15 avril – 00:27

« Allô ? Seungmo ?

À peine eût-il décroché que Minho n'entendit rien à l'autre bout du fil... Ah si : des reniflements et une respiration bien trop rapide pour être normale.

— Seungmin, tu m'entends ?

— Je– Minho...

Alors il s'était bien passé quelque chose. Il se replaça plus convenablement, ramenant une jambe sous sa cuisse pour plus de confort.

— Je suis là, tout va bien maintenant. Bon, je suis chez Changbin actuellement, mais ça va, je t'écoute.

— Mmh... désolé de t'avoir dérangé...

— Mais non, voyons. Qu'est-ce qu'on avait dit sur ça ? Tu ne me dérangeras jamais, Seungmin. Dis-moi ce qu'il se passe.

Il l'entendit renifler une nouvelle fois. Son cœur se serra, ça devait être vraiment grave pour qu'il soit dans cet état.

— Je– je viens d'avoir... une vision... mais...

Le grisé fronça les sourcils. Habituellement, Seungmin n'en était pas si retourné...

— Je–... c'était trop réel... j'avais l'impression de pas être seul... je sais pas ce que c'était...

— Tout va bien, Seungmin. Je suis là, maintenant.

— Mmh.

Il laissa passer un instant de silence, puis se souvint qu'il avait quelque chose à lui dire aussi, avant de lui avouer ce qui lui brûlait les lèvres depuis peu.

— Seungmin, faut que je t'avoue un truc.

— ... À propos des visions ?

— Ouais. J'ai complètement oublié de te le dire quand c'est arrivé, mais j'en ai eu une il y a dix jours.

Il entendit l'eau couler dans la salle de bain, et comprit que Changbin avait enfin commencé sa douche.

— C'est pas si grave que ça, non ? Enfin, t'as le droit de ne pas me le dire.

— Non, le problème, c'est que... je ne sais pas combien de temps celle-ci a duré...

Silence...

— Je comprends pas, Minho, c'est vraiment grave ?

Minho changea de position pour être plus confortable sur le canapé, puis déclara gravement :

— S'il te plait, ne t'énerve pas. Quand c'est arrivé, j'étais dans une des salles de danse de ma fac. Et tu sais que dans les salles de danse, y a toujours au moins un miroir.

— ... Ouais ?

— Lorsque j'ai eu une vision, habituellement, je regarde ce qu'il y a autour de moi... Alors c'est ce que je fais... mais...

— Tu t'es regardé dans le miroir ?

— C'est ça... Je ne veux pas te faire peur, mais quand tu as une vision, ne regarde jamais ton reflet dans un miroir, ou toute autre surface où tu peux voir ton reflet et l'environnement autour de toi.

— Minho, il s'est passé quoi durant la vision ?!

— Tu viens d'en avoir une effrayante ! Pas question que je te fasse peur davantage–

— C'est bon, je vais mieux ! Mais je dois savoir ce qu'il s'est passé !

Il ne lâcherait pas l'affaire, visiblement. Le danseur soupira et déclara doucement :

— Quand je me suis regardé dans le miroir, j'ai vu des... sortes d'esprit, âme, ou tout ce que tu veux, mais c'étaient pas des trucs visibles... Bref. J'ai vu aussi mon reflet... Ce n'était pas moi, et ça n'avait pas l'air d'être un double maléfique aussi... Mais ce truc a tenté de me tuer...

— Quoi ?! Et tu comptais me le dire quand ?

— Tu avais des exams, Seungmin ! Plus le fait que j'avais mes cours à penser ! J'allais pas t'embêter avec ça !

— Ouais, sauf qu'on est deux dans le même bateau, je te signale ! J'aurais dû être au courant plus tôt ! Imagine si j'avais regardé un miroir lors de ma vision ! On peut même pas en parler à Hyunjin, en plus !

— On peut très bien lui en parler ! C'est toi qui– »

Silence. Peur. Tension.

Minho releva lentement la tête, souhaitant que ça ne soit pas réel. Pourtant, les particules qui voletaient autour de lui prouver que ce n'était pas un rêve.

C'est pas possible ?!

« Minho ? Résonna la voix inquiète de son ami à travers le combiné. Tout va bien ?

Serrant son téléphone, la peur commençant à venir en lui, le grisé lui ordonna distinctement :

— Seungmin, ne raccroche sous aucun prétexte, s'il te plait.

— Qu'est-ce qu'il se passe, Minho ? Tu me fais peur, là.

Il déglutit bruyamment, avant d'annoncer d'une voix neutre :

— J'ai une vision.

Si seulement le silence était apaisant.

— Là maintenant ?

— Là maintenant. Putain, c'est pas normal, Seungmin !

— Comment c'est possible ?! T'as eu ta vision il y a dix jours !

— Je sais ! Je le sais bien, ça !

— Il est où, Changbin ?

Même ses propres pensées s'emmêlaient face au changement brusque d'environnement.

— Avant la vision, il était dans la douche, ou dans sa chambre, je sais plus.

— Je raccroche pas, promis ! »

Le pire était sans doute que Minho ne se sentait pas seul, bien au contraire. Mais là, en cet instant, il fallait qu'il s'occupe l'esprit, sinon il allait perdre la tête...

« Raconte-moi une histoire, une anecdote, ta journée ou n'importe quoi, quémanda-t-il en tremblant malgré lui. Mais parle en continu, s'il te plait.

Il entendit un froissement de tissu à l'autre bout du fil, puis Seungmin raconta :

— Ok, euh... ce– ce week-end, mon père m'a appris une recette de cuisine... à base de brocolis... Mais tout le monde sait que les brocolis sont vraiment dégueux, juste après les choux de Bruxelles...

— Putain, il a dû t'apprendre un gratin au brocolis, haha...

— Presque, c'était une sorte... quiche... tu...

— Seungmin ? Seungmin ?! »

L'appel grésilla étrangement. Minho appelait le nom de son ami en vain, enfin, jusqu'à ce qu'une voix inconnue prononce son nom, et de la pire des manières :

MiNhOoOo~

Le danseur se leva brusquement et lâcha immédiatement le téléphone qui retomba sur le tapis dans un bruit sourd, le haut-parleur s'activant en s'échappant de ses mains. Un mélange de cette même voix démoniaque et de celle de Seungmin sortait du cellulaire, toujours appelant son nom incessamment.

« Minho ? »

Il ne sut comment, il pivota lentement la tête avec un tel courage, et vit Changbin, debout et propre, la mine inquiète. Mais le grisé restait figé, incapable de prononcer un seul son. Son regard revint sur son téléphone, toujours par terre. Il vit l'écran buguer, puis afficher un message, mais il était trop pétrifié pour ne serait-ce que s'en approcher, donc impossible à déchiffrer.

Et l'instant d'après, l'écran redevint normal, et tout l'environnement pesant s'évanouit. Pourtant, Minho ne bougea pas d'un pouce, trop retourné par ce qu'il venait de lui arriver.

Changbin ramassa le téléphone et le rapprocha de son oreille.

« Putain Minho ! Réponds, je t'en supplie ! Me laisse pas !

— Allô ?

— ... Changbin, c'est ça ? Il est où, Minho ? Il va bien ?

— Ouais, juste... un peu secoué, j'ai l'impression.

— Dieu merci ! Passe-le-moi, s'il te plaît !

Le noiraud tendit le téléphone à son propriétaire, qui le jaugea longuement avant de le saisir avec crainte.

— Seungmin... désolé, je–...

— Tu vas bien ?! On ne t'a rien fait ? »

Malgré le haut-parleur actif, c'était comme si Minho ne l'entendait pas assez fort. Changbin s'apprêtait à partir pour lui laisser un peu d'intimité, mais une main tira sur sa manche ; et en se retournant, son aîné lui suppliait du regard de ne pas le laisser seul à nouveau. Alors ils s'assirent lentement sur le canapé, les deux entendant toute la conversation qui avait lieu entre Minho et Seungmin.

« J'ai besoin... de calme... vraiment désolé, Seungmin...

— Repose-toi. Je t'appellerai demain. Et je t'ai déjà assez embêté comme ça.

— Tu ne me déranges jamais, je te l'ai dit. »

Le grisé, bien trop secoué par tout ça, lui souhaita une bonne nuit avant de couper leur conversation. Il avait besoin de se changer les idées.

« Allonge-toi, je reste jusqu'à ce que tu dormes. »

Il tourna la tête vers Changbin, qui lui lançait un regard compatissant. Il acquiesça et s'exécuta, se mettant le plus à l'aise sur ce canapé, plongeant immédiatement dans un sommeil profond.

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