Chapitre 12
11 mai – 16:22
La dernière vision de Minho s'était déroulée dix jours après la précédente, celle bien trop longue où il était accompagné de Jisung, Hyunjin et Seungmin. Et avec Changbin au courant désormais, il avait pu passer sa dernière vision assez tranquillement.
Car lorsque c'était arrivé, Minho était en plein cours. Heureusement que Changbin était d'un naturel bavard, car c'est lui qui avait remarqué l'état alarmé de son ami, complètement figé à côté de lui. Alors naturellement, il lui avait pris la main doucement et avait entrelacé ses doigts avec les siens, le calmant peu à peu.
Et Minho avait découvert une sensation bien nouvelle en tenant sa main. À tel point qu'il avait complètement délaissé l'environnement pesant du monde parallèle de sa vision pour se concentrer dessus. Entre le pouce qui effectuait des cercles invisibles sur le dos de sa main et les milliers de fourmillements provoqués par leur contact, il se sentait comme enfermé dans une bulle protectrice qui ne pouvait éclater. Tant et si bien qu'il ne s'était même pas rendu compte que sa vision s'était arrêtée.
Le lendemain après-midi, le jeune danseur était avachi sur le sofa d'une des salles d'enregistrement que les 3RACHA louaient. Il attendait l'arrivée d'au moins un des membres, car Changbin avait un cours optionnel que Minho ne suivait pas, Chan était en entretien avec une agence pour un futur stage, et Jisung devait arriver juste après le lycée.
Et pour tuer le temps, Minho observait sa main gauche, cette main qui avait tenu celle de Changbin. Il se souvenait encore de la grande main agréable de son ami, si douce et si chaleureuse. Il se souvenait des nombreuses sensations électrisantes qu'il avait ressenti, et ce n'était pas à cause du pouvoir du rappeur.
La porte du studio s'ouvrit et se referma, laissant s'engouffrer Bang Chan, tout souriant. Le danseur se redressa en le saluant.
« Alors, ton entretien ? Lui demanda-t-il en décalant ses affaires.
— Je ne vais pas dire que c'est concluant, mais je sens que c'est vraiment un bon début ! Annonça fièrement le brun.
— Tant mieux alors.
Chan se mit à l'aise et alluma ses logiciels d'enregistrement. Il saisit la pile de partitions que le grisé lui tendait, l'analysant une à une.
— C'est vraiment bien pour une première en solo, fit-il en reposant les partitions. Tu t'es échauffé ?
— Ouais. J'ai plutôt hâte de voir ce que ça donne. »
Minho se leva et s'étira, fin prêt pour enregistrer sa composition. Il se posta devant le micro, saisit le casque en laissant, et ensemble, les deux étudiants passèrent une bonne heure à enregistrer sa voix.
Après l'enregistrement de deux couplets et du refrain, la porte s'ouvrit à nouveau, mais en claquant cette fois-ci, laissant s'engouffrer Jisung, et à la surprise générale, Felix également. Avec une entrée fracassante, les presque jumeaux hurlèrent leur joie à tue-tête, ignorant les étudiants qui les regardaient bizarrement. Ce fut le regard noir de Chan qui les fit taire immédiatement.
« Bon, vous avez quoi, tous les deux ? Demanda Minho, curieux de connaître la raison de leur joie.
Les deux plus jeunes s'échangèrent un regard complice, et Felix leur annonça avec bonheur :
— Devinez qui a réussi à sortir de sa vision sans l'aide de Jisung !
— Sérieux ? S'étonna Chan en reposant son crayon. Comment t'as fait ?
— Mon petit poussin a grandi, commenta Jisung en essuyant dramatiquement une fausse larme. C'est incroyable ! »
Le regard de Minho passait entre les deux australiens, un peu perdu. Il avait chargé Jisung de parler à Felix de ses visions à lui et Seungmin, et de ce qu'en savait également Hyunjin, ce qui expliquait sa facilité à en parler. Néanmoins, il ne se doutait pas le moins du monde que Chan était déjà au courant, c'est pourquoi il questionna Jisung du regard. Il comprit instantanément et expliqua :
« J'ai oublié de te le dire, Chan est déjà au courant des visions de Felix. Tu veux lui en parler aussi ?
Le danseur coula un regard vers son aîné, prenant le temps de l'analyser. Bang Chan n'était pas du genre à crier les secrets sur tous les toits, et était une personne extrêmement compréhensible et de confiance. Son côté paternel pourrait sans doute l'aider dans le futur, il en était certain.
Minho ne prit pas la peine de répondre au blond, se sentant prêt à en parler avec le plus âgé.
— Chan, est-ce qu'on peut parler, s'il te plait ? Felix aussi, ce serait bien que tu en entendes un peu plus de ma bouche.
Les deux australiens se tournèrent vers lui, un peu surpris. Felix s'assit sur l'un des accoudoirs du siège de Chan, qui lui sourit gentiment.
— Bien sûr, dis-nous tout. »
Alors Minho lui expliqua tout sur ses propres visions et celles de Seungmin, comme il l'avait fait à Changbin. Il le mit au courant du danger imminent de ses visions, et de ce qu'il pourrait arriver si jamais il atteignait le dernier stade décrit par Hyunjin. Bien évidemment, il lui transmit les coordonnées de ses deux meilleurs amis si jamais il lui arrivait quoi que ce soit.
Changbin fit son apparition alors qu'ils avaient passé à la session de Questions-Réponses improvisée. Il s'affala sur le sofa, ignorant les plaintes de Jisung lorsqu'il l'écrasa de tout son poids.
« C'est une bonne chose que tu me l'aies dit, Minho, déclara Chan, l'air pensif. Au moins, je saurais peut-être t'aider à en sortir. J'ai déjà assisté à une des visions de Felix, et j'avoue que de manière extérieure, ça m'a l'air effrayant.
— Si Felix te voit, il y a peut-être des chances que je te vois aussi pendant mes visions, opina le grisé en haussant les épaules. »
Le danseur se leva puis se dirigea vers la porte, qu'il ouvrit légèrement.
« Je reviens, je vais aux toilettes.
— Je t'accompagne, coupa Changbin en se levant. Hors de question de te laisser tout seul, pas même trente secondes.
— C'est bon, Binnie, j'ai eu ma vision hier. Il y a peu de chances qu'une autre arrive là maintenant.
Les trois autres s'échangèrent un regard surpris : depuis quand ils étaient aussi familiers entre eux ? Bon, il y avait plus important.
— Sauf qu'avec ce que tu nous as raconté la dernière fois, on ne sait pas quand elle pourrait arriver, rétorqua Jisung en ôtant sa veste. L'intervalle entre ta vision d'hier et celle où on s'est retrouvés était de dix jours, et l'intervalle entre celle dont je parle et la précédente encore était d'une semaine. Donc en soi, on ne sait jamais quand elle viendra, Lino.
— Je ne veux pas te faire peur davantage, Minho, mais mieux vaut ne prendre aucun risque, ajouta Felix.
Le grisé les toisa un à un, pesant le pour et le contre. Il valait mieux prévenir que guérir, disait-on. Il soupira et finit par capituler :
— J'ai compris. Qui veut m'accompagner ?
— Je viens avec toi. »
Pour accompagner ses paroles, Chan se leva à la seconde suivante. Visiblement, il souhaitait que sa mission de protection envers son cadet commence dès maintenant.
Ils marchèrent côte-à-côte en silence. Seul le brouhaha des étudiants qui rentraient enfin chez eux se répercutaient contre les murs. Enfin ils arrivèrent au lieu désiré.
« Promis je reste uniquement devant la porte ! Rit Chan en exécutant ses propres paroles, joignant ses mains devant lui de manière solennelle.
— Très bien, je compte sur toi, garde du corps ! S'amusa Minho en refermant la porte derrière lui.
— Crie si jamais il t'arrive quelque chose.
— Ça marche ! »
Il était seul dans les toilettes des hommes, donc en soi, il serait tranquille. Le grisé rentra dans une cabine pour faire ce qu'il avait à faire, et ressortit deux minutes plus tard pour se laver les mains. Chaque geste était censé être normal, propre et sécurisé, contribué par un environnement sain.
Pourtant, tout se passa très vite. Lorsqu'il ouvrit le robinet pour rincer ses mains pleines de savon, tout l'environnement autour de lui changea : des particules flottaient devant son nez, et la température de l'air venait de baisser d'un cran. Son souffle se coupa, et il retira brusquement ses mains de l'eau, dont la couleur variait désormais entre le pourpre et le noir en plus de la chaleur étrange qu'il en ressentit.
Le cœur battant, Minho recula jusqu'à se cogner contre l'une des cabines, agitant frénétiquement ses mains dans les airs pour les sécher, mais surtout pour retirer la moindre goutte de cette eau trouble et tiède. Seul le robinet toujours ouvert brisait ce silence de mort. Les yeux rivés sur l'eau amarante et sombre qui coulait encore et toujours, il éleva la voix d'un ton tremblant :
« C-Chan ? Tu es toujours là ?
Il attendit à peine quelques secondes avant de recevoir une réponse de l'autre côté de la porte :
— Toujours. Tout va bien ?
Un regard à sa gauche fit comprendre à Minho qu'il était en pleine vision : le mur était sale et noirci. Heureusement qu'il avait écouté ses amis, finalement.
— Minho ? Tu veux que je rentre ? »
Ce dernier ferma les yeux, analysant la distance qui le séparait de la porte : quatre pas et demi, si on ne comptait pas son geste pour pivoter vers la droite sans perdre l'équilibre. C'était beaucoup trop long, il n'aurait jamais le temps de l'atteindre les yeux fermés. Et surtout, peut-être que l'être qui le menaçait se trouvait à sa droite, ou devant lui, ou derrière lui... Et il était dans des toilettes, pile face au grand miroir.
Il était quasiment pris au piège.
« Eh, Minho.
Il sursauta en ouvrant les yeux, évitant le miroir de justesse, et se tourna vers sa droite : Chan était debout, bras le long du corps, expression neutre au visage, devant la porte fermée. Il faillit se jeter dans ses bras, mais son cerveau le stoppa net avant un quelconque geste, carburant à toute vitesse pour analyser la situation.
La porte n'avait jamais été ouverte, sinon elle aurait grincé. Bang Chan n'était jamais rentré dans les latrines, celui qui était devant lui était un imposteur. Non, le vrai Bang Chan était encore resté de l'autre côté de la porte, il pouvait même en voir la poignée un tantinet abaissée.
— Chan, je suis en pleine vision ! Cria-t-il sans jamais détourner les yeux de l'imposteur, prêt à en découdre. J'ai un faux Chan juste devant la porte qui– »
Il n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit de plus que l'imposteur se retrouva pile devant lui sans qu'il ne sache comment, le forçant à reculer en détournant le regard. Finalement, il n'avait plus l'air d'être le vrai Bang Chan tant son teint était livide et son expression était factice.
Mais il n'eut le temps de se faire cette réflexion, car à cet instant, Minho croisa les yeux de son reflet dans le miroir, ou plutôt les yeux écarlates du monstre qui le poursuivait.
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