Entracte - Special
9 avril – 21:29
Depuis le dîner, le jour suivant s'était écoulé paisiblement. La nouvelle du pouvoir de Minho avait été difficile à croire pour le groupe d'amis, et finalement, Felix s'était porté garant pour lui apprendre à maîtriser son pouvoir nouvellement déclaré, étant donné les similitudes de contrôle entre leurs dons.
Ce soir-là était le dernier soir avant leur retour à Séoul. Après le dîner, Jeongin avait exceptionnellement pu se déroger à ses corvées ménagères, en profitant ainsi pour préparer avec Chan leur retour à la capitale. Mais contrairement à ce qu'il devait faire, quelque chose chamboula ses plans.
Il fut convoqué à la réunion des exorcistes haut placés de la famille, une première pour lui.
Convenablement vêtu, Jeongin frappa à la porte où se trouvait la réunion, situé dans le bâtiment appartenant à son grand-père, avant de pouvoir rentrer sous son autorisation.
La pièce était aussi grande que le dojo de son oncle, à l'exception qu'elle était agencée différemment, avec plus d'ornements de valeurs accrochés aux murs. Autour de la grande table, une dizaine d'individus étaient assis en tailleur, tous le regard posé sur le nouveau venu. Il avait pu reconnaître rapidement ses deux oncles, sa tante et l'un de ses cousins, qu'il salua d'un hochement de tête.
Le jeune lycéen déglutit en refermant la porte, et croisa le regard de Mingyu, qui le conforta un peu face à ce malaise.
« Bonsoir, Jeongin.
À l'autre bout de la table, son grand-père se tenait là, imposant. Le rose s'inclina légèrement, avant de redevenir aussi droit qu'un poteau.
— Je suppose que tu te doutes de ta présence ici.
Il ne fallait pas réfléchir trois mille ans pour comprendre que la cause de cette réunion de crise était sans doute son écart d'il y a quelques jours.
— Vous comptez me punir plus sévèrement quant à l'exorcisme que j'ai effectué plus tôt, supposa-t-il sur un ton neutre.
— C'est déjà fait, et Mingyu s'en est très correctement chargé, répondit le grand chef. Non, si tu es ici, c'est parce que tu es relié directement à toute cette histoire. Et je vais demander ta coopération.
Il fronça les sourcils, mais opina lentement, attendant d'en savoir plus.
— Le démon qui s'en prend à toi et tes camarades est Belial. Celui ou celle qui a contracté avec lui a donné son fils en sacrifice, et nous le savons, ce n'est clairement pas ton père. Si tu ne l'as pas trouvé avant, c'est parce qu'il ne figure pas dans le livre d'apprenti exorciste, que tu as très certainement gardé.
Le vieil homme fit un signe à l'un des exorcistes, qui donna à Jeongin un livre aussi épais que le bouquin se trouvant chez lui. Il le détailla et fut surpris de voir que c'était le manuel de niveau avancé des exorcistes.
— Tu seras sous la charge directe de Mingyu, continua son grand-père. Il ira avec toi à Séoul, et je vous chargerai d'éradiquer Belial ensemble, en plus de m'apporter une preuve. Il n'apparaitra sans doute pas tout de suite étant donné les circonstances, mais nous savons que le lien qui vous unit permettra de le repérer et le neutraliser plus facilement.
— Je... c'est un honneur pour moi que vous me fassiez autant confiance, mais...
Jeongin baissa la tête en se pinçant les lèvres, et déclara :
— Je ne sais pas si j'ai la capacité d'éliminer un démon aussi puissant... J'ai entendu dire que même des exorcistes de niveau cinq n'avaient pas réussi, je ne sais pas si moi, qui ai échoué à l'examen il y a quelques années, pourraient vous être d'une grande aide...
— Mingyu m'a rapporté tous les faits te concernant, Jeongin. Et il va sans dire que je considère que tu as la capacité de pouvoir le vaincre. Ton don divin te le permet, et ton pouvoir est un outil plus que suffisant pour le confronter. D'autant plus que tu l'as confronté de face une fois, il est clair que tu es plus que capable. Sinon, je ne t'aurai pas demandé cette faveur.
Comment son grand-père pouvait être au courant pour son don paranormal ? Il jeta un coup d'œil à son oncle, qui préféra l'ignorer bien évidemment.
— Tu suivras un enseignement poussé avec Mingyu, continua le vieil homme. Je te chargerai de débusquer ce démon et de t'en occuper dans les plus brefs délais. Tous tes agissements et ceux de tes camarades devront m'être rapporté, des plus futiles aux plus importants. Je t'autorise à te servir de l'exorcisme lorsque ça te sera nécessaire, et ça nous permettra de collecter des données pour mieux appréhender le démon. Qu'en penses-tu ?
Tous les regards se posèrent sur le rose, accroissant son sentiment de malaise. Il avala sa salive et releva la tête, ne se laissant pas abattre pour autant.
— Je vous remercie pour votre proposition, mais je refuse.
Des murmures s'élevèrent dans la salle, et une certaine agitation commençait doucement à poindre, rapidement tût par le chef Yang. En un regard, il lui demanda de s'expliquer sur son refus ; visiblement, il n'y croyait pas.
— Je ne regrette pas d'avoir échoué l'examen, argumenta Jeongin sans se laisser démonter. J'ai quitté Busan en faisant une croix sur ma vie d'exorciste, et j'en suis heureux. J'ai peut-être été déprimé pendant presque deux ans, et je ne sais peut-être toujours pas ce que je veux, mais maintenant, je suis fier de ce que je suis devenu. Ma vocation d'exorciste n'était peut-être qu'une étape dans ma vie, mais le fait d'y avoir mis fin signifie beaucoup pour moi. Et l'avoir pratiqué illégalement m'a prouvé que je peux toujours garder cette capacité en moi sans pour autant l'exploiter régulièrement. Alors que ce soit aujourd'hui, demain ou dans quinze ans, j'ai déjà pris ma décision : l'exorcisme, ce n'est plus pour moi.
Son discours sembla clouer le bec à tous les exorcistes présents. Le vieil en face de lui souffla du nez sans jamais quitter son petit-fils des yeux. Jeongin ressentit un frisson désagréable parcourir son échine de se faire dévisager de la sorte.
— Tu auras la majorité l'an prochain, n'est-ce pas ?
La question prit de court le lycéen, qui hocha lentement la tête, sans comprendre où il voulait en venir.
— Nous t'avons trouvé une compagne, annonça-t-il sur un ton sans appel. À tes dix-huit ans, tu te marieras et auras une progéniture afin de faire prospérer la famille Yang. Bien entendu, tes parents sont déjà au courant, et sont entièrement d'accord avec ça.
Jeongin écarquilla les yeux, complètement abasourdi par la nouvelle. Tout d'un coup, plus rien importait à ses yeux, à part cette nouvelle pour le moins absurde.
— Ton pouvoir divin est essentiel pour notre famille. Il faut le faire prospérer. Et si tu ne souhaites pas le mettre à profit du temple, tes enfants s'en chargeront pour toi à ta place.
Le rose vacilla quelque peu, mais se tint tout de même sur ses deux pieds. Il coula un regard vers son oncle préféré, et fut encore plus ahuri : Mingyu détournait le regard en se pinçant les lèvres, contractant sa mâchoire, sans doute sous la tension ambiante.
— Attendez, vous n'avez pas cherché à m'arrêter quand j'ai décidé de partir, et maintenant que je reviens, vous voulez me priver de ma liberté ?! S'emporta-t-il.
— Si on m'avait dit que tu possédais un pouvoir aussi puissant, tout aurait été différent, Jeongin.
Quelque chose clochait. L'air semblait changer subitement, devenant de plus en plus lourd. Jeongin baissa la tête en se concentrant sur sa respiration, à la fois pour ne pas éclater de colère mais aussi pour ne pas montrer une quelconque autre expression.
— J'ai toujours pensé que tu étais talentueux par le passé. Mais maintenant, je sais que ce n'était pas du talent, mais un cadeau du ciel, et il faut le préserver à tout prix.
La température sembla chuter drastiquement, le figeant sur place.
Il osa un regard vers le bout de la table, et vit quelque chose qui aurait pu le faire trembler s'il ne se contrôlait pas un minimum : une aura sombre et difforme émanait du chef Yang, mais également de certains exorcistes présents autour de la table.
Il baissa la tête presque illico, sentant la peur transpirer de ses pores.
— C'est loin d'être un dilemme, Jeongin. Sois tu élimines ce démon et nous rapporte la preuve de sa mort, sois tu vis une vie de civil, en procréant et en transmettant ton don de Dieu à tes enfants, mais en leur enseignant la voie de l'exorcisme, bien entendu. Mais tu ne peux pas mettre un pied dans l'exorcisme et un autre dans la vie de civil, encore moins avec un pouvoir comme le tien, ce n'est pas possible. Et pas un mot à tes petits camarades.
Ce n'était pas son grand-père. Il le sentait au plus profond de son âme. Et là, maintenant, il devait fuir.
Il tourna les talons en sortant, entendant malgré lui une phrase qu'il ne voulait pas entendre :
— Je sais que tu feras le bon choix, Jeongin. »
Puis il claqua la porte derrière lui en pressant le pas. Son esprit en mode automatique, il se dirigeait à pas lourd en direction du bâtiment de Mingyu, mettant de côté cette réunion effrayante qu'il venait de vivre.
Il fallait qu'il se calme, qu'il réfléchisse à tête reposée.
Il se trouvait déjà dans le dojo de son oncle. Il s'apprêtait à grimper les escaliers menant à l'étage, mais une voix qu'il ne connaissait que trop bien vint le stopper :
« Jeongin, attends !
Le rose leva les yeux au ciel en se retournant : il a fallu que Mingyu le rattrape, bien évidemment.
— Pas besoin que je t'écoute, tu avais l'air parfaitement au courant et en accord avec tout ça ! S'emporta Jeongin en serrant les poings.
— Ne fais pas l'idiot ! Te mettre à dos le chef, c'est te mettre à dos tout le temple !
— Et alors ?! Tu n'as rien dit quand il m'a posé ce foutu ultimatum ! Comme si mon sort t'importe si peu !
Il se tourna pour partir mais fut soudainement immobilisé. Un regard en coin lui indiqua que Mingyu utilisait son pouvoir sur lui, l'empêchant de fuir la situation.
— Il... C'était la seule solution ! Argua-t-il en le retenant fermement à distance. Je n'aurais peut-être pas dû lui parler de ton pouvoir, mais si je ne le faisais pas, tu allais recevoir un pire châtiment !
Il tenta de bouger un bras, sans succès. C'était comme si son corps s'était soudainement encré dans le sol, l'empêchant même de bouger un orteil.
— Ah donc tu comptes te retourner contre moi, c'est ça ? Parvint-il à répliquer. Vas-y alors, je te retiens pas ! Comme si tu ne m'avais pas assez déçu comme ça !
— Tu ne sais pas ce que tu dis, Jeongin ! Ouvre les yeux, et rends-toi compte de la réalité !
Plus question de se retenir, cette fois-ci. La colère l'emporta sur la raison, et Jeongin balança à distance la table sur son oncle, lui faisant relâcher sa prise sous la surprise. Il fit volteface en tendant le bras vers tous les éléments mobiles qui lui venaient sous la main, les ramenant tous sur l'exorciste qui essayait d'esquiver et de se protéger des projectiles.
— Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre de la réalité ! Vociféra le plus jeune. Je ne veux plus rien à voir avec le temple, et encore moins avec un temple où les hauts gradés sont corrompus !
Il fut une nouvelle fois immobilisée sur place, tandis que Mingyu se rapprochait de lui en hurlant :
— Ce n'est pas de la corruption ! Tant qu'il sera vivant, ton grand-père décidera de ce qui est le mieux pour le temple ! Et ça vaut pour toi aussi ! T'es son petit-fils et le sang des Yang coule dans tes veines jusqu'à preuve du contraire !
— Mon grand-père est mort !
Mingyu se tut soudain sous le ton employé par son neveu, le relâchant subitement. Et le temps qu'il retourne cette information dans son cerveau, Jeongin le poussa brutalement en ajoutant :
— Il est mort depuis des mois ! Tu le saurais si tu allais lui servir toi-même ses repas ! Tu le saurais en sentant à quel point la puanteur est pestilentielle dès que tu ouvres la porte de sa chambre !
— Qu'est-ce que tu racontes encore comme conneries... il était en face de nous, tu l'as aussi bien vu que–
— Ce n'était pas lui ! C'était un démon qui a pris sa place !
L'exorciste laissa retomber ses bras le long de son corps, fixant simplement Jeongin, cherchant à savoir s'il mentait. Malheureusement pour lui, ce dernier était tellement en colère que même blesser son oncle adoré lui importait peu.
— Tu mens... c'est impossible...
Évidemment, ça devait être difficile à croire pour lui, car avant même d'être le grand-père de Jeongin, avant même d'être le chef de la famille Yang, il était le père de Mingyu.
— Putain mais va voir par toi-même si t'es si convaincu qu'il est vivant ! Mais moi, je ne veux plus rien avoir affaire avec lui !
Il lui lança un dernier regard sombre avant de se précipiter dans les escaliers, ajoutant au passage sur un ton glacial :
— Le taxi vient nous prendre à six heures trente demain devant le portail. Maintenant, tu fais ce que tu veux de cette info, j'en ai plus rien à battre. »
Jeongin grimpa les escaliers quatre à quatre, traversa le couloir rapidement et ouvrit la porte de la chambre qui lui était assignée.
À l'instant son regard se posa sur Chan, debout au milieu de la pièce à faire les cent pas, son esprit sembla faire redémarrer son corps pour le remettre en mode manuel. Refermant lentement la porte, tous les souvenirs de la précédente heure l'assaillirent brutalement. Ce fut comme une explosion en lui, un trop plein qui s'était accumulé au point de lui faire perdre la tête, et des larmes se mirent à couler sur ses joues alors qu'il se jeta dans les bras du brun en tremblant, le faisant reculer jusqu'à se cogner contre le bureau.
« Tout va bien, Jeonginnie, je suis là. »
Chan lui caressait doucement les cheveux. Il l'enlaçait chaleureusement en le berçant subtilement. Il lui murmurait des mots doux pour le calmer. Son odeur emplissait ses narines et envahissait son cerveau, faisant partir tous les nuages noirs qui tachaient son âme et son cœur.
L'aîné les fit basculer sur le lit le plus proche, le sien en l'occurrence, et entremêla leurs jambes ensemble. Il lui fit un baiser sur la tempe en le serrant davantage contre lui, faisant de son mieux pour le calmer au moins jusqu'à ce qu'il s'endorme.
Et Jeongin se laissa faire. Même si les sentiments de Chan à son égard n'étaient pas encore assez forts, même s'il n'était pas encore sûr de ce qu'il voulait, il voulait croire qu'il le comblait d'amour en cet instant – et c'était réellement le cas.
Demain sera un autre jour.
Demain, il reviendra à Séoul pour continuer sa vie là où il l'avait laissé.
Demain, il fera tout pour penser au lendemain sans craindre ce que l'avenir lui réservait...
___
[2 519 mots]
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro