7 avril – 14:01

En ce début d'après-midi, le ciel était quelque peu dégagé, mais l'air marin se faisait sentir partout dans l'atmosphère. La plupart avait profité de leurs vacances improvisées pour faire du tourisme pour visiter Busan, ou même se baigner dans la mer tant les températures étaient plus qu'agréables, ce qui n'était pas le cas des normales de saison habituellement.

Et puis il y avait Yang Jeongin, jeune lycéen qui pleurait sur son sort en nettoyant le parquet de la pièce de vie du bâtiment de son oncle. Pour créer un semblant d'ambiance de vacances, il avait ouvert toutes les fenêtres et portes coulissantes séparant la salle de l'immense jardin, laissant l'air traversé tout le dojo. Mais malheureusement, la sérénité n'était pas au rendez-vous.

Ça devait faire au moins six heures qu'il nettoyait partout, se plaignant de crampes aux poignets par non-habitude à ces activités physiques et manuelles. Il avait même tenté d'utiliser sa télékinésie plus d'une fois, mais à chaque fois, son oncle se trouvait dans le coin et le rappelait à l'ordre avec grand plaisir, sans cesser de le menacer de corvée de ménage et de lessive dans tout le temple s'il recommençait.

Alors que le bout de parquet brillait de mille feux sous ses nombreux coups de serpillère, Jeongin plongea et mélangea encore une fois le liquide devenu grisâtre dans le seau, à force d'accueillir la poussière.

« Salut.

Il sursauta en émettant un petit cri et faillit en lâcher la serpillère. Il fit volteface pour découvrir l'auteur de sa presque bêtise, et il fut surpris de voir Lee Minho se tenir face à lui, un torchon à la main.

— Oh, Minho, ne me refais plus jamais une frayeur pareille ! T'imagines si tout le seau s'était renversé !

— Excuse-moi, je suis juste venu en renfort.

Le rose fronça les sourcils et se tourna pour être complètement face à lui.

— Euh... t'es sûr ? Parce que c'est quand même long...

— T'inquiète, ça me fait plaisir ! Les 3RACHA travaillent sur notre son, et les autres sont partis à la plage. Je n'avais rien à faire et je n'avais pas franchement l'envie de sortir, alors me voilà !

Il réfléchit un instant, pesant le pour et le contre... Bon, il y avait plus de pour que de contre, et puis, un peu d'aide ne lui serait pas de refus, honnêtement.

— Merci, je suppose... Si tu veux, tu peux nettoyer les meubles ? Y a un plumeau et des lingettes qui trainent dans le seau gris.

— Ça marche.

Avant qu'il ne reprenne, Jeongin se tourna vers lui et prévint :

— Aussi, n'utilise pas ton pouvoir. Je sais pas où est mon oncle, mais comme je n'ai pas le droit d'utiliser le mien, il guette tous mes faits et gestes pour s'assurer que je ne m'en serve pas. Donc je pense que tu n'auras pas le droit non plus.

— Oh ! D'accord, mais ça ira, je n'ai pas de pouvoir. »

Il reprit le nettoyage de son sol lorsque son cerveau capta une nouvelle fois ce que Minho venait de lui dire.

« Attends, sérieux ?! S'exclama-t-il en se retournant. Mais comment tu fais au quotidien, du coup ?

Au moins, il avait une personne avec qui tuer le temps, c'était cool.

— Comme n'importe qui l'aurait fait, je présume ? Je fais tout à la main, et je me bats uniquement avec mes poings et mes pieds si nécessaire, c'est d'ailleurs pour ça que j'ai fait de l'art martial pendant des années. Bref, faut bien pallier l'absence de pouvoir avec autre chose.

— Mais ça doit être triste du coup. Tes camarades ont tous un pouvoir, et toi, tu ne peux même pas te joindre à eux dans les petites bagarres, et même dans les compétitions, tu es désavantagé.

— C'est vrai, c'est pour ça que je me sers aussi de ma tête. Si je veux surpasser les autres, il faut se servir de ses poings et de son cerveau, même si ce ne sera jamais suffisant. On te le rappelle bien trop souvent, malheureusement...

Le rose vit le regard du grisé s'attrister légèrement, avant de reprendre sa bonne humeur soudainement.

— Mais bon, c'est de l'histoire ancienne, tout ça ! Je vous connais maintenant, et je sais que vous me traiterez d'égal à égal, avec ou sans pouvoir.

— Oh euh... c'est gentil, merci. »

Puis ils restèrent dans le silence, nettoyant chacun de leur côté la partie qu'ils s'étaient assignés. Jeongin était tout content de pouvoir parler un peu plus avec Minho, c'était celui pour qui il avait fait tout ça après tout.

« Sinon, je n'ai pas eu le temps de te le dire avant, entre le voyage, les séances de purification et tout ça...

Le plus jeune se tourna à nouveau vers Minho, qui lui faisait face. Son expression neutre lui fit un peu peur, il n'était pas habitué à voir des personnes si peu expressives s'adresser à lui en face.

Sans qu'il ne s'y attende, le grisé s'inclina légèrement devant lui. Ce n'était pas tous les jours que quelqu'un s'incline ainsi face à lui, alors qu'un aîné le fasse, il y avait de quoi être surpris.

— Merci infiniment pour tout, Jeongin. Je te dois même ma vie pour avoir fait ce que tu as fait. Tu ne sais pas à quel point je te suis reconnaissant.

— A-ah mais euh... Je...

Jeongin, complètement embarrassé, chercha ses mots, se rendant bien compte de la situation. Pendant ce temps, Minho se redressa et affichait un léger sourire. Le rose se racla la gorge et lui dit alors :

— Tu ne me dois rien, j'ai fait ça parce qu'il fallait que je le fasse... Enfin, pas uniquement pour me donner bonne conscience, hein, mais aussi parce que ce... cette chose menaçait non seulement ta vie, mais aussi la mienne et celle des autres.

— C'est encore mieux alors. Tu nous as tous sauvé, et je t'en remercie profondément.

— Ah, euh oui, oui ! Merci à toi de m'avoir fait confiance, surtout. »

Minho reposa le plumeau, ayant visiblement terminé de retirer toute la poussière. Il prit une lingette et entreprit de faire briller comme il le put tous les meubles en bois massif et en fer qui s'offraient à lui.

« Tu as lu ton cahier, du coup ?

— Le cahier noir ? Ouais, et j'ai même pu rajouter pas mal d'infos dedans avec ce que Monsieur Yang nous a dit. Le bon point, c'est que nous saurons comment réagir si Changbin ou Sungie, ou n'importe qui d'autre tombent en vision.

— Ouais... Je suis vraiment désolé pour eux, si j'avais fait plus attention, ils n'auraient pas–

Sans qu'il ne s'y attende, le grisé arrêta ce qu'il faisait pour maintenir Jeongin par les épaules. Ce dernier se sentit tout petit face à lui, intimidé par l'aura imposante qu'il dégageait. Étonnant, ça avait été l'inverse quand il l'avait confronté la veille.

— Jeongin, tu as fait de ton mieux pour nous sauver Felix, Seungmin et moi, le rassura-t-il d'une voix douce. J'ai bien vu ton état juste après avoir scellé le démon, et je pense que tu as fait même plus que ce que tu étais capable de faire.

— Je sais, mais...

— Il n'y a pas de mais. Tu nous as tous sauvé, et je pense qu'il fallait s'attendre à ce que ce démon trouve une alternative chez les autres. Tu as été capable de réaliser ce que Chan et Hyunjin n'ont pas réussi depuis des semaines, tu nous as prouvé que tu n'étais pas simplement le petit lycéen qui est rentré dans l'histoire contre son gré.

— Tu sais... j'aurais pu agir depuis longtemps, mais je ne l'ai pas fait...

— Tu avais des obligations, et tu as dû les outrepasser rien que pour nous. Ne m'en veux pas, mais hier soir, tu parlais un peu trop fort pour qu'on ne t'entende pas.

— Ah...

Le rose soupira en se remémorant la conversation de la veille avec ses parents. Si Minho et Chan l'avait entendu, alors tout le monde avait sans doute dû l'entendre...

— Je te rassure tout de suite, Changbin était parti à la douche à ce moment-là, ajouta Minho en voyant la mine confite de son cadet. Il n'y avait que moi dans la chambre.

— C'est du pareil au même, les autres ont dû très certainement l'entendre aussi...

— Lino !! »

Les deux jeunes hommes se retournèrent pour voir Jisung arriver vers eux, tout sourire, suivi de Changbin et Chan. Le blond vint s'arrêter à une distance respectable de Minho et débita rapidement :

« Devine qui a terminé ton son avec Binnie et Lix !

— C'était rapide, commenta-t-il en se tournant vers les deux autres.

Jeongin et Chan échangèrent un regard furtif avant de détourner les yeux, gênés au plus haut point. Le plus jeune se maudit de ne pas être allé le voir tout de suite après son entrevue avec son oncle, préférant fuir en se plongeant dans sa corvée.

Et en tournant les yeux, son regard accrocha le visage de Changbin, visiblement un peu bougon. Un coup d'œil en direction de Minho et Jisung lui fit comprendre qu'il semblait être visiblement jaloux. Quelque chose se tramait entre lui et Minho, c'était sûr.

— C'est surtout Chan qu'il faut remercier, répondit Jisung en entourant passant un bras sur l'épaule du brun. Sans lui, tu peux être sûr qu'on aurait mis plus de deux semaines à le finir !

— Ce n'est pas grand-chose, répliqua-t-il gentiment avec un signe de la main. Et c'est surtout que je l'ai fini plus rapidement qu'avant d'avoir remonté le temps, je me souvenais encore des configurations que j'avais fait.

— Lino, dis-lui que c'est un génie de la musique ! Il ne veut rien entendre ! »

Le noiraud croisa les bras en gardant son visage fermé. Jeongin donna un coup de coude à Chan pour attirer son attention, lui indiquant son ami et collègue rappeur.

Chan lui fit un clin d'œil avant de se diriger vers Changbin, lui glissant sans doute quelques mots réconfortants à l'oreille. Quant à Jeongin, il se chargea d'attirer l'attention des deux autres qui discutaient gaiement, mais s'arrêta dans son élan, remarquant quelque chose qu'il n'avait jamais vu auparavant : entre Minho et Jisung, un filin rouge flottant dans les airs reliait leur deux cœurs.

Le rose s'approcha d'eux en tentant de le saisir, sous leur regard perplexe, mais sa main traversa le fil.

« Tout va bien, Jeongin ? Lui demanda le grisé, un peu surpris par son geste.

Il se tourna vers le danseur, déboussolé par sa découverte, puis secoua la tête avec un sourire :

— Oui ! Excuse-moi, j'ai cru voir un insecte voler entre vous ! »

Le regard du grisé sur lui lui fit comprendre qu'il avait compris qu'il mentait, mais il préféra taire ses questions en voyant Jisung s'agiter, croyant le plus jeune sur parole.

___

[1 783 mots]