un adolescent avec une allure de voyou, vêtu tout de noir, et qui en plus, rappait seul dans une salle de classe, avait le stéréotype tout craché du vaurien de la promo. Pourtant, ce que Chan avait vu en face de lui, ce n'était pas un voyou, mais bel et bien une nouvelle opportunité pour sa passion. Ils avaient alors discuté longuement, et avaient décidé d'un accord commun de débuter une collaboration ensemble – car oui, Seo Changbin composait depuis ses dix ans !
À dix-huit ans, pendant les vacances précédant la fin de son lycée, alors qu'il était à son petit boulot de caissier dans une supérette, il fut témoin d'une conversation pour le moins intéressante entre deux lycéens : ils parlaient d'un soi-disant CB97 et d'un SpearB comme étant de potentiels futurs artistes. Et le jeune adolescent châtain à cette époque ne cessait de clamer des louanges sur leur talent à son ami aux tâches de rousseurs, et d'à quel point il souhaitait les rencontrer pour avoir un avis sur ses propres compositions. Agréable surprise pour l'un comme pour l'autre puisque Chan leur sourit en dévoilant son identité suivi d'un clin d'œil. Et son bonheur grandit en voyant Han Jisung devenir intenable et timide à la fois, sous le regard exaspéré de Lee Felix.
Peu après, lors d'une réunion avec Changbin et Jisung, le duo de rappeurs amateurs fut témoin de la prestation incroyable de celui qui les avait rejoints. Et Chan en fut heureux. Il n'avait pas le côté surdoué de Changbin qui composait et rappait à ses heures perdues tout en tenant ses cours à jour, ayant même sauté une classe par le passé ; il n'avait pas non plus le talent quasiment inné de Jisung pour la composition ou pour sa voix si versatile, mais ce n'était pas grave. Seule sa détermination, sa passion et son ambition lui suffisaient amplement. Et il en était sûr : à eux trois, ils allaient aller loin. Très loin.
À son entrée à l'université, Chan avait négocié avec la directrice pour pouvoir louer un studio d'enregistrement rien que pour eux trois. Changbin, en classe de terminale, et Jisung, en première, travaillaient avec lui depuis désormais un an, et toutes leurs compositions ne cessaient de percer, au point qu'il leur fallait désormais une identité d'artiste : 3RACHA. Une idée idiote de Changbin, combinée aux blagues de Jisung et à l'amour irrationnel de Chan pour cette sauce trop piquante pour sa langue trop sensible. Et tous trois furent témoin de leur succès grandissant, surtout auprès de la jeune génération, sans que jamais les camarades de classe des deux plus jeunes ne les soupçonnent de faire partie de ce groupe si populaire.
Quelques mois plus tard, Chan fut témoin d'une vision de Felix, alors qu'ils attendaient Jisung devant leur lycée après s'être fait coller pour bavardage incessant. Felix lui avait tout expliqué concernant ce qu'il appelait des visions, mettant ainsi son aîné au courant de sa vulnérabilité, mais aussi de son passé assez difficile et de sa relation quelque peu conflictuelle avec ses parents. Ils avaient beaucoup parlé ce jour-là, et Chan lui promit qu'un jour, ils feront ensemble un voyage sur les terres australes, leurs terres d'origine. Eh oui, l'Australie lui manquait, mine de rien.
Plusieurs semaines plus tard, en rentrant dans le studio d'enregistrement par hasard afin de continuer à composer seul pour avancer, Chan fut témoin d'une dispute entre Changbin et Jisung. Enfin, plus exactement, il était intervenu juste avant que Jisung ne saute sur Changbin pour entamer une véritable bagarre. Jamais il ne pensait qu'un jour, ses deux coéquipiers se regarderaient avec une telle fureur et une telle haine dans les yeux ; et il avait soudainement vu son destin si sûr vaciller de peu. En tant qu'aîné, Chan s'était senti responsable de la situation, et avait fermé la porte du studio à clé en forçant ses deux cadets à s'asseoir à leur place, face à face. Puis il avait initié lui-même la discussion pour trouver une solution, mais surtout souhaitant comprendre pourquoi ils avaient failli en venir aux mains. La raison était en réalité très simple : ils vouaient une énorme jalousie l'un envers l'autre, et ce depuis le début de leur collaboration. Jisung enviait la capacité du noiraud à composer absolument tous les types de chansons, il enviait son rap si sec, si dur, si cool. Changbin, lui, jalousait la voix si changeante du plus jeune, il jalousait sa façon si mélodieuse de rapper, mais aussi de chanter et de mettre ses émotions à nu dans leurs compositions, un talent très rare surtout à un si jeune âge. Les non-dits étaient souvent sujets à des discordes brutales, et c'était le cas ce jour-là. Chan avait alors décidé qu'ils allaient travailler ensemble sur ça, que ses deux cadets se forceraient chaque jour à encourager l'autre à progresser, plutôt que de vouloir à tout prix s'approprier de force ses talents. Ce fut la première et dernière véritable dispute entre eux.
Un an plus tard, Chan fut témoin d'un changement radical sur Changbin à peine un mois après son entrée à l'université. Il ne souriait jamais quand ce n'était pas nécessaire, pourtant, l'ombre d'un micro sourire apparaissait de temps à autre, en plus de sa voix toute guillerette à la fin de chaque cours. Et après une enquête secrète plus poussée avec Jisung, ils avaient découvert que celui qui le rendait ainsi n'était autre que Lee Minho, le jeune danseur sans pouvoir qui traînait avec eux de temps en temps.
Cela faisait un petit moment que Chan ne fut plus témoin d'autre chose de particulier depuis. Mais bien évidemment, il ne pouvait se soustraire à son rôle de témoin, peu importe la situation. Peut-être qu'un jour deviendra-t-il un réel acteur ?
En attendant, en ce moment, il était clairement témoin de la scène horrible qui se jouait devant ses yeux...
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