Chapitre 1
15 avril – 00:06
Seungmin se réveilla en sursaut, serrant davantage contre lui Daengmo, son chien en peluche, pour se rassurer. Il frotta son visage déformé par les larmes contre la peluche, cherchant à calmer ses pleurs.
Car il avait fait un rêve, ou plutôt, un cauchemar.
Il se revoyait encore tenant son téléphone en tremblant, alors qu'un inconnu l'avait appelé au sujet d'une vision de Minho.
Il se revoyait ordonner à Jeongin de rentrer chez lui et de ne le suivre sous aucun prétexte.
Il se revoyait courir à en perdre haleine jusqu'à l'université où étudiait le grisé, Hyunjin sur ses talons, et bien étrangement silencieux.
Il se revoyait croiser un certain Changbin dans les couloirs, sans même comprendre comment il avait pu le reconnaître, outre le fait qu'il était SpearB, membre de 3RACHA, avant de le suivre là où se trouvait Minho.
Il revoyait Minho, attaché à une chaise, alors qu'un grand brun le surveillait du regard, qu'il reconnut comme CB97, membre et leader des 3RACHA dont il ne connaissait le vrai nom, et que Felix était écroulé au sol, dans les bras de Jisung, dernier membre des 3RACHA répondant au pseudonyme de J.One.
Il revoyait Hyunjin foncer droit sur Minho en lui assénant un coup de poing, puis un deuxième, avant de se faire arrêter par CB97.
Il revoyait le regard perçant de Minho sur lui, alors qu'il ne reconnaissait plus son meilleur ami, son grand frère de cœur et son confident.
Il le revoyait cracher sur lui comme le ferait un vil serpent.
Il se revoyait plonger en pleine vision, découvrant un endroit désert, comme si tout avait été rasé, et au loin, une tornade gigantesque de sable qui se rapprochait d'eux à vue d'œil.
Il se revoyait dévisager chaque personne présente, qu'il pouvait voir étrangement, même ceux qui lui étaient inconnus.
Il revoyait Minho qui, autour de lui, était enveloppé d'une aura si sombre, si maléfique.
Il se revoyait échanger un regard avec Felix puis Changbin, avant de hurler ensemble en déchaînant leur pouvoir respectif sur Minho.
Puis tout s'était arrêté d'un coup.
Seungmin était sûr d'avoir tout ressenti. C'était bien trop réel, et même si sa raison lui ordonnait de rationaliser, une part de lui était certain que tout ce qu'il avait rêvé s'était réellement déroulé.
Non, non, impossible. Oublie tout ça et rendors-toi, idiot.
Mais lorsqu'il releva la tête, il constata avec effroi que la chaleur ambiante de sa chambre avait laissé place à la froideur oppressante de sa vision. Mais depuis quand ?
Il ne savait quand il avait été plongé dans sa vision : quand il s'était réveillé, ou pendant son sommeil ? Il était même presque certain que son cauchemar avec quelque chose à voir avec ça.
Mais là, il avait bien trop peur pour réfléchir correctement. Il était seul, dans sa chambre qui se trouvait à l'étage, alors que celle de ses parents était au rez-de-chaussée.
Une sensation nouvelle vint cependant le menacer : il ne se sentait pas seul. Comme si quelque chose le fixait du regard. Comme si cette chose cherchait à l'attaquer.
Et il sut : Seungmin était en danger.
Pourtant, son corps refusa de bouger, se recroquevillant sur lui-même sous la couverture. Ses yeux balayaient sa chambre devenue hideuse avec la vision, sans jamais trouver l'auteur de ses peurs. Mais il savait qu'il était là, tapi quelque part.
Le jeune lycéen rassembla tout son courage et rabattit la couverture sur sa tête, tentant de créer un cocon protecteur, en vain. Seul Daengmo l'aidait à ne pas perdre pied, comme s'il était la seule attache qu'il lui restait.
Dans le silence de la nuit, il entendit soudain un souffle. Pas assez fort, puisque la couverture faisait barrière entre ses oreilles et l'extérieur, mais suffisamment pour qu'il comprenne bien que ce n'était pas un bruit normal. De toute façon, il était en pleine vision, donc rien ne serait normal.
Des images de son précédent cauchemar défilèrent devant ses yeux, et il ferma les paupières en priant pour sortir de là, les doigts serrés contre sa peluche. Il entendit à nouveau le souffle : il se rapprochait.
Son cœur se mit à battre un peu trop fort, et il se sentit perdre peu à peu de l'air, tout comme il entendit ses bronches commencer à siffler. Oh non, pas une crise maintenant !
La peur lui nouait les entrailles. L'effroi l'empêchait de penser correctement. Savoir qu'un monstre le guettait, prêt à l'attaquer, ne fit que le plonger plus profond dans sa torpeur. Chaque fois qu'il fermait les yeux, il revoyait les scènes atroces de son cauchemar. Et dès qu'il ouvrait les yeux, la réalité le frappait durement, lui rappelant allègrement qu'il ne sortirait pas aussi facilement de sa vision.
Il était comme pris au piège.
Il commençait à sentir la présence démoniaque être bien plus proche de lui. Il pouvait désormais entendre son souffle erratique et chaud.
Alors, comme dernière tentative, Seungmin enfouit son visage baigné de larmes dans le ventre de son doudou, et marmonna assez fort :
« Allez-vous-en ! Laissez-moi tranquille ! »
Évidemment, il sentit son pouvoir se déchainer dans sa chambre puisqu'il entendit ses nombreux cahiers se faire feuilleter à toute vitesse. Heureusement qu'il avait l'habitude de coincer sa couverture sous son corps et de correctement s'entortiller dedans ; vu la bourrasque qu'il avait provoquée, un seul geste et son seul moyen de protection se serait envolé.
Et soudain, la chaleur de sa chambre revint. Seul un livre tomba au sol, signe de son pouvoir un peu trop puissant.
Lentement, il descendit la couette au niveau de son nez, observant sa chambre : il était sorti de sa vision. Il attendit encore quelques minutes, histoire d'être sûr de ne pas rêver, avant de sortir précipitamment de son lit, saisir son téléphone qui chargeait sur son bureau et de ressauter dans son lit en se roulant à nouveau en boule dans la couverture, Daengmo contre lui.
Il n'attendit pas plus longtemps et appuya sur le dernier contact récent de son carnet d'appels, qui n'était autre qu'un certain Lee Minho.
La tonalité sonna. Une fois. Deux fois. Trois fois...
À la quatrième fois, Seungmin lâcha inconsciemment des larmes ; si même lui ne lui répondait pas, qu'est-ce qu'il allait faire ?
C'est juste avant la cinquième sonnerie que l'appel fut décroché.
« Allô ? Seungmo ? Fit la voix à l'autre bout du fil.
Sa gorge se bloqua soudain : qu'est-ce qu'il allait lui dire ? Il avait décroché, il devait bien parler maintenant. Mais toutes ses pensées s'entremêlaient entre elles : entre son cauchemar, sa vision... Et en plus, peut-être qu'il dérangeait Minho à une heure aussi tardive ? Peut-être l'avait-il réveillé ? Peut-être que–
— Seungmin, tu m'entends ?
Il sursauta à l'entente de son nom, et s'emmêla dans ses phrases :
— Je– Minho...
— Je suis là, tout va bien maintenant. Bon, je suis chez Changbin actuellement, mais ça va, je t'écoute.
Il avait raison, il l'embêtait bien en ce moment même.
— Mmh... désolé de t'avoir dérangé...
— Mais non, voyons, coupa Minho presque instantanément d'une voix douce. Qu'est-ce qu'on avait dit sur ça ? Tu ne me dérangeras jamais, Seungmin. Dis-moi ce qu'il se passe.
Seungmin hocha lentement la tête, oubliant que son aîné ne pouvait voir son geste. Il renifla en essuyant ses joues d'un revers de manche, et répondit doucement :
— Je– je viens d'avoir... une vision...
Il se redressa un peu mieux dans son lit pour être plus confortable, et continua en tentant de maîtriser ses hoquets :
— Je–... c'était trop réel... j'avais l'impression de pas être seul... je sais pas ce que c'était...
— Tout va bien, Seungmin, le rassura-t-il calmement. Je suis là, maintenant.
— Mmh.
Minho avait toujours eu les mots justes pour le rassurer. Et puis, ils se comprenaient, puisqu'ils vivaient quasiment la même chose sur ce côté-là. Et c'était leur quotidien : vivre des visions et se le raconter, pour comprendre pourquoi ils étaient les seuls à se retrouver dans un monde parallèle dévasté et vide d'humains à des périodes aléatoires de leur vie, et pourquoi ils voyaient certaines personnes et pas d'autres.
— Seungmin, faut que je t'avoue un truc.
Son attention se reporta sur Minho, surpris par ses paroles.
— ... À propos des visions ?
— Ouais. J'ai complètement oublié de te le dire quand c'est arrivé, mais j'en ai eu une il y a dix jours.
Si c'était il y a dix jours, peut-être avait-il oublié de le prévenir, tout simplement.
— C'est pas si grave que ça, non ? Enfin, t'as le droit de ne pas me le dire.
— Non, le problème, c'est que... je ne sais pas combien de temps celle-ci a duré...
— Je comprends pas, Minho, c'est vraiment grave ? Fit-il en fronçant les sourcils.
Il l'entendit bouger légèrement, puis déclarer d'une voix bien plus grave :
— S'il te plait, ne t'énerve pas. Quand c'est arrivé, j'étais dans une des salles de danse de ma fac. Et tu sais que dans les salles de danse, y a toujours au moins un miroir.
— ... Ouais ?
— Lorsque j'ai eu une vision, habituellement, je regarde ce qu'il y a autour de moi... Alors c'est ce que je fais... mais...
— Tu t'es regardé dans le miroir ?
— C'est ça... Je ne veux pas te faire peur, mais quand tu as une vision, ne regarde jamais ton reflet dans un miroir, ou toute autre surface où tu peux voir ton reflet et l'environnement autour de toi.
Mais de quoi il parlait ? Perdant patience, Seungmin se mit presque à hausser le ton en oubliant l'heure tardive :
— Minho, il s'est passé quoi durant la vision ?!
— Tu viens d'en avoir une effrayante ! Pas question que je te fasse peur davantage–
— C'est bon, je vais mieux ! Mais je dois savoir ce qu'il s'est passé !
Il l'entendit soupirer, puis enfin, expliqua :
— Quand je me suis regardé dans le miroir, j'ai vu des... sortes d'esprit, âme, ou tout ce que tu veux, mais c'étaient pas des trucs visibles... Bref. J'ai vu aussi mon reflet... Ce n'était pas moi, et ça n'avait pas l'air d'être un double maléfique aussi... Mais ce truc a tenté de me tuer...
— Quoi ?!
D'un coup, tous les souvenirs de sa précédente vision revinrent le hanter. Seungmin secoua la tête et pour se sortir tout ça, il s'exclama :
— Et tu comptais me le dire quand ?
— Tu avais des exams, Seungmin ! Se justifia Minho sur le même ton. Plus le fait que j'avais mes cours à penser ! J'allais pas t'embêter avec ça !
— Ouais, sauf qu'on est deux dans le même bateau, je te signale ! J'aurais dû être au courant plus tôt ! Imagine si j'avais regardé un miroir lors de ma vision ! On peut même pas en parler à Hyunjin, en plus !
— On peut très bien lui en parler ! C'est toi qui– »
Minho se tut de lui-même, bien trop brutalement pour que ce soit naturel. Inquiet, Seungmin vérifia qu'il n'avait pas raccroché, puis demanda d'une voix moins forte :
« Minho ? Tout va bien ?
Il entendit son souffle à travers le combiné, avant qu'il ne lui dise d'une voix bien distincte :
— Seungmin, ne raccroche pas, s'il te plait.
Alors là, c'était le comble : Minho qui lui demandait de ne pas raccrocher ? C'est que ça devait être vraiment grave.
— Qu'est-ce qu'il se passe, Minho ? Tu me fais peur, là.
— J'ai une vision.
Rien que le mot vision lui donna des frissons.
— Là maintenant ?
— Là maintenant. Putain, c'est pas normal, Seungmin !
Évidemment que ce n'était pas normal. Surtout lorsqu'il se souvint de ce que lui avait dit Minho quelques secondes auparavant, et s'exclama :
— Comment c'est possible ?! T'as eu ta vision il y a dix jours !
— Je sais ! Je le sais bien, ça !
— Il est où, Changbin ?
— Avant la vision, il était dans la douche, ou dans sa chambre, je sais plus.
— Je raccroche pas, promis ! »
Oh non, il n'allait pas raccrocher. Minho l'avait toujours soutenu, alors c'était à lui d'en faire de même pour son aîné, pour une fois.
« Raconte-moi une histoire, une anecdote, ta journée ou n'importe quoi, lui ordonna-t-il d'une voix légèrement tremblante. Mais parle en continu, s'il te plait.
Seungmin s'assit dans son lit, calant sa peluche contre lui et sa couette bien jusqu'à son menton. Il réfléchit à toute vitesse, et commença à balancer la première chose qui lui vint à l'esprit :
— Ok, euh... ce– ce week-end, mon père m'a appris une recette de cuisine... à base de brocolis... Mais tout le monde sait que les brocolis sont vraiment dégueux, juste après les choux de Bruxelles...
— Putain, il a dû t'apprendre un gratin au brocolis, haha... l'entendit-il.
— Presque, c'était une sorte de tarte ou quiche. Ce serait marrant si tu m'en fais une à la carotte, ou–
— Seungmin ? Seungmin ?!
Son cœur rata un battement en entendant Minho l'appeler incessamment.
— Minho, tu m'entends ? Minho ! »
Il eut beau prononcer son nom, même le plus fortement possible, il entendit juste son aîné l'appeler lui, sans jamais l'entendre. Soudain, il entendit un gros boum, et comprit que le téléphone de Minho était tombé au sol. Mais surtout, est-ce que Minho allait bien ? Est-ce qu'il lui était arrivé quelque chose ?
Son sang ne fit qu'un tour avant qu'il ne se mette presque à hurler son nom, omettant que ses parents pouvaient l'entendre. Toutes les possibilités tragiques traversèrent son esprit, et les larmes reprirent de plus belle, tout comme son pouvoir qui se remit à faire des siennes à nouveau, faisant voleter les objets les plus légers autour de lui.
« Putain Minho ! Réponds, je t'en supplie ! Me laisse pas !
— Allô ?
Ce n'était pas la voix de Minho. Un peu d'espoir vint lui embaumer le cœur. Il ravala sa salive et marmonna :
— Changbin, c'est ça ? Il est où, Minho ? Il va bien ?
— Ouais, juste... un peu secoué, j'ai l'impression, lui répondit-il presque instantanément.
— Dieu merci ! Passe-le-moi, s'il te plaît !
Il perçut un mouvement à l'autre bout du fil, puis enfin il entendit à nouveau la voix de son meilleur ami :
— Seungmin... désolé, je–...
Soulagé, Seungmin souffla un coup en demandant un peu trop brusquement :
— Tu vas bien ?! On ne t'a rien fait ? »
Il se rallongea dans son lit, collant son portable contre sa joue.
« J'ai besoin... de calme... vraiment désolé, Seungmin...
Bon, c'était normal après tout, il venait sans doute de vivre une vision effrayante au point qu'il ne puisse en parler.
— Repose-toi. Je t'appellerai demain. Et je t'ai déjà assez embêté.
— Tu ne me déranges jamais, je te l'ai dit. »
Seungmin acquiesça doucement avec un petit sourire et le salua avant de le laisser raccrocher de son propre chef. Puis il reposa son téléphone sur sa table de nuit, tentant de se rendormir.
Évidemment, il ne ferma pas une seule fois l'œil de la nuit.
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