Maxence ne prit pas la peine de prévenir son supérieur de son départ, non. Il partit en trombe vers l'hôpital, c'est tout.

Puis il monta quatre à quatre les marches qui le menaient au service dans lequel était Agathe, parce que l'ascenseur était trop long à venir.

Arrivé au 5ème étage, il chercha du regard sa femme, mais elle n'était évidemment pas là. À la place, il vit Florian et ses parents, et se dirigea vers eux. La vieille femme pleurait, et son mari semblait prêt à exploser. Ce n'est rien de grave, pensa Maxence. Ses beaux-parents avaient toujours été émotifs après tout.

Mais le regard de Florian ne trompait pas. Et lorsqu'il l'interrogea, la phrase qu'il lui répondit lui fit perdre les pédales :  « Il y a un problème avec le bébé ».

Maxence n'eut pas vraiment le temps de demander des explications, parce qu'une infirmière vint le chercher, en demandant qui était « le père du bébé ». Pas le mari d'Agathe non. Juste « le père du bébé ».

On l'emmena dans ce qui semblait être un bloc opératoire. Il vit Agathe.

« Mais il doit y avoir une erreur Mademoiselle, le bébé est prévu pour dans deux mois, il ne faut pas le sortir maintenant ! Mademoiselle ! »

Alors l'infirmière lui expliqua calmement qu'ils n'avaient pas le choix.

Oui, c'est avec un calme olympien qu'elle lui dit que sa femme faisait une hémorragie et que s'ils ne sortaient pas l'enfant maintenant, les deux étaient condamnés.

Alors, Maxence prit la main de la future maman. Il lui murmura qu'il l'aimait, qu'elle était forte et que tout irait bien. Que le bébé, bien qu'arrivant en avance, allait être en parfaite santé.

Mais Agathe n'avait pas la force de lui répondre. Les seuls mots qu'elle réussit à prononcer, ce fut pour lui dire qu'elle l'aimait, et que quoi qu'il arrive, ce serait toujours le cas.

Maxence pleura.

« Madame, vous perdez beaucoup trop de sang. Il faut refermer. Fil de... 

- Non ! Non, vous m'entendez ? »

Agathe venait d'interrompre le médecin.

« Si vous me refermez, mon fils va mourir, n'est-ce pas ?

- Disons... Disons qu'il sera très compliqué de..

- Ne me refermez pas. Sortez le.

- Nous ne pouvons pas faire ça, je suis désolé. Si nous ne refermons pas immédiatement, vous allez perdre trop de sang pour que la transfusion ne soit efficace, ce n'est pas possible, je suis désolé, l'hémorragie est trop abondante.

- Je m'en contrefiche docteur de votre hémorragie. Sauvez mon bébé. Si vous devez choisir entre lui et moi, savez mon bébé. »

Mais, l'air ahuri, les médecins ne réagissaient pas. Alors, Agathe puisa dans ses dernières forces, et cria à tous qu'ils se devaient de sauver l'enfant, et malgré les protestations de Maxence, ils s'activèrent. Et c'est ce qu'ils firent. Le bébé fut sauvé, pendant que sa mère se vidait de son sang.

Les pleurs du nouveau-né envahirent la pièce.

Lorsque qu'Agathe prit l'enfant dans ses bras, une larme roula le long de sa joue, et elle lui chuchota des paroles que lui seul entendit « Mon fils, je donne ma vie pour la tienne. Je regrette de ne pas pouvoir te voir grandir, je regrette tellement de ne pas avoir la chance de te connaitre. Mais sache que je t'aime Achille, ta mère t'aime, et je t'aimerai toujours, où que je sois ».

Car c'était une certitude à présent. Agathe allait mourir.

—

"- Oh mon amour... Si tu savais comme je t'aime, je t'en supplie, ne pars pas Agathe, notre fils a besoin de toi, j'ai besoin de toi...

- Mon amour... Tu vas y arriver, je le sais. J'ai confiance en toi pour élever notre fils comme je l'aurais fait. Je t'aime, j'emporte mon amour pour vous avec moi, jamais il ne s'éteindra. Je sais, je sais que ce n'était pas ce qu'on voulait, mais j'ai eu une belle vie.

- J'aurais tellement voulu qu'on passe plus de temps ensemble..."

Dans la vie, il y a ce qu'on aurait dû faire, ce qu'on aurait pas dû, et l'inévitable. Ce qu'on ne maitrise pas.

Ce qui est arrivé à Agathe fait partie de ces choses, et ça, Maxence ne pourra jamais s'en vouloir.

Agathe allait mourir parce qu'elle avait donné la vie.